Action humanitaire, droit et culture des réfugiés peuls de l’Est-Cameroun : entre le souhaitable et le réalisable


Insaniyat n° 99, janvier-mars 2023, p. 49-65


D. KEMGUEU FÉKOU: Université de Ngaoundéré, Département de sociologie/anthropologie, Ngaoundéré, Cameroun.


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« Bouleverser les habitudes des gens, même dans leur propre intérêt, ne va pas sans étincelles », 
MEDOU-MVOMO R, Afrika Ba'a, Yaoundé, Clé, 1979.

« Nous respecterons les cultures, coutumes et traditions de tous les peuples et éviterons d'adopter des comportements qui sont inacceptables dans un contexte culturel particulier » (UNHCR, 2004 : p. 8). Ainsi proclame, dans son code de conduite, le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR)[1]. Cette déclaration fait allusion aux principes à observer par l’agence onusienne et ses différents partenaires humanitaires, pendant  la mise en œuvre des programmes d’assistance aux réfugiés. Ces programmes sont articulés autour des valeurs d’humanité, de liberté, de dignité, etc. Ces valeurs, présentées comme étant le socle d’un monde davantage juste et solidaire, entraînent les organisations humanitaires (généralement d’origine occidentale) à clamer solennellement le respect des bénéficiaires, et la prise en compte de leurs cultures dans les différents programmes à mettre en œuvre. Mais, une observation des principes et valeurs de ces organisations, paradoxalement très souvent en contradiction avec les coutumes et valeurs des peuples assistés, nous conduit à questionner certains de ses aspects. En effet, la guerre civile centrafricaine qui a éclaté en décembre 2012 a provoqué un déplacement massif de populations des préfectures de l’Ouest[2] vers les pays voisins. Celles-ci, presque essentiellement de religion musulmane, constituées en majorité du groupe ethnique peul, s’étant retrouvées au Cameroun, vont bénéficier de l’action humanitaire[3]. L’implémentation de cette action dont on ne peut nier l’importance pour ses bénéficiaires nous interroge, tout de même, en certains de ses volets, notamment en ce qui concerne ses politiques de planning familial et de lutte contre le mariage précoce. Dès lors, comment comprendre la logique des politiques de planning familial et de lutte contre le mariage précoce sur des sites de réfugiés, du moment que la priorité est censée être orientée vers les besoins nécessaires de base[4] ? Les objectifs officiels, souhaités par ces politiques sont-ils réalisables ? Ces interrogations peuvent ne pas être nouvelles. Il peut alors sembler aventureux de les poser à nouveau. C’est que la messe paraît avoir été dite sur cette problématique[5]. Or, on constate, après une revue de ces savoirs existants, que beaucoup reste à faire pour parvenir à une meilleure compréhension de la logique des politiques de planning familial et de lutte contre le mariage précoce sur un site de réfugiés et quelques fois en situation d’urgence.

Il est question, dans cet article, de remettre ce sujet en chantier dans l’optique d’en apporter une plus-value grâce à la théorie du choc culturel telle qu’énoncée par l’anthropologue Kalervo Oberg (Oberg, 1954). En effet, le « choc culturel » permet, dans ce travail, de démontrer que la culture occupe une place de choix et a un impact fort sur l’action humanitaire et son déploiement. La culture gouverne le comportement et l’attitude des acteurs sur le terrain. Il s’agit, à travers une observation empirique[6] associée à une enquête par entretiens semi-directifs de 400 individus, de mettre en examen la logique qui détermine les politiques de planning familial et de lutte contre le mariage précoce et surtout la capacité des activités, des outils juridiques, à répondre aux besoins et aux attentes réelles des populations des sites de réfugiés à partir des cas de ceux de la Région de l’Est du Cameroun[7]. L’article questionne ainsi le système de normes internationales en matière de planning familial et de lutte contre le mariage précoce, dont on sait aujourd’hui les fourvoiements qu’elles créent à chaque intervention humanitaire. Force est de constater que les chartes des valeurs, codes de conduite, etc., de ces organisations y sont inopérants  car le fossé se révèle énorme entre le prescrit et la réalité sur le terrain. Dans l’essentiel de cas, ces outils techniques se révèlent à la fois surestimés et infructueux.

En effet, il ressort de l’enquête que les peuls observés pratiquent ce que la norme humanitaire qualifie le mariage précoce (c’est le mariage contracté avant l’âge de 18 ans)[8]. Ceux-ci rament également à contre-courant des prescriptions du planning familial, compris comme l'ensemble des moyens qui concourent au contrôle des naissances, dans le but de permettre aux femmes et donc aux familles de choisir à quel moment elles auront un enfant[9]. Cet état de chose fait que le bilan de la mise en œuvre de ces politiques demeure, en somme, très mitigé. La majorité des bénéficiaires continue de vivre dans leurs pratiques culturelles propres, quand elle n’a pas adopté de comportements nouveaux et inattendus (Boudon, 2009). Il convient de préciser, avant de continuer, que cette recherche vise essentiellement à questionner la logique à laquelle obéissent les politiques de planning familial et de lutte contre le mariage dit précoce sur des sites de réfugiés. Nous voulons d’emblée souligner qu’il n’est pas question de vouer aux gémonies ces politiques chez les peuls des sites de réfugiés de l’Est Cameroun ou même ailleurs. Alors, loin d’encourager le départ massif de jeunes filles en mariage ou même de plaider pour une ouverture des vannes d’une procréation en série, il est simplement question d’interroger la logique fondatrice de ces politiques et l’objectif poursuivi.

Le planning familial et la lutte contre le mariage précoce : une volonté d’exportation des formalisations sociales occidentales et ses contradictions

En guise de célébration de la première édition de la journée internationale des filles, le 11 octobre 2012, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) et ses partenaires se penchaient sur la thématique du mariage des enfants. Aujourd’hui encore, des témoignages en rapport avec ce phénomène sont diffusés par des organisations nationales et internationales ; des activités à l’issue desquelles des recommandations et résolutions sont prises, les statistiques sont éloquentes. Mais alors, quelles sont les bases et logiques qui déterminent ces choix qui se veulent normatifs et même contraignants ? Comment les codifie-t-on ? Le constat est que les outils techniques sur lesquels est assis ce volet précis de l’action humanitaire sont conçus et construits autour des modèles occidentaux. Généralement, il s’agit des façons de faire propres à cette aire culturelle et en tentative d’universalisation. Les paradoxes de ces politiques viennent de la volonté de lier l’action humanitaire à la diffusion de certaines valeurs.

Volonté d’universalisation des façons de faire occidentales

Bien que proclamant, comme nous le mentionnions plus haut, le respect des cultures, coutumes et traditions de tous les peuples tout en évitant d'adopter des comportements qui sont inacceptables dans un contexte culturel particulier, l’UNHCR ajoute à la suite de cette disposition et dans le même paragraphe que : « toutefois, lorsque la tradition ou la pratique sera considérée par l'organe compétent des Nations Unies comme directement contraire à un instrument ou à une norme du droit humanitaire international, nous suivrons l'instrument ou la norme des droits de l'homme qui s'applique » (UNHCR, 2004 : p. 8).

Nations Unies, droit humanitaire international, droit de l’homme ! Ces concepts politico-juridiques aux contours et contenus presque toujours flous et incertains. Des normes et principes édictés par les uns et imposés aux autres. Et pour cause ? Rappelons que c’est le 10 décembre 1948, que les 58 États membres qui constituaient alors l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies adoptaient à Paris au Palais de Chaillot, ce qui allait être la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), (résolution 217 A (III)). En effet, il faut noter, pour le souligner, que la « commission des droits de l’homme comprenait 18 membres de divers horizons politiques, culturels et religieux. Eleanor Roosevelt, la veuve du Président américain Franklin D. Roosevelt, présida le comité de rédaction de la DUDH. À ses côtés, se trouvaient le Français René Cassin, qui écrivit le premier texte de la Déclaration, le Rapporteur du comité, le Libanais Charles Malik, le Vice-Président Peng Chung Chang de la Chine, et John Humphrey du Canada, Directeur de la division des droits de l’homme des Nations Unies, qui prépara le premier plan de la déclaration » (www.un.org consulté le 18 octobre 2017).

On constate, ainsi, qu’aucun Africain ou pays africain n’était représenté parmi les pays membres qui constituaient l’Assemblée générale qui a adopté ce document à cette époque-là, à forte raison dans la commission qui l’a rédigé ; même s’il est vrai que l’essentiel de ces pays africains a ratifié ces textes après leur accession à l’indépendance. 

Pourtant, les pratiques prônées par ces instruments sont très souvent en contradiction avec le mode de vie des populations subsahariennes, chez lesquelles ces instruments sont comme par le fait du hasard, presque toujours opérationnalisés. C’est ainsi que sur les politiques de planning familial et lutte contre le mariage précoce (on peut aussi y associer la lutte contre les violences basées sur le genre et la protection de l’enfance) sur l’ensemble des quatre sites de réfugiés où a eu lieu cette enquête, le fossé est énorme entre les thèmes de sensibilisation et la réalité sociale, entre l’idéel, l’idéal et le possible, entre ce que l’on souhaiterait faire et ce que les circonstances économiques, sociales et surtout culturelles permettent de faire. Alors, observer et réfléchir le mariage sur ces sites est un exercice à la fois poignant et surtout très délicat. On vogue entre condamnations, illusions et fausses certitudes. C’est ainsi qu’on constate que la précocité nuptiale sur ces sites de réfugiés semble davantage lié à une question de mariage intergénérationnelle qu’à l’âge de la jeune fille donnée en mariage. En effet, on remarque que chez bien de peuples engloutis dans la civilisation judéo-chrétienne (Huntington, 1996), (d’abord par le biais de la colonisation puis de l’occidentalisation des mentalités) et cohabitant avec les peuls observés sur ces sites ou dans les villages, les relations entre jeunes filles et jeunes gens sont habituelles et considérées comme normales au sens durkheimien du terme (Durkheim, 1988).

Il est alors fréquent de rencontrer à divers endroits (hors site et même quelques fois sur les sites), des couples d’adolescents vivant sans pudeur aucune des histoires d’amour. Cela pourrait faire croire qu’il s’agit de relations de jeux de rôle (entre un papa, une maman et les enfants, en situation dans un ménage) pratiqués par les adolescents et adolescentes dans des quartiers de certains villages subsahariens. De toute évidence, cela n’est pas le cas. On observe que ces relations n’ont pas cette fonction ludique ou plutôt ludo-éducative de socialisation à la maternisation de la jeune fille. Ce sont des relations à l’adulte au cours desquelles plusieurs de ces adolescentes tombent enceintes. Sur le site de Lolo, une de nos enquêtées, femme âgée de 35 ans, nous dit : « ma fille a 19 ans aujourd’hui. En arrivant ici avec moi en décembre 2013, elle avait 15 ans. Elle a eu un prétendant, mais les humanitaires ont empêché son mariage. Elle a eu, avant ses 18 ans, deux enfants de pères différents. Elle n’est toujours pas mariée et personne ne la veut plus pour épouse. Les deux pères de ses enfants sont de jeunes garçons désœuvrés qu’elle fréquentait et que je considérais comme mes enfants »[10].

Ce phénomène qui n’est pas concerné par les programmes humanitaires et ne mobilise pas autant sur ces sites de réfugiés, que les relations entre jeunes filles et hommes beaucoup plus âgés, n’est en rien différent en termes de conséquences, du mariage précoce combattu par l’action humanitaire. En regardant quelques feuilletons occidentaux réservés aux adolescents, on se rend compte de ce que l’activité sexuelle chez la jeune fille est tout simplement normale. C’est une pratique qui y est légitimée. Ce constat incite à aller au-delà du mariage avant 18 ans, pour donner à voir que ce qui cause problème dans ce contexte, c’est davantage le fait que la jeune fille soit donnée sans son avis, à un homme bien plus âgé qu’elle (quelques fois ayant l’âge du père de la fille concernée), et avec qui elle devrait désormais vivre sous le même toit. Ce qui semble émouvoir singulièrement, c’est que la jeune fille arrive très souvent dans un foyer polygynique, en qualité de troisième ou quatrième épouse et y vit avec la belle famille ; ce qui est judéo-chrétiennement déraisonné et abomination. Rendu à ce niveau, le premier constat réside dans l’identification approximative du problème à résoudre entre relations intergénérationnelles et mariages précoces. Le prochain embarras est relatif à la question des normes, des lois et du droit qui sont observés sur ces sites.

Quelle loi gouverne effectivement les comportements de bénéficiaires de l’action humanitaire ? L’intervention humanitaire se déroule comme si les peuples victimes qui se retrouvent sur un site de réfugiés étaient vierges de toute culture. L’action humanitaire semble s’être donné une mission non explicitement avouée : celle de la socialisation à l’humanisation[11]. Car tout se passe comme si la survenue d’une crise faisait prendre conscience de toute l’animalité et la barbarie culturelle des peuples victimes. Sinon, comment comprendre que sur les plus de 51 millions de peuls environ, que compte l’Afrique (de toute la bande sahélienne, de l’ouest centrafricain au Sénégal et en Guinée, incluant le Sud-Soudan) qui ont la même culture (Kervella-Mansaré, 2017) et qui pratiquent donc le mariage précoce, que quelques milliers seulement (s’étant retrouvés dans des situations de précarité et vulnérabilité sur des sites de réfugiés) soient concernés par ces politiques ? Politiques menées sur une période que dure l’action (donc trop brève pour espérer un quelconque changement d’us) chez les individus qui sont dans des situations où ils n’ont essentiellement besoin que d’un abri, de quoi se nourrir, de l’eau potable, de se soigner et de quoi se vêtir. Si l’âge légal du mariage est de 18 ans et plus, selon les outils juridiques internationaux et nationaux[12], les peuls, peuples essentiellement ancrés dans la culture musulmane, observent un code normatif tout autre. Ces codes profondément enracinés dans le coran, livre saint de l’islam, sont très largement opposés aux logiques et aux objectifs du droit international et droit de l’homme (Quechon, 1985 ; Djingui, 1993). Ces lois des hommes ne sont guère utiles pour ce peuple qui a placé Dieu et le Coran au centre de tout acte. Selon le responsable religieux du site des réfugiés de Timangolo, les lois des hommes n’engagent que ceux qui les ont rédigées. Il déclare alors que : « l’homme dont il est question dans la Déclaration universelle des droits de l’homme est bien occidental et surtout blanc. Cela ne nous concerne pas. Nous avons d’autres référents et n’avons aucunement l’intention d’en adopter de nouveaux ; surtout lorsque cela nous oblige à abandonner nos coutumes »[13]. Désorienté, un chef de famille se demande : « pourquoi les blancs n’emmènent pas leurs enfants aux peuls pour que ceux-ci leur inculquent leur savoir, alors qu’ils prennent les enfants des peuls pour les mettre à l’école et leur apprennent leur façon de vivre »[14].

Le caractère paradoxal des politiques humanitaires de planning familial et de lutte contre le mariage précoce

Il est concevable et acceptable dans la culture peule, comme le prescrit la religion musulmane, de donner une jeune fille en mariage ou d’en épouser une, dès qu’elle présente les premiers signes de puberté, car elle est désormais considérée comme adulte. Ainsi, comme le mentionne le Coran, « quand les enfants atteindront l'âge de la puberté, ils devront, avant d'entrer chez vous, s'y faire autoriser à l'instar des adultes » (Le Coran, sourate 24, la lumière, verset 59).

Cela explique pourquoi le mariage de jeunes filles continue d’être observé sur ces sites, malgré la mise en œuvre des programmes humanitaires qui le combattent[15]. Cela peut être considéré comme un rejet de ce que les enquêtés perçoivent comme étant des maux de l’expansion de ce que l’on pourrait nommer programme d’ajustement culturel (en référence aux programmes d’ajustement structurel), à la fois imposé par les autres et négatif pour eux. Sur l’ensemble de ces sites, on constate que des dizaines de filles de moins de 18 ans continuent d’être envoyées en mariage. Il est difficile d’y déterminer le taux de mariages et à plus forte raison le taux de ceux, précoces. En réalité, on ignore le véritable taux de ces mariages pour la raison que la majorité des cas n’est pas portée à la connaissance des autorités compétentes (en dehors des mariages collectifs organisés par l’UNHCR). Ceci vient démontrer l’impertinence des activités qui y sont menées[16]. On note cependant que les activités de lutte contre le mariage précoce qui ne trouvent visiblement pas de point d’ancrage dans la culture peule ont répondu à quelques effets escomptés. Selon le rapport du mois de novembre 2017 de l’ONG Lutheran World Federation (LWF), chargée de la protection de l’enfance sur le site de Lolo, les chiffres présentent : 567 filles, 2434 femmes et 1397 hommes, concernés par les séances de sensibilisation. La responsable de cette structure sur le site, justifie cette situation : « nous sommes tenus de faire des chiffres intéressants lors de nos différentes activités. Ce sont les exigences des bailleurs de fonds »[17]. Ainsi, ces activités qui misent sur la course aux indicateurs présentent de temps en temps des bilans qui font état de mariages précoces empêchés ou rompus. Mais là aussi, les conséquences de ces actes semblent aussi nocives et donc aussi préoccupantes que le mariage précoce en lui-même. C’est qu’il n’existe pas sur ces sites et même dans les villages dans lesquels ces sites sont aménagés, des structures sociales d’accueil, d’accompagnement ou de suivi des jeunes filles ayant choisi, suivant les consignes des humanitaires, de ne pas se marier avant 18 ans ou celles dont le mariage a été empêché[18]. Cela pourrait ainsi conduire à une crise de la nuptialité au sein de ce peuple. Or, avec une telle crise (déjà grandissante chez d’autres peuples de la zone – les Gbaya et Kako notamment – et subséquente elle-même à la crise économique) qui ferait accroître le nombre d’enfants nés hors mariage et sans désir des filles-mères et partant, sans parents, ne va-t-on pas s’acheminer vers des conséquences insoupçonnables sur le moment ? Si, sous d’autres cieux, en occident spécifiquement où ces politiques de lutte contre le mariage précoce ont été pensées, il existe une batterie de mesures de prise en charge de ce type de situation, la jeune fille pouvant être orientée vers des structures appropriées et pouvant bénéficier d’un accompagnement qui va de l’assistance psychosociale à l’insertion sociale ; sur ces sites, rien n’est fait pour aller dans ce sens-là. Ici, on observe que ces jeunes filles sont ainsi abandonnées à elles-mêmes, n’ayant plus de familles parce qu’ayant désobéi, fugué et fait honte à tout le lignage (Quechon, 1985). Elles se retrouvent alors, comme c’est le cas, dans les chefs-lieux urbanisés des arrondissements frontaliers de Kentzou et Garoua-Boulaï qui abritent ces sites de réfugiés, à se débrouiller pour survivre et élever les enfants qu’elles auront finalement eus hors mariage avec des pères inconnus. L’une d’elle témoigne : « je suis arrivée ici à Kentzou depuis 13 mois. Je me débrouille pour nourrir mon enfant. Je suis enregistrée comme réfugiée sur le site de Mbilé ; mais avec l’aide des humanitaires, j’ai pu ne pas me marier au père qui était déjà allé voir mon papa pour nouer notre union. Maintenant, je souffre et mes parents ne veulent plus me voir. Le soir, je vais au carrefour ou dans des bars, les hommes nous proposent de l’argent pour aller avec eux. C’est comme cela qu’on se débrouille ici, car je ne suis pas la seule dans cette situation »[19]. Ainsi, elles se livrent essentiellement à la prostitution qui, selon leurs dires, rapportent mieux que toute autre activité. Ce qui peut étonner, c’est que plusieurs de ces humanitaires se retrouvent clients de ces jeunes filles devenues vulnérables et désormais sans tutelle ou contrôle de parents ou de l’époux, fut-il vieillard. Elles ont désormais ainsi accédé à la modernité et à l’émancipation tant prônées (nouvelles façons légères de se vêtir avec des habits offerts par les services sociaux des organisations humanitaires, utilisation du téléphone portable avec ses conséquences perverses, etc.) Kentzou et Garoua-Boulaï. L’une d’elles, au moins, était déjà enceinte de l’un de ces humanitaires. 2 cas de mariages reconnus, de travailleurs sociaux avec des jeunes filles réfugiées, ont également été enregistrés sur le site de Lolo. Elles racolent les chauffeurs de camions (ayant quelques fois le même âge que le prétendant refusé sous la pression des humanitaires) qui sont des rois du corridor Douala-Bangui ou Douala-Ndjamena, les hommes en tenues (policiers, douaniers, gendarmes et militaires) et d’autres clients du marché mondial[20]. Lorsqu’elles ne sont pas utilisées par leurs clients, bien souvent des hommes mariés et ayant leurs épouses préservées en villes (Douala et Yaoundé), elles sont tout simplement (pour celles qui ont pu apprendre sur le tas à s’exprimer ou plutôt à se débrouiller en français) exportées vers les centres urbains pour exploitations sexuelles ou pour emplois dans des bars ou des auberges. Elles y reviennent presque toujours, malades et avec enfants (sans père). Beaucoup d’enfants non désirés, nés de ces unions sans lendemain pourraient devenir ensuite des enfants de la rue, vulnérables et prêts à tout pour leur survie. Car l’enquête fait remarquer, s’agissant des enfants des crises centrafricaines précédentes, que quand ils n’ont pas été spécialisés dès l’âge de treize ou quatorze ans dans le trafic des stupéfiants qu’ils ont appris à consommer auparavant, qu’ils ont tout simplement été enrôlés en tant qu’enfants associés au conflit, perpétuant ainsi la crise ou perpétrant sous l’influence des chefs de guerres, de nouvelles autres. Voilà le cercle vicieux que peut tracer volontairement ou non, mais surtout paradoxalement, l’action humanitaire. Toujours est-il que des conférences et colloques vont être organisés autour de ces problèmes, à l’issu desquels des millions de dollars seront mobilisés pour une nouvelle intervention humanitaire. On peut ainsi interroger l’innocence de ces interventions, car on se rend à l’évidence que l’action humanitaire n’existe que par rapport à ce type de nécessité. On peut aussi se demander objectivement si ces derniers ne sont pas les principaux et véritables bénéficiaires de ces interventions. Lors d’un focus group, les réfugiés urbains de Garoua-Boulaï s’expriment : « les travailleurs humanitaires semblent bien se réjouir de notre sort et de la survenue de la crise humanitaire en Centrafrique. Ils sont logés dans de belles maisons de la ville, ils roulent dans de beaux véhicules, etc. Nous nous interrogeons même sur les vrais commanditaires de la crise qui a travaillé notre pays » [21].

Ci-dessus, il a été question d’établir, d’une part, les politiques de lutte contre le mariage précoce et de planning familial comme volonté d’imposer la nuptialité à l’occidental, et d’autre part, l’étrangeté et les paradoxes de ces politiques. Il y a lieu de se pencher sur les causes et raisons du caractère mitigé de ce bilan, sans lesquelles la tentative de compréhension de cette situation pourrait paraître incomplète.

Face au « mariage précoce » et au planning familial, les résistances des pratiques culturelles peules et les dynamiques endogènes de leurs perpétuations

Dans cette autre partie, l’objet est de savoir si le mariage de la jeune fille chez les peuls relève de la précocité ou est-elle simplement l’expression culturelle d’une pratique millénaire. En réalité, si la réponse à cette préoccupation peut sembler assez évidente pour une certaine opinion, elle nécessite avant tout une réflexion dépassionnée pour parvenir à l’élucidation de l’écheveau qu’elle contient. Précocité ou pas, la logique et la finalité qui guident les comportements en lien avec le mariage ou plutôt la nubilité ici (puisque c’est de cela qu’il s’agit) sont toutes autres. C’est à la fois une question de responsabilité et d’estime sociale et de perpétuation de la descendance chère à ce peuple.

Mariage chez les peuls : entre honneur familial, responsabilité et conquête de l’estime de la société

La situation d’une jeune femme qui demeure célibataire au-delà d’un certain âge interroge l’entourage chez les peuls. Soit elle est malade, prostituée, fille légère ou tout simplement porteuse de malheur. C’est que le mariage ici donne un nouveau statut dans la société (Diallo, 2004). Ainsi, le besoin de se marier est si important que même les veuves ne veulent pas rester longtemps seules, à l’exception des femmes âgées. Le remariage permet de retrouver l’estime dans la société. Chez ce peuple, la tradition veut que l’on marie les filles de très bonne heure. Ainsi, le père d’une jeune réfugiée scolarisée affirme : « quel que soit ce que diront les humanitaires, c’est moi le père de ma fille et c’est moi qui décide. Elle arrêtera l’école autour de 10 ans et viendra rester à la maison en attendant d’être mariée. Elle sera détournée et pourra avoir un enfant hors mariage, si elle n’est pas surveillée »[22].

C’est ainsi que les mariages sont parfois arrangés alors que les futures femmes à épouser sont encore nourrissons ou ne sont pas encore nées.  On observe fréquemment sur ces sites des bébés avec une ficelle nouée autour du poignet, de la hanche ou au cou, en signe de fiançailles. Cette tradition est due au fait que les familles tiennent pour scandaleuses les grossesses hors mariage qui les déshonoreraient. Il apparaît, sur l’ensemble des sites, que donner sa fille en mariage dès l’âge pubère est une question à la fois d’honneur familial et de religion ; même s’il faut noter qu’il n’y a pas de certitude sur le fait que ce phénomène de mariage de la jeune fille soit lié chez ce peuple essentiellement musulman, à l’exemple du prophète de l’islam. Car, faut-il le rappeler, Aicha, femme de Mohammed, le prophète, était encore adolescente lorsqu’elle est devenue son épouse[23]. Ces mariages arrangés par les parents alors que les futurs époux sont encore enfants imposent à la mariée de rester avec son mari (en général dans la belle-famille) jusqu'à ce qu'elle soit enceinte. Elle retourne alors chez sa mère, où elle reste pendant quelques mois et y donne naissance à l'enfant.

La question posée ci-dessus persiste : le mariage ici est-il un acte de précocité ou simplement une façon de faire, culturellement ancrée ? Pour répondre à cette question, il convient de comprendre, au préalable, que l’individu ne peut pas être saisi sur une position, mais sur toute la trajectoire de sa vie. En comparant justement les trajectoires de vie de deux jeunes femmes issues de moules de deux civilisations différentes, ici précisément la civilisation judéo-chrétienne (laquelle inspire le canon normatif opérationnalisé dans le champ humanitaire) et celle négro-africaine (Huntington, 1996) et spécifiquement ici celle hybridée avec l’islam, on peut autrement comprendre le phénomène du mariage précoce (qui n’est en réalité précoce que pour l’acteur externe au système social concerné), les raisons et causes de la résistance de cette pratique. Il convient de savoir que le Coran prescrit l’abstinence sexuelle avant le mariage et interdit l’adultère. Le livre sacré de l’islam dit : « bienheureux sont certes les croyants, […] qui préservent leur sexe de tout rapport, si ce n'est avec leur épouse […] » (Le Coran, sourate 23, les croyants, versets 1, 5-6). C’est l’une des raisons pour lesquelles le célibat est peu observé chez ce peule presque essentiellement musulman. Les parents, voulant éviter la fornication chez les enfants, marient leurs filles assez tôt. En effet, lorsqu’elle commence à avoir ses menstrues, la jeune fille est surveillée.  Si cela n’était pas fait, elle risquerait de tomber enceinte hors mariage ; ce qui serait une honte pour toute sa famille. Être enceinte hors mariage signifie non seulement que la jeune fille a eu des rapports sexuels illégitimes, mais que l’enfant issu de cet acte honteux sera considéré comme bâtard et tout aussi illégitime que la liaison par laquelle il est apparu. Il est vrai que la plupart des jeunes filles qui sont en lien conjugal, le sont par le fait des parents qui choisissent leurs conjoints ; malgré cela, la femme mariée s’estime non seulement valorisée par la société, mais elle est aussi respectée par rapport à une célibataire. Elle est mieux considérée qu’une célibataire même plus âgée qu’elle, malgré l’importance accordée à l’âge dans la tradition peule. Cependant, il n’est pas question de se limiter aux constats ci-dessus, car ici, la finalité du mariage est la procréation et la famille attend des couples un nombre élevé d'enfants.

L’enfant dans l’imaginaire culturel peul : le culte du nombre

L'enfant dans la pensée peule est une bénédiction. Une descendance finale, nombreuse, semble être une obsession de tout vrai peul ; la société l’y incite. Il faut donc être prétentieux pour oser dire à quel âge la jeune femme doit aller en mariage et surtout combien d’enfants il faut aux uns et aux autres. Un jeune, rencontré sur le site de Lolo, pourtant désoccupé, pense malgré tout à accroître le nombre de sa progéniture. Il nous confie : « moi, j’ai deux femmes et sept enfants. Avant de quitter le pays, j’avais déjà entamé le processus pour épouser une troisième femme afin d’avoir plus d’enfants. Elle a 15 ans. Mais au moment de la crise, cette dernière s’est réfugiée du côté du Tchad »[24]. Si les occidentaux ont, depuis, exprimé leur volonté de limiter le nombre de leurs naissances, il en va autrement des réfugiés peuls de ces sites. Si, chez les occidentaux, l’enfant est un choix, fait librement par les conjoints, puisque leur souveraineté passe avant l’avis de leur entourage, sur ces sites comme presque partout en Afrique subsaharienne, l’enfant est un fait social, et même un fait social total (Mauss, 2001). Par rapport à la procréation, les couples ont comme des comptes à rendre à la société (Platteau, 2021). Non seulement il faut avoir des enfants, mais beaucoup d’enfants. Un ministre de culte sur le site de Lolo dit à ce propos : « je suis imam et j’ai déjà deux femmes. Elles sont ici avec moi. Mais, je veux encore me marier à deux autres femmes, comme l’autorise le coran et chacune de mes quatre femmes me fera beaucoup d’enfants »[25].

Chez les peuls observés ici, presque tout concourt à assurer le déroulement de la quasi-totalité de la vie féconde de la femme : mariage des filles dès l’apparition des premières menstrues, remariage des veuves d’âge fécond, pratique de la polygynie, du sororat, du lévirat, etc., des pratiques qui prolongent la durée de la procréation chez la femme et donc augmentent le nombre possible d’enfants. Ainsi, les messages ayant trait au planning familial et à la lutte contre le mariage précoce ont-ils quelque substance à passer ici ? Visiblement, cette forte culture de l’enfant n’est pas un terreau fertile à ces messages délivrés par les humanitaires. C’est sous cet angle qu’on peut comprendre l’échec de la dictature de l’âge légal du mariage et du nombre d’enfants par couple proposé ici par l’occident à travers l’action humanitaire. Ces concepts sonnent d’ailleurs comme une actualisation d’un néomalthusianisme. Un éducateur coranique parle : « est-ce que notre pays est plus peuplé que la France ou l’Angleterre ? Pourquoi on doit tempérer nos naissances comme ils le recommandent ? On aime les enfants chez nous. C’est aussi ça qui fait notre honneur »[26]. Comment faire passer ces messages dans une société où la notion de progéniture nombreuse est à la fois cultuelle et culturelle ? Ici, on ne conçoit pas de mariage sans enfant. À cela, un responsable sur le site de Mbilé précise : « si un couple n’a pas d’enfants, leur union,  contrairement à sa perception sous d’autres cieux, est considérée comme absurde »[27]. Pour perpétuer la tradition, un homme qui est intéressé à épouser plus tard une fille qui vient de naître, jette un morceau de bois devant la case de sa mère, en exprimant son désir de faire de l’enfant, sa future épouse. Quand il obtient l'assentiment de la famille du bébé, il commence à rendre différents services à ses futurs beaux-parents : divers travaux champêtres, ramassage de bois mort pour la cuisine, bricolage, etc. Ainsi et très généralement, la jeune fille part de chez ses parents pour rejoindre son prétendant dès ses premières règles, surtout qu’elle aura commencé très tôt (dès l’âge de sept ans) à être préparée à la maternisation. Il convient de noter que le fait que le discours humanitaire peine à s’imprégner ici et à transformer les habitudes, est principalement dû à la claustration des politiques de planning familial et de lutte contre le mariage précoce dans le paradigme expansionniste de la culture supérieure, exécuté autrefois par l’ethnologie débutante pour soutenir l’entreprise coloniale et sa mission civilisatrice. Il ne faut cependant ignorer ou même pas minorer seulement, le fait que cet échec trouve aussi une part d’explication dans l’organisation patriarcale de la société et le statut de la femme en Afrique et chez les peuls en particulier (Imam et al., 2002). Cependant, on ne peut nier le fait qu’à la faveur des progrès de la médecine dont a été bénéficiaire les peuls, qu’il a connu une progression démographique considérable, comme dans le reste du sous-continent noir d’ailleurs. Certains formulent alors allégrement que le boom démographique est un facteur de la pauvreté dans les pays subsahariens, de sorte que le nombre d’enfants à faire y apparaît comme un défi. (Ela, 1994) et (Tabutin et Eliwo, 1988). C’est dans le même sillage que René Dumont avançait, il y a quelques décennies déjà, que si elle veut survivre, l’Afrique noire qui était déjà mal partie en 1960, devait se mobiliser pour limiter ses naissances (Dumont, 1973).

Conclusion

Au terme de ce travail qui visait à questionner la logique à laquelle obéissent les politiques de planning familial et de lutte contre le mariage précoce sur des sites de réfugiés, il y a lieu de constater que ces politiques ne sont pas adaptées à la réalité culturelle de cette communauté socio-culturelle. Cet échec est sans doute lié à la fois à leur embastillement dans des façons de faire judéo-chrétiennes normées et en tentative d’universalisation ; à la rédaction de projets d’intervention qui doivent répondre bien plus aux exigences de bailleurs de fonds qu’aux aspirations des peuples concernés, même si c’est toujours ce qui est affiché. Il faut dire que ce n’est pas tant le nombre de ces mariages précoces ou de naissances, du reste redouté qui fait problème ici, que le fait que le Peul ait un mode de vie différent et non arrimé à la modernité à l’occidental. A-t-on nécessairement besoin de bloquer sa fécondité pour assurer le bien-être ? On peut d’ailleurs se demander si en développant d’autres secteurs (instruction de la jeune fille par exemple), la contraception, la chute des mariages d’adolescentes et le contrôle de la fécondité ne suivent pas automatiquement. Pour clore, nous indiquons que la logique intellectuelle adoptée ici a nécessité la suspension des préférences morales et idéologiques. Dès lors, ce travail peut contribuer, pour reprendre une expression wébérienne, au désenchantement du monde (Weber, 1959), car notre analyse est, pour parler comme Bachelard, intrinsèquement démythologisante (Bachelard, 2003).  Elle a pour effet de dissiper de fausses apparences fussent-elles socialement utiles. Notre élucidation ne servira pas nécessairement les bons sentiments, ni les justes causes (Braud, 2008).

Bibliographie

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www.un.org/fr/documents/udhr/members.shtml, consulté le 18 octobre 2017.

Notes 

[1] Organe des Nations-unies qui s’occupe des réfugiés, l’UNHCR construit et gère les camps et sites abritant ces réfugiés. En cela, c’est lui qui édicte les principales règles qui encadrent les activités des organisations humanitaires sur les sites des réfugiés.

[2] Il s’agit spécifiquement, ici, des préfectures de la Nana Mambéré et de la Mambéré Kadey en République centrafricaine.

[3] Action humanitaire est à prendre ici comme cette aide ponctuelle que les organisations de solidarité initient lors d'une situation de crise sociale exceptionnelle ou de catastrophe naturelle.

[4] Aux rangs de ces besoins nécessaires de base, on citera les abris, de la nourriture, de l’eau potable, de quoi se soigner et/ou se vêtir.

[5] Sur les travaux ayant traité de cette question, on pourra utilement consulter entre autres : (Atlani-Duault, 2009 ; Badie, 2002 ; Cultures et conflits, 2005 ; Debray, 2007 ; Duriez et al., 2007 ; F. Sow, 2005) ; Fusaschi, 2010 ; Saillant, 2007 ; Judith-Ann, 2013). Lire également la littérature des organisations humanitaires à ce sujet.

[6] Les questions soulevées dans l’article parlent d’une observation du groupe peul, des sites de réfugiés de l’Est-Cameroun ; en raison de ce que les peuls font partie des plus nombreux sur ces sites et sont les principaux stigmatisés parce que réfractaires et moins ouverts à la « modernité » que les autres peuples autour d’eux.

[7] Il s’agit précisément des sites aménagés de Lolo (12 000 individus), de Mbilé (10 000) de Timangolo (7 000) et du site spontané de Ketté (5000) à l’Est-Cameroun où l’enquête a été menée pendant 16 mois (aout 2017-décembre 2018).

[8] Ici, il est différent quoique très proche, du mariage forcé, qui est l’union entre deux partenaires sans le libre et plein consentement des deux futurs époux.

[9] Ces définitions sont celles des instruments juridiques dits internationaux, y compris le protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique qui reconnait l’âge de 18 ans comme celui minimum de mariage pour la fille [art. 6 (b)]. Ce sont aussi celles de la Résolution 1468 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les mariages forcés et mariages d’enfants (2005) qui définit le mariage forcé comme étant « l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage » (§ 4) et la Convention des Nations Unies sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages (art. 1.1).

[10] Entretien avec une dame de 35 ans, site des réfugiés de Lolo, le 18 septembre 2017.

[11] C’était déjà la même mission civilisatrice, que s’était donné l’entreprise coloniale en Afrique, dont aujourd’hui on sait le véritable but.

[12] Plusieurs pays, dans lesquels les peuls sont des composantes de la population, se sont donnés des lois et codes qui fixent un âge légal du mariage. Mais on voit bien que ces lois ne sont pas observées. C’est certainement parce qu’elles ne répondent pas aux aspirations des populations et semblent alors avoir été adoptées pour faire plaisir à la « communauté internationale ».

[13] Entretien avec le responsable religieux du site des réfugiés de Timangolo, ancien cadre au ministère centrafricain de l’agriculture, Timangolo, le 26 novembre 2017.

[14] Entretien avec un chef de famille de 51 ans, site des réfugiés de Lolo, le 18 septembre 2017.

[15] S’il est plutôt très difficile de répertorier tous les « mariages précoces » qui se célèbrent sur les sites, nous n’avons pas passé une seule semaine sans enregistrer une union de ce type-là, ne soit nouée sur l’un des quatre sites.

[16] Spécifiquement, il s’agit de thérapie de groupe, causerie éducative, suivi à domicile, sensibilisation communautaire, de réunion de gestion de cas entre partenaires humanitaires, etc.

[17] Entretien avec la responsable de LWF sur le site, Lolo, le 14 décembre 2017.

[18] Il a été répertorié 57 cas de jeunes filles ayant fugué avec l’aide des humanitaires avec pour objectif d’empêcher leurs mariages.

[19] Entretien avec une jeune réfugiée de 17 ans ayant fugué, Kentzou, le 26 février 2018.

[20] Expression consacrée par et dans la rue au Cameroun pour désigner le marché de la prostitution.

[21] Focus group avec 8 réfugiés urbains, Garoua-Boulaï, le 11 avril 2018.

[22] Entretien avec un chef de famille de réfugiés, 43 ans, Gado-Badzéré, 14 août 2018.

[23] Bien qu’il n’y ait pas unanimité sur l’âge d’Aïcha lorsqu’elle devint la femme du prophète de l’islam, les juristes musulmans et islamologues situent son âge entre 9 et 14 ans. Si l'on se fie par exemple au Tafsir (explications sur le Coran) tel que contenu dans les volumes de Bukhari, Aïcha déclare elle-même que lorsque la lune fut révélée, elle était une petite fille enjouée (Le Coran, sourate 54, la lune, versets 54, 46). Cette sourate fut révélée 9 ans avant l'hégire. Son mariage au prophète de l’islam eut lieu 2 ans après l’hégire.

[24] Entretien avec un jeune réfugié de 31 ans, site des réfugiés de Lolo, le 6 novembre 2018.

[25] Entretien sur le site des réfugiés de Lolo, le 6 novembre 2018.

[26] Entretien, site des réfugiés de Gado-Badzéré, 15 août 2018.

[27] Entretien avec un responsable de bloc, site des réfugiés de Mbilé, le 28 octobre 2018.

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