Kamel Kateb, L’émergence des femmes au Maghreb : une révolution inachevée, Alger, Apic, 2015. 321 p.

Insaniyat N° 74| 2016 | Femmes dans les pays arabes: changements sociaux et politiques | p. 107-109| Texte intégral


Le contenu de ce livre fournit une esquisse des sociétés maghrébines et des processus sociaux permettant l’émergence des femmes dans l’espace public durant les périodes coloniale et postcoloniale. En outre, les statistiques démographiques utilisées et les comparaisons entre les trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) rendent ce livre utile pour toute étude portant sur les questions des femmes

La thèse principale de l’auteur est que  l’émergence des femmes dans les pays maghrébins reste inachevée  malgré les changements démographiques et sociaux que subissent les sociétés maghrébines durant les trois dernières décennies. En revanche, il existe  quelques changements dans le système matrimonial de la famille traditionnelle, ainsi que de progrès enregistrés en matière de scolarité et d’emploi. Néanmoins, la question des femmes reste un point d’achoppement car, leur situation actuelle ne correspond pas à l’image de l’évolution sociétale. Dans les imaginaires, les femmes sont confinés dans l’espace domestique et elles sont réputées gardiennes des traditions et des coutumes.

L’ouvrage est réparti en trois parties et se subdivise en douze chapitres. La première partie traite de la transformation du système de mariage. Après, l’auteur présente une description de la situation du système matrimonial traditionnel au Maghreb (mariage précoce, polygamie, répudiation, caractère tribal et rural, poids de religion…). Dans le premier chapitre, l’auteur montre les effets de la modernité -portée par le système colonial et suivi par les États nations postcoloniaux sur le système matrimonial traditionnel et sur le statut de la femme et cela au sein de la famille et dans l’espace public. L’auteur insiste sur la scolarité et l’emploi des femmes qui ont accéléré la déstructuration des liens établis par le système matrimonial traditionnel (célibat prolongé) et renforcé la mixité et la présence des femmes dans l’espace public. Le troisième chapitre traite du processus « lent » de dérégulation du marché matrimonial en montrant le rôle de la dot, la polygamie, le statut de seconde épouse, la répudiation, et l’élargissement du droit au divorce comme des mécanismes de changement et de « dérégulation ». Le dernier chapitre de cette partie montre comment l’effet de la scolarisation et le prolongement du temps de célibat rendent le contrôle social des femmes plus difficile. Elles  disent « NON » à un prétendant, elles mettent fin au « dressage » de futures épouses, et leur scolarisation prolongée aide à sortir de l’endogamie familiale.

Dans la deuxième partie, l’ordre social et religieux a été traité en trois chapitres. Le premier est consacré à la description des normes concernant le système des unions proposées par la religion : cet ordre a été considéré hostile au célibat et aux rapports sexuels hors mariage. Il s’agit d’un ordre qui codifie les inégalités entre hommes/femmes dans les sociétés tribales. Le deuxième chapitre aborde l’ordre social et religieux dans les contextes colonial et postcolonial en montrant l’effet de la modernisation sur le système patriarcal. La remise en cause de l’autorité paternelle, la montée de la violence contre les femmes et le célibat prolongé risquent de dissoudre le système  patriarcal.

Dans la troisième partie, l’auteur considère l’émancipation des femmes comme une révolution silencieuse. Cette situation est due au rendement scolaire et la présence des femmes dans le marché du travail, et le mouvement migratoire interne et externe. Cette nouvelle donne se traduit par l’expression : « plus de savoir pour plus de droits ». Le deuxième chapitre interpelle les conséquences du célibat prolongé des femmes sur le changement dans la société qui se traduisent par la sexualité féminine, les mères célibataires et la grande liberté de choix du conjoint.

L’adaptation de système matrimonial d’après un célibat prolongé est le titre du troisième chapitre. L’autonomie des couples mariés, le nouveau modèle de nuptialité, l’érosion de la domination masculine et le voile constituent les principaux objets de ce chapitre. Le quatrième chapitre s’intéresse à l’autonomisation du mouvement féminin. Trois éléments permettent d’institutionnaliser ce mouvement : l’organisation des femmes (notamment des associations incluant des femmes universitaires, étudiantes et cadres), la présence relative des femmes dans l’espace politique et le poids du droit international. Le livre se conclut par l’analyse des rapports de genre  qualifiés de difficiles à compromettre. Le passage des femmes de gardiennes de la tradition aux femmes porteuses d’une révolution sociétale est difficile. Cette difficulté émane essentiellement de l’ordre social et religieux, les rapports entre les sexes et la domination masculine, et les tabous sociaux.

En somme, cet ouvrage est une analyse approfondie de l’évolution de la condition des femmes dans les pays du Maghreb. Il s’appuie sur des données statistiques et démographiques. Il constitue ainsi une contribution pertinente dans l’étude des aspects sociaux et économiques concernant la place des femmes dans le processus du développement au cours des trois dernières décennies. 

Yahia BENYAMINA

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