PROST, ANTOINE (sous la direction).- La résistance, une histoire.- Paris, Editions de l’Atelier, 1997.

وناسة سياري طنقور (مؤلف)
157 – 157
Violence : Contributions au Débat
N° 10 — Vol. 04 — 30/04/2000

“ L’heure vient où l’on peut envisager une histoire totale de la Résistance, articulant le local au national, le politique et le militaire à l’idéologique comme au social ”

C’est sous cette approche plurielle qu’A. Prost tente d’introduire les différentes contributions à l’origine de ce livre. Ce choix orienté vers une histoire sociale de la Résistance, il s’en explique : il s’agit d’explorer d’autres pistes de recherches susceptibles d’expliquer les relations multiples que la Résistance n’a pas manqué de nouer avec la société. Ainsi, les questions relatives aux modalités de l’entrée en résistance, la constitution successif des réseaux et maquis au gré des événements, leur fonctionnement, en ville ou à la compagne, le rôle des hommes et des femmes… ont l’avantage d’inscrire l’histoire de la Résistance dans une autre perspective que celle où l’a confiné jusque - là une historiographie partagée entre résistance et collaboration, laissant peu de place à une connaissance réelle de ce passé.

Il n’est pas question de rendre compte de l’ensemble des articles, mais seulement de signaler l’intérêt d’une telle lecture et des possibilités de renouvellement de la recherche autour de la Résistance.

Les historiens étouffent dans les prismes de l’historiographie nationale, en ce sens, le regard comparatiste amplifie quand il ne transforme pas les façons de voir, en invitant à renouer avec l’expérience créatrice de la recherche.

DOUZOU, Laurent.- L’entrée en résistance.- p.p. 9-20.

On pourrait aussi intituler cette contribution : “ comment entre-t-on en résistance ? ”

Derrière la question se profile une évidence première : l’entrée en résistance est le fait de quelques uns, voir de petits groupes isolés qui ont réagi rapidement à l’armistice et à l’occupation. Autrement dit, le rôle des résistants de la première heure est fondamental quant à l’évolution ultérieure, c’est-à-dire la prise des contacts en vue d’un éventuel recrutement, de l’élargissement des relais si indispensables à la transmission des ordres et à la poursuite de l’action. Ce qui fait l’intérêt d’une telle distinction, aux yeux de l’auteur, réside dans “ l’articulation entre ces deux formes d’entrée et de pratique résistante ”, c’est dire que “ l’intentionnalité ” et “ l’antériorité ” de l’engagement n’agissent pas indépendamment l’une de l’autre mais se fondent en réalité dans une pratique sociale. L’auteur ajoute un troisième paramètre, celui de la disponibilité des premiers acteurs de la résistance dont il distingue deux niveaux : une disponibilité totale telle que l’incarna De Gaulle dès le 18 juin 1940, une disponibilité dite fonctionnelle, celle qu’assumeront des milliers de français, au sein de leurs lieux de travail et qui seront l’épine dorsale de la résistance, dans la mesure où leur engagement va susciter une dynamique extraordinaire en mettant en mouvement diverses formes de sociabilité (comme l’expérience militante ou civique).

Ces quelques remarques suffisent pour vouloir aborder la Résistance, non plus comme affaire réduite à l’émergence de quelques individualités, mais à tenter de la situer dans une perspective plus large, englobant des groupes sociaux plus larges, d’où la proposition de L. Douzou pour dégager d’autres niveaux d’analyse. Ainsi, la ville anticipe par la précocité de son engagement résistant sur la campagne. Implicitement, elle pose le rôle joué par les élites urbaines au sens large du terme : la Résistance n’est pas une affaire de conversion des élites en place. La question est plus compliquée donc, dans la mesure où l’itinéraire d’un De Gaulle ou de Jean Moulin, Pierre Brossollette ne répondent pas véritablement au modèle des dirigeants d’alors ; c’est une manière de nuancer et de ramener l’observation à des segments sociaux plus larges, “ aux viviers ”, lieu possible de la protestation (ainsi les élèves de grandes écoles, le groupe du Musée de l’homme).

Enfin, la Résistance a produit sa propre dynamique, induisant des orientations nouvelles, des décisions inattendues en fonction des conditions du moment. Une manière de remettre les choses à leur place et réviser le mythe qui auréole les fondateurs… Les héros n’en sortent pas réduits, bien au contraire, ils sont auréolés de l’apport des divers relais qui, solidaires les uns des autres, ont su capter et assumer l’action des pionniers.

ANDRIEU, Claire.- Les résistances, perspectives de recherche.- p.p.69-94.

Ce sont les résultats d’une recherche particulièrement intéressante que nous livre C. Andrieu, dans la mesure où l’histoire des femmes résistances n’est plus appréhendée sous le seul angle du modèle exemplaire, mais se pose d’emblée comme “ une enquête sur le genre de l’engagement ” dans la résistance. L’auteur n’exclut pas l’autre volet, soit une enquête similaire mais du côté de celles qui ont choisi de collaborer.

Cette enquête prend d’abord les contours d’une analyse socio-démograhique. Et toute la difficulté consiste à dénombrer les femmes résistantes, tant leur participation - engagement s’est le plus souvent inscrite dans des actions difficilement identifiables aux critères retenus par les organismes tels que les conseils de l’ordre de la Légion d’honneur, de la libération et de la médaille de la Résistance. C’est que “ constituée de gestes quotidiens et traditionnels, leur résistance logistique se prête mal au recensement distinctif ” (p.72.), d’autant plus qu’elle est perçue  “ comme allant de soi ” (p.73) selon les propres dires des concernées. Or, de l’avis des résistants, le rôle des femmes a été déterminant. Les différentes recherches estiment la participation féminine à environ 12 %. Or, rapporté à la proportion de la population féminine (52%), ce chiffre peut sembler particulièrement faible. Mais si l’on considère “ l’engagement politique des femmes avant et après la guerre ”, ce chiffre montre au contraire “ une mobilisation sans précédent ”.

Autrement dit, il doit être examiné à l’aune de l’espace civique qui induit ici, la défense de la cité, réservée alors aux hommes. Les femmes à travers leur résistance ont joué un coup double en investissant, à la fois, le champ républicain et le champ de la guerre

Cette première investigation a amené l’auteur à s’interroger sur l’existence “ d’une culture féminine de la résistance ” qui a su transgresser les barrières de l’ordre établi (mariage, maternité..) d’une part, et à tenter de cerner le statut social des résistances, d’autre part.

Dans quelle mesure l’activité professionnelle a été un facteur supplémentaire d’engagement militant ? et comment expliquer la présence ou l’absence de catégories socio-professionnelles, comme les ouvrières par exemple ? et la résistance de ménagères, c’est-à-dire celles des femmes au foyer ? Celles-ci ont assuré d’une manière générale une logistique nécessaire à la survie de la résistance, reconnue mais non comptabilisée et encore moins gratifiée … Sexisme a t-on dit ? sans doute, les mentalités masculines et féminines enserrées dans la culture dominante ne pouvaient agir autrement. Mais, au regard d’aujourd’hui, de nouvelles perspectives s’ouvrent à la recherche autour de la résistance des femmes qui incitent à partir non plus d’un constat de carence (faible pourcentage) mais à considérer l’ensemble de la résistance, incluant femmes et hommes, à travers les divers rôles remplis, ici et là, à accomplir des expériences nouvelles, situées au-delà des frontières traditionnelles, hors de la loi.

Le livre renferme d’autres études toutes aussi intéressantes les unes que les autres :

- Quelles différences sociales entre réseaux, mouvements et maquis ? par Dominique Veillon et Jacqueline Sainclivier,

- Structurations, modes d’intervention et prises de décision, par olivier Wievorka,

- Résistances et classes moyennes, par Jean Marie Guillon,

- La résistance des cheminots, par Christian Chevandier…

Elles méritent toutes une lecture attentive, et appellent à une mise en parallèle avec d’autres formes de résistances. La comparaison avec celles que la lutte de libération algérienne a engendrées, par exemple, serait certainement des plus significatives.

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SIARI TENGOUR, O. (2000). PROST, ANTOINE (sous la direction).- La résistance, une histoire.- Paris, Editions de l’Atelier, 1997.. إنسانيات - المجلة الجزائرية الأنثروبولوجيا والعلوم الاجتماعية, 04(10), 157–157. https://insaniyat.crasc.dz/ar/article/prost-antoine-sous-la-direction-la-resistance-une-histoire-paris-editions-de-latelier-1997