Le travail de conception : les représentations des architectes / urbanistes

Word an representations of space conceptionists

Abstract : A debate on town responsability brought forward today, questions more often than not architects and town planners, as space conceptionists. Up to what point is our architectural and urban environment a crystallization of the work of those who, in principle have projected it on blueprint ? This article reconsiders the results of a field survey, looks for the answers in the performance of the participants concerned.

Keywords : city, space, architecture, plan, representations

« L'architecture pour l'architecture n'existe pas. C'est donc toute la société algérienne qui est impliquée directement ».

Une architecte.

INTRODUCTION

L'observation des villes existantes amène inévitablement à se poser la question des conditions socio-historiques de leur production. Dans ce processus complexe, le travail d'engendrement en amont des espaces, c'est-à-dire de leur conception, constitue une dimension essentielle, incontournable.

La mise en relief de cette dimension ne peut manquer d'éclairer la place et le rôle des architectes et des urbanistes puisque, du moins en théorie, la nature et la qualité du modelage du cadre urbain dépend des plans qu'ils conçoivent et des projets qu'ils réalisent.

Cet intérêt doit se concentrer, à la fois, sur le positionnement social de ce corps professionnel[1] en rapport avec les autres acteurs du procès de production du cadre bâti mais doit aussi tenir compte des « pré-requis » culturels et des présentations qui orientent les pratiques socio-professionnelles et l'exercice du métier.

Dans cette perspective, l'objet de cette contribution est d'éclairer cette double dimension en parlant du discours de représentants de ce corps professionnel[2]. Le fil conducteur est d'arriver à préciser les représentations que le « concepteur » a de son travail : contenu perçu, profession vécue, rapport aux autres acteurs du processus de production, évaluation des résultats de l'activité, etc…

Dans le prolongement de cette recherche, il serait intéressant d'initier la même démarche pour les autres intervenants dans la productions du cadre bâti (entreprises de construction, maître d'ouvrage, usager) pour cerner l'image qu'ils se font des architectes et des urbanistes.

L'analyse du discours des concepteurs de l'espace (C.D.E.) permet de mettre en valeur la base de structuration de leurs représentations qui réside dans le divorce constaté entre le modèle de référence et la réalité vécue. Les attitudes et les comportements sont commandés par la perception de ce décalage entre la vision du métier et son exercice effectif en Algérie.

1. LE MODELE DE REFERENCE

La représentation du travail de conception apparaît, en premier lieu, dans la discrimination opérée entre l'architecture et l'urbanisme d'une part, et l'acte de construction d'autre part. En plus de la technicité nécessaire à l'étude et à la réalisation d'un projet déterminé (bâtiment, équipement), le concepteur de l'espace (C.D.E.) produit une plus-value culturelle (E.P). Cette distinction apparaît aussi  en filigrane sans l'affirmation extrême (R.C.) : « Nous sommes en train d'approcher à grand pas du moment de l'émergence de l'architecture et c'est peut-être aussi l'émergence d'une nouvelle société civile ». Sous entendu : jusqu'ici, il n'y a eu en Algérie que de la construction, l'architecture était absente ! Cette vision est partagée par de nombreux concepteurs.

Le travail du C.D.E. génère un «plus» qui fait de ceux qui le mettent en œuvre des créateurs au sens fort[3]. Non seulement, l'activité en question doit gérer un processus qui doit conduire à la réalisation d'un bâtiment conformément à des besoins (E.P) mais elle doit produire la culture d'une société, elle doit enfanter le beau (E.P). Certes, le rôle du C.D.E. est de donner les différentes dimensions de l'objet (exemple : pièce de 4 m sur 5 m),  mais cette pratique s'intègre dans une démarche plus globale du projet qui consiste à inventer une solution à un problème posé. Donc il y a l'idée au départ : « l'Architecte doit partir de l'idée. Cette dernière a le même statut que l'hypothèse du chercheur. L'Architecte n‘est pas seulement un dessinateur. S'il n'y a pas d'idée, il n'y aura pas d'évolutions mais seulement transformation des choses déjà vues » (E.P).

La représentation du concepteur-créateur apparaît aussi dans la comparaison des pratiques urbanistiques dans les pays développés et l'Algérie dans les termes de la normalité et du pathologique. Dans un pays jeune où l'architecture et l'urbanisme sont dans leurs premiers balbutiements, le C.D.E. doit répondre à plusieurs missions dont la plus importante est de constituer une tradition dans un milieu qui, souvent, n'en ressent pas le besoin[4].

Créateur, le C.D.E. doit être naturellement le « maître d'œuvre » de tout projet de production du cadre bâti. Il est le « chef d'orchestre » attitré pour enfanter l'idée, l'opérationnaliser sous forme de projet, susciter la réaction du maître d'ouvrage, suivre la réalisation par les entreprises de construction, coordonner l'intervention des différents opérateurs et assurer la réception de l'ouvrage. Bien entendu, la concrétisation de ces différentes finalités suppose une certaine marge de liberté qui ne saurait s'accommoder des solutions prévues dès le départ et des interférences extérieures.

L'architecture et l'urbanisme sont le reflet d'une civilisation[5]. Une conception de l'espace pleinement réalisée implique une vision globale de l'aménagement du cadre bâti et l'inscription dans une perspective de recherche- innovation sinon « on devient un simple élément d'une chaîne, un exécutant » (R.C).

Pourtant, beaucoup d'architectes et urbanistes restent lucides et admettent que l'effectivité de ce modèle ne peut  se concevoir sans un certain rapport de forces : « il faut se dire que ce qu'on attend d'un architecte, c'est telles  missions et pour qu'il puisse les accomplir il lui faut tels pouvoirs qui doivent lui revenir (…). La profession
d'Architecte est en dehors de l'Architecte : C'est une affaire d'Etat, une affaire de civilisation et une affaire de pouvoir » (R.C).

2. LA PROFESSION VECUE

La réalité de l'exercice du métier est loin de correspondre au modèle et, souvent, elle est présentée comme son envers. Face à la dévalorisation de la profession et à la détérioration de son statut social, devant sa marginalisation dans le travail, le concepteur ressent un profond sentiment de frustration : « on a été de tous temps frustrés » (E.P.).

2.1. La dévalorisation de la profession

A la question de savoir s'ils ont réalisé un travail de conception, nos interlocuteurs montrent dans le détail qu'ils ont été des exécutants. Certains évoquent le nombre important de projets non réalisés. D'autres insistent sur les interférences des politiques ou des administrateurs dans  leur travail. La plupart mettent l'accent sur les contraintes techniques (« peut-on faire un plan masse en 15 jours ? ») (E.P.) ou technologiques (« la normalisation », la «typification » générées par l'industrialisation du bâtiment). Enfin, les modifications apportées au projet sans l'avis préalable de l'architecte et donc la dénaturation de l'œuvre sont dénoncées (cf. plus loin). Comme le note un architecte : « C'est tout le processus qui a été mis en place qui a fait que la quantité et l'architecture ont été absentes » (R.C).

A partir de ces faits et d'une multitude d'autres, l'image paradoxale du concepteur-exécutant peut s'objectiver : « Donc, la vision globale de l'aménagement de l'espace ou du cadre bâti n'existe pas au niveau des décideurs eux-mêmes, alors, comment veut-on la trouver chez les architectes confinés dans leur situation d'exécutants » (R.C)[6]. Le double aveu : L'architecture perd la vision   globale de la forme », attribut essentiel de la conception et abdique certaines de ses prérogatives au profit des décideurs qui trouvent ainsi une légitimité à leurs « interférences ».

A partir de là, la dérive s'amorce : « L'architecture de tout le monde a été légalisée » ! ; « il y avait deux solutions possibles : soit ramener des étrangers pour faire le travail, soit permettre à n'importe qui de faire des études en architecture. Et c'est effectivement ce qui s'est réellement fait (…) Alors, les professionnels n'étaient pas vraiment indispensables. C'est comme si devant la pénurie de médecins, on légalise la pratique de la médecine par les charlatans » (R.C). Cette approche réductrice se retrouve aussi dans le réflexe du décideur qui, dans sa recherche de l'économie des frais, « touche en premier lieu les études. Ailleurs, la phase études prend le plus de temps et la réalisation le moins ; chez nous on a la situation inverse ! Obligé aussi d'évoluer dans le cadre du bâtiment, de la standardisation et de la production en série, « le concepteur ne se sent pas impliqué » (E.P), il refuse d ‘assurer la responsabilité de la production du cadre bâti (« je ne me sens pas responsable de ce qui a été fait ») (E.P).

Cette situation de dévalorisation du métier se concrétise par la perte des attributs que revendique tout travail de conception : absence de vision globale, abandon de l'implication dans un processus de recherche et d'innovation, abdication devant l'inadéquation des moyens proposés (temps, argent, cadre organisationnel, etc…) pour toute création d'une œuvre, etc… Dès lors, la marginalisation du C.D.E. est consommée…

2.2. La marginalisation du concepteur

Considérant aussi bien son travail que sa situation sociale, le C.D.E. se considère marginalisé. Cette réalité apparaît de manière symptomatique lorsqu'on prend en compte la part du travail effectivement accomplie par l'architecte algérien :

« Nous avons constaté que sur un marché de construction de 100 en valeur indiciaire, nous sommes passés de 0.1% de part de marché aux Algériens pour tourner actuellement aux environs de 1% de part de marché aux Algériens. Voilà une réalité de société au-delà de l'individu » (R.C)[7].

Cette donnée traduit la dépossession du C.D.E. de son métier :

« Il y a une inadéquation entre celui qu'on appelait, les années antérieures, architecte avec un grand A, le maître, etc…, et la situation dans laquelle il se trouve actuellement. Il est simplement animateur au sein d'une équipe pluridisciplinaire constituée autour d'un projet » (R.C).

Cette perte du rôle de « chef d'orchestre » est vivement ressentie. Ce nivellement est vécue comme une perte d'identité : le maître d'œuvre n'existe plus. A partir de là, la revendication par la profession de la maîtrise d'œuvre se fait pressante. Elle l'est, d'autant plus, que la dégradation du rôle du concepteur peut réduire sa fonction à la portion congrue : « le rôle de l'architecte est limité à la réception. On ne l'a pas laissé exercer son métier. Le fait est là, il est absent ». Pire : même la réception de l'ouvrage n'est pas automatiquement assurée par le concepteur. Surtout, si ce dernier refuse une réalisation (à cause de malfaçons par exemple). De toutes les façons, « les études n'étaient pas faites pour être appliquées » (E.P). La détérioration de l ‘activité avec toutes les conséquences qui en découlent pour le cadre de vie est ainsi entamée. Significatif de cette réalité : le concepteur peut-être surchargé de menus travaux administratifs qui le détournent de sa mission essentielle (E.P). Cette dérive est favorisée par une réglementation obsolète et muette sur le contenu du travail du C.D.E.[8] A partir de là, tous les dépassements sont rendus possibles : L'exemple du « droit de l'œuvre » méconnu et transgressé est le plus souvent cité par les concepteurs.

Cette dynamique ne peut manquer de produire tous ses effets sur le statut du concepteur qui va connaître une dégradation contenue. En premier lieu, les honoraires versés pour les études sont bas, ce qui va se répercuter sur leur qualité.

En effet, la réglementation prévoyant seulement les honoraires maximum, le maître d'ouvrage peut négocier à la baisse en jouant sur la concurrence entre les concepteurs. 

A partir de là, les bureaux d'études vont adapter leurs méthodes de travail à la rémunération de leurs prestations : une habitude de travail rapide va s'instaurer (E.P). En deuxième lieu, les salaires dans le secteur public sont bas : « Comme l'architecte, en Algérie, touche 4500 DA par mois et que cette somme représente 30 kg de viande, il achète la viande et rien d'autre » (R.C).

Enfin, la propriété intellectuelle du concepteur est spoliée, dénaturée, ignorée : les droits d'auteur, par exemple, ne sont pas reconnus. Les architectes/urbanistes expriment ici un besoin de reconnaissance sociale de leur travail, de leurs œuvres, de leur potentiel créatif. Point sensible : les exemples cités par les C.D.E. sont nombreux où l'œuvre de grands architectes (même étrangers) est altérée, rendue non signifiante.

Lorsque tout ce qui motive l'action (contenu du travail, statut, possibilité de « produire un cadre viable et intéressant ») fait défaut, ne reste alors que la fuite :

« C'est un travail très dur que tout le monde fuit. L'environnement en termes de rémunération, de revalorisation, n'existe pas dans le secteur public (…) Actuellement, l'exercice de la profession n'existe pas en tant que tel » (R.C).

Autre forme de fuite : la fonctionnarisation. De la table de dessin, le concepteur passe au bureau de l'Administrateur. Et Abdelkafi (J) de s'exclamer : « fantastique réduction des corps professionnels »[9] la fuite ultime sursaut de celui qui ne veut pas être autrement que l'image qu'il s'est forgé de lui-même.

2.3. La perte du pouvoir de décision

Les causes de cette régression sont bien identifiées : le système dans son entier était fermé à la conception et à la créativité. Même si des appréciations différentes peuvent être avancées par les C.D.E. sur les modalités concrètes de cette détermination !

En premier lieu, le type de financement atomisé en fonction des maîtres d'ouvrage ne favorisait pas une vision globale de la forme mais le projet devenait une opération de l'objet : logements en premier, ensuite les équipements, etc… Ceci est bien illustré par les propos de cet architecte : « Le projet de la cité où j'habite est réalisé depuis longtemps et le terrain prévu pour la polyclinique est toujours vide. »

Dans cette logique de l'objet ponctuel individualisé, le concepteur n'a pas les coudées franches pour élaborer la forme voulue puisque les différentes opérations sont dissociées dans le temps et du point de vue de la mise en œuvre financière et de conception du projet.

En deuxième lieu, le phénomène de « l'omnipotence technologique » va encore restreindre la marge de liberté et de créativité du C.D.E. puisque le choix d'une entreprise de réalisation implique une option technologique spécifique et donc le choix préalable d'un type de bâtiment standardisé (voir plus loin).

Ensuite, les effets de la prééminence des instances politiques (notamment le rôle de la wilaya) dans la prise de décision concernant les choix importants d'une étude sont tout à fait fondamentaux.

Enfin, le rôle joué par le monopole du bureau d'études « public » précipite le processus de dévalorisation / marginalisation de la profession[10]. D'autant plus que l'environnement ne semblait guère être attentif aux carences dont l'espace de vie était porteur. Ainsi un responsable politique se demande le plus normalement du monde : « A quoi sert un architecte ? » (cité par un architecte).

L'examen attentif de ces griefs fait ressortir une donnée essentielle : ce que le concepteur ressent plus ou moins confusément c'est la perte du pouvoir de décision. Ce que note explicitement certains C.D.E. : « ils sont intervenus pour des missions ponctuelles mais ils n'ont pas eu effectivement de pouvoirs de décisions » (R.C). D'autres vont nier toute responsabilité dans les « horreurs » qui ont été produites tout simplement parce que le pouvoir de décision était ailleurs, en dehors d'eux. Aussi, un changement qualificatif de la production du cadre bâti suppose une restructuration des relations du pouvoir :

« Il y a une redistribution du pouvoir technologique à opérer nécessairement avant toute chose. Il faut restituer le pouvoir aux technologues de façon générale » (R.C).

Le pouvoir, c'est aussi le rapport aux autres. Dans le cadre de son activité, le concepteur identifie les acteurs les plus importants avec lesquels il entre en relation : le maître d'ouvrage, l'entreprise de réalisation, l'usager…. De chacun, une image plus ou moins nette se fait jour.

3. LE RAPPORT AUX AUTRES

Le processus de conception et de réalisation du cadre bâti dans les pays « industrialisés » et l'Algérie présente une différence essentielle : les rapports entre les différents opérateurs. Ainsi en est-il de la qualité et du poids du maître d'ouvrage et de son rôle effectif dans la réalité du projet.

3.1. Le maître d'ouvrage : l'interlocuteur absent

En effet, le maître d'ouvrage joue un rôle fondamental notamment en ce qui concerne la qualité du produit. Actuellement, le rapport de force, dans les pays industrialisés, est en faveur de cet acteur. A partir de là, le maître d'œuvre et l'entreprise de réalisation doivent « passer par toutes les exigences raisonnables du maître d'ouvrage » (E.P).

Le sentiment général qui ressort chez les concepteurs c'est l'absence en Algérie de cet interlocuteur indispensable. En effet, le maître d'ouvrage n'est pas présent dans le procès de production du cadre bâti, soit parce qu'il laisse faire sans intervenir, soit par manque de formation et de qualification rendant difficile l'établissement du dialogue nécessaire avec les concepteurs.

Dans la perspective de l'amélioration de la qualité du produit, le maître d'ouvrage est un maillon essentiel. Il doit intervenir aussi bien en amont du processus de conception qu'en aval, au niveau de la réalisation. Ainsi, cet acteur qui commande les études doit :

  • Choisir le maître d'œuvre et superviser les études.
  • Connaître les moyens nécessaires (temps, argent, personnel) pour mener à bien les études. D'après les C.D.E., le travail de conception est sous évalué,
  • Prendre ses responsabilités et faire des choix lorsqu'il y a « dérapage » dans la réalisation du projet déjà accepté.

Avec la promotion immobilière, actuellement en vogue, les C.D.E. font le constat d'une certaine évolution, même si elle est trop lente : « Dans tout développement, il y a un aspect qui évolue plus vite que d'autres (…) j'ai eu la chance de tomber sur un maître d'ouvrage très ouvert, on a fait du bâtiment avec de la tuile à R+4. Cela a eu des effets positifs sur le social. Nous avons 100 logements de l'Education financés à 3000 DA le m2, avec de petites solutions, nous sommes arrivés à une architecture de qualité » (R.C).

La représentation que se font les C.D.E. algériens du maître d'ouvrage dans les pays « développés » est la suivante : Forte identité, poids et rôle importants, qualification et maîtrise du rapport qualité/prix, connaissance des coûts, etc. … Ceci est loin d'être le cas en Algérie où le maître d'ouvrage méconnaît les coûts d'études ou de réalisation, sous-estime les études avec la recherche d'économie sur ce plan en particulier, etc…

A partir de là, la revendication se fait jour : le maître d'ouvrage doit s'impliquer davantage. Il faut qu'il soit concerné. En effet, il y a des changements qui commencent à s'opérer : le maître d'ouvrage ressent aujourd'hui qu'il peut exiger plus du bureau d'études. Mais il y a toujours un certain attentisme…

Le dépassement des limites de cette relation suppose l'action sur la maîtrise d'ouvrage : « (…) les difficultés (…) pourraient s'estomper en inondant la maîtrise d'ouvrage de professionnels. C'est ce qui a fait défaut et qui a fait que les professionnels ont été confrontés à des gens non concernés par le secteur (…). Je crois qu'on pourra rétablir ce système de relations si on est en face d'interlocuteurs du même secteur, les professionnels de même profil « (R.C). (soulignés par nous).

La raison d'être du maître d'ouvrage réside dans l'échange et le dialogue établis avec le concepteur. Comment peut-il être un interlocuteur absent alors que l'impératif de qualité se fait pressant ?

3.2. Le rapport aux entreprises de réalisation

L'omnipotence technologique :

La relation aux entreprises de réalisation est perçue par les C.D.E. sous la forme de la dualité : c'est un rapport de forces qui, lorsqu'il est en leur défaveur et celui du maître d'ouvrage, marque leur totale dépossession/marginalisation. D'ailleurs, cette représentation n'est pas propre aux concepteurs algériens. C'est ce que constate, par exemple, un rapport de recherche du C.N.R.S. pour la France : « Depuis la fin du XIXe siècle, le devis écrit a progressivement accompagné le dessin. Devis de l'ingénieur, dessin de l'architecte, cette dualité de la représentation de l'ouvrage est la marque de la césure entre construction et architecture. Dans les pratiques traditionnels, cette double présentation, dessinée et écrite, se fait par référence implicite à une technologie dominante, à peine masquée par le « ou similaire »[11].

Cette dimension constitue une question décisive pour les concepteurs puisque l'omnipotence technologique signifie la
négation de leur travail en tant que tel. Portée jusqu'au bout, l'analyse qu'ils font des prestations des entreprises est assimilée implicitement à l'absence de la qualité. Pour une grande part, les résultats négatifs obtenus jusqu'ici (avant le développement de la promotion immobilière) sont la conséquence de la prééminence des entreprises.

L'omnipotence technologique peut se lire à différents niveaux :

a)- La politique des modèles ou systèmes constructifs aboutis, qui va avoir pour effet de « mettre le bureau d'études à la traîne de l'entreprise ». Le concepteur va être d'emblée dépossédé de la marge de liberté nécessaire à son travail ; il est disqualifié : « pour faire de l'architecture, il faut la maîtrise des grandes dimensions du bâtiment. Or, en Algérie, ce sont les entreprises qui ont cette maîtrise. Le concepteur maîtrise les petites dimensions. L'entreprise impose, par exemple, un procédé avec des dimensions de trame. Les petites dimensions ne permettent pas de faire de l'architecture. Dès le départ, les conditions dans lesquelles un problème est posé ne permettent pas de solutions satisfaisantes » (E.P). Ce conflit des rationalités des dirigeants des entreprises fortement marquées par la vision économiste de la standardisation/normalisation. Ainsi est-il de ce délégué à la construction au Ministère de l'Equipement qui propose d'étendre cette démarche aux auto-constructeurs :

« La démarche consisterait à développer des centres d'études, de production et de gestion des approvisionnements permettant aux petites entreprises et aux auto-constructeurs de réaliser des maisons individuelles en mettant à leur disposition des plans réalisés à partir de systèmes constructifs typifiés, des lots de matériaux (gros œuvres et C.E.S) correspondants à ces systèmes et l'encadrement de travaux »[12].

Ainsi les moyens de réalisation sont choisis au départ, la qualité vent après. « Le travail de conception est laminé ! ».

b)- Les modifications apportées à posteriori dans la réalisation du projet conçu par le C.D.E. constitue une dépossession de l'œuvre : « l'œuvre n'appartient plus à l'architecte puisque tout le monde peut le modifier » (E.P). Pour pallier à cette situation, de nombreux concepteurs proposent que le suivi de la réalisation soit assuré par le maître d'œuvre. La réglementation en retard, là-aussi, doit suivre.

c)- Les pressions des entreprises en faveur de la réception de l'œuvre malgré les malfaçons se traduisent progressivement par la dégradation du cadre bâti. Puisque la médiocrité ne peut plus être sanctionnée, elle fait tâche d'huile.

La situation aujourd'hui tend à évoluer. Le volume du travail demandé à l'entreprise ayant considérablement diminué, le rapport de forces se déplace progressivement vers le maître d'ouvrage. Cette situation pourrait favoriser le travail de conception. D'où les quelques expériences encore exceptionnelles, auxquelles on assiste aujourd'hui (voir plus loin). Cependant, cette évolution n'est pas sans inconvénients. La technologie mise en place était prévue pour les grandes opérations alors que la taille des projets diminue. Ce qui ne va pas sans certains problèmes aussi bien pour l'entreprise que pour le bureau d'études.

Le rapport du C.D.E. à l'entreprise représente donc une contrainte considérable. Comme sous d'autres cieux, l'impératif serait d'arriver à une plus grande synergie entre les études et la production du cadre bâti à partir d'une réflexion approfondie sur la VILLE à créer.

3.3. Le rapport à l'usager

En théorie, l'une des références essentielles du concepteur réside dans le mode de représentation de l'usager : « C'est tirer des références relatives à la manière dont l'usager conçoit et se représente l'objet en question (on s'intéressera forcément à l'usager concerné). Par exemple, une opération d'une grande envergure, qui relève de la puissance publique et qui touche la collectivité, nous oriente à rechercher les références principalement dans le
projet de société, alors qu'une habitation nous pousse à saisir le mode de représentation que se fait l'habitant de son espace » (B. Benyoucef : Cahiers de l'E.P.A.U, n°1, 1992, p 24). Certaines expériences internationales ont été plus loin puisque la question d'associer l'usager à la conception est envisagée (urbanisme de participation).

Pour le concepteur algérien, la question est loin d'être tranchée. Ainsi, si, A. Sahraoui[13] titre une communication donnée à l'URASC : « connaître l'usager : pourquoi faire ? », d'autres architectes/urbanistes expriment un question-nement : « je me demande par rapport à quoi je dois m'intégrer. Au site ou à la société ? La société algérienne,  en quoi consiste-t-elle ? Nous sommes passés de la famille élargie à une famille plus restreinte. Alors, pour qui doit-on construire ? Nous ne pouvons répondre, au moment de la conception du projet à toutes ces questions » (R.C). Ne pas répondre à ces questions ne veut pas dire que le problème posé est résolu ! Il est éludé dans la pratique professionnelle avec toutes les conséquences qui en découlent sur le cadre bâti.

Heureusement, cette position de refus ne fait pas l'unanimité au sein des C.D.E. dont beaucoup sont  sensibles au rôle fondamental de l'usager. D'où la recommandation de cet architecte : « Je crois qu'on doit apprécier le cadre bâti par rapport au vécu, au sens le plus large et le plus étroit du terme. C'est-à-dire au vécu de celui qui habite le logement et de celui qui habite la ville. A la manière dont c'est perçu, il y a quelques enseignements à tirer ».

Toutefois, l'usager n'a pas été pris en compte dans la pratique du projet telle qu'elle s'est manifestée jusqu'ici en Algérie. Bien entendu, les conditions de cette carence ne relève pas seulement de la représentation du concepteur puisque des déterminations plus générales ont joué leur rôle (la normalisation des procédés constructifs, appel aux architectes étrangers,  etc…). Néanmoins, la manière de concevoir le travail de conception et de production du cadre bâti et sa diffusion sociale n'a pas pu contribuer à la propagation d'un certain état d'esprit pour qui, tout simplement, l'usager en tant qu'acteur n'existe pas. Il est effacé.

Aujourd'hui, le concepteur lui même fait le constat des effets de cette méprise sur la qualité du cadre de vie produit : « Les participants ont constaté que la qualité du cadre bâti et du fonctionnement urbain ne répond pas aux aspirations du citadin. Les modes de croissance urbaine tendent à se dégrader, à dégrader la qualité de l'environnement et à déséquilibrer l'éco-système urbain »[14].

Le résultat en est l'affermissement des processus de dégradation et de déséquilibre avec des conséquences reconnues sur l'état physique et mental des citadins « Quand je vois les logements qui s'édifient en bordure des autoroutes, je me dis que ce sont des gens malades qu'on va produire ». (R.C).

A partir de là, le conflit devient inévitable. En face d'un cadre bâti qu'il n'a pas choisi ou pour lequel il n'a pas été consulté, l'usager va développer des formes de résistances et de rejet : transformations importantes du logement, dégradation des espaces semi-publics, publics, malaises ressenti, etc… Si les C.D.E. eux-mêmes font ce diagnostic, il ne se sentent pas responsables de cette de cette évolution !

Cependant, nombreux sont les concepteurs qui se posent la question décisive : comment sortir de cette impasse ? Ils tentent même d'apporter des issues à cette crise relationnelle. Pour les uns, il s'agit de puiser une inspiration dans le vernaculaire qui constitue le lieu de la créativité où s'affirme l'usager et où se lit une culture en voie de disparition. Ainsi, ce qui s'est perdu durant l'itinéraire architectural des villes, en allant du centre vers la périphérie, c'est la terrasse collective : « L'étage courant, c'est toujours les mêmes F2, F3, ... F5 qui se répète de bas en haut. Sachant qu'il faut faire les différents types de logements différents en surface, pourquoi ne pas faire des étages différenciés de façon que les F5 étant en bas, ils peuvent bénéficier d'une cour. Les F4 au dessus pourront obtenir une terrasse puisque l'espace d'une chambre est libre, et ainsi de suite… En jouant comme cela, on a un mouvement de volume plus intéressant et on peut se permettre de donner une terrasse à chacun. La terrasse est un espace de vie qui a été perdu à jamais et l'habitant le ressent ainsi » (E.P). Ce passage est significatif de la richesse et de la portée d'une réflexion anthropologique sur l'espace à partir du point de vue de l'usager. La même lecture est faite par certains architectes d'autres micro-espaces (exemple : la cuisine)

Pour d'autres C.D.E., l'impératif de connaître l'usager est ressenti et clairement affirmé :  « ( ) la qualité du cadre bâti, c'est d'abord la manière dont elle est vécue par les habitants et à la manière dont ces derniers se comportent par rapport à ce bâti. Est-ce qu'ils s'y identifient, le revalorisent-ils en tant qu'individus et en tant que groupe ou, au contraire, les agressent-ils, car mal adaptés à leurs besoins ? Tout le problème de l'architecture est la manière dont elle doit coller, voire même anticiper sur les comportements et les besoins sociaux ». (R.C).

Dans cette perspective, l'apport d'une sociologie de l'urbanisme et de l'architecture appliquée peut-être considérable : « (…) la cause la plus importante se situe (…) au niveau de la manière dont il va être vécue (il s'agit du projet M.M.). Il y a un problème de vie sociale à impulser au niveau des ensembles qu'on construit. C'est une mission commune à l'architecte et au réalisateur. Cela peut dépasser le créneau de l'architecte pour déboucher sur une mission de la sociologie pratique du comportement des gens qui peut aider à comprendre » (idem).

Comme dans la relation avec les entreprises, l'amélioration des procédures urbanistiques et architecturales passe aussi par une plus grande synergie avec l'usager. Si le maître d'ouvrage est considéré comme un concurrent, le rapport à l'usager divise les C.D.E. et laisse place à une grande indécision. Le produit obtenu et sa représentation par les C.D.E. est déterminé, pour une grande part, par l'ensemble de cette relation quadrangulaire complexe.

4. LE RAPPORT AU PRODUIT : LE SPECTRE DE BADJARAH OU L'ŒUVRE SE RETOURNE CONTRE SON MAITRE

« L'architecte qui construit le Palais de Bruxelles s'est jeté de la tour une fois son travail achevé tellement il était scandalisé par son œuvre ». 

Un architecte

S'il y a une question qui fait l'unanimité des C.D.E. c'est bien celle de la médiocrité de la qualité du cadre bâti produit. Pour beaucoup, « les choses n'ont pas été entreprises dans les règles de l'art » (Colloque de Tipaza). En effet, si le paysage urbanistique a connu de profondes modifications, la réalité des réalisations laisse beaucoup à désirer.

Ceci est d'autant plus grave que les pratiques urbanistiques usitées durant cette période ont remis en cause des dimensions de l'activité que les concepteurs considèrent comme fondamentales. En premier lieu, le produit se caractérise par la monotonie et l'uniformité alors que le principe de toute architecture réside dans la richesse et la diversité des formes. Ensuite, la médiocrité du bâti est patente à travers la reproduction stéréotypée de quelques types de tissus ne reflétant aucune tradition particulière du pays. Enfin, le manque de références culturelles va consommer le divorce entre l'architecture et l'urbanisme d'un côté, et la culture de l'autre, accentuant le dénuement de l'environnement.

Cependant, certains C.D.E. tentent de relativiser cet échec : « on a tendance à critiquer mais sans comparer par rapport à d'autres situations. Beaucoup de problèmes ont été réglés. Qu'aurait été la ville algérienne sans les Z.H.U.N. par exemple ? » (E.P). Dans cette démarche, un architecte va jusqu'à comparer la qualité du produit algérien actuel à celui de l'Europe après 1945 en disant qu'ils sont de valeur équivalente !

Cette image « négative » du produit dissuade les concepteurs à en revendiquer la paternité. Tout au contraire, le produit est renié. Caricatural de ce point de vue est le débat sur la responsabilité de ce qui a été réalisé : « Le dernier des architectes aurait fait milles fois mieux si on l'avait laissé faire normalement », «la responsabilité était ailleurs », etc.… Même si certains invoquent une part de responsabilité, la plupart évoquent à profusion les multiples contraintes, pressions et conditions qui font qu'ils n'ont rien à voir avec ce qui a été fait ! C'est pour cela qu'ils peuvent même relever qu'il existe un consensus social de la population pour rejeter les pratiques urbanistiques existantes (exemple : refus des Z.H.U.N.) !

Ils peuvent le faire, d'autant plus qu'ils considèrent que les projets réalisés sont des produits de contexte. Ainsi, la baisse de la qualité s'est faite sensible surtout après 1980 lorsqu'il a fallu passer à 100 000 logements/an. La recherche de la quantité a submergé tout le reste. Une politique utilitariste « étroite » a négligé le fait que «les gens ont besoins de vivre dans la ville et pas seulement dans une cellule » (E.P). Les effets de cette démarche sont accentués par les stratégies politiques locales qui n'intègrent pas la qualité dans leurs préoccupations : un wali veut voir les résultats rapidement car il ne sait pas s'il va rester longtemps dans le poste occupé ! Pour couronner le tout, le prix du projet est mal évalué.

Cependant, le concepteur ne se sent pas totalement étranger à l'œuvre entreprise. Parce qu'il a participé, plus ou moins, au processus de production du cadre bâti ou n'a pas vraiment dénoncé les dérives constatés sur le terrain, il reste, malgré tout, habité par le spectre de Badjarah :

(Par qui a été faite la cité Badjarah et bien par un « Monsieur » en son temps, j'ai été étonné d'entendre dire Niemeyer (et j'ai été angoissé par ces propos) à l'âge de 75 ans que s'il avait à refaire ce qu'il a fait, il ne referait jamais et qu'il était scandalisé par son œuvre) (R.C).

Symbole de la mauvaise architecture et de l'émeute urbaine, Badjarah ne fut pas un cas unique en Algérie. Ce spectre s'impose au concepteur, soit à travers le doigt accusateur de l'usager et de la société, soit dans la matérialité de ce qui aurait dû être le résultat de sa créativité » (le cadre bâti) :

« Quelle est la part de responsabilité dans la qualité du cadre bâti puisqu'en tous cas, ils (les concepteurs, M M) ont participé à sa réalisation (…). Actuellement, tout le monde nous fait ce reproche. D'ailleurs, nous-mêmes lorsqu'on pense on a pas tellement envie de voir ce tableau » (R.C). (Souligné par nous).

Mais au-delà de tout cela et de tous les déchirements, la question décisive qui se pose aujourd'hui, est celle du dépassement de soi, de la réalisation de son ÊTRE en tant que concepteur pleinement accompli.

CONCLUSION

Pour se réaliser, le concepteur doit briser la quadrature du cercle. Il doit se placer autrement dans la structure des rapports de pouvoir. Dès lors, une image de la réussite émerge : le travail dans le cadre de la promotion immobilière ou sur la base d'une initiative personnelle : « On a décidé de se mettre ensemble et de travailler. Dans le nouveau système, il y a beaucoup plus de place pour l'architecture (E.P).

Depuis les années 1980, la valorisation du modèle libéral par les C.D.E. est une donnée effective. A une exception près, pour nos interlocuteurs, le travail dans le public ne permet pas de se réaliser. On peut atteindre une meilleure qualité dans le cadre de petites entités d'études spécialisés et utilisant des consultants (exemple en Europe). De manière globale, la concurrence entre ces entités permet d'aller aussi dans ce sens.

Aujourd'hui, le processus de privatisation est une réalité engagée et est supporté par un marché en expansion[15].

Cependant, cette dynamique porte en elle ses propres contradictions en accentuant la différenciation au sein de la corporation (ceux qui sont dans « l'ordre », les autres qui en sont exclus ; les « patrons » du bureau d'étude qui conçoivent un projet et dirigent le travail et les architectes qui exécutent et finalisent les détails). De même, la production en série, chaque année, de masses de diplômés par les nombreux instituts d'architecture et d'urbanisme[16] répartis sur le territoire national, aggrave la fracture avec ceux de plus en plus nombreux qui ne trouveront de salut que dans l'emploi informel dans et hors secteur. Cette évolution commence déjà à produire un impact sur la profession (implication plus grande du maître d'ouvrage, demande de la qualité du produit, etc…).

Aujourd'hui, les C.D.E. sont conscients qu'il faut créer les conditions du dépassement à une plus large échelle : la profession doit être valorisée. Une réglementation adéquate est à définir : le travail doit être organisé et les honoraires formalisés en incitant la maîtrise d'ouvrage à plus de dynamisme. Il faut payer le prix de la qualité ; il est indispensable de réunir les conditions nécessaires à toute activité. Ainsi, la dynamique de l'économie libérale en cours ne doit pas déboucher sur une logique du profit supplantant toute autre considération dans l'exercice du métier.

Mais le concepteur est conscient que cette évolution n'est pas un processus naturel : elle est l'aboutissement d'une dynamique sociale. Dans ce rapport de forces, le rôle de la société civile est décisif :

« Ce qui est fondamental, c'est ce qui vient de la concertation de la base, c'est-à-dire la société civile. C'est ce qui va être déterminant en fonction des éléments nouveaux qui apparaissent : prise de conscience de la qualité du produit en fonction de l'expérience vécue par les gens dans les H.L.M., en fonction de l'importance prise par les gens de la profession » (R.C).


Mohamed MADANI


BIBLIOGRAPHIE

ABDELKAFI, J. - Pénurie de Logements et Crise Urbaine en Algérie- Urbanisme, Mars 1980.- pp. 114-115.

BOUBEKEUR, S. - L'Habitat en Algérie - Stratégie d'Acteurs et Logiques Industrielles - Alger : O.P.U., 1986.

Collectif, Espaces des Autres. Lectures Anthropologiques d'Architectures.- Paris : Ed de la Villette, 1987.

Construire, Revue du C.N.A.T., N°25 (1987), 33 (1989), N°41 (1991), N° (1992).

FREY, J. P. - Compétence et Performance de la Maîtrise d'Oeuvre Architecturale.- Revue H.T.M., N°1, oct. 1993.- p. 139-149.

GRELON, A. - Les Ingénieurs de la Crise. Paris : E.H.E.S.S., 1984.

MADANI, M. - Espace Urbain et Contradictions Sociales. Oran : URASC, Juin 1992.

MOULIN, R. - Les Architectes, Métamorphose d'une Profession Libérale, Calman Lévy, 1973.

VERPRAET, G. - Les Coalitions dans les Professions de l'Urbanisme, Sociologie du Travail, N°1, 1987.

Notes

* Une première version de cet article a été publiée dans « Conception de l'Espace et Modes d'Habiter ». Oran : CRASC, Juillet 1995.

[1] Le nombre d'architectes qui était de deux en 1962 va connaître un développement considérable, surtout après 1979, date où on a pris plus ou moins conscience de la gravité de « la crise de l'habitat ». D'après Sidi Boubekeur citant El-Moudjahed, il y avait 58 architectes (dont 08 algériens) en 1970 et 97 architectes (dont 42 algériens) en 1978 (voir bibliographie). La modestie de ces chiffres est à comparer avec les 7000 diplômés actuels. Aujourd'hui, la massification toujours en cours commence à introduire un certain nombre d'incertitudes et d'inquiétudes en même temps que s'accroît la concurrence et la différenciation au sein de cette catégorie sociale s'orientant, de plus en plus, vers le privé.

[2] Cet article s'est basé sur une enquête personnelle par  un entretien semi-directif (1991-1992) et l'exploitation des termes d'une table-ronde organisée par la revue Construire. Pour des raisons de commodité, nous ne citons pas les noms des interviewés mais noterons seulement la source d'informations (E.P. : enquête personnelle, R.C. : Revue Construire). Une quinzaine d'architectes ou d'urbanistes ont fourni le corpus discursif dans lequel nous avons puisé.

[3] Cette image du concepteur-créateur était partagé par les pouvoirs en place qui, dans les années 1970, ont fait appel aux grands noms de l'architecture mondiale (Kenzo Tange, Niemeyer, Bofill, Pouillon…) pour résoudre les problèmes issus de la crise de l'habitat qui a commencé à poindre à partir de 1976. Voir J. Abedlkafi, Pénurie de logement et crise urbaine en Algérie. Revue « Urbanisme », 1980.

[4] Un haut responsable politique cité par un architecte : « j'ai besoin de deux bâtiments, l'un pour le Nord, l'autre pour le Sud ». Et l'architecte de conclure : «En fin de compte, on a eu le même bâtiment pour le Nord et le Sud »!

[5] Le Corbusier cité in R.C. « Ce qu'une civilisation peut, l'architecte le montrera ».

[6] Passages soulignés par nous.

[7] Chiffres de 1989.

[8] Jusqu'en 1988, l'ordonnance 66/22 qui réglemente la profession de l'architecte ne fait qu'actualiser des textes de 1957. Les architectes parlent de vide juridique car « le côté conception et pratique de l'architecture (…) est exclu » des textes existants.

[9] Revue « URBANISME ». Op. cité.- p. 114.

[10] Situation qui est en train d'évoluer avec le passage à l'ajustement structurel et une certaine saturation-concurrence commence à se faire jour avec d'inévitables conflits dont l'enjeu est le contrôle des « parts de marché ». Significatif, à ce propos, en est la tension autour de l'institutionnalisation de l'ordre des architectes et la division architectes-enseignants/architectes-praticiens.

[11] Perreau-Hamburger, O. - La conception architecturale et le projet technique, in Architecture, Urbanistique, Société. Paris : CNRS, 1988. - p. 106.

[12] Intervention au forum sur la promotion immobilière (16-21 janvier), à Alger et reproduite par « Construire » N°40, 1991.- p. 13 souligné par nous.

[13] Rapports à l'espace résidentiel, actes de la journée d'étude du 29 juin 1988, Oran : URASC, 1990.- pp. 48-58.

[14] Colloque de Tipaza, 15-17 mai 1989, compte rendu de « Construire » N°33.- pp. 32-35.

[15] Un indice significatif : le nombre de démissions d'enseignants-architectes qui quittent l'université pour aller vers les bureaux d'études privés. Pour la seule année 1996-1997, l'institut d'Oran a vu le départ d'une dizaine de ses enseignants en architecture.

[16] Cas unique au Maghreb où, à notre connaissance, existe une seule Ecole d'Architecture dans chacun des pays. En Algérie, dans la seule région orientale existe trois instituts (Sétif, Constantine, Annaba).

Insaniyat N°1 | 1997 | Le Travail : figures et représentations | p. 63-84 | Texte intégral

 

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