Revue Française de Science Politique vol. 57, n° 1, février 2007

La science politique s’intéresse de près aux enquêtes ethnographiques menées par les chercheurs sur des « terrains difficiles». Autant dire que des terrains minés par la violence et l’insécurité amplifient les difficultés liées aux conditions d’accès, d’observation, de prises de contact… Les pratiquer ne va pas sans de nouvelles approches méthodologiques et épistémologiques.

Trois articles tentent de répondre à cette problématique.

Il s’agit tout d’abord de l’enquête menée par Vincent Romani, dans les Territoires occupés de la Palestine (Cisjordanie et bande de Gaza), durant deux années (2000-2002). Le contexte de l’occupation, la violence quotidienne, les méfiances de part et d’autre compliquent le parcours chaotique d’une telle recherche où le danger est permanent. Vincent Romani n’a pas eu d’autre choix que celui d’un «engagement corporel et donc psychologique sans aucune possibilité de refuge immédiat hors de ce contexte»… «d’imprévisibilité et de confinement». Quid de la distanciation du chercheur par rapport à une telle proximité et un tel environnement? Et que dire de «l’inconfort d’étudier une société opprimée et enfermée»? Et des possibles manipulations? D’autant plus que l’auteur visait à «élucider les conditions de possibilité des métiers de social scientist en Territoires occupés»? Cette expérience mérite d’être lue et commentée, ne serait-ce que pour avoir mis à mal «un exotisme dont la Palestine est un archétype».

C’est à travers l’itinéraire d’un SDF que Patrick Bruneteaux a choisi d’étudier «la nouvelle pauvreté» à l’épreuve de l’action publique. Là aussi, l’auteur souligne les difficultés paradoxales d’accès au terrain. Les sans-logis sont en effet une population très mobile, pas toujours disposée à s’entretenir avec un chercheur. Comment créer les conditions favorables à l’établissement de relations avec une personne qui vit dans la rue? Comment faire du récit de vie avec un sujet dont la mémoire a subi maints traumatismes? Cette démarche familière depuis l’Ecole de Chicago a exigé d’entretenir une longue relation, pour parvenir à établir une règle de confiance et suivre le parcours d’un SDF durant six années. Là aussi, une question d’éthique a surgi: «de quelle morale humaniste le chercheur peut-il se prévaloir?» face à un interlocuteur en quête d’un domicile et d’un travail?

Le dernier article de Daniel Bizeul attire l’attention sur les «apports et fragilités de l’observation directe». Ce n’est pas une préoccupation nouvelle pour les praticiens du terrain, mais rappeler les limites de l’immersion et implication du chercheur en sciences sociales, participe de ces précautions qu’il est impératif de ne jamais perdre de vue, au risque de rater la production de sens attendu de son enquête.

auteur

Ouanassa SIARI-TENGOUR

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