L’auteur accorde une place appréciable à l’histoire urbaine en tentant de faire le point sur la périodisation des différentes phases de croissance précoloniale, coloniale et post-coloniale. En premier lieu, l’intérêt est porté à la production du sol urbain de la ville, que l’initiative en revienne à des lotisseurs privés ou à des institutions publiques consécutivement à la municipalisation des terrains situés à l’intérieur du périmètre urbain permise par l’ordonnance de 1974 portant sur les réserves foncières communales. Cette idée est fondée sur une série d’enquêtes et de sondages dont les résultats apparaissent mitigés à cause des contentieux accumulés, des retards dans l’attribution des lots de terrain… Le même phénomène se reproduit durant la période 1986-1990, en raison de l’intervention des deux agences foncières locales dont les résultats spatiaux semblent discutables à cause de l’urgence des opérations menées, du sous-équipement manifeste des lotissements, de la non-maîtrise des coûts de réalisation… La même remarque peut être émise pour la période suivante (1990-2002), qui a connu un réajustement du « plan de l’habitat » (relance de la promotion immobilière en 1992, mise sur le marché foncier à fois de lots promotionnels et de lots sociaux). Globalement, L. Belouadi note une défaillance dans la production foncière publique, qu’il explique par la non-respect des instruments d’urbanisme approuvés, l’empiétement des terres agricoles, l’épuisement des réserves foncières communales et par toute une série d’infractions aux règles de l’urbanisme et de l’architecture pratiquées par les institutions publiques (commune, services du cadastre, divers services techniques…).
Ce sujet porte sur une des questions centrales de la ville algérienne, à savoir celle relative au marché foncier, élargie à la production immobilière. Ville moyenne de 114 000 habitants, Saïda est « un cas révélateur d’un fort développement des processus fonciers et immobiliers », et ce, en raison d’une forte extension du bâti, que l’on pourrait assimiler à de nouvelles périphéries planifiées qui ont été impulsées par la croissance industrielle et par le programme d’équipement des chefs-lieux de wilaya.
Le second volet de la recherche, portant sur la formation des quartiers irréguliers de Saïda, aborde la genèse des bidonvilles en insistant sur les paramètres temporels, spatiaux et humains (installation, mobilité résidentielle, catégories professionnelles, revenus, vie sociale…). Logiquement, l’auteur focalise ses recherches sur les réactions des aménageurs publics et sur leurs actions (éradication des bidonvilles et recensement des familles, nouvelle politique « dite de résorption de l’habitat précaire »). La cité Amrous (recasement) et la cité Daoudi (autoconstruction) sont, certes, prises comme des exemples, mais l’éclairage le plus intéressant porte sur un aspect peu abordé localement dans les études urbaines : celui de la régularisation foncière des lotissements « pirates »; ce dernier point est complété par une étude relative aux transactions foncières permises par la loi d’orientation foncière de 1990 et par une autre portant sur le morcellement des parcelles urbanisables.
Le dernier volet du mémoire tente de cerner l’accès à la production immobilière selon les diverses périodes choisies (coloniale, post-indépendance, planifiée, libérale). Sont ainsi approchées les questions des filières de production immobilière et les différentes modalités périodisées de l’accès au logement : promotion immobilière publique, effets de la loi sur la cession des biens de l’Etat (1981), la « nouvelle politique de l’habitat » (début de la décennie 1990), et la concrétisation des réalisations résidentielles (1993-1995) à travers le logement social locatif, le logement promotionnel, le logement évolutif, l’habitat rural et le logement social participatif public et privé. La spéculation immobilière est appréhendée à travers l’étude des désistements effectués auprès de l’Office de promotion et de gestion immobilière.
Néanmoins, il manque à cette recherche documentée une sorte de synthèse qui aurait pu contribuer à expliquer la morphologie désordonnée de l’urbanisme et de l’architecture saïdéens ; celle-ci heurte le visiteur, d’autant plus que l’étalement de l’habitat se fait, certes, sur les versants des monts de Daïa et de Saïda, mais l’implantation irréfléchie de lotissements à proximité de talwegs et sur des terrains argilo-marneux pose la redoutable question des risques urbains et celle de la localisation des zones à urbaniser en priorité.
Abed Bendjelid
AUTEUR
Larbi Belouadi : Processus fonciers et immobiliers à Saïda. Magister en géographie, option « aménagement de l’espace ». Directeur de recherche : Abed Bendjelid.
150 pages, 17 cartes, 39 graphiques.
Université d’Es-Sénia, Oran, 2003.