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Insaniyat N°2 | 1197 | Espaces habités | p. 01-03 | version PDF 


L'intention dans ce numéro d'INSANIYAT n'est pas de revenir, encore une fois, sur le thème de la «crise de l'habitat».

Sinon, il s'agit d'en parler différemment. Par delà la vérité des chiffres et l'évaluation des programmes annoncés, le regard qui se veut anthropologique ou proche de cette posture méthodologique, porte sur la crise plus profonde, plus souterraine, de l'habiter.

Les textes ici réunis tendent d'appréhender à différentes échelles (public, privé) les rapports tissés par les différents acteurs avec leurs espaces de vie. A travers quel investissement matériel, affectif, relationnel, conatif, l'accès à un logement devient réalité pour les algériens? Que peuvent nous révéler les pratiques et l'expression habitantes (discours des habitants) sur les représentations et les choix des acteurs enquêtés? Quelles manières d'être laissent-ils voir à travers leurs dispositions dans l'espace domestique ou public, leurs gestes, leurs rites et symboles, leurs modes de sociabilité, leur parole? Les contributions ici présentées sont autant d'incursions dans ce monde riche et complexe à la fois. Résultats de recherche de terrain, elles apportent des réponses tout en ouvrant sur de nouvelles questions sur les façons d'habiter dans les villes algériennes (Oran, Constantine, Biskra).

Etudiant l'espace habité issu des coopératives immobilières apparues au courant des années soixante-dix dans la métropole oranaise, Abed BENDJELID s'attache à décrire la compétition pour l'accès à la propriété privée du sol désormais possible. Le phénomène coopératif est accaparé par les catégories sociales moyennes et aisées qui «détournent» l'esprit des textes, jusque dans l'adaptation de l'espace habité. A travers l'analyse des modes d'occupation au sol des maisons individuelles, de l'image de l'architecture extérieure et des formes internes d'organisation, l'auteur constate le jeu subtil entre rationalité moderne et logiques identitaires.

Investissant la rue comme lieu - soit un phénomène qualitatif total - Zoulikha BOUMAZA décèle les signes d'une «nouvelle identité» faite de la coexistence de l'occidentalisation et de l'orientalisation des langages, espaces et usages. Se prolongeant dans les lieux de sociabilité (café, mosquée, hammam), la rue dans le vieux Constantine est le territoire des «beznassa» qui occupent cette «scène de vie» sur un mode codé rappelant «l'organisation corporative d'antan » mais donnant un sens autre aux espaces originels.

Se positionnant sur ce même terrain «d'intégration et de liberté» mais à Oran, Nouria BENGHABRIT-REMAOUN focalise son attention sur cet oublié des politiques urbains: l'enfant. Pourtant, le caractère massif des enfants dans les rues marque et dérange; l'appropriation ludique de l'espace public façonne l'image du quartier mais en retour ce contact avec l'espace et les autres ne peut manquer de produire ses effets socialisateurs (interconnaissances, autonomie dans un lieu d'expérimentations, apprentissages multiples...)

Le même constat d'inadéquation entre espaces projetés et usages est fait par Ammara BEKKOUCHE dans son étude des espaces verts publics urbains. Plaçant au centre de son analyse la notion d'espace vécu, l'auteur s'interroge sur le sens de la réappropriation par la population de ces équipements qui sont détournés de leur destination ou font l'objet d'une désaffection marquée. Les limites d'une programmation normative occultant les qualités du lieu (caractère, identité, mémoire) sont nettement répertoriées. Une approche anthropologique est-elle à même de nous fournir les instruments cognitifs nécessaires en vue de restaurer la communication entre l'habitant et des espaces répondant à ses aspirations?

La deuxième entrée de ce dossier permet d'accéder à l'espace domestique, aux modes d'appropriation et de représentation dont il est l'objet, à l'imaginaire symbolique qui l'investit. A partir de ce terrain extrêmement riche de la posture anthropologique, Abdelkader LAKJAA tente de décrypter les pratiques habitantes à travers la lecture statistique et l'observation des modelages de l'espace en même temps qu'il analyse la communication établie par lui avec les usagers des immeubles collectifs d'Oran. Le sens de cet «habiter identitaire» plaide, nous dit-il pour une hypothèse d'une urbanité en émergence. S'inscrivant dans une démarche proche, la contribution de Mohamed MADANI recherche la signification profonde du rapport de l'habitant à la maison individuelle, cette «oeuvre signée», et débouche sur la réalité d'un composé culturel complexe fait d'apports et d'emprunts multiples, manifestation d'une urbanité, spécifique, en marche.

L'article de Mohamed SAIDI prolonge cette perspective puisque l'analyse des pratiques langagières et des proverbes de la culture populaire dans l'imaginaire masculin algérien permettent de relever l'anthropomorphisme dont la maison est l'objet, sa sacralisation et sa fusion symbolique avec la femme.

Ce dernier acteur est l'objet des investigations de Fouzia MELIOUH et Kheïra TABET-AOUEL qui tentent de donner un contenu à la notion de confort féminin à partir d'une incursion dans l'habiter à Biskra.

En clôture, Nadir MAROUF s'interroge sur le problème des sources se rapportant à l'établissement humain en milieu saharien et conclut à l'existence d'une conjonction d'imaginaires multiples «fabricant l'événement», chacun à partir de sa position.

Mohamed MADANI

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