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KATZ, Joseph.- L'honneur d'un Général. Oran, 1962. - Paris, L'Harmattan, 1993.- 368 pages. [Préface de Ch. R. AGERON, présentation de Jacques DELARUE], plan, Annexes

Sur les conseils de son éditeur, l'auteur a accepté de publier le livre sous forme de témoignage, dépouillé de toute note ou appareil critique. Le livre se veut donc, tout d'abord un témoignage, mais aussi une réponse aux attaques calomnieuses que toute une littérature pro-OAS avait entretenues sur le Général KATZ qui a donné de lui l'image du « Gauleiter KATZ, le chef de la Gestapo gaulliste» ou du « Boucher d'Oran »; le rendant particulièrement responsable des massacres de la journée du 5 juillet 1962, sur laquelle KATZ apporte à la fin de ce livre un éclairage nouveau.

Il avait fallu donc, trente ans après les douloureux événements qu'avait vécus Oran, sous la terreur des commandos OAS, pour que le général J. KATZ se décide de sortir de son silence et lever tant soit peu le voile sur un épisode des plus dramatiques de la guerre de libération nationale, dont il a été non seulement le témoin privilégié mais aussi l'un des principaux antagonistes. Par ailleurs, tout au long de ce livre, on s'aperçoit aisément que la conception de l'honneur chez ce général de 55 ans, alsacien de surcroît, prouve à souhait qu'elle n'était pas une simple gasconnade de méditerranéen. Son refus de rallier les généraux mutins en 1961, lui a valu la confiance du général De GAULLE. L'auteur a par ailleurs, tenu à expliquer l'attitude qui fut sienne vis-à-vis des différents protagonistes lorsqu'il avait en charge le commandement du (SAOR), par une profession de foi que tout responsable militaire ou politique devrait méditer : «Je fais partie d'une génération, écrit-il, pour laquelle l'Armée avait la mission sacrée de servir la Nation sous les ordres du gouvernement légal et ne devait en aucun cas se dresser contre la Loi de l'Etat tant que celui ci pouvait librement émaner de la souveraineté populaire ». Allusion, sans conteste aux généraux félons du putsch d'avril 1961 qui par leur ambition démesurée et leur conception passéiste de l'histoire avaient entraîné malgré elle la population européenne d'Algérie dans un engrenage fatal.

Le général KATZ n'est d'ailleurs pas un inconnu des militants  FLN d'Oran, et ce pour avoir été, en sa qualité de commandant du SAOR (secteur autonome d'Oran), le seul interlocuteur du côté français, avec les membres de la ZAO (zone autonome d'Oran), commandée par le regretté Si Bakhti, alias Djelloul NEMICHE (1922-1992) ; et qui tous deux s'étaient retrouvés, ironie de l'histoire, confrontés à lutter contre un même ennemi : les commandos OAS.

Le pourquoi de ce livre, « pour apporter, écrit-il, un témoignage véridique sur le drame qui s'est déroulé en Algérie en 1962 et spécialement sur les événements d'Oran vers lesquels ont convergé, pendant des mois avec quelle acuité, mais aussi quelle partialité, les feux de l'actualité. Depuis plus de vingt ans, il m'a été maintes fois demandé une relation de ces événements. J'ai voulu attendre pour la fournir que les plaies se soient cicatrisées – pour certains, elles ne le seront jamais – et que les passions se soient apaisées ».

Le livre apporte incontestablement à l'historien, des faits qui pour n'être pas tout à fait inconnus, ne sont pas moins informatifs sur certains aspects de la lutte anti-guérilla urbaine impitoyablement engagée par les unités du général KATZ. La relation des événements ne s'appuie pas uni­quement sur la mémoire, mais essen­tiellement sur différents matériaux documentaires, tels que : le Journal de marche du SAOR, sur lequel a été consigné nuit et jour, minute par minute, tout ce qui s'est passé entre le 19 février 1962, le jour même où KATZ est arrivé à Oran, et le 5 juillet 1962. Les instructions données par KATZ à ses troupes, et les émissions pirates de l'OAS.

Le général KATZ ne cachait ni à lui même, ni à ses troupes, qu'à la suite de l'appel à l'insurrection générale lancé aux européens d'Oran, conjoin­tement par Charles MICHELLETI, le chef civil de l'OAS et le général GARDY, qui à la suite de l'arrestation le 25 mars 1962 du général Raoul JOUHAUD, fut désigné par Salan à la tête de la branche militaire de l'OAS à Oran, qu'il fallait dès lors, s'attendre au pire. Cette journée dominicale du 25 mars, fut l'une des plus violentes. Le harcèlement particu­lièrement soutenu des commandos OAS contre les troupes du général KATZ, avait con­traint celui-ci, pour dégager ses hommes, de faire intervenir l'aviation. La violence des combats lors de cette "bataille d'Oran", avait fait rappelé à un journaliste américain présent à Oran, la guerre d'Espagne, « Il retrouve dans le comportement des Oranais, dira KATZ, celui des Espagnols, le même sens du funèbre, le même goût du sang et du drame».

La traque des activistes OAS était d'autant plus difficile que ces derniers bénéficiaient dans tous les milieux de la population européenne, pratiquement du concierge au commissaire central de police d'une importante aide logis­tique, et du soutien en matière de caches d'armes et de refuges des personnes recherchées. Et cela, le chef du Secteur autonome d'Oran l'avait très bien compris. Pas question donc de compter sur la population. Dès lors, il va très vite moduler son action de lutte anti-OAS. Tout d'abord, il ne sera plus question de compter sur toutes les forces de l'ordre et de façon plus parti­culière, celles dont l'encadrement était majoritairement originaire d'Algérie. Il s'était principalement appuyé sur des unités originaires de la métropole, comme le fameux EGM (escadron de gendarmerie mobile), qui fut la cible privilégiée des commandos OAS, les CRS et les soldats du contingent, dont le dévouement et  la loyauté lui étaient totalement acquis. En dépit de toutes ces précautions, le Général KATZ échappa miraculeusement à trois attentats, le dernier coûta la vie au Général GINESTET le 15 juin 1962, à l'hôpital militaire BAUDENS, que le tueur prit pour le commandant du SAOR.

En dehors des forces de l'ordre du SAOR, les commandos OAS avaient essentiellement pour cible, la popu­lation algérienne en y employant contre elle toutes les formes d'extermination individuelle et collective (lynchages, ratonnades, exécution des malades à l'intérieur même des hôpitaux, tirs au mortier 81 et aux grenades à ailettes, voitures piégées, comme celle qui fut placée à la Ville-Nouvelle le 28 février 1962, en plein mois de ramadhan, et qui avait fait de très nombreuses vic­times ; sans parler d'ailleurs des tirs particulièrement meurtriers des snipers (tireurs isolés) sur les passants de la Ville-Nouvelle à partir des immeubles du quartier St. Michel.

De toutes les villes d'Algérie, c'est incontestablement à Oran que l'OAS allait jouer sa dernière carte. Le général KATZ, en avait, dès son arrivée compris l'enjeu. Il s'était souvent demandé si le Général De GAULLE était conscient de la gravité de la situation et du grand danger que constituait pour la République le "guêpier oranais". Il avait pour cela essayé à plusieurs reprises de le faire comprendre au chef de l'Etat, soit par le biais de Pierre MESSMER, ministre des Armées, soit par l'intermédiaire de ses amis, notamment Jacques CHABAN-DELMAS et Edmond MICHELET. Faisant allusion à cette période, le Général De GAULLE, reconnaîtra que « Si KATZ avait échoué à Oran dans sa mission de maintien de l'ordre constamment menacé, la République pouvait chanceler, et peut être disparaître».

Entre l'histoire et le témoignage, entre l'analyse et l'action, émerge de ce livre un parfait arrêt sur image de six mois d'une inattendue " guerre civile " d'une exceptionnelle sauvagerie, impitoyablement imposée aux peuples algérien et français par de prétendus défenseurs des "valeurs de l'Occident" ; mais qui fut aussi une expérience unique dans l'histoire de la décolonisation. Nous dirons avec Ch . R. AGERON, que : « Le Général Katz, qui a par son action, bien mérité de la République, a droit aussi pour ce témoignage capital à la reconnaissance des historiens ».

notes

* Sociologue/Chercheur CRASC

auteur

Saddek BENKADA*

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