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Pratiques pédagogiques et réformes éducatives en Algérie : une étude de cas

Insaniyat N°60-61 |  2013 | L’école: enjeux institutionnels et sociaux | p. 47-63| Texte intégral 


Teaching practices and educational reforms in Algeria: a study of case

Abstract: Algeria, as all countries in transition seeks to improve the education sector at all levels. On a quantitative level, the Algerian State has made a great deal of effort, but on a qualitative a great deal remain to be achieved.
The objective of this article is to trace the various changes that have marked the last reform, to make a descriptive statement of the teaching practices in four high- schools in order to examine and analyze their evolution, and to identify if the planned designated objectives have been achieved.

Keywords: pedagogical practice, performance, competence, evaluation, loss, reform.


Fatima NEKKAL: Université d’Oran, Faculté des sciences économiques, sciences commerciales et sciences de gestion, 31 000.Algérie
Doctorante à l’Institut de Recherche sur l'Education : Sociologie et Economie de l'Education (IREDU) CNRS / Université de Bourgogne, 21000, France.


Introduction

Aujourd’hui, l’éducation se présente sous des éclairages différents de ceux qui avaient été à l’origine des différents travaux au début des années 1960. L’économie d’éducation se concentre à l’heure actuelle dans trois grands domaines :

- la contribution de l’éducation à la croissance économique ;

- la demande individuelle d’éducation et des liens entre l’éducation et le marché du travail ;

- la gestion des systèmes éducatifs.

Le présent travail s’inscrit dans le domaine de la gestion des systèmes éducatifs, et cela dans une démarche qui tente d’expliquer comment les pratiques pédagogiques de l’enseignement secondaire, et plus précisément de la filière gestion-économie, ont progressé dans quelques établissements secondaires étudiés à la Wilaya d’Oran. La question est de savoir comment pouvons-nous évaluer la performance des élèves au cours du cycle secondaire à travers leurs résultats en classe de terminale et des résultats en fin de cycle secondaire par une approche comparative entre années, entre lycées, mais également par branches, à partir des données statistiques propres à chaque lycée.

Alain Mingat (2003) définit la gestion des systèmes éducatifs comme « l’ensemble des activités qui font le lien entre la sphère des politiques éducatives et celle des résultats obtenus, entre le niveau national et le niveau local, entre les moyennes et leurs distributions, entre les ressources et les acquisitions scolaires »[1].

Au niveau national

La gestion doit avoir pour but l’efficacité, l’équité et la cohérence de la politique générale

Au niveau local

Il s’agit d’améliorer les pratiques pédagogiques dans la classe et le fonctionnement effectif de chaque école.

Au niveau des établissements

La gestion pédagogique s’intéresse aux résultats obtenus et à la manière de les accroître en améliorant les pratiques pédagogiques. C’est à ce niveau que l’étude s’intéresse particulièrement à quatre établissements d’enseignement secondaire au niveau de la Wilaya d’Oran.

Nous avons adopté la méthode des enquêtes transversales qui portent sur l’évaluation et à la comparaison des résultats cumulés par les élèves à une année d’études déterminée dans une matière donnée en la complétant par la reconstitution des trajectoires des candidats au baccalauréat, ce qui permet de tirer avantage des deux démarches (transversale et longitudinale), à cette nuance près que nous ne considérons dans la dimension longitudinale que les élèves qui ont persévéré jusqu’en terminale.

L’objet de cette contribution est également d’analyser les résultats pédagogiques après l’application de la dernière réforme, les lacunes constatées et les solutions à recommander.

Mais avant tout, quels sont les objectifs de cette nouvelle réforme ?

Cette nouvelle réforme a été entreprise le 13 mai 2000, après l’instauration d’une commission nationale de réforme du système éducatif. Cette dernière était chargée de procéder à une évaluation du système éducatif en vue d’établir un diagnostic et de faire, en fonction des résultats, une refonte totale et complète de l’organisation scolaire et universitaire.

Enfin, elle proposa un projet définissant les grands axes de la nouvelle politique éducative, concernant d’une part, les principes généraux, les objectifs, les stratégies et les échéanciers, et d’autre part l’organisation et l’articulation des sous-systèmes, l’évaluation des moyens humains, financiers et matériels à mettre en place.

Le rapport de cette commission a été mis en place en 2001. Cette réforme a concerné, en premier lieu, les programmes scolaires, la durée de la scolarité de certains paliers, mais surtout l’obligation de l’enseignement préscolaire à partir de 2008/2009.

Cette nouvelle réforme s’articulait autour de trois éléments importants[2] :

- La refonte de la pédagogie et des champs disciplinaires

À ce niveau, c’est surtout la méthodologie d’enseignement qui a changé. Désormais, l’approche par objectifs est abandonnée au profit de l’approche par compétence.

L’apprenant par cette nouvelle méthode pouvait accéder au savoir, savoir-faire, savoir-être pour mener à bien sa vie de tous les jours. De plus, des programmes de formation des enseignants étaient prévus pour la maîtrise de l’outil informatique et des nouvelles technologies de communication.

- La réorganisation générale du système éducatif

Avant cette réforme, le système était structuré en deux niveaux : le premier, appelé école fondamentale (école primaire de 6 ans plus un cycle moyen de 3 ans), comprenait 9 ans d’étude obligatoire, le second niveau, le cycle secondaire, était de 3 ans.

Après l’adoption de la nouvelle refonte, il a été décidé de scinder l’enseignement de base obligatoire en deux phases distinctes : l’école primaire et le moyen dont le cursus est de 9 ans de scolarité obligatoire. Dans un souci d’alléger les programmes, une quatrième année a été ajoutée à l’enseignement moyen, alors qu’à l’inverse, pour l’école primaire, il a été procédé à une réduction d’une année en parallèle avec une généralisation progressive de l’enseignement préscolaire (la sixième année a été supprimée).

L’enseignement secondaire, pour sa part, restait inchangé du point de vue de structure, mais une réduction des filières était observée.

Le processus de mise en place de cette réforme s’est achevé en 2007/2008 avec la promotion des bacheliers issus du nouveau système.

- La mise en place d’un nouveau système de formation et d’évaluation de l’encadrement

Des mesures ont été proposées et appliquées concernant la formation des enseignants tous cycles confondus. Plusieurs possibilités ont été proposées, à savoir la poursuite des études à l’université, la formation à distance ou alternée par le biais de nouvelles technologies et des stages bloqués.

Cette nouvelle réforme va concerner également l’enseignement supérieur à partir de 2003, mise en œuvre en 2004, elle traduit principalement l’application progressive du LMD.

A partir de là, notre travail tente par le biais de questionnaires, d’entretiens et de statistiques propres à chaque établissement de répondre aux questions suivantes :

  • comment les pratiques pédagogiques de l’enseignement secondaire ont-elles progressé, et plus précisément celle de la filière gestion-économie ?
  • comment pouvons-nous évaluer la performance des élèves au cours du cycle secondaire ?
  • comment améliorer ces pratiques pédagogiques ?

Notre démarche contribue à la formation d’une banque de données concernant les quatre établissements. La constitution de la banque de données s’est faite sur la base : 

  • de trois questionnaires adressés à des populations distinctes mais qui concourent au fait pédagogique.
  • un questionnaire distribué à quatre proviseurs des lycées étudiés dans notre étude de cas
  • un questionnaire distribué aux enseignants d’enseignement secondaire de la branche gestion-économie.
  • un questionnaire distribué aux élèves de la branche gestion-économie
  • des entretiens avec :
  • des proviseurs
  • des censeurs
  • des conseillers pédagogiques
  • des données statistiques propres à chaque lycée
  • des données statistiques de l’inspection académique de la Wilaya d’Oran.

L’étude de cas que nous avons menée s’est faite par rapport à l’importance de l’effectif des élèves, à l’ancienneté des lycées, mais également à la facilité de communication.

L’étude concerne quatre lycées de la Wilaya d’Oran. Il s’agit des lycées de Sidi Allal ex LTJF, le plus ancien des quatre (crée en 1957), lycée Mrah Abdelkader, lycée émir Abdelkader, lycée cheikh Ibrahim Tazi, tous les trois fonctionnels depuis 1984.

Les trois premiers étaient des lycées d’enseignement technique alors que le dernier a été toujours un lycée d’enseignement général.

Évolution et évaluation des pratiques pédagogiques

1. Répartition des effectifs selon l’établissement d’origine 

Les quatre établissements sélectionnés ont présenté un total d’élèves de 3250 scolarisées dont 34.89 % étaient candidats au baccalauréat pour l’année scolaire 2009-2010 sur le total de leurs élèves.

Tableau 1 : Répartition des effectifs selon l’établissement d’origine

lycées

Allal sidi Mohamed

Emir Abdelkader,

cheikh Ibrahim Tazi

Mrah Abdelkader

Total

Effectif global des élèves

972

566

984

728

3250

Effectif des élèves en gestion-économie[3]

42+38=80

21+34=55

42+38=80

32+39=71

286

Effectif

des enseignants

64

55

64

51

234

Source : statistiques propres à chaque lycée pour l’année 2009-2010, inspection académique de la Wilaya d’Oran.

Trois des quatre lycées abritent près de 30% des élèves du total, seul le lycée Emir Abdelkader ne présente que 14.41% du total, la cause est vraisemblablement la disparition des branches techniques de l’ancien système.

A ce sujet, le personnel du lycée regrette l’enseignement de ces branches mais, également, l’investissement colossal acquis dans ce but. Ainsi dans la plupart des technicums, aujourd’hui lycées d’enseignement secondaire, ont du matériel et outillage scellés dans des salles fermées de peur d’être dérobés vu leur prix d’acquisition trop important. 

La filière gestion-économie a fait partie de l’enseignement secondaire depuis l’indépendance en tant que branche technique : « technique économique ». A partir des années 1990, elle s’est divisée en deux filières distinctes ; une d’enseignement général appelée « gestion économie », et une seconde d’enseignement technique appelée « technique comptable »

Actuellement, avec la disparition des lycées techniques, seule la première est restée. La seconde a été insérée dans la formation professionnelle.

D’une façon générale, dans chaque lycée existe une classe de gestion-économie en 2ème année secondaire, et une autre en 3ème année (terminale).

L’effectif de ces classes varie entre 20 et 40 élèves, mais il a tendance à augmenter.

2. L’orientation des élèves

Depuis de nombreuses années il est démontré que l’orientation scolaire a un impact déterminant sur les résultats scolaires et sur la trajectoire professionnelle future de l’élève.

Plusieurs facteurs déterminent l’orientation dont le vœu des élèves et de leurs parents, le taux de réussite au Baccalauréat, l’orientation post- universitaire et les débouchés au niveau marché de travail.

L’orientation vers des troncs communs intervient à l’entrée 1ère AS, soit vers sciences / technologie ou lettre /philosophie. C’est vers la première filière que les élèves ont tendance à être orientés comme le montre le tableau suivant :

Tableau 2 : Répartition des élèves en tronc commun pour l’année 2009-2010

      Lycées

 

Tronc commun

Allal sidi Mohamed

Emir Abdelkader,

cheikh Ibrahim Tazi

Mrah Abdelkader

Total

%

Sciences /technologie

578

99

186

196

1056

73.5

lettre /philosophie

163

63

71

86

383

26.5

Total des 1èreannées Secondaires

741

162

275

282

1439

100

Source : statistiques propres à chaque lycée pour l’année 2009-2010, inspection académique de la Wilaya d’Oran.

73.5% des élèves préfèrent être en sciences / technologie pour suivre en sciences expérimentales en 2ème année et le reste est orienté vers lettres /philosophie.

L’orientation vers les filières spécialisées intervient en 2ème AS. En tronc commun, la filière sciences expérimentales est la plus fréquentée. Elle restera toujours familière aux élèves pour le choix de la spécialité, au détriment des autres filières (lettres, philosophie, langues étrangères,  Mathématiques, gestion-économie et techniques mathématiques) qui sont de moins en moins demandées

Les élèves orientés vers la filière économie-gestion sont sélectionnés du tronc commun sciences/technologie sur la base de leurs moyennes en mathématiques, histoire-géographie et français. Selon la loi d’orientation, ils doivent avoir la moyenne dans les trois matières.

Cette filière est de plus en plus demandée par les élèves après la filière des sciences expérimentales pour plusieurs raisons : la première concerne les élèves qui ont des difficultés en physique et en mathématiques, matières plus allégées ou inexistantes dans la branche gestion-économie.

La seconde raison réside dans le sens où c’est une branche d’avenir d’après les élèves encouragés par les parents pour faire « gestion-économie » : « grâce à elle, nous disent-ils, « nous comprenons les grands principes de l’économie de marché ».

Tableau 3 : Répartition des élèves par filières en 2ème année secondaire dans les quatre lycées année 2009-2010

          Lycées

 

Filières

de 2ème année

Allal sidi Mohamed

Emir Abdelkader

cheikh Ibrahim Tazi

Mrah Abdelkader

Total

%

Effectif des élèves de gestion-éco

25

34

34

30

123

23.12

Sciences expérimentales

60

56

106

114

336

63.15

Techniques maths

25

48

N’existe pas

N’existe pas

73

13.72

total

110

138

140

144

532

100

Source : statistiques propres à chaque lycée pour l’année 2009-2010, inspection académique de la Wilaya d’Oran.

Dans la filière sciences expérimentales peut exister plusieurs divisions, c’est ce que explique son importance en nombre alors que dans les autres filières, une seule division est ouverte. Pour la filière technique mathématique sur quatre lycées, seuls deux ont cette branche, car le nombre réduit des élèves orientés vers cette filière poussent les proviseurs à les regrouper dans quelques lycées de la Wilaya.

Nous remarquons que, d’une part, la répartition des élèves entre branches est inéquitable, certaines sont bien chargées et d’autres plus allégées et que, d’autre part, une valorisation de la filière sciences expérimentales est faite au détriment des branches techniques mathématiques, langues et gestion-économie.

Ainsi sont orientés :

En 1ère AS 73.38% en sciences expérimentales, 26.5% en lettres et philosophie et 8.80% en gestion-économie.

En 2ème AS par exemple, 63.15% en sciences expérimentale, 23.12% en gestion –économie et 13.72% en technique mathématiques.

Ce paradigme d’orientation des élèves ne va pas dans le sens de la réforme qui a pour but de valoriser des filières autres que les sciences et de faire émerger une élite grâce à d’autres branches telle que la branche technique mathématique et philosophie,

La cause principale se trouve au niveau de l’orientation après le BAC, car les bacheliers de ces branches ne peuvent pas accéder à toutes les facultés, entre autres, la faculté de médecine, même si leurs résultats au BAC sont parmi les meilleurs.

3. Les méthodes pédagogiques

La réforme de la pédagogie préconise une nouvelle vision de l’éducation qui implique une rupture épistémologique et méthodologique totale avec le passé. Visant l’amélioration de la qualité de l’enseignement dispensé, cette nouvelle vision consiste en l’adoption de l’approche par compétences en tant que dynamique globale de changement pédagogique.

L’approche par objectifs consiste à répondre à la question : que doit savoir l’apprenant à la fin d’une activité donnée ? Grâce à de petites évaluations, elle permet de vérifier si un objectif bien précis est atteint par les élèves.

Les contenus des programmes scolaires étaient découpés en de multiples micro-objectifs (objectif principal, objectifs secondaires, objectifs opérationnels) et l’élève apprend des morceaux sans en comprendre le sens et sans savoir quel lien a son apprentissage avec la vie de tous les jours.

Aussi, avec l’évènement de l’approche par compétences, l'intégration des apprentissages dans une logique globale est privilégiée, avec le souci que la visée finale de la compétence à acquérir ne soit pas seulement présente « à la fin » du processus, mais soit comprise dès le début et conditionne la façon même dont sont construits par l'élève les différents éléments constitutifs de la compétence. « La compétence est finalisée et contextualisée. »

L’approche par compétences ne peut être efficace qu’à travers l’acte d’enseignement / apprentissage, que si elle arrive à rendre l’élève capable de tester des hypothèses, de poser des problématiques, de résoudre des problèmes, d’analyser des opinions et des idées, etc. Or, il n’y a presque pas d’apprentissage pour l’élève (expérience, stage…), le cours reste à un niveau théorique. Les méthodes d'enseignement et d'évaluation pédagogique apparaissent quant à elles inadaptées, faisant trop appel aux transferts et au contrôle de connaissances pures, et insuffisamment aux savoir-faire et à l'évaluation des acquis de l'apprentissage.

4. Programmes d’enseignement

Nous avons pris les matières dans la filière gestion-économie pour bien cerner la pratique pédagogique :

Les matières essentielles dans cette branche sont presque toujours les mêmes ; Gestion, économie/management, mathématiques et histoire/géographie. Alors que les mathématiques financières et les statistiques étaient une matière à part entière, actuellement elles ont été intégrées à la comptabilité pour faire une seule matière appelée « gestion ». 

A la matière économie générale sont ajoutées des notions management.

L’enseignement se fait en langue nationale, mais l’écriture des formules mathématiques, des symboles, des équations…se fait désormais en langue française.

Pour chaque matière est attribué un volume horaire de quatre heures par semaine, avec des coefficients respectifs de 6 et 5. (Gestion, économie/management)

Le tableau suivant nous montre le taux de réussite des élèves par matières au Baccalauréat.

Nous observons, pour cette filière, que les élèves sont soumis pendant l’examen de baccalauréat à des matières de non spécialité (gestion, économie et droit) ; par ordre décroissant, la philosophie, les mathématiques, l’anglais, le français.

Tableau 4 : Taux de réussite par matière au Baccalauréat 2009-2010

Lycées

 

Allal sidi Mohamed

Emir Abdelkader,

2008

Cheikh IbrahimTazi

Mrah Abdelkader

Moyenne

mathématiques

13..3

2.94

15.83

16

12.01

arabe

20

58.82

65.38

36

45.05

philosophie

3.33

00

00

36

9.83

His-géo

30

63.63

34.62

48

44.06

français

16.66

44.11

34.62

08

25.84

anglais

30

26.47

34.62

88

44.77

gestion

63.33

38.80

50

56

52.03

Eco-management

66.66

53.73

76.92

84

68.42

droit

66.66

38.23

69.23

68

60.53

Science islamique

66.66

88.23

84.62

100

84.87

Éducation sportive

100

94.11

100

100

98.52

Source : statistiques propres à chaque lycée pour l’année 2009-2010, inspection académique de la Wilaya d’Oran.

Seuls 9% des élèves ont eu la moyenne en philosophie, 12% en Mathématiques, 25% en français et presque 45% en anglais et arabe.

Nous constatons que le problème de langue se pose pour les trois filières et qui pourrait avoir des conséquences négatives sur la dissertation des matières de philosophie, histoire-géographie…

Les constats montrent que les familles sont de plus en plus nombreuses à avoir recours aux cours particuliers. Ceux-ci ont pour fonction principale de favoriser une meilleure scolarité des enfants. Ils contribuent aussi à la « pacification »[4] des relations familiales en évacuant partiellement les tensions que soulève le suivi des enfants qui rencontrent des difficultés par la délégation d’une partie de celui-ci à des agents extérieurs. 

Dans ce domaine, nous observons cependant des différences importantes entre les groupes sociaux :

Les parents de classe moyenne et supérieure ont plutôt recours aux cours particuliers quand leurs enfants sont au lycée pour maintenir leur niveau dans un contexte de compétition pour les meilleures places, ceux des classes populaires qui y ont plus souvent recours dès le primaire, se situent davantage dans une logique de rattrapage.

5. Les manuels scolaires

Dans le cadre de la mise en œuvre des nouveaux programmes, une nouvelle génération de manuels scolaires a été conçue. Ceux-ci ont été élaborés avec la participation d’éditeurs nationaux, privés et publics, et doivent répondre à trois conditions essentielles :

- la qualité définie par les normes scientifiques, pédagogiques et techniques universellement reconnues ;

- la disponibilité des manuels et leur mise à la disposition des élèves en début d’année scolaire

- un prix abordable.

Pour la filière gestion/économie, des livres scolaires « appréciables » selon les enseignants et les élèves ont été à leur portée pour chaque matière durant toute l’année.

6. L’intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication

L’école, à l’instar de tous les autres secteurs, n’échappe pas à la rapide évolution des technologies de l'information et de la communication et se doit de dispenser à chaque futur citoyen la formation qui, à terme, lui permettra de vivre dans un monde où l'usage d'outils informatiques est désormais banalisé.

Chaque établissement s’est vu doté d’un certain nombre de postes reliés à un réseau local, ils sont utilisés comme outil d’enseignement dans la matière informatique une fois par semaine, le reste est destiné aux enseignants afin de saisir leurs sujets d’examen au lieu de servir à la recherche et à la formation à distance.

Après un entretien avec les enseignants de cette filière, il nous est apparu clairement que presque aucun enseignant n’utilisait cet outil pour accomplir son cours ; les raisons évoquées sont : le manque de temps, manque de structure adaptée, mais surtout manque de connaissance technique et scientifique des nouvelles technologies de l’information et de la communication (logiciel en comptabilité par exemple).

De même pour la gestion pédagogique au niveau administratif, où des logiciels pouvant aider les chefs d’établissement dans la gestion administrative de leurs établissements peuvent être utilisés. Celui de Guy François O linga en est un exemple. Son outil appelé GES (Gestion des établissements scolaires) peut générer des emplois de temps en cinq minutes par classe. Une innovation certaine quand on sait que cette tâche occupe les censeurs même plusieurs semaines après la rentrée.[5]

7. L’admission au Baccalauréat

Cette étape décisive dans la vie scolaire de l'élève doit être couronnée par l'obtention du bac, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup d'élèves. L'examen des tableaux nous révèlent cette vérité.

Tableau 5 : Taux de réussite au Baccalauréat toutes branches confondues

       Années

 

lycées

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Moyenne des taux

Allal sidi Mohamed

25.59

44.77

35.38

58.76

46.52

46.13

38.46

48.87

Emir Abdelkader

41.50

46.99

40.83

70

69.28

31.71

39.17

48.49

Cheikh Ibrahim Tazi

41.07

52.18

45.02

61.84

53.72

66.33

46.67

52.26

Mrah Abdelkader

 

50

64.38

35.52

56.11

50.83

66.43

65.42

55.51

Wilaya d’Oran

35.50

48.41

37.41

56.49

49.93

56.49

44.25

46.92

Source : statistiques de l’Inspection académique de la Wilaya d’Oran, service des examens de 2003 à 2009.

Pour les quatre lycées, la moyenne des taux de réussite au Bac pour six années consécutives ne dépasse pas les 55%, les 45% des élèves restant soit redoublent l’année de terminale, soit sont éjectés du système éducatif, ce qui fait une charge lourde pour l’État.

Concernant, le classement des filières selon leur taux de réussite au Bac pour chaque lycée, il apparait les résultats suivants selon les statistiques de chaque lycée par filières.[6]

Tableau 6 : Classement des filières selon leur taux de réussite au Baccalauréat pour chaque lycée, Année 2009-2010

 

Sciences
expérimentale

Lettre/philosophie

Gestion-économie

Technique maths

Maths

Langue

moy

Allal sidi Mohamed

36.11

35.29

43.33

30

_

55

38.09

Emir Abdelkader

52.83

27.27

27.27

44.18

_

42.55

38.82

Cheikh Ibrahim  Tazi

47.17

41.98

42.31

     _

_

65.38

46.86

Mrah Abdelkader

 

78.57

62.5

48

_

_

_

63.02

Moy

53.67

41.76

40.22

37.09

 

54.31

 

Source : statistiques propres à chaque lycée pour l’année 2009-2010, inspection académique de la Wilaya d’Oran.

Pour la filière gestion-économie, aucun lycée des quatre n’a eu un taux de réussite supérieur à 50% et donc c’est une filière qui a tendance à faire baisser le taux global de l’établissement et/ou de la Wilaya, le taux de cette filière est de 40.22%.

De même pour les filières Technique mathématiques et Lettre/philosophie, qui ont respectivement une moyenne 37.09% et 41.76%.

Seul le lycée Mrah Abdelkader a eu un taux de réussite au Bac de 65.42%, pour l’année 2009 -2010, la cause réside dans le fait qu’il ne prend en charge que trois filières ; Sciences Expérimentales, Lettre/philosophie et Gestion-économie, il apparait clairement une meilleure maîtrise et gestion des enseignements.

Tableau 7 : Taux de réussite au Baccalauréat pour la filière gestion-économie

      Années

 

lycée

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Moy des3 dernières années

Émir Abdelkader Fellaoucene

 

 

32.83

35

37

25

27.27

29.75

Cheikh Ibrahim Tazi

34.29

45.24

54.02

46.34

62.13

62.5

42.31

55.64

Mrah Abdelkader

63.88

67.64

 

 

41.67

61.76

48

50.47

Allal sidi Mohamed

21.42

48.65

41.00

80

41.86

61.33

43.33

48.84

Wilaya d’Oran

 

 

36.25

45.00

44.81

63.58

39.73

49.37

Source : statistiques propres à chaque lycée, inspection académique de la Wilaya d’Oran.

Nous remarquons que pour la filière gestion-économie, les taux de réussite au baccalauréat (2009) n’atteignent pas les 50%.

8. Le personnel enseignant dans l’enseignement secondaire

Pour l’année 2009-2010, l’effectif global des enseignants d’enseignement secondaire dans la Wilaya d’Oran est 2198 dont 84 dans la filière gestion-économie.[7]

Avant la régularisation du statut de l’enseignant de l’éducation nationale, le niveau de recrutement reste homogène (ingéniorat ou licence d’enseignement supérieur ; Bac+5).

Cependant des différences existent entre ceux qui ont suivi une formation pédagogique dans une école normale supérieure (ENS) et ceux qui ont été recrutés sans formation pédagogique.

Des discordances sont également relevées entre les spécialités de formation et les matières effectivement enseignées.

Il apparaît clairement que la qualification du personnel enseignant dans l’ensemble des cycles était insuffisante. Même si elle relève d’efforts méritoires, elle ne compense pas le déficit de formation générale.

Le recrutement a obéi à la pression des besoins liés à la généralisation de l’enseignement dans un contexte ou la fonction enseignante avait déjà subi une forte dépréciation. Le gel des postes budgétaires a contribué à la réduction de taux d’encadrement.

Il en est de même de la retraite anticipée qui a favorisé le départ d’encadreurs ayant accumulé une expérience (mais dont les postes n’ont pas été pourvus.)

Lors de nos entretiens, les enseignants de la filière gestion-économie nous ont fait remarqué que ces derniers se plaignaient encore d’un manque de formation et que des journées d’étude lors des séminaires restaient très insuffisants pour leur formation quant aux changements des programmes et à la nouvelle méthode d’enseignement.

9. Les redoublements

Selon les directives du Ministère de l’éducation nationale, le redoublement n’est pas appréhendé en tant que sanction pour l’élève mais plutôt comme une possibilité de maîtrise de connaissance. De ce fait, tous les élèves qui n’ont pas de moyenne (10/20) ont cette faveur de redoubler au moins une fois par cycle d’enseignement.

Ces redoublements sont constatés surtout en 1ère année et 3ème année secondaire, la 2ème année est considérée plus « facile », une année où les élèves se sont adaptés au lycée… Pour illustrer cela nous présentons le tableau suivant concernant la Wilaya d’Oran :

Tableau 8 : Taux de redoublements de la Wilaya d’Oran pour les 1ères, 2èmes et 3èmes années secondaires

Années

1ére année

2éme année

3éme année

moyenne

2003

17.68

13.89

34.42

12.64

2004

25.35

14.3

33.67

12.44

2005

19.71

13.43

28.57

20.57

2006

39.92

11.26

29.97

27.05

2007

16.93

23.66

36.42

25.74

2008

8.47

9.27

40.06

19.26

moyenne

21.34

14.30

33.85

 

Source : statistiques de l’inspection académique d’Oran de 2003 à 2008.

Ainsi, nous notons que pour la 3ème année le taux de redoublement est plus important que les deux années précédentes (34%). Pour la première année, presque le quart (21.34%) de la population scolarisée refait l’année.

Le taux de redoublement est un indice d’échec et d’inefficacité du système éducatif.

10. Les déperditions

Quant aux élèves qui quittent le cycle secondaire à l’issue de classes terminales sans diplômes, il est bien admis qu’ils n’ont pas les qualifications requises leur permettant une insertion professionnelle dans la vie active.

Ces dernières ne doivent pas être trop importantes, sauf en troisième année secondaire après au moins un redoublement.

Ceci pose le problème de leur prise en charge pour les prémunir de la marginalisation, des déviations et d’une certaine culture de désespoir.

Ces deux facteurs, la baisse du taux de réussite au Baccalauréat et l’élévation du taux de déperdition, témoignent de la faiblesse du rendement interne de ce palier d’enseignement et de formation.

Selon les responsables de l’inspection académique de la Wilaya d’Oran, le taux d’exclusion ne doit pas excéder les 2.8%, seuls les élèves âgés ou qui ont redoublé plus d’une fois sont concernés. Par ailleurs, l'articulation insuffisante entre les systèmes éducatifs et le monde professionnel rend plus difficile l'insertion des jeunes sur le marché du travail.

Conclusion 

A travers cette étude, nous sommes arrivés aux points suivants :

  • la répartition des élèves entre branches est inéquitable, la valorisation de la filière sciences expérimentales est toujours faite au détriment des autres branches.
  • l’approche par compétences ne peut être efficace car le cours reste encore à un niveau théorique.
  • le problème de maîtrise des langues reste toujours posé, que ce soit pour la langue nationale ou les langues étrangères.
  • le manque de structure adaptée, ignorance de connaissances techniques et scientifiques des nouvelles technologies de l’information et de la communication par les enseignants (logiciels)
  • la qualification du personnel enseignant dans l’ensemble des cycles était insuffisante.
  • Le taux de redoublement, qui est un indice d’échec et d’inefficacité du système éducatif, avoisine presque le quart de la population scolarisée en première année.

Pour que la réforme soit efficace et qu’elle réalise ses objectifs, elle doit être accompagnée d’un support infrastructurel et matériel adéquat ainsi que d’un personnel suffisant et qualifié afin de prendre en charge sérieusement le flux important des élèves qui ne cesse d’augmenter chaque année.

De même, qu’il serait nécessaire de prendre des mesures concrètes pour pallier les problèmes engendrés par les échecs et les déperditions scolaires.

Bibliographie

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Agenda de panafricain de recherche en intégration pédagogique des TIC, « Cameroun : GES, pour mieux gérer les établissements scolaires », avril 2009.

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Diebolt, C. (2001), Éducation, système et régulation, Réseau d’analyse pluridisciplinaire des politiques éducatives Journée d’étude, La régulation du système éducatif, Fondation nationale des sciences politiques, Paris.

McKinsey, J.-O. (2010),  Les clés de l’amélioration des systèmes scolaires. Comment passer de "bon" à "très bon" ? Bruxelles.

Nekkal, F. (2004), Évolution, évaluation et rendement du système l’éducation nationale, mémoire de magister en sciences économiques, Université d’Oran.

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Picheau, L. (2010), « L'évolution du système éducatif : Quels indicateurs de performances? », (version du 16/02/2002) actes du Forum de la régulation 2001,

OCDE « Résultats du PISA 2009 : Synthèse ».

Yaba Tamboura, M. (2009), Améliorer les pratiques pédagogiques des enseignants au Mali la formation à distance, ROCARE.

Unesco. (2005), « La refonte de la pédagogie en Algérie, défis et en enjeux d’une société en mutation » ; Programme d’appui de l’Unesco à la réforme du système éducatif.

Thin, D. (1998), Quartiers populaires, L’école et les familles, Lyon, PUL.


Notes

[1] Mingat, A. (2003), Questions de gestion de l’éducation dans les pays d’Afrique sub-saharienne, diagnostic et perspectives d’amélioration dans le contexte de l’initiative accélérée pour la scolarisation primaire universelle, PSAST/AFTHD, Banque mondiale, février, p. 4

[2] Semri. A. (2009), Réforme du système éducatif Algérien : A propos de l’articulation entre l’enseignement secondaire et le système LMD de l’enseignement supérieur, Direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique. Bilan triennal des activités des recherches scientifiques et du développement technologique- des laboratoires de recherches, session 2011.

[3] Le premier chiffre concerne la 2ème année secondaire alors que le troisième concerne la terminale de filière gestion-économie, selon document statistique de chaque lycée.

[4] Thin, D. (1998), Quartiers populaires, l’école et les familles, Lyon, PUL.

[5] Agenda de panafricain de recherche en intégration pédagogique des TIC, « Cameroun : GES, pour mieux gérer les établissements scolaires », 28 avril 2009.

[6] Il est à noter que les taux de réussite au Baccalauréat enregistrés par l’inspection académique de la Wilaya d’une part et par les lycées d’autre part se rapprochent de très prés, la différence pourrait être due à l’absence ou à la radiation de certains candidats le jour de l’examen.

[7] Statistiques de l’Inspection académique de la Wilaya d’Oran, service du personnel.

 

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