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Hommes & Migrations juillet-août 2012, n° 1298, 168 p

Le dernier numéro de la revue Homme & Migration a été consacré à l’émigration algérienne en France, et ce à une époque où le dossier France-Algérie connait un nouveau débat dans les relations entre les deux pays. Comme l’évoquait Abdelmalek Sayad dans ses œuvres, la littérature sur l’immigration est riche et diversifiée, mais la littérature sur l’émigration est pauvre. Les articles de ce numéro sont consacrés à l’émigration algérienne, au regard de la société d’origine pour montrer en quoi cette émigration peut contribuer à la consolidation des relations algéro-française.

Dans le premier article intitulé « Bilan et perspectives des migrations algériennes », Kamel Kateb aborde la question du changement dans les flux migratoires qui ne cessent d’augmenter et de s’inverser. Dans le cas de l’Algérie, le mouvement migratoire a connu (et connaitra) une accélération et un inversement durant une longue période, à commencer par la conquête de l’Algérie. Les statistiques présentées sous différents tableaux concernant ce mouvement montrent les destinations favorites des émigrants algériens vers les pays de l’OCDE. La France occupe la première place. Elles montrent également les changements qui ont eu lieu dans les profils migratoires concernant le niveau d’instruction, l’initiative des femmes à la migration, l’emploi, et le chômage.

À propos de « l’Algérie face à son émigration en France et dans le monde », Hocine Labdelaoui souligne dans cet article que le phénomène migratoire en Algérie a évolué en s’ouvrant sur de nouvelles perspectives. Il a connu de « nouveaux émigrés » (élites scientifique, femmes diplômées, artistes, sportifs, etc.), ainsi que de nouvelles trajectoires vers d’autre pays autres que la France. Cette situation doit engager l’Algérie à mettre en place de nouvelles stratégies qui prennent en considération la diversité de ce phénomène et qui lui permettront de mettre en place une coopération efficace sur cette question.

La contribution du sociologue Ali Mekki donne un éclaircissement sur les modes d’habitat que construisent les immigrés dans les deux pays, l’Algérie et la France, suivant dans cela, le « paradigme des trois âges » de Sayad où chaque âge se caractérise par un type d’habitat. Ces habitats, qui sont un investissement économique et un espace social, reflètent un état de ballottement, un sentiment de vivre en transit, « un ici et là-bas » qui n’est finalement « ni ici ni là-bas », mais reste en fin de compte un symbole de présence et de réussite.     

Le sociologue Mohamed Saïb Musette et le psychologue Nourredine Khaled s’intéressent à l’Algérie comme pays d’immigration en soulevant le problème de la présence des étrangers en Algérie. Pour étayer leurs propos, ils s’appuient sur des données statistiques de 1960 jusqu’ 2010 démontrant que l’Algérie n’a jamais cessé d’être un pays d’immigration (contrairement à ce qui est répandu, qu’elle est un pays d’émigration). La présence de la population étrangère est connue dans tous les pays du Maghreb, mais la particularité de l’Algérie consiste dans la dominance des populations réfugiées suite aux problèmes que connait la région. Les auteurs attirent l’attention sur la nécessité de l’adaptation des lois concernant les réfugiés aux conventions internationales.

L’entretien mené avec le sociologue et historien Hassan Remaoun (réalisé par Mustapha Harzoun sous le titre « L’histoire algérienne entre guerre et paix ») révèle plusieurs points qui traitent de la place de l’enseignement de l’histoire de l’Algérie dans les programmes scolaires (du primaire au secondaire). Ce pan de l’histoire nationale couvre, au lycée, « près de 40% du volume horaire globale consacré à la discipline » (p. 70). Concernant la place de l’immigration dans le Mouvement national, on ne trouve que quelques bribes. Aussi, la référence, par exemple, aux Pieds-noirs est presque absente et leur représentation est très négative. H. Remaoun évoque également de nombreuses polémiques sur les différentes mémoires de la Guerre de libération nationale. Celles-ci sont présentes et débattues dans la presse écrite ou dans les ouvrages publiés en arabe et en français : « On remarque, cependant » note l’auteur « que ces débats et divergences ne transparaissaient pas tout à fait dans les programmes scolaires » (p. 71). Quant à la recherche universitaire dans ce domaine, elle se heurte dans la plupart des cas à des obstacles concernant l’accessibilité aux archives et à l’idéologie officielle. Mais comme le signale H. Remaoun : «…les débats qui prennent forme en Algérie, la maturation en cours dans une vingtaine de départements universitaires d’histoire et de centre de recherche (…) sont en train de contribuer à l’émergence d’une pensée critique » (p.74). D’autres points sont au cœur de l’entretien, nous citons, à titre d’exemples, la place de l’enseignement du français dans le programme algérien et l’histoire et la mémoire dans la conscience nationale.

Par ailleurs, Ahmed Cheniki, dans un article intitulé « Algérie-France. Expériences culturelles et aventures ambiguës», fait un aperçu historique sur les relations littéraires entre l’Algérie et la France à partir de la période coloniale où les structures autochtones ont été marginalisées à travers l’adoption des formes de représentations européennes, ce qui a engendré une ambiguïté sur le monde culturel colonial. Le combat dans toutes ses formes était toujours présent chez les Algériens pour préserver leur culture afin de s’opposer à la culture occidentale. La lutte culturelle des Algériens face à la longue histoire coloniale, qui a voulu imposer sa culture, a fait émerger des relations culturelles diverses, qui se heurtent encore, aujourd’hui, à des contraintes en attente d’un vrai dialogue entre les deux cultures.

Ce numéro contient également d’autres contributions qui n’en sont pas de moindre importance. Soulignons, en particulier, celle de Mustapha Harzoun sur « Le roman algérien et les identités meurtrières » et celle de Kaoutar Harchi « entre exils, errances et migration, l’expérience littéraire de Kateb Yacine ».

En somme, ce numéro apporte des éclaircissements nouveaux et intéressants sur la migration du point de vue de la société d’origine et ouvre des perspectives de recherches variées, stimulantes et pluridisciplinaires.

Abdallah BELABBES

 

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