Dès le début du XXe siècle, le phénomène de l’américanisation des villes du monde prend de l’ampleur. La majorité des villes du monde rêvent au jour d’aujourd’hui de posséder des tours qu’elles construisent « n’importe où, n’importe comment. », pour ne reprendre que quelques propos du critique André Fermigier en 1972. En effet, le nombre de villes tourées a considérablement augmenté. Il s’agit de villes où les tours dominent dans le paysage urbain. Les villes détourées sont celles qui ne possèdent pas beaucoup de tours, et dont le skyline ne monte fortement en hauteur que rarement.
Evidemment, le phénomène des tours a ses partisans et ses détracteurs. T. Paquot cite F.L. Wright qui pense que la tour a généralement tendance à ignorer ses alentours. Cependant, il note aussi que beaucoup considèrent que le gratte-ciel est le symbole de la réussite, de la suprématie des pouvoirs politiques et économiques.
Avec la construction des tours destinées à divers usages, d’autres modes de transport s’imposent et deviennent même cruciaux tout en posant la question de leur entretien et l’importance de l’énergie qu’ils exigent pour leur bon fonctionnement : l’ascenseur et l’escalator. T. Paquot dresse un historique très pertinent de ces deux moyens de déplacement vertical.
Aussi, il reprend l’histoire courante des tours telle qu’elle a été relatée par la plupart des historiens de la ville et de l’architecture. A priori, la propagation des tours commence à prendre une dimension importante avec l’incendie de Chicago en 1871. T. Paquot précise que la reconstruction de cette ville a attiré plus d’un parmi les architectes très connus aujourd’hui : F.L. Wright, L.H. Sullivan, D. Burnham, W.B. Jenney dont on considère l’œuvre dans le domaine des tours comme pionnière, etc.
T. Paquot explore brièvement le cas de Paris. Il cite au passage Bertrand Delanoe qui soutient l’idée de la tourisation de la capitale en déclarant qu’il faut se libérer du tabou des hauteurs. Les pro-tours supportent cette idée sous prétexte que Paris a grandement besoin d’être modernisé. T. Paquot remarque cependant qu’il est facile de faire actuellement le tour des tours de Paris du fait qu’elles ne sont pas nombreuses.
Enfin, l’auteur parle sous forme de leçon, et dirions-nous même de rappel, de l’architecture et de l’urbanisme sans n’avoir aucunement la prétention de leur conférer des définitions définitives. Il remarque que l’enseignement de l’architecture et de l’urbanisme doit être revu et si possible, impliquer leurs contenus l’un dans l’autre rejoignant par là nous semble-t-il une des positions fortes de Michel Ragon.
Nous pensons que cet ouvrage est assez bien placé dans les domaines de la critique architecturale et urbanistique, dans la mesure où il rappelle à nos architectes trop préoccupés du prestige personnel de leurs carrières que l’habitant de la ville n’est pas une chose et encore moins une machine. T. Paquot agit par l’écriture comme un objecteur, tout « en évitant la polémique », selon une stratégie plutôt partisane mais argumentée, car il n’hésite pas à chaque fois lorsque l’occasion se présente au cours de son écriture de rapporter son point de vue contre les tours et ce qu’elles génèrent comme pathologies environnementales et humaines, à sa préférence de vivre dans des villes plutôt proches de la nature, et ne pas couper l’homme de cette valeur essentielle qu’est la terre. Toutefois, comme il le note, faut-il arrêter le progrès qui va dans le sens de l’édification des tours ? Le gratte-ciel est globalement dans l’ère du temps, bien ancré en ce sens dans l’esprit des uns et des autres. Aussi, il est difficile de freiner les enjeux qu’il pose, surtout quand le pouvoir économique qu’accompagnent le désir et le besoin de dominer est confondu avec le pouvoir politique et son abus.
auteur
Sidi Mohamed el Habib BENKOULA