Insaniyat N°s 69-70| 2015 | Les migrations vues du Sud| p. 7-9 | Texte intégral
Ce numéro d’Insaniyat rassemble des contributions qui témoignent de la vitalité des recherches et de la diversité des approches dans le champ des migrations. L’ambition de ce dossier est précisément d’ouvrir, dans ce champ, un espace aux études privilégiant des regards venant des pays du Sud.
Les migrations, comme objet d’étude, occupaient jusque dans les années 1980 une place périphérique dans les sciences humaines et dans l’espace euro-maghrébin, comme le faisait remarquer Abdelmalek Sayad[1]. Aujourd’hui, les faits migratoires sont devenus un domaine de recherche à part entière. Ils constituent un centre d’intérêt commun aux sciences sociales et humaines.
Les revues spécialisées, les nombreux programmes de recherche, les formations universitaires, les colloques scientifiques, les ouvrages et documentaires grands publics témoignent de cet intérêt croissant sur un phénomène qui interpelle constamment les sociétés. Progressivement, les migrations, objet négligé, sont devenues un objet d’actualité.
La recherche en Algérie n’est pas en reste et les différents centres de recherche en sciences sociales et humaines[2] ont impulsé des programmes portant sur diverses thématiques, telles l’histoire de l’émigration algérienne vers l’Europe et vers le Monde arabe, la migration et le développement, la formation des étudiants à l’étranger, la migration de retour, la migration et le tourisme, etc.
Ces travaux, même s’ils ouvrent la voie à une tradition de recherche en Algérie, sont encore trop rares et doivent se renouveler tant sur le plan problématique que sur le plan méthodologique[3].
Pour sa part, la revue Insaniyat, malgré sa couverture des grandes thématiques sociétales, n’a pas consacré de dossier particulier à cette question, même si de nombreuses contributions ont porté, entre autres, sur les réfugiés, la scolarisation des enfants d’immigrés, la littérature de l’exil ou les migrations internes.
C’est à partir de ce constat qu’à la fin des années 2000 est née l’idée d’impulser au CRASC les études migratoires. Deux projets de recherche étaient mis en place et avaient donné une nouvelle visibilité à un phénomène de société encore trop peu étudié.[4]
A partir de 2010, s’appuyant sur un partenariat entre le CRASC et diverses institutions[5], un cycle de conférences sur Abdelmalek Sayad est initié[6] avec comme objectif de faire connaître le sociologue et son œuvre, non seulement auprès du monde universitaire, mais aussi auprès d’un plus grand public. Des séminaires, portant sur les différents apports méthodologiques et théoriques de ce sociologue algérien, ont été organisés au CRASC depuis 2011.
Les résultats de ces activités de recherche et de formation sont nombreux : organisation d’un colloque international[7], montage d’un nouveau projet de recherche[8], publication d’ouvrages[9] et réalisation d’une exposition itinérante sur la vie et l’œuvre de Sayad[10].
L’objectif de ce numéro d’Insaniyat, dont les articles retenus relèvent de disciplines diverses et parcourent plusieurs régions du monde, est de contribuer à la réflexion et à la décentralisation du regard sur les migrations vues à partir des pays du Sud, à l’ouverture d’autres pistes d’investigation et au renforcement des circulations transnationales dans le domaine de la recherche scientifique.
Saïd BELGUIDOUMet Sidi Mohammed MOHAMMEDI
NOTES
[1] Sayad, A. (1990), « Les maux-à-mots de l'immigration. Entretien avec Jean Leca », in revue Politix, n° 12, p. 10.
[2] Le Centre de recherches en économie appliquée pour le développement (CREAD), le Centre national d’études et d’analyses pour la planification et le développement (CENEAP), le Centre national d’études et de recherches sur le mouvement national (CENRMN), l’Institut national des études de stratégie globale (INESG) et le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH).
[3] Labdelaoui, H. (2014), « L’absence de l’œuvre de Sayad dans les recherches algéroises sur les migrations internationales », in Mohammedi, S. M. (Coord.), Abdelmalek Sayad, migrations et mondialisation, Oran, ed. CRASC, p. 233-235.
[4] Un projet d’établissement au CRASC sur l’immigration internationale (2007-2010) et un projet de coopération sur la migration clandestine (2009-2011).
[5] L’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), l’Institut Français d’Oran (IFO), l’Association des Amis d’Abdelmalek Sayad : Paris et l’Association de Prévention du site de la Villette, Paris.
[6] Huit conférences au total ont été organisées de février 2010 à octobre 2012.
[7] Colloque international « Abdelmalek Sayad, migrations et mondialisation », 21-22 mai 2013, CRASC, Oran.
[8] Projet de recherche « Expériences migratoires en Algérie contemporaine : recherche selon la perspective d’Abdelmalek Sayad », 2012-2015.
[9] Yacine, T., Jammet, Y., De Montlibert, Ch. (2013), Abdelmalek Sayad - la découverte de la sociologie en temps de guerre, Nantes, ed. Cécile Defaut. Aussi la publication des actes du Colloque international : « Abdelmalek Sayad, migrations et mondialisation » aux éditions du CRASC (2014).
[10] Exposition intitulée « Ici-là-bas. La sociologie de l’émigration-immigration » présentée dans plusieurs villes algériennes et françaises.