Sélectionnez votre langue

Catégorisation des quartiers d’Alger/ langues usitées : quelle(s) corrélation(s) sociolinguistique(s) ?

Insaniyat N°44-45 | 2009 | Alger : une Métropole en devenir | p. 137-158 | Texte intégral 


Alimentation, an indicator and social relations. Observations on current practices in the Algiers milieu

Abstract: This article considers representations vested these days in our food consummation in Algeria. An unexpected happening for some decades, this revaluation of edible goods where food practices are decoded and finally tend to superimpose signs to that of exchange of goods. Two objectives can be discerned: social contact and bargaining around social recognition. The text,  made up of two parts, each ordered in two chapters, tries to bring out the qualifying character of nourishment which, in the conditions of a society that has become hierarchical, functions beyond satisfying food needs, as a vector indicating social rank. What we can bring to attention from the practices we observe nowadays in the Algiers region, is that alimentation makes up a social symbol, intervening in social attribute reallocation.

Keywords : alimentation practices - Algiers milieu - edible goods - social bargaining - social recognition - social symbol.


Kahina DJERROUD : Université d’Alger, 16 000, Alger, Algérie.


Introduction

La sociolinguistique urbaine s’intéresse non seulement à l’étude des pratiques langagières des locuteurs issus de milieux urbains, mais aussi aux discours épilinguistiques formulés sur les langues. Le champ d’étude de cette discipline est donc varié :   

1- L’analyse des changements observés dans la distribution des langues.

2-Les effets de la ville sur les formes linguistiques.

3-L’étude de la façon dont les représentations linguistiques et leur verbalisation par des groupes sociaux différents sont territorialisés et contribuent à la « mise en mots de l’identité urbaine» (Bulot et Tsekos, 1999).

4-Les phénomènes regroupés sous l’étiquette réductrice « banlieue » (adolescents, tags.. etc.) » (M. Gasquet-Cyrus, 2002, 55).

En ce qui nous concerne, nous nous sommes rendu compte qu’on ne dispose, à ce jour, d’aucune étude mettant en rapport les représentations de l’espace et les discours épilinguistiques dans le milieu urbain algérois. Nous avons alors décidé de mener notre recherche de magister autour de ce centre urbain qu’est Alger, une ville où coexistent plusieurs langues (arabe algérien, arabe classique, tamazight et français). Nous traitons plus précisément des représentations véhiculées autour des langues, auprès de 62 enquêtés, dans deux quartiers différenciés d’Alger, Belcourt et Hydra.  Notre souci constant a été de ne pas examiner la ville uniquement comme un lieu d’enquête. Nous tâcherons donc de la considérer comme un terrain qui a ses propres spécificités en construisant une approche qualitative caractéristique de notre problématique qui s’articule autour de deux questions :

  1. Comment s’organise la ville d’Alger ? La distinction quartiers « résidentiels » /quartiers « populaires » existe-t-elle ? Et comment se matérialise-t-elle ?
  2. Le locuteur Algérois associe-t-il l’usage des langues aux quartiers où elles sont pratiquées ? Y a-t-il, en d’autres termes, une structuration des représentations linguistiques en fonction des représentations spatiales ?

1. Aspects méthodologiques

L’enquête que nous avons menée découle d’une volonté de répondre à une problématique qui émerge du terrain. C’est en tenant compte de représentations des Algérois observées quotidiennement reliant les pratiques langagières au lieu de leur production (en l’occurrence le quartier ici), que nous avons souhaité initier une réflexion dans ce sens. L’empirisme est par conséquent au centre de notre démarche méthodologique, et l’analyse qualitative interprétative constitue le but de cette investigation. Opter pour une approche empirico-inductive revient  à accorder sa priorité aux pratiques linguistiques. Le terrain devient le centre d’intérêt majeur du sociolinguiste et les constructions intellectuelles, théoriques, sont reléguées au second plan. Ce n’est qu’une fois les faits observés, les données recueillies, que les concepts théoriques sont introduits pour expliquer et interpréter les phénomènes examinés car dans «  Une recherche théorique et inductive : les chercheurs tentent de développer une compréhension des phénomènes à partir d’un tissu de données, plutôt que de recueillir des données pour évaluer un modèle théorique préconçu ou des hypothèses à priori » (P. Blanchet, 2000, 30).

Une hypothèse de départ accompagne cette étude « Une approche strictement inductive est d’ailleurs difficile, voire impossible, car dès lors que le chercheur a tiré des conclusions de l’examen d’un cas, il projette-consciemment ou non–des hypothèses  méthodologiques et théoriques sur d’autres cas, surtout lorsqu’il continue à travailler sur un même champ » (P. Blanchet, 2000, 32). Néanmoins, c’est uniquement des discours des enquêtés, recueillis suite  à la distribution de questionnaires (questions fermées et ouvertes) ainsi qu’à la réalisation d’entretiens semi-dirigés pendant lesquels les informateurs de sexes et d’âges différents nous ont fait partager leurs représentations, que nous avons entamé l’analyse que nous proposerons ci-dessous. En dépit du fait que notre étude ne vise nullement l’exhaustivité puisque cette fin ne constitue pas un objectif en soi dans la démarche qualitative, nous avons tout de même tenté d’équilibrer notre échantillonnage en interrogent le même nombre d’hommes que de femmes dans chacun des deux quartiers, ainsi que des personnes de tranches d’âge variées. Au final, nous avons interrogés 62 enquêtés, (32) d’entre eux sont issus du quartier de Hydra  alors que (30) habitent le quartier de Belcourt. Les questionnaires ont été remplis par la totalité des enquêtés, puis nous avons enchainé sur des entretiens semi- dirigés avec (16) enquêtés à Belcourt et (17) enquêtés à Hydra. Le questionnaire a permis dans un premier temps d’amorcer le contact et de rendre le déroulement de l’entretien semi-dirigé plus aisé.

2. La ségrégation spatiale

Avant de tenter de répondre à notre questionnement, nous allons définir la notion de « ville », de « quartier » et de « ségrégation en ville ». La ville telle que Thierry Bulot la décrit est « Une entité complexe et multiforme où se côtoient des communautés fort diverses, mais produit une culture urbaine spécifique, un modèle urbain où le rapport à la localisation (la ville, la rive, le quartier) et dès lors au déplacement fait sens » (T. Bulot, 2000, 49). S’intéresser à la mobilité au sein de la ville d’Alger pourrait donc nous renseigner sur certaines différences entre les groupes sociaux qui la composent, et dans notre cas, sur les discours des groupes qui habitent les quartiers dits « populaires » Vs « résidentiel ».

Partant donc du postulat qu’ « il n’existe pas de société urbaine sans différenciation sociale avec des conséquences sur la division sociale de l’espace » (M.-A Gervais Lambony, 1995, 34) nous nous intéressons à ce qui, aux yeux de M. Gasquet-Cyrus : « peut fournir des informations généralisables à la ville dans son ensemble » (M Gasquet-Cyrus, 2001, 48) : il s’agit de l’étude du quartier. Grafmeyer va même jusqu’à postuler pour une représentativité de la description d’un quartier des spécificités de toute une ville « Un quartier peut être constitué en unités d’observation où s’imbriquent diverses populations et où se combinent de multiples processus […] On peut aussi s’attacher à identifier des unités jugées suffisamment représentatives pour que l’étude de la partie vaille dans une large mesure pour l’étude de la totalité » (M Gasquet-Cyrus, 2001, 49). La répartition d’une ville en quartiers ne serait donc pas sans conséquences sur ses occupants. Le quartier « produirait des normes partageables et partagées et des attitudes communes » (M Gasquet-Cyrus, 2001, 49) sans constituer « un ensemble immuable et uniforme » (M Gasquet-Cyrus, 2001, 49), il pourrait par conséquent tout à fait influencer les représentations de ses habitants et constituer tantôt des groupes aux représentations sociolinguistiques convergentes, tantôt des groupes aux représentations sociolinguistiques divergentes.    L’hétérogénéité des groupes au sein de la ville d’Alger et de ses quartiers conduirait donc dans un processus d’urbanisation prise ici au sens suivant « Nous proposons de ne pas induire la spécificité urbaine d’une définition commode de la ville fondée sur les seuls critères de la densité de l’habitat, mais sur les attitudes à l’égard des divers repères socio-géographiques et linguistiques que développent les locuteurs de la communauté urbaine » (T. Bulot, N. Tsekos, 1999, 21) à une hétérogénéité des attitudes à l’égard des espaces qui construisent la ville, et en l’occurrence à l’égard des quartiers qui la composent. Parmi ces attitudes, nous distinguons les deux notions de ségrégation et de discrimination.

Les deux concepts de discrimination et de ségrégation se rapprochent considérablement puisqu’ils expriment tout les deux une idée de séparation «  Ségrégation et discrimination sont, dans le langage courant, des notions voisines, parfois même utilisées l’une pour l’autre. Les principales idées communes aux deux termes sont celles de séparation et de différence ». (De Rudder, 1995, 11). En ce qui nous concerne, nous parlerons dans notre analyse davantage de ségrégation que de discrimination puisque nous entendons la séparation à travers le discours représentationnel  de l’espace «  On considérera comme ségréguée une zone dont les habitants se perçoivent eux-mêmes comme mis à l’écart, pas question de seuil donc, mais de représentations » (De Rudder, 1995, 12). La séparation ségrégationnelle entre deux espaces relèverait donc davantage d’une distanciation représentationnelle que spatiale « La ségrégation est une mise à l’écart sans éloignement spatial important. C’est là le grand  paradoxe et la grande force du phénomène. La ségrégation permet d’éloigner socialement sans trop éloigner spatialement. La distance est réinventée par la ségrégation sous une forme qui peut servir des intérêts économiques » (M.-A. Gervais Lambony, 1995, 34). Nous pensons effectivement que le discours tenu sur les deux quartiers de Belcourt et de Hydra en termes des désignations de « populaire » et de « résidentiel » serait plus porteur de ségrégation que les quelques kilomètres qui séparent ces deux quartiers de la capitale algérienne. Un discours que nous pensons utile à relever pour comprendre les différentes catégorisations spatiales puis peut-être linguistiques.

Avant de nous arrêter sur le discours tenu sur l’organisation spatiale et linguistique des quartiers d’Alger d’aujourd’hui, nous nous sommes demandés si Alger a déjà connu une distinction entre ses quartiers :

2.1. L’urbanisation de la ville d’Alger

A l’époque coloniale, la ville d’Alger subissait déjà une différenciation entre ses quartiers qui était plutôt d’ordre ethnique, « Durant la colonisation, la ségrégation dans la ville était surtout ethnique : quartiers musulmans et quartiers européens sont des territoires connexes, donc bien individualisés dans la ville coloniale. Il existait, cependant, quelques fragments de tissu à contenu social mixte, dont l’essentiel relève de classes  pauvres » (S.-A. Souiah, 1995, 253). Si la ségrégation à l’époque coloniale entre les quartiers d’Alger était davantage ethnique, celle d’aujourd’hui est décrite, en tout cas  aux yeux des habitants des deux quartiers d’Alger sélectionnés pour étude, comme étant d’ordre socio-économique. Le fait de désigner les deux quartiers par les qualificatifs de « résidentiel » et de « populaire » est à notre sens une marque de ségrégation spatiale puisqu’il y a déjà une intention de distinguer et de séparer deux espaces. En sociologie, le quartier « résidentiel » est considéré par P. George comme « la base de la vie individuelle » (P. George, 1966, 35). Il considère aussi que « Dans les cités résidentielles de luxe, on a réellement l’impression d’inaugurer un nouveau mode de vie. Une localisation agréable dans un secteur bien équipé » (P. George, 1966, 35). L’adjectif « populaire » est, quant à lui, issu du latin « popularis»; de « populus». Associé au quartier, il désigne ce qui appartient au peuple.

Nous pensons qu’une étude sur les représentations devrait avoir comme point de départ le discours de ceux que nous ciblons pour étude, c’est pourquoi nous avons préféré connaitre ce que représente pour les enquêtés, un quartier « populaire » Vs « résidentiel ». Interrogés sur leurs différentes représentations spatiales concernant les désignations de « populaire » Vs « résidentiel »,  les locuteurs nous ont livré les résultats suivants :

2.2. Qu’est-ce qu’un quartier dit « populaire » selon nos informateurs ?

 

Nous remarquons dans les deux quartiers,  même si les pourcentages varient (34%) pour Hydra et (64%) pour Belcourt, que les informateurs évoquent, majoritairement, un rapport entre le fait que les habitants d’un quartier se connaissent tous, et sa désignation comme « populaire ». Notons toutefois qu’en ce qui concerne les informateurs de Hydra, (38%), ces derniers ont évoqué des critères non proposés dans le questionnaire pour qualifier un quartier « populaire ». Citons par exemple ceux qui le considèrent comme « surpeuplé ».

2.3 Qu’est-ce qu’un quartier dit « résidentiel » selon nos informateurs ?

 

Nous constatons que les deux  associations les plus fréquentes, que les informateurs font avec les quartiers de type « résidentiel » sont relatives au niveau de vie des résidents et au type de bâti du quartier. Cependant les enquêtés de Hydra se centrent majoritairement sur le type du bâti, alors que ceux de Belcourt se focalisent sur le niveau de vie des résidants pour déterminer s’il est « résidentiel » ou pas.

Une fois les représentations générales associées aux deux désignations de « populaire » et de « résidentiel » relevées, nous avons interrogé nos enquêtés à propos des rapports qu’ils font entre ces dénominations et leur propre(s) quartier(s) ?

2.4. Le quartier de Belcourt est-il perçu ou pas comme « populaire »?

 

Suite à une série de questions visant à savoir comment le quartier de Belcourt est perçu par nos informateurs, nous sommes arrivés à la conclusion suivante : Le quartier de Belcourt jouit d’une réputation de quartier « populaire » auprès des informateurs de Belcourt et de Hydra qui s’accordent, presque à l’unanimité, sur cette dénomination (88% à Belcourt et 97% à Hydra).

2.5. Le quartier de Hydra est-il perçu ou pas comme « résidentiel » ?

  • Ceux qui pensent que Hydra est un quartier « résidentiel » :

Les informateurs de Hydra semblent qualifier leur quartier de « résidentiel » plus pour son aménagement et son type de bâti, alors que les enquêtés de Belcourt sont partagés : (26%) pensent que le quartier de Hydra doit sa dénomination de « résidentiel » à son aménagent (bâti et routes) et (26%) croient que c’est le niveau de vie de ses habitants,  perçu comme élevé, qui fait de lui un quartier « résidentiel ». Nous constatons que les critères de classification « populaire/ résidentiel »  varient chez les informateurs des deux quartiers.


  • Ceux qui pensent que Hydra n’est pas un quartier « résidentiel » 

34% des habitants de Hydra et 27% des habitants de Belcourt croient que le quartier de Hydra n’est pas un quartier « résidentiel », voici les raisons invoquées :

  

Une majorité d’informateurs attribue la dénomination « résidentiel » au quartier de Hydra (63% dans chacun des deux quartiers). Cependant, nous tenons à préciser que cette représentation n’est pas aussi unanime que celle qui désigne Belcourt comme quartier « populaire » et ce encore plus chez les enquêtés de Hydra puisque (34%) d’entre eux ne conçoivent pas leur quartier comme étant « résidentiel ». Nous avons également constaté que les informateurs de Belcourt basent ici davantage leurs représentations d’un quartier « résidentiel » sur le critère du niveau de vie, alors que ceux de Hydra se focalisent sur le critère de l’aménagement urbain d’un quartier.

Maintenant que nous avons relevé les différentes représentations spatiales (catégorisations et dénominations) que les informateurs de Belcourt et de Hydra associent à leurs quartiers et que nous avons constaté qu’il y a bel et bien une distinction spatiale en termes de « résidentiel » et de « populaire », nous allons tenter de vérifier si cette catégorisation représentationnelle s’étend sur le domaine linguistique.

3. De la ségrégation spatiale à la ségrégation linguistique : le glissement des représentations spatiales sur les représentations linguistiques

Suite à une analyse qui a consisté à confronter les représentations linguistiques et les représentations spatiales des informateurs, nous avons distingué deux groupes :

Un groupe d’informateurs, majoritaire, dont les représentations spatiales structurent les représentations linguistiques. Les locuteurs ont associé l’usage de la langue arabe[1] aux habitants de Belcourt et celui de la langue française aux habitants de Hydra.

Un deuxième groupe minoritaire qui dissocie ses représentations spatiales de ses représentations linguistiques. Ce groupe pense que la pratique de la langue française n’est pas spécifique aux habitants de Hydra, mais aussi que les habitants de Belcourt ne s’expriment pas qu’en langue arabe.

3.1. Le groupe qui établit un rapport quartier/ langue 

3.1.1. Quelle langue les informateurs pensent-ils que les habitants de Belcourt pratiquent le plus ? (adressée aux enquêtés des deux quartiers)

  • Belcourt

Mis à part trois informateurs (Q.B.1, E.B.5, E.B.14)[2] qui ont répondu à la question qui dit « Quelle langue les habitants de Belcourt pratiquent le plus ? » par « arabe, kabyle » et un informateur qui a répondu par « arabe, kabyle, français », tous les autres enquêtés de Belcourt ont répondu, à l’unanimité à (90%), par « arabe » et ont justifié cette réponse par les raisons suivantes :

Certains informateurs parlent de « langue des algériens » ou de langue des « Algérois ». Ils évoquent donc d’une part l’usage national de la langue arabe dialectale, par exemple Q.B.5 pense que l’ « arabe : c’est la langue de rue de tous les Algériens », ainsi que E.B.10 qui dit : « Arabe : parce que c’est la langue pratiquée avec les Algériens », d’autre part, le fait qu’elle soit considérée comme la langue des citadins, par exemple E.B.10 « arabe : la langue utilisée à Alger ». Le statut de la langue arabe est, aux yeux de ces informateurs, un facteur suffisant pour légitimer son usage au sein du quartier de Belcourt.

D’autres informateurs voient un rapport entre la pratique de la langue arabe et l’origine d’une grande proportion des habitants de Belcourt et pensent que les gens de l’Est de l’Algérie, spécifiquement ceux de Jijel et de Sétif, sont des locuteurs arabophones. Citons E.B.2 qui dit « arabe : habitants originaires de l’Est (Jijel/ Sétif) », et E.B.13 qui dit « arabe : parce que les gens de Belcourt sont en général de Jijel ». Ces informateurs pensent donc que les locuteurs qui ne sont pas originaires de la ville d’Alger ne maîtrisent pas la langue française. Il y a par conséquent, encore une fois, un lien qui est établit entre l’usage de cette langue et la « ville » d’Alger.

Une autre proportion des enquêtés dit qu’il y a un rapport entre la pratique de la langue arabe et le fait qu’ils considèrent leur quartier comme un quartier « populaire », par exemple Q.B.12 fait une association entre l’usage de la langue arabe et la popularité du quartier de Belcourt    « arabe : c’est un quartier populaire », idem pour E.B.11qui dit « arabe : car c’est un quartier populaire ». Il y a donc pour ces informateurs une relation entre l’utilisation de la langue arabe et le fait de vivre dans un quartier « populaire ». Un rapport qu’ils avancent mais qu’ils n’expliquent pas forcément.

Plusieurs autres informateurs ont répondu à la question qui vise à savoir quelle langue est associée aux habitants de Belcourt par « arabe », mais, ces derniers ont justifié cette réponse avec des représentations qui leur étaient propres et qu’ils ne partageaient pas avec les autres enquêtés, nous allons citer les réponses de quelques uns :

L’informatrice Q.B.14  répond par « arabe : c’est des gens simples ». L’adjectif  « simple » pourrait connoter plusieurs sens à la fois, nous en distinguons deux :

  • Les gens de Belcourt maîtrisent d’autres langues, par exemple  la langue française, mais ne la pratiquent pas par « modestie » et « simplicité », car elle serait la langue par laquelle, on viserait à se distinguer.
  • Les habitants de Belcourt sont considérés par cette informatrice comme des gens dont les conditions de vie sont modestes et les rend, par conséquent, inaptes à faire usage d’une langue, qu’elle considère comme inaccessible à tout le monde.

Le sens donné à  « gens simples » va s’éclaircir avec les réponses que cette informatrice donne aux questions qui concernent les langues pratiquées par les habitants de Hydra, par exemple, à la question n° 19 qui vise à connaitre quelle langue les habitants de ce quartier pratiquent le plus, elle leur attribue l’usage du français car selon elle, ils le feraient « par orgueil », sans le maîtriser «c’est des apparences ». Ils le parleraient pour « se distinguer des autres ». La réponse de l’enquêteuse qui dit « c’est des gens simples », renvoyait donc à  une volonté des Belcourtois de ne pas se vanter.

L’informatrice Q.B.15 répond, quant à elle, à la question  n° 15 par « arabe : c’est la plus pratique ».  L’adjectif « pratique » renvoie ici à l’usage quotidien de l’arabe algérien, sa réponse rejoint donc celle de l’informateur E.B.7 qui dit « arabe : ils comprennent mieux l’arabe ». Ces deux informateurs insistent sur le fait que parler c’est d’abord communiquer, ils pensent que la langue arabe est celle qui est  maîtrisée par  tous à Belcourt et donc celle qui permet le mieux la communication.

  • Hydra

Même si un certain nombre d’informateurs de Hydra (16%) disent que les habitants de Belcourt alternent entre la langue arabe et la langue française, et que (19%) évoquent tantôt l’usage des Belcourtois des trois langues (arabe, tamazight, français), tantôt leur pratique de l’arabe et du tamazight seulement, une majorité d’enquêtés interrogés à Hydra (65%) pense que la langue arabe est la plus pratiquée à Belcourt. Citons par exemple, E.H.1qui croit que les langues que les Algérois pratiquent dépendent des quartiers où ils habitent « A Belcourt, ou à El  Harrach, je ne pense pas que, qu’ils utilisent le français ». Si cette informatrice dit que la langue française n’est pas parlée à Belcourt, elle pense forcément que l’usage de l’arabe algérien ou du berbère est le plus fréquent dans ce quartier.

L’informatrice E.H.2 croit que les habitants de Belcourt  s’expriment en arabe « Encore une fois, c’est le facteur environnemental qui joue…heu, dans un quartier populaire où, je parle surtout des jeunes, où des jeunes parleraient français, ça serait encore une fois mal vu ; tout de suite, ils seraient charriés, ou quelque chose comme ça ! ». En pensant que les habitants de Belcourt, particulièrement les jeunes, ressentent une forme de pression sociale exercée par leur entourage, cette informatrice évoque un rapport entre les langues pratiquées à Belcourt et le fait d’habiter au sein de ce dernier. 

Citons aussi l’informatrice E.H.8 qui dit « Par exemple, vous allez à Bab El Oued, vous trouverez  moins de personnes qui parlent  le français, pourquoi ? Parce que la langue arabe, elle est très pratiquée là- bas et puis c’est un quartier populeux ». Cette enquêtée établit un rapport étroit entre la popularité de quelques quartiers d’Alger (elle cite d’ailleurs  Bab El Oued  qu’elle perçoit comme populaire), et le fait que la langue arabe soit fréquemment utilisée.

Idem pour l’enquêté E.H.14 qui répond à la question n°3 qui dit « est-ce que les langues qu’on pratique dépendent des quartiers où on réside ? » de l’entretien par « oui, bien sûr, ça dépend les, le quartier. Par exemple, Hydra c’est, c’est un quartier, y a beaucoup de gens qui ont vécu à l’étranger, y a des gens aisés. Mais, par contre si, si on part à Bab El Oued ou dans les quartiers populaires, vous ne trouverez pas ça, c’est très rare ». Cet informateur associe l’usage de la langue arabe aux quartiers qu’il désigne comme « populaires », notamment à Belcourt. Cet enquêté entend par « populaire », un quartier dont les habitants ne sont pas aisés. Il effectue donc un rapprochement entre le niveau de vie des gens à Alger et leurs langues.

Nous constatons que les locuteurs des deux quartiers pensent que l’arabe algérien est le plus pratiquée au sein de Belcourt, mais aussi que l’association « quartier populaire/ pratique de la langue arabe » est celle qui est la plus évoquée.

3.1.2. Quelle langue les informateurs pensent-ils que les habitants de Hydra pratiquent le plus ? (adressée aux enquêtés des deux quartiers)

 

  • Hydra

La majorité des enquêtés de Hydra (41%) croient que les habitants de leur quartiers usent de deux langues à la fois, l’arabe et le français, et ils évoquent des motifs variés, par exemple ils associent la langue arabe à la communication « pour faire les courses » dit Q.H.15 ou encore « l’arabe dialectal pour être compris » affirme Q.H.11 et la langue française avec les enfants déclare encore Q.H.15.

  • Questionnaire: Il y a moins d’enquêtés à Hydra qu’à Belcourt qui croient que la langue la plus parlée dans leur quartier est le français (25%), mais ceux qui le pensent invoquent les raisons suivantes « parce que c’est Hydra !» dit Q.H.1, ou encore « la tchi-tchi »[3] déclare Q.H.4 ou encore « culture, tendance, niveau intellectuel ». Autant de réponses qui montrent la haute opinion que ces informateurs ont des habitants de leur quartier, mais aussi de la langue française, puisqu’ils octroient sa pratique aux personnes qu’ils pensent à la hauteur de son usage : ceux qui jouissent d’un certain prestige.

Il y a un nombre d’informateurs non négligeable (25%) qui croient que la langue arabe est la plus usitée à Hydra car ils pensent soit qu’elle est la langue « maternelle » de ses habitants, dit E.H.12, soit que c’est une langue davantage parlée par les jeunes « il y a une majorité de jeunes » affirme E.H.2. Les autres informateurs ne justifient pas leurs représentations.

L’une des réponses des enquêtés, nous a semblée très intéressante à analyser, il s’agit de Q.H.12 qui répond à la question qui vise à dévoiler la langue associée aux locuteurs issus du quartier de Hydra par « arabe : populaire, car je risque de me contredire ». En situant la réponse de cet enquêté au sein de l’intégralité de son discours, il nous est apparu que ce dernier associe les langues aux locuteurs en fonction du quartier où ils résident et comme il considère son quartier comme « populaire », il a pensé que stipuler un usage de la langue française au sein de ce dernier, mènerait son discours à une contradiction avec la désignation « populaire » qu’il avait déjà assigné à son quartier. Il nous semble évident que cet informateur construit ses représentations linguistiques en fonction de ses représentations spatiales.

Entretiens : Lorsque nous avons interrogé nos informateurs de Hydra lors de brefs entretiens, nous avons remarqué que l’association de l’utilisation la langue française aux habitants de leur quartier était plus frappante et c’est en répondant à la question n° 4 de l’entretien, qui dit « Est-ce que vous croyez qu’il existe à Alger des quartiers où la langue française est davantage parlée par rapport à d’autres quartiers ?» que cette association s’est le plus illustrée. Citons par exemple l’informatrice E.H.2 qui répond « Oui, ben ! C’est vrai que ça fait un peu tchi-tchi, entre parenthèses mais Hydra, Le Golf, Ben Aknoun, El Biar, c’est nettement plus pratiqué». Elle cite donc quelques quartiers situés sur les hauteurs d’Alger et assigne davantage l’usage de la langue française à leurs habitants. Lorsque nous lui avons demandé pourquoi est-ce que les habitants de ces quartiers pratiqueraient la langue française plus que les autres à Alger, celle-ci rétorque « Disons que ce sont des quartiers dits résidentiels, voilà ! Quartiers dits résidentiels avec un certain niveau de vie en général donc voilà ! Ça prédispose à la langue française». Nous pensons que cette informatrice établit un rapport direct entre la désignation « résidentiel » et la pratique de la langue français. Elle fait donc partie de ces enquêtés qui conçoivent leurs représentations linguistiques en fonction de leurs représentations spatiales.

L’informateur E.H.8 croit lui aussi que les langues qu’on pratique dépendent des quartiers où on réside et pense que parce que Hydra est un quartier dit « résidentiel », que ses habitants parleraient plus le français que l’arabe « Euh, oui, oui, en général oui. C’est à dire que maintenant vous allez dans un quartier résidentiel comme Hydra […], comme à Hydra par exemple c’est vrai que les gens parlent le français plus que l’arabe ».

Comparaison entre les réponses des questionnaires et des entretiens: lors des entretiens, nous avons remarqué, plus que dans les réponses récoltées dans les  questionnaires, qu’il y a une réelle association par un grand nombre d’enquêtés de Hydra entre le fait qu’ils résident dans un quartier qu’ils décrivent comme « résidentiel » et la pratique de la langue française. Ils pensent que c’est parce que leur quartier est dit « résidentiel » que ses habitants usent régulièrement de la langue française.

Belcourt 

Ceux qui disent que les habitants de Hydra s’expriment en français, parce qu’ils maîtrisent cette langue : Nous allons essayer d’examiner les réponses fournies par l’un des informateurs qui s’inscrivent dans ce groupe, il s’agit de E.B.6, qui dans son questionnaire voit en son quartier un lieu « populaire », mais ne lui attribue pas systématiquement l’arabe comme langue mais plutôt les trois langues (arabe, kabyle, français). La langue française est, quant à elle, assignée aux gens de Hydra qui la maîtriseraient, la parleraient parce qu’il s’agit d’une langue dans laquelle ils se sentiraient à l’aise, mais aussi « par volonté de se distinguer des autres ». Cet enquêté voit en Hydra un quartier habité par des gens issus de milieux sociaux différents « C’est un mélange ».

Lors de son entretien, cet enquêté dit « Généralement, on ne parle pas le français dans les quartiers populaires » et répond à la question n°4  de l’entretien par « Y a des quartiers résidentiels comme par exemple : Hydra, Ben Aknoun, Chéraga » et explique ainsi « Parce qu’ils ont plus de moyens que les habitants, qui habitent à Belcourt. C’est des gens instruits […] ils ont un niveau de vie meilleur que nous ». Le « nous » pourrait être pris ici dans le sens de groupe d’appartenance sociale. Cet informateur conclut en disant que les gens qui parlent le français « Sont bien habillés, ils sont bien habillés, parce que la France, c’est une civilisation, quand même ! ». Nous constatons que cet enquêté a d’une part une image très positive de la France, au sens où il conçoit ce pays comme une « civilisation ». D’autre part, il amalgamerait entre  l’usage de la langue française et les gens qui la pratiquent, puisqu’il se met à peindre une image positive des locuteurs francophones « ils sont bien  habillés » dit-il.

Ceux qui disent que les habitants de Hydra sont des usagers de la langue française, sans pour autant la maîtriser : Les informateurs dont nous allons présenter les représentations linguistiques et les représentations spatiales témoignent d’un rejet a l’égard des habitants de Hydra qu’ils expriment de la façon suivante :

Nous citons le discours de l’informatrice E.B 4 qui perçoit son quartier comme un endroit « populaire » « parce que tout le monde se connaît » et considère Hydra comme un quartier « résidentiel » parce qu’ « il y a des ambassades et des consulats protégés ». La dichotomie linguistique et spatiale : arabe pour les gens de Belcourt, français pour les habitants de Hydra et est encore une fois, opérée. Cette informatrice dit éviter de parler en français dans son quartier de peur qu’on pense qu’elle se donne des airs supérieurs. Elle voit  les habitants de Hydra comme des personnes qui s’expriment en français pour se distinguer des autres, mais aussi des gens qui parleraient le français, le maîtriseraient à l’oral et non à l’écrit « Ils le parlent oui, mais ne l’écrivent pas ». Elle ne voit aucune différence entre le niveau de maîtrise de la langue française des habitants de Belcourt et de Hydra. Elle prétend également s’exprimer en arabe et en français dans un quartier dit « résidentiel ». Nous percevons un sentiment d’insécurité linguistique lorsque celle-ci dit que les habitants de Hydra ne maîtrisent pas la langue française, alors qu’elle, résidante d’un quartier « populaire », maîtrise le français à l’oral et à l’écrit.

Cette enquêté évoque également une forme de pression sociale subie par certains habitants de Hydra et estime que le groupe social dominant, celui des « Riches » a pour langue le français et que les habitants de ce même quartier, issus d’un milieu  social « moyen », seraient contraints de s’exprimer en français « Si vous allez à El Biar [wela] (ou) Hydra, tout ça ! Vous trouverez les gens même si à la maison ils parlent l’arabe, par prestige dehors, ils parlent le français ». Nous interprétons ces propos par le fait que la langue française serait dans les représentations de cette informatrice, une langue de prestige, puisqu’elle revient à la notion de complexe et dit « Le fait que les autres parlent le français, il faut qu’ils le parlent pour qu’ils soient pas moins[…] on revient au complexe, pour qu’ils soient pas complexés[…], les enfants, je sais pas, peut être il y a un voisin, qui son père je ne sais pas, un DG [wela] (ou) un ministre qu’il parle le français [wela] il a été dans une école privée en français, tout ça [ Huwa tšufih yahdar (lui tu le vois parler)[4]] l’arabe , ils vont pas lui donner la même, il aura pas la même, comment dire ça ! Social ! Même si la famille [ta’u] (la sienne) issu d’une famille moyenne [wela] (ou) basse, il est obligé de parler le français pour se montrer à la hauteur des autres ». L’informatrice parle donc de la nécessité de se conformer à un certain usage, celui de la langue française afin d’éviter tout sentiment d’infériorité, qu’elle qualifie de « complexe » face aux locuteurs francophones, perçus comme étant de rang social élevé.

Il nous apparaît clairement que les enquêtés de Belcourt distinguent leur groupe (celui des habitants de Belcourt) de celui des habitants de Hydra et que leur représentations sont divisées : il y a ceux qui pensent que les gens de Hydra maîtrisent la langue française et ceux qui croient qu’ils ne la maîtrisent pas. Cependant, ce qu’il faut retenir, c’est que malgré la diversité de leurs réponses, ces enquêtés estiment pratiquement tous que la langue française est la plus usité à Hydra, c’est donc une représentation que l’on considérera comme récurrente et ancrée.

Au final, nous constatons que la plus grande partie des informateurs, qu’ils soient issus du quartier de Belcourt ou de celui de Hydra partagent la représentation suivante « Hydra est un quartier dit résidentiel qui entraine l’usage de la langue française que ce soit par choix ou par contrainte ». Nous croyons donc qu’il y a une construction des représentations linguistiques en fonction des représentations spatiales (des quartiers).

3.2. Le groupe qui n’établit pas de rapport quartiers/ langues 

Il s’agit du groupe des informateurs dont les représentations spatiales ne structurent pas les représentations linguistiques :

Belcourt 

Même si les informateurs de Belcourt ont très souvent dit ne voir aucun rapport entre les langues que les gens pratiquent et les quartiers où ils résident, ils se sont très souvent, à l’unanimité, révisés en citant des exemples de quartiers à Alger où ils croient la langue française comme étant la plus usitée. Il n’y a donc aucun enquêté de ceux que nous avons interrogés à Belcourt qui ne structure pas ses représentations linguistiques en fonction de ses représentations spatiales.

Hydra

L’informatrice E.H.4 déclare avoir baignée dans l’usage de la langue française depuis sa tendre enfance. Elle refuse toute mise en rapport entre les langues que les locuteurs pratiquent et les quartiers où ils résident et maintient son discours jusqu’à la fin de son entretien et ce même lorsque nous l’avons sollicitée sur les quartiers d’Alger et les langues parlées par les Algérois issus de quartiers différenciés. Elle pense surtout que « c’est une question d’éducation, c’est une question de là où on s’est trouvé, C’est comme quand vous prenez un petit garçon dont les parents sont kabyles, il ouvre les yeux, ses parents parlent kabyle, automatiquement il suit. Ça n’a rien à voir avec les quartiers ! ». Cette informatrice pense également que les gens de Hydra ne maîtrisent en aucun cas la langue française mieux que les habitants de Belcourt puisque « les gens de Belcourt, ils ont subi le colonialisme » déclare-t-elle.

Nous constatons que l’enquêtée E.H.4 réfute toute association (usage de la langue française/quartier où le locuteur réside) et encore plus l’attribution de la pratique de la langue française en fonction des dénominations (résidentiel/ populaire) « Ce n’est pas parce que Belcourt est un quartier populaire, que les gens ne parlent pas français, que Hydra soit, soit-disant un quartier résidentiel que les gens parlent  français ». Nous avons interrogé notre informatrice sur ce qu’elle entendait par « soit-disant résidentiel », celle-ci ajoute alors « soit-disant, parce que je ne pense pas que, il y a une réputation sur Hydra qui « quartier résidentiel », ce n’est pas un quartier résidentiel, non. C’est vrai qu’il y a moins de, y a moins de bâtiments par rapport à Belcourt ou par rapport à Bab El Oued, là je suis d’accord,  y a plus de villas et tout ce qui s’en suit, concourt de circonstances c’est tout […]. Vous descendez à la cité [selje] c’est une grande cité ! Ce n’est pas un quartier résidentiel, pourtant ça fait partie de Hydra ! C’est pour ça que je dis soit disant ! ».

Il est évident que cette locutrice ne partage pas à la fois les représentations spatiales de la plupart des autres enquêtés (Hydra quartier résidentiel), et l’association qu’ils font entre les langues et les quartiers. Elle fait donc partie des rares enquêtés que nous avons sollicités qui dissocient, dans leur discours, leurs représentations linguistiques de leurs représentations spatiales. Deux autres enquêtés font également exception par rapport au discours de l’ensemble des informateurs en suggérant des représentations linguistiques indépendantes de leurs représentations spatiales.

Conclusion

Au final, nous répondrons à la question initiale de notre recherche par oui, la distinction quartiers dits « résidentiels », quartiers dits « populaires » existe et certains quartiers d’Alger tels que Hydra « résidentiel » et Belcourt « populaire » y sont catégorisés.

A la deuxième question, nous dirons qu’effectivement une association linguistique est effectuée avec les représentations spatiales : la langue française bénéficierait d’un statut de prestige auprès des informateurs de la même façon que le quartier dit « résidentiel » en jouirait, d’où un glissement des représentations donnant naissance à une fusion des représentations linguistiques et spatiales : l’usage du français serait devenu le propre des habitants des quartiers dits « résidentiels » d’Alger, en l’occurrence Hydra ici. De même, l’arabe algérien serait la langue commune et populaire d’Alger, elle a par conséquent  été attribuée au quartier perçu comme « populaire », c'est-à-dire  Belcourt.

Bibliographie

Blanchet, P., La linguistique de terrain, méthodes et théories une approche éthno sociolinguistique, Rennes, Presses universitaire de Rennes, 2000, pp.30-32.

Bulot, T., « langues en ville : une signalisation sociale des territoires » dans Bauvois, C. ; Blanchet, P. et Bulot, T. (dir), Sociolinguistique urbaine, variations linguistiques, images urbaine et sociales, cahiers de sociolinguistique, n° 6, 2000, p. 49.

Bulot, T. et Tsekos, N., « L’urbanisation linguistique et mise en mots des identités urbaines » in Langue urbaine et identité, Paris, L’Harmattan, 1999, pp. 19-34.

De Rudder, V., « La ségrégation est-elle discriminante dans l’espace », in Gallisot, R. et Moulin, B. (dir), Les quartiers de la ségrégation : Tiers monde ou quart monde ?, Khartala-institut Maghreb-Europe, 1995.

Gasquet-Cyrus, M., « Sociolinguistique urbaine ou urbanisation de la sociolinguistique ? », Regards critiques et historiques sur la sociolinguistique, Université de Provence (France), Marges linguistiques n° 3. 2002, p. 55. Gasquet-Cyrus, M., « langues en ville : une signalisation sociale des territoires » in Bauvois, C., Blanchet, P., Bulot, T., Sociolinguistique urbaine, variations linguistiques, images urbaines et sociales, cahiers de sociolinguistique n° 6, 2000, p. 49.

George, P., Le sociologue, Presses Universitaires de France, 1966, p. 35.

Gervais-Lambony,  M.-A., « Les très grandes villes » in Galissot, R., Moulin, B., Les quartiers de la ségrégation : Tiers-Monde ou Quart-Monde, Paris, éd. Karthala/ institut Maghreb- Europe, 1995, p. 34.

Souiah, S. A., « Le bâti populaire dans les villes algériennes : les nouvelles formes de ségrégation urbaine » in Gallisot, R., Moulin, B.,  Les quartiers de la ségrégation : Tiers monde ou quart monde ?, Khartala- Institut Maghreb-Europe, 1995, p. 253.


Notes

[1] Il s’agit ici de l’arabe algérien, variété pratiquée par l’ensemble des algériens et ce en dépit des quelques différences qui existent à travers son usage aux quatre coins du pays.

[2] Q : questionnaire, E : entretien,  B : Belcourt, H : Hydra.

[3] Le terme « tchi-tchi » désigne un groupe de gens privilégié socialement à Alger (aisés).

[4] Les passages entre parenthèses sont les traductions en français des passages en arabe algérien transcrits phonétiquement.

 

logo du crasc
insaniyat@ crasc.dz
C.R.A.S.C. B.P. 1955 El-M'Naouer Technopôle de l'USTO Bir El Djir 31000 Oran
+ 213 41 62 06 95
+ 213 41 62 07 03
+ 213 41 62 07 05
+ 213 41 62 07 11
+ 213 41 62 06 98
+ 213 41 62 07 04

Recherche