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La nuit de noces ou la virilité piégée

Insaniyat N°4 |  1998 | Familles d'hier et d'aujourd'hui | p. 03-24 | Texte intégral 


Wedding night or trapped virility 

Abstract : The information contained in this article is the result of a study carried out within the framework of a doctorate thesis. Discussion and observation have been the deciding factors in understanding a practice which has been considered from the sole point of view of ritual. 
There is most certainly question of virility and masculine honour, but there is especially question of the domination game (symbolic) which is exerted on this occasion and the stakes (always symbolic) which are involved, both for the prestige of the family name as for the future of the couple it self The deviations which are described here show a change in the perception of a practice for which salaried staff want to give a private nature, free from ail public proof.

Keywords : family, wedding night, couple, honor, domination


Faouzi ADEL: Université de Constantine, 25 000, Constantine, Algérie.
Centre de recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran , Algérie.


Dans la littérature anthropologique, la nuit de noces n'a jamais été l'objet d'un questionnement particulier. Elle est traitée comme un rituel bien codifié par la tradition et dont l'accomplissement n'est d'aucun effet sur la suite des événements. Les variantes régionales que ce rituel peu présenté ne contribuent pas plus à en dévoiler le sens profond[1] . Dans le meilleur des cas, elle est assimilée à un rite de passage dont le caractère potentiellement dangereux est évacué par la parodie des valeurs, mise en scène par les compagnons du marié et qui vise à désamorcer la tension et à faire assumer à chacun son nouveau statut[2] Cette vision ignore ou veut ignorer tout le système de conditions et de conditionnements auxquels se soumettent de façon souvent inconsciente les protagonistes du jeu ainsi que la morale d'honneur qui semble être au principe de toutes les actions. On connaît le sort réservé par P. BOURDIEU à la notion de rite de passage. Pour lui, le rite sert à masquer une fonction : celle d'exclure ceux qui n'en sont pas justiciables, c'est-à-dire les femmes et de confirmer l'identité de ceux qui en sont dignes, les hommes. BOURDIEU préfère l'appeler rite d'institution parce qu'il légitime un arbitraire culturel et constitue en différence sociale, une différence de fait connue et reconnue par ceux qui en sont victimes. Mais la nuit de noces ne se réduit pas à l'accomplissement d'un rite, elle est aussi l'occasion d'une transgression d'un sexe, celui de la femme, «socialement constitué en objet sacré»[3] et pour laquelle il faut aménager les moyens et le moment légitimes afin d'en rendre acceptable la profanation. Il ne s'agit pas comme le suggère le film de Lakhdar Hamina, «Vent de sable », d'un simple épisode de violence sexuelle d'où l'homme sort toujours vainqueur mais d'un véritable examen de passage où tout le monde est mis à l'épreuve : les époux parce qu'ils sont tenus de faire la démonstration de leur conformation à la norme (virilité, virginité), les proches parce que du point de vue d'honneur, ils sont directement et dangereusement concernés.

Le corps à corps qui en résulte, obéit donc à la logique d'une interaction surdéterminée qui doit presque tout aux caractéristiques du champ socioculturel mais aussi aux conditions particulières, à l'intérieur desquelles se déroule le mariage. Il importe donc de définir ces caractéristiques, de dire la place qu'occupe la nuit de noces dans le champ et d'en identifier les acteurs.

Opportunité d'enquête et population concernée

Les données que nous avons récoltées sont le produit d'une enquête plus large qui visait, dans le cadre d'une thèse de doctorat, à rendre compte de la formation du lien conjugal et de la recomposition familiale en Algérie[4].

Notre démarche s'apparente quelque peu à celle de Von Allmen, dont l'enquête est partie de quatre cercles de relations pour s'étendre en profondeur dans des réseaux familiaux, afin d'analyser les enjeux de 120 mariages[5]. Pour notre part, nous avons ciblé des couples. C'est l'histoire de leur rencontre, de leur mariage et de leurs rapports avec la parenté qui nous intéressait[6].

Puisqu'il est difficile de faire parler les gens directement sur ce qui leur apparaît comme le plus intime des actes, nous avons trouvé dans l'enquête, l'opportunité idéale, pour poser des questions sur une réalité cachée, en l'abordant sous l'angle du rituel, pour neutraliser les défenses et rassurer les enquêtés. Malgré un taux appréciable de non-réponses (environ 10% de l'ensemble), les résultats ont été au niveau de notre attente. La faculté d'exprimer l'indicible est inégalement partagée entre les enquêtés et de ce fait chaque entretien est particulier, dans la mesure où il est l'expression d'un parcours, d'une position sociale qui permet (ou ne permet pas) la mise à distance de l'événement.

Il nous est apparu à travers l'enquête que ceux qui avaient une conscience réflexive sont ceux qui étaient en rupture avec ce genre de pratiques (les cadres) ou bien ceux qui, comme Boulferd, avaient subi un choc tel, qu'ils ne pouvaient que s'interroger sur le sens de cette pratique. Les femmes ne sont pas moins prolixes sur le sujet niais, sauf à quelques très rares occasions[7], se confier à un homme sur des choses aussi intimes est du domaine de l'impensable. De sorte que c'est mon épouse, sociologue, qui a réalisé la plupart des entretiens.

Logique de l'honneur et culte de la virilité

Pour tenter de comprendre ce qui se passe la nuit de noces, il faut reconstituer tous les éléments du champ matrimonial, en particulier les enjeux qui tournent autour de chaque mariage et la position de chacun des acteurs du groupe des donneurs et celui des preneurs. Mais plus fondamentalement, il faut analyser la nuit de noces comme un des moments importants de l'échange matrimonial. Le caractère public de la démonstration est destiné à affirmer aux yeux de tous que I 'honneur des hommes est intact à travers la prestation virile de l'un deux. La mise en scène qui précède ou accompagne l'événement est minutieusement préparée afin de donner plus d'éclat à ce qui peut apparaître comme un jeu, mais un jeu dangereux où le moindre geste, la moindre parole, la moindre défaillance peut compromettre l'image que le groupe se fait de lui-même et l'image que s'en font les autres. La violence symbolique qui s'exerce à l'égard des deux principaux acteurs est à la mesure de l'angoisse ressentie par l'ensemble des protagonistes du jeu. Tout se passe comme Si l'acte de défloration sans lequel le mariage serait illicite[8], est aussi celui par lequel le marié réhabilite l'honneur, un instant mis en jeu, de lotis ceux auxquels il appartient. Le groupe des parents de l'épouse sont tous aussi concernés sinon plus, par le verdict de la nuit de noces Si l'époux peut prétexter la magie des femmes face à l'impuissance, l'épouse par contre, n'a aucun argument à opposer à l'accusation de non virginité (ou femme trouée) et doit souvent payer de sa vie, la honte et le déshonneur qu'elle inflige à ses proches.

En réalité, le mariage est un véritable défi comme l'est la nuit de noces niais toutes les étapes qui y mènent, prépare au combat. Ainsi lors de l'enlèvement de la mariée, le camp de celle-ci fait mine de s'opposer à l'opération en simulant la résistance qui est, en même temps, une mise à l'épreuve du camp de l'époux. Un de nos enquêtés nous a raconté, que le défi qui est lancé à l'époux, est de ne pas se tromper de femme, au moment de l'enlèvement. Le jeu consiste à camoufler la véritable épouse, au milieu d'un groupe de jeunes filles, habillées et voilées de la même façon, de sorte que le parent, qui chargé de porter, est couvert de honte s'il se trompait. Le combat continue, souvent à la sortie, au moment du départ du cortège. Les parents de la mariée se mettent au travers du véhicule où est installée la mariée et exigent une certaine somme en argent, avant de libérer le cortège. Ceux de l'autre groupe qui sont bien au courant du procédé tentent de ramener la somme au plus bas, mais les choses peuvent dégénérer, face à des gens intransigeants ou mal avertis des règles du jeu. En vérité, le caractère rituel de ces jeux en atténue la dangerosité et il est rare que les dérapages qui peuvent surgir ne soient pas maîtrisés.

Après tout, il s'agit de montrer aux yeux de tous quelle que soit l'inégalité de l'échange, la mariée n'a pas été cédée facilement. Selon R. JAMOUS[9], ses parents pleurent son départ, «comme Si elle était morte». Ceci est probablement vrai, Si on considère qu'elle ne peut plus enfanter pour son groupe. Mais du point de vue de l'honneur (ou de la honte), elle continue d'être une source de préoccupation et d'angoisse jusqu'à faire la preuve de sa pureté virginale, élément essentiel pour la validation de l'échange et la réhabilitation de son propre groupe au regard de tous.

Avec l'approche de la nuit de noces, l'excitation va crescendo. L'ambiance de guerre feutrée qui parcourt les deux camps est perceptible aux soins accordés à chaque détail de la préparation de la fête. Chacun se sentant épié, il s'agit de produire l'impression de puissance et d'abondance, en exhibant tous les signes qui peuvent en témoigner nombre d'invités, mets présentés, musiciens et danseurs mobilisés... Mais l'avantage dans ce domaine revient souvent au camp du marié surtout lorsque, comme c'est la règle, l'échange est inégal c'est sur son territoire que le mariage sera consommé, c'est chez lui que la 1ête sera grandiose. La tension est à son maximum, lorsque se met en place la cérémonie du «tabrah ». Il s'agit par le biais des musiciens et des danseuses de pousser les hommes des deux camps à faire des dons au marié. L'animateur principal est appelé « berrah »[10]; sa fonction est d'exciter les donneurs pour faire monter en enchères. L'objectif non déclaré est probablement engagé pour la fête. Mais l'impact réel de cette mise en scène est autrement plus symbolique. C'est l'occasion pour les hommes d'exercer leur sens du défi, dans un affrontement où le point d'honneur (le nif) consiste à obtenir le, plus de louanges pour sa lignée : «tout le monde sait, nous dit JAMOUS, qu'il s'agit d'écraser l'autre par la force de ses paroles et par la somme d'argent offerte. On est en présence d'une sorte de Potlatch »[11]. Comme dans tous les affrontements ou l'honneur est en jeu, il suffit de peu pour que les joutes oratoires se transforment en joutes physiques[12]C'est, comme dirait un de nos informateurs, mélanger "le feu avec la poudre".

A quelques heures de l'épreuve de vérité, toutes ces démonstrations constituent une pression qui serait presque insoutenable pour le marié, Si elle ne venait se greffer sur des dispositions (un habitus dirait BOURDIEU) qui portent à réinterpréter ces signes comme des «incitations stimulantes»[13]à être homme au sens plein du terme. Homme de nif, capable de réagir à toute situation selon la logique de l'honneur, mais aussi homme viril, doué d'une puissance sexuelle a bute épreuve. Certes, « c'est à force de jouer aux mâles qu'ils (les hommes) le deviennent »[14]et ils n'ont aucune autre alternative que d'être ce qu'on veut qu'ils soient. Mais la virilité qui, habituellement s'exprime' dans des espaces ouverts de façon publique et en communion avec l'entourage, est ici tenue de s'affirmer dans un espace clos, face à un être apparemment faible, mais que l'imaginaire collectif présente comme imprévisible, fourbe, capable d'user de magie, pour déjouer tous les plans prévus.

Comment faire pour remplir le contrat sans céder à l'appel des sirènes? Comment exécuter dans l'intimité d'une chambre la sentence implacable du groupe?

La nuit du doute

L'ordre tribal tente du mieux qu'il peut d'inculquer ce qu'est le devoir d'un homme dans de telles situations et décourage toute tentative de rapprochement ou d'attachement à l'autre sexe. L'amour, comme source potentielle de désordre est totalement nié, à travers le choix imposé du conjoint. La suspicion intériorisée à l'égard de tout ce que peut entreprendre une femme est une donnée structurelle de la socialisation des individus. Elle est renforcée par le conditionnement constant auquel sont soumis les hommes depuis qu'ils sont tout petits. La survalorisation de son sexe, au sens métaphorique et physique du terme[15]est inséparable de la « diabolisation » du sexe féminin. La volonté de domination n'a pas à s'affirmer.

Elle est inscrite dans « l’homosocialité »[16]même qui est une idée des facettes d'un habitus, produit de la fréquentation des seuls hommes entre eux. Mais la force du conditionnement et le poids des représenta­tions à l'égard des femmes ne les préparent pas forcément au face à face. Comment affronter cet être maléfique tant dénigré, sans dévoiler sa « nature», d'être faible, fragile, exposé à l'émotion et à l'ébranlement de soi?

La nuit de noces est une situation unique où il n'est pas aisé de jouer aux mâles. Comme l'exprime Si bien un de nos enquêtés (extrait d'entretien n01), l'expérience sexuelle pré-conjugale ne sert à rien ce soir là. Il s'agit d'une opération de défloration, soumise au jugement collectif et au cours de laquelle la moindre défaillance devient préjudiciable aussi bien pour son propre honneur que pour Son avenir conjugal. « Privé de sa supériorité de convention»[17], dans une intimité fabriquée pour la circonstance, il se trouve pris au piège de ses sentiments et de ses penchants qui peuvent révéler une nature faible, accessible au pouvoir de séduction et d'attirance de celle qui lui fait face.

La défaillance que beaucoup de nos enquêtés ont fini par avouer est le résultat de cette tension insoutenable, produit du conditionnement sans relâche de l'entourage et de l'appréhension fondée de se heurter à un « mur » au sens physique (il s'agit bien de transpercer dans le sang l'hymen de la jeune fille) mais aussi symbolique du ternie puisque la formule rituelle qu'on fait prononcer, sept fois de suite, à la jeune fille pour la fermeture symbolique de son vagin, s'énonce ainsi «le fils des autres est un fil et moi je suis un mur ». L'échec de la défloration est attribué au fait que la mariée n'a pas été dénouée avant le mariage, ce qui constitue l'exact inverse de l'opération précédente «le fils des autres est un mur et moi je suis un fil »[18]. Mais le doute de l'homme sur sa propre virilité est aussi partagé par l'épouse sur sa propre virginité.

Quel que soit l'apprentissage que lui prodigue son entourage, la méconnaissance de son corps (et en particulier, la conformation différente des hymens) fait qu'elle reste « suspendue au verdict de son époux »[19], il est le seul qui puisse lui dire la vérité sur ce sujet.

On comprend ainsi que lorsque la défloration n'a pas lieu du fait de l'homme, «le corps social, tout entier agressé, se dresse pour colmater la brèche »[20], y compris les femmes dont l'empressement à recourir aux procédés de la contre-magie n'a d'égal que l'ardeur mise à insuffler à la mariée la volonté de résister aux assauts, afin de ne pas avoir l'air de céder facilement. Mais le doute peut gagner aussi des individus, isolés qui, quoique détachés du rituel traditionnel, peuvent se retrouver,- suite à l'accusation d'impuissance -' contraints de tenter de prouver leur virilité dans les locaux froids et impersonnels d'un hôpital. Le cas que nous développerons plus loin est probablement rarissime, mais il illustre combien est implacable, la logique d'une institution (juridique), obsédée par la matérialité de la preuve et combien est naïve et pathétique, l'obstination de notre homme, vouloir crier à la face du monde (et des juges), qu'il est homme. Jamais le privilège masculin ne s'est transformé en son contraire et donner ainsi raison à P. BOURDIEU lorsqu'il affirme que «le dominant est dominé, mais par sa domination »[21].

Conditions et conditionnements

Il faut bien souligner que la pratique de la nuit de noces est caractéristique d'une société rurale, encore imprégnée de l'idéal communautaire et de la morale de l'honneur et que ceux de nos enquêtés, qui acceptent d'en jouer le jeu, résident encore en milieu rural au moment de leur mariages (ouvriers et techniciens agricoles) ou bien ont une proximité très forte avec leur origine rurale même s'ils résident en ville. L'ensemble de tableaux en annexe essaie de quantifier quelques comportements se rapportant à la nuit de noces, en les croisant avec la variable catégorie socioprofessionnelle (CSP).

On se rend compte ainsi que plus de la moitié des cadres n'ont pas pratiqué la nuit de noces et qu'une bonne partie de ceux qui l'ont pratiquée constituent une catégorie, dont la position de cadre a été acquise après le mariage. De ce point de vue, il y a une rupture entre générations. Par contre chez les ouvriers, la continuité est évidente malgré le chiffre surprenant (8 enquêtés) de ceux qui n'ont pas pratiqué la nuit de noces En réalité, il s'agit de remariages ou bien de mariages avec fillettes nubiles qui ne dépassent pas 12 ans et dont la défloration est reportée à un âge plus convenable. Seuls deux ouvriers (dont l'un est un émigré de retour au pays', dont le jeune âge et le parcours particulier les situent hors normes, ont pris leurs distances vis-à-vis de cette pratique.

Il va de soi que la pratique de la nuit de noces est en étroite corrélation avec le choix du conjoint[22]. Tous ceux qui ont fait un choix personnel du conjoint se sont d'une manière ou d'une autre libérés de cette contrainte, soit en adoptant le voyage de noces comme moyen de privatiser leur acte, soit en faisant comprendre à leur entourage qu'il n'était pas question pour eux de se livrer à une démonstration publique. Le discours n'est parfois même pas nécessaire, la pédagogie de la fréquentation et de familiarisation avec la future épouse a des vertus plus grandes auprès de parents déjà acquis au principe de l'autonomie conjugale.

L'attitude des femmes, dont l'époux est cadre, est moins déterminée par le niveau d'instruction que par le rapport de complicité, mais aussi de culpabilité qui peut la lier à la parenté de l'époux. S'il faut se montrer solidaire avec l'époux, il faut aussi d'une manière ou d'une autre, lever le doute sur son propre honneur et couper aux rumeurs qui peuvent résulter d'un tel comportement.

Ce souci en amène plus d'une à préférer la simulation, même lorsque le mariage a été depuis longtemps consommé, de sorte que la chemise tachée de sang devienne la preuve irréfutable. Si donc la pratique de la nuit de noces est le lot d'hommes bien enracinés dans leur communauté, c'est qu'elle constitue le mode le plus approprié et le plus légitime à leurs yeux pour affirmer qu'ils en sont solidaires et qu'ils en partagent les valeurs. Le sens du défi et le courage qu'ils sont tenus de manifester à cette occasion là, participent de cette glorification de la puissance virile. Leur attachement à la communauté se traduit d'abord par une obéissance presque aveugle au rituel qui leur est imposé retraite et initiation en compagnie des amis qui ont connu une telle expérience, évitement du monde des femmes et de tous ce qui peut éveiller les sentiments de tendresse et de compassion, méfiance à l'égard de toute nourriture suspecte ou incontrôlée par les proches.

Nous avons remarqué aussi que le rite du henné était de plus en plus boudé par les hommes, en raison des risques de manipulation magique, qu'il comportait. Tout est fait pour cultiver chez l'intéressé, des dispositions guerrières, qui le mettent en état d'affronter la situation. Mais l'ennemi, ici, est d'autant plus redoutable qu'il n'est pas visible. Il prend l'aspect de forces magiques avec lesquelles il va falloir ruser pour assurer sa domination. De sorte qu'il faut presque se mettre dans un état second pour affronter la situation. Nos enquêtes les plus jeunes se livrent à la boisson alcoolisée pour se donner du courage; d'autres ont recours à la magie en mordant dans une bague en argent[23], d'autres encore se plongent dans la récitation du Coran.

Cette peur qui se mue rapidement en paralysie, à l'approche du moment fatidique, est certes liée au jeune âge comme nous l'expliquait rétrospectivement un de nos enquêtés, mais elle trouve surtout sa raison d'être dans le poids de la responsabilité qui pèse sur les épaules de l'époux. Comment faire pour réaliser un objectif presque contradictoire se faire l'instrument d'une sentence collective et assurer en même temps les conditions d'une entente conjugale durable?

En vérité, tous sont conscients du fait que la nuit de noces est décisive pour l'avenir du couple, mais il leur est rarement donné le temps de construire une relation ou d'ébaucher la moindre sympathie. «Je l'ai détesté depuis ce jour-là! » disait une de nos enquêtées, pour exprimer le dégoût qu'elle pouvait ressentir, à l'égard d'un homme qui affirmait l'aimer, mais qui ne s'est pas empêché de la brutaliser pour jeter rapidement la chemise, tachée de sang, à son entourage.

Les précautions que peuvent prendre certains pour ménager leur partenaire sont souvent suspectes aux yeux de celle-ci parce qu'elle est préparée (ou conditionnée) à décoder le langage de la douceur, comme celui qui précède la traîtrise masculine. Ceux qui prennent le temps (souvent toute la nuit) de faire un long travail pédagogique de persuasion et de séduction pour vaincre les appréhensions et la timidité de l'épouse sont souvent d'un certain âge ou alors jouissent d'une relative autonomie par rapport à la parenté qui leur donne la liberté de rester toute la nuit. La règle essentielle, du point de vue de l'ordre tribal, est d’empêcher tout élan de sympathie entre les époux et pour ce faire, pousser à la défloration dans un temps minimum. La brièveté de l'acte est l'indice de la puissance sexuelle, mais aussi de l'esprit de décision et de détermi­nation qui définissent l'homme d'honneur et qui sont contraires aux tergiversations et négociations dans lesquelles sont entraînés ceux qui se heurtent à un mur de silence et de résistance. Il ressort des propos de nos enquêtés que le délai permis se situe entre un quart d'heure et une heure[24]. Au-delà, la porte commence à résonner des coups donnés par les proches, accompagnés par des commentaires qui illustrent l'impatience et le sentiment de la honte : « dépêchés-toi! »; « ça ne se fait pas chez nous de rester aussi longtemps! »; « tu nous fait honte! ». La pression est donc trop forte pour que l'injonction à être homme ne finisse par traduire dans une agressivité sadique qui « franchit dans le sang les limites corporelles de la femme»[25]. La fréquence des situations d'hémorragie est là pour prouver que ce qui compte par-dessus tout, ce n'est pas le plaisir, mais le sacrifice auquel le rouge donne un éclat particulier. Ce qui, après coup, dans une sorte de conscience réflexive, donne à l'un de nos enquêtés, le sentiment que tout cela n'a rien d'humain «nous étions comme des bêtes dans une marre de sang!».

La nuit de noces doit donc produire tous les signes d'un sacrifice dont la signification est soumission à l'ordre établi, glorification de la puissance virile et reproduction des valeurs du groupe. L'exhibition de la chemise, tachée de sang, est nécessairement accompagnée de baroud et de you you, indices de la victoire de l'honneur viril. Peut-être est-il téméraire de penser que ceux qui réussissent dans leur mission sont ceux-là mêmes qui font corps avec leur communauté et qui ne présentent donc aucune faille aux entreprises de déstabilisation? Mais la vérité est qu'ils sont peu nombreux et cela est le signe d'un relâchement des liens et d'une plus grande anomie dans les milieux nouvellement urbanisés.

L'illusio-virile ou la découverte de ses propres limites

Pour bien comprendre l'anxiété ressentie par les acteurs, il faut esquisser la géographie des lieux de la nuit de noces. Contrairement à ce qu'on pense, la chambre où s'isole le couple est l'endroit le moins intime qui soit. C'est volontairement qu'on y pratique la promiscuité la plus insoutenable, de manière à accentuer la pression sur les protagonistes. Même lorsque l'espace le permet (en zone rurale par exemple), la chambre est souvent coincée entre deux espaces de contrôle, l'un réservé aux femmes et l'autre aux hommes[26]. Si le premier connaît une animation de circonstance, faite de chants et de danses, le deuxième rassemble tous les hommes proches de l'époux qui entretiennent une ambiance surexcitée (cris, palabres, échanges à haute voix...) dans l'attente du linge fétiche, libérateur.

Cette atmosphère de combat, complètement stressant sont accentués encore plus en milieu urbain, là où les espaces sont plus exigus et le voisinage plus encombrant. A notre sens, ceux qui peuvent échapper à cette contrainte, à l'écart, dans une pièce plus éloignée ou alors dans un appartement prêté par un voisin ou un parent, sont déjà en rupture avec une logique de démonstration. Ils consentent à sacrifier au rite mais ne se sentent déjà plus obligés de jouer la comédie. Tout au plus prennent-ils la précaution de rassurer leurs proches et de contrer la rumeur en montrant discrètement la chemise à un cercle restreint. Ceux qui font le spectacle n'ont pas le temps de la réflexion; ils entrent dans l'action, comme chauffés à blanc, oubliant qu'ils peuvent être pris au piège du ridicule et de la honte. Persuadés qu'il suffit de déployer la force pour arriver à leur fin, ils oublient que cette force leur vient de la «collusion» de la collectivité et qu'une fois confrontés à cet être faible et fragile, ils perdent moyen.

Quelques uns tentent d'imposer d'entrée leur autorité, en claquant la porte, en élevant la voix ou en arrachant violemment le voile de la mariée. D'autres se perdent en prières et d'autres encore développent un monologue, destiné plus à vaincre leur peur qu'à rassurer la partenaire. Mais cet être maléfique, tant redouté est là, imperturbable, imperméable à tout échange. Le doute s'installe et la résolution de départ se transforme en une agitation maladroite et puérile qui trahit une immaturité et un manque de maîtrises de soi, préjudiciables pour la suite des événements. Lorsque la défaillance est là, tous les préjugés, à l'égard de l'autre sexe, resurgissent pour suspecter des pratiques magiques.

La majorité de nos enquêtes qui ont pratiqué la nuit de noces ont connu des problèmes d'érection ce soir-là. Bien qu'une partie avoue ne pas croire dans les pratiques magiques et attribue cette impuissance passagère à la fatigue ou à la nervosité, les plus nombreux accusent l'entourage de l'épouse et alertent leurs proches pour contrecarrer l'action malfaisante, exercée à leur encontre. Convaincus de ce que leur défaillance est le résultat d'un complot, ils ne pensent qu'à faire réparer l'outrage, oubliant que la nuit de noces et aussi l'occasion de construire une relation. Comme nous le confiait un enquêté, «la nuit de noces est décisive pour le couple ou bien tu gagnes ta femme pour la vie ou bien tu la perds». Cette préoccupation est étrangère à ceux qui, tout concentrés sur leur objectif, ne pensent qu'à en finir pour pouvoir présenter un visage honorable à ceux qui les attendent. L'échec est d'abord dans le regard des autres au moment de sortir reprendre des forces, l'un de nos enquêtes entendait des sarcasmes sur son compte, il a vite demandé à la femme qui a noué son épouse de la dénouer de nouveau (teffssah), il s'est douché à l'eau froide et, est rentré déterminé. Après avoir dégagé tous les objets qui étaient dans la pièce (matelas compris) et donc défait l'ordre antérieur, il a fini par réussir l'opération de défloration.

Si l'impuissance est vécue de façon traumatique, c'est parce qu'elle introduit le doute sur ses propres capacités à être homme (homme parmi les hommes de sa communauté), niais aussi sur ses capacités à être maître de son domaine de l'interdit, en un mot à être fécond.

Une deuxième naissance

L'homologie que d'aucuns ont pu voir entre l'acte sexuel et l'acte des labours n'a de sens que parce que l'objet (terre, femme) et l'objectif (fécondation) possèdent un caractère sacré pour une société encore quelque peu enracinée dans la terre? La nuit de noces opère un renversement dangereux elle introduit l'épouse dans la fécondité et l'homme dans le monde de la responsabilité, mais cet acte dramatique doit confirmer, par les signes qu'il produit, la place et le rôle de chacun dans la cellule familiale. Mais alors que l'homme fait son entrée dans le monde des hommes (honneur), de façon spectaculaire, par une action d'éclat (sang, baroud, you you), la femme, elle, réintègre le monde de la nature, en s'apprêtant par une série d'opérations et de manipulations, à renaître à un monde nouveau. Certains ont évoqué la parabole de la page blanche pour parler de la virginité[27], mais en vérité il s'agit d'une hyper-virginité, presque un retour à l'état originel ou le corps, enveloppe charnelle de la féminité, se recroqueville sur lui-même, pour s'épanouir à nouveau grâce à l'action inaugurale et fécondante de l'homme. La purification qui précède la nuit de noces n'est pas seulement une opération d'hygiène, comme cela est présenté dans la littérature traditionnelle, mais une véritable élimination de toutes les souillures déposées par la vie (poils, ongles...), une remise a neuf, visant une pureté virginale qui rappelle l'enfance. Mais c'est aussi une resacralisation du corps par le biais de pratiques magiques (henné, dénouement, port de signes et insignes magiques couteau, miroir, amulette) qui éloignent les esprits malfaisants (les invisibles) et les prédisposent à l'action licite et ô combien bénéfique de l'homme.

Ce travail de purification a souvent été assimilée à une érotisation du corps pour préparer au plaisir de l'homme. Mais même Si cet aspect n'est pas totalement absent, il ne s'agit pas ici de plaisir, niais d'une mise au monde symbolique dans la douleur semblable à celle de l'accouchement. On comprend ainsi que le travail de purification se continue par un travail de fermeture : la virginité ne concerne pas le sexe seulement mais tous le corps. Tous les orifices sont sinon fermés du moins mis en état de ne pas fonctionner : sexe, anus, bouche, yeux. . -

Ceux ou celles qui approchent la mariée, ce jour-là, se rendent compte de l'état d'aphasie dans lequel elle se trouve. Elle ne peut ni boire, ni manger (ou Si peu) pour éviter de bouger ou d'avoir des besoins qui puissent annuler le travail de purification opéré sur elle. Elle est presque irréelle, faite de silence et d'immobilité, les yeux baissés, le visage voilé, l'objet vivant niais sans vie, corps-receptacle, se préparant à recevoir la semence qui va donner la vie, perpétuer la lignée et donner du sens à ceux (les hommes) par qui le sens arrive. Mis à pari l'ouverture symbolique, réalisée par la pratique du teffssah, quelques jours auparavant, c'est effectivement une page blanche que l'époux va inaugurer pour y inscrire dans le sang, l'histoire de sa lignée. Il est important de souligner que la virginité présuppose la page blanche mais aussi le commencement absolu. Le corps de la femme est préhistoire. Il ne peut prendre au sens qu'à partir du moment où s'inscrit en lui, un regard et une action extérieurs. C'est donc un corps pur, sans souillures, mais sans histoire aussi qui convient à la réalisation de l'acte inaugural.

L'impureté ne porte pas préjudice seulement au clan de l'époux, elle est un grave déshonneur pour ceux qui, ont eu la charge de l'éducation de l'épouse. C'est pour cette raison que tout est fait pour que l'interdit sexuel soit bien intériorisé dès l'enfance. Si par malheur, cette virginité venait à être transgressée (que se soit de façon accidentelle ou volontaire), elle peut donner lieu à l'acte réparateur du chirurgien par la saturation de l'hymen. Les conditions de vie nouvelles (possibilités plus grandes de rencontrer l'autre, promiscuité niais aussi retard dans le mariage…) empêchent une surveillance étroite des femmes et rendent possible l'existence d'un marché de la virginité qui contribue à la tromperie collective. Ce n'est pas le moindre des pièges que d'avoir à associer l'affirmation de son honneur a la déchirure d'un organe, aussi sacré soit-il, que la technique peut refaire aussi souvent que l'orgueil de l'homme la commande. La médecine moderne se fait complice de la magie traditionnelle pour se venger d'un système qui érige en fétiche un organe aussi peu glorieux. Elle fait plus que cela, elle délivre des Talismans, appelés certificats de virginité qui font de plus en plus partie de la corbeille de la mariée et qui contribuent à dévoiler l'hypocrisie sur laquelle repose le système[28].

La dérision dont le monde masculin est l'objet n'est pas une simple vue de l'esprit, elle se matérialise dans un rite particulier que nous avons observé le soir d'une fête de mariage, du côté des femmes (dans une zone rurale de Sétif). Il s'agit d'une mise en scène représentant un couple de vieux. Le rôle du vieux est joué par une femme portant l'accoutrement masculin et les attributs de la virilité pantalon, burnous, chèche (tissus enveloppant la tête), fausse moustache et faux sexe en érection. La scène représente le vieux à la recherche de sa « vieille» qu'on lui a volé. Lorsqu'il s'aperçoit de sa disparition, il se met à sa recherche, interroge l'assistance, l'arrose d'insultes et la menace de son bâton. Soi' chant est accompagné de gestes tantôt obscènes, tantôt menaçants, provoquant souvent l'hilarité générale. Le vieux doit retrouver sa vieille, sous peine d'être ridiculisé. Le jeu se termine par les retrouvailles. Si le mode de la dérision permet de dédramatiser une situation difficile à vivre, elle donne l'occasion aux femmes de tourner en ridicule le pouvoir des hommes, ~n suggérant ainsi que s'ils ont le dernier mot le soir de la nuit de noces, ils ne peuvent l'avoir au cours de la vie conjugale.

Les femmes ne peuvent donc échapper au choc traumatique de cette nuit qui sera décisive en tout. Sauf pour les femmes qui ont connu ou entrevu leur conjoint et entre lesquels on peut imaginer une certaine complicité, le reste des femmes est livré à l'inconnu. Les enquêtées qui ont consenti à répondre sur ce sujet disent toutes avoir ressenti une sorte de vertige (), une asphyxie qui ne s'expliquent pas seulement par la timidité, mais par l'envahissement d'une multitude d'émotions et de sentiments (honte, culpabilité, ...), provoqués par le refoulement du désir. La violence du partenaire (physique ou verbale) peut accentuer cet état jusqu'à l'évanouissement La découverte du visage est un privilège masculin, les femmes, elles, sont comme pétrifiées et développent une sorte de « cécité psychique» qui les pousse à refuser de porter le moindre regard sur une scène sexuelle[29].

Elles sont bardées d'ingrédients magiques pour faire face à la précarité de leur situation. Ne dit-on pas que leur tombe est ouverte pendant 40 jours? Quand elles ne confectionnent pas d'amulettes spécialement à cette occasion, pour se prémunir de « Khattaf Laaraïs »30, le voleur de mariées, comme cela se fait encore en milieu rural, elles portent toujours sur elles un couteau fermé et un miroir. Selon l'une de nies enquêtées le couteau fermé est destiné à éloigner les génies malfaisants et en particulier «sif-ghorab», ceux qui sont responsables de l'hémorragie, après la défloration. Le miroir est plutôt destiné à neutraliser le charme que peuvent exercer d'autres femmes sur l'époux. Les ingrédients qui peuvent servir aux pratiques magiques sont d'une variété inouïe et les hommes sont toujours surpris de voir que des produits, tout à fait ordinaires se retrouvent dans des compositions et dans des lieux insoupçonnés. C'est pour cette raison que le premier souci du mari, en entrant dans la pièce, est de bouleverser complètement l'ordre établi auparavant pour imposer son propre espace («j'ai tout dégagé et je l'ai déflorée à même le sol »). En vérité, le recours à la magie de la part des femmes a un caractère défensif, il ne vise pas à infléchir le cours du destin, mais plutôt à en atténuer les rigueurs, sachant bien que l'époux n'est que l'instrument de forces qui peuvent devenir ennemies Si on ne pouvait se les aliéner ou au moins leur résister quelque peu.

On comprend ainsi que les femmes sont moins enclines à céder aux attentions pourtant bien codifiées dans le rituel que l'époux manifeste au départ (en particulier: lors de la cérémonie de la consommation du thé et des friandises). Non seulement, elles ne sont pas en état d'avaler quoi que se soit, niais en plus, elles savent que ses attentions sont prélude, à l'épreuve de force. Lorsqu'il s'agit d'un mariage dans la parenté ou que les conjoints se connaissent déjà, la raison peut prévaloir pour qu'il soit sacrifié à la règle sans trop de dégâts, niais lorsque, le mariage met en face des « étrangers», chacun fait ce qu'il croit être son devoir. Mais ici, ce n'est pas l'objectif qui est mis en cause (faire couler le sang pour l'exhiber aux autres) mais la manière dont dépend l'avenir de la relation conjugale. Le sentiment de reconnaissance est lié certes au sentiment du devoir accompli (il faut que virginité s'affiche!) mais aussi au sentiment d'être pleinement reconnue par celui par qui l'honneur s'accomplit. C'est le mari et le mari seul qui est en mesure de décréter la validité de l'opération et c'est lui qui délivre l'épouse de l'angoisse et des incertitudes de moment en la faisant femme. Mais c'est aussi à cette épreuve redoutable que la femme reconnaît « son » homme et qu'elle réinvestit dans la durée conjugale le profit qu'elle a pu tirer de sa reconnaissance sociale.

Un cas particulier

Le cas que nous allons exposer, illustre la situation d'une virilité, prise en défaut, loin des conditions qui permettent son expression  « naturelle». Les possibilités d'une face à face que permet le voyage de noces, ne peuvent, comme par miracle, annuler tout le conditionnement opéré sur les acteurs.

L'histoire qui suit nous a été racontée par la principale victime qui s'est saisie de l'entretien comme d'une véritable aubaine, pour « vider son sac » et rétablir sa version des faits, espérant ainsi contrecarrer les rumeurs qui circulaient à son propos dans toute la ville. BOULFERD, c'est le nom que nous donnerons a notre enquêté, est âgé de 36 ans au moment de l'enquête. A la fin de ses études universitaires, il a pu décrocher un poste d'assistant a l'université, niais n'a pu profiter de nombreuses occasions de bourse pour formation à l'étranger qui se présentaient à ce moment là, en raison des responsabilités familiales qui pesaient sur ses épaules. En effet, notre homme est l'aîné des garçons d'une famille de 2 frères et 3 sœurs. Son demi-frère, issu d'un premier mariage de son père, est beaucoup plus âgé que lui. Il vit avec eux niais quelque peu en marge et sans responsabilité aucune. Il a travaillé un moment en France puis probablement déprimé, par son échec, est rentré au pays, pour s'adonner à l’alcool et à la drogue. D'origine rurale, son père s'est installé dans une grande ville d'Algérie dans les années 1940. Il a été mobilisé dans les rangs de l'armée française, durant la deuxième guerre mondiale, puis fait prisonnier, en Allemagne, durant 5 ans. A son retour, il n'a aucune ressource et beaucoup de bouches à nourrir. Il occupe un étalage sur une placette de la ville, pour vendre des fripés, puis finit par obtenir un local commercial. Grâce à l'aide de son fils, il obtient un registre de commerce et une carte de client auprès d'une entreprise publique pour être approvisionné et' appareils électro-ménagers.

Toute cette famille vivait, entassée dans pièce unique, située dans un quartier très populeux du centre ville. Notre enquête était le premier de toute la fratrie à accéder à l'université Ce qui lui donnait, en plus de son statut privilégié d'aîné, une aura particulière, aux yeux de sa famille L'attention, dont il était l'objet, était d'autant plus grande qu'il portait les espoirs de tout le groupe de sortir de la misère dans laquelle il vivait et surtout d'obtenir le logement tant rêvé.

Grâce à l'université, il finit par obtenir ce logement et y installe toute sa famille. Il ne manquait à ce tableau du bonheur familial que le mariage du fils chéri. Notre enquêté raconte comment ses parents tentaient de l’entraîner vers le choix de ses cousines paternelles, en le mettant dans des situations, où il puisse se retrouver seul à seul avec elles Mais il a toujours esquivé ce choix.

Derrière une timidité apparente, notre enquêté a un pouvoir de séduction réel sur les femmes. De taille assez grande, d'allure élancée et de physique agréable, il plaît aux femmes et semble étourdi par ses succès. Il faut dire que les années 1980 étaient fastes de ce point de vite. Un certain air de liberté (pour île pas dire libertinage) continuait de régner à l’université et permettait toutes les rencontres possibles. C'est dans ce contexte que notre homme fait connaissance avec sa future femme. Faute d'atouts physiques réels, celle-ci finit par l'impressionner grâce à des qualités intellectuelles qu'il croit lui découvrir. Son origine sociale joue beaucoup dans la valorisation du partenaire Le projet de mariage fait son chemin mais lorsque la famille de l’enquêté l'apprend, elle s'y oppose farouchement Il semble que l'origine ethnique de la fille (de Petite Kabylie) y soit pour quelque chose. Mais la véritable raison de ce refus réside dans le fait que le choix lui ait échappé. L'intéressé passe outre et décide de mener à terme un engagement qui devient d'autant plus irréversible que la résistance des parents est plus forte. Notre homme se ruine à satisfaire les exigences en trousseau de sa future femme. Dépité par le comportement de sa famille, il fait tout pour aller à l'encontre des recommandations qu'elle lui prodige. Il arrive à négocier péniblement la présence de ses parents à la fête de la « djeria» (fête du mariage chez les parents de la fille) et décide de partir en voyage de noces à l'étranger Quelque part dans une ville de France, dans ambiance froide d'une chambre d'hôtel, notre homme essuie un refus catégorique à ses assauts légitimes. L'épouse prétexte une maladie vaginale et se précipite dès le lendemain chez un médecin, pour obtenir, à la suite d'un tête à tête mystérieux avec ce dernier31, le certificat médical qui la confortait dans son attitude de refus. Le couple rentre donc au pays, sans consommer le mariage. Mais au lieu de la fête attendue par tous, l'épouse se réfugie chez ses parents, accusant le mari d'impuissance... et d'homosexualité. C'est le choc pour notre homme qui ne comprend pas qu'on puisse mettre en question son identité à ce point et cédant, à une vanité puérile, exige un examen médical, qui enlèverait tout doute sur sa puissance virile («puisque la science peut prouver l'impuissance »). Il ne cherche pas à savoir le pourquoi d'un tel revirement, ni Si sa femme est vierge. Il veut crier à la face du monde qu'il est pleinement homme et il veut le prouver Commence alors un parcours inimaginable où la production de la preuve tient plus de la logique bureaucratique que de celle du système de l'honneur. La machine judiciaire se déploie comme un rouleau compresseur, exigeant de l'accusé des preuves matérielles de la puissance sexuelle : un examen urologique et un examen psychique. Dans les deux cas, il s'agit de prouver une aptitude à l'acte sexuel et l'absence d'une déviation coupable. Que la puissance sexuelle puisse être prouvée au cours d'une nuit de noces selon les règles sacrées de l'honneur, c'est une chose qui pouvait être pleinement assumée par l'intéressé. Mais que cette performance soit demandée dans les locaux froids d'un hôpital et sous le contrôle d'un infirmier, sarcastiques, voilà qui transformait notre homme en tout petit homme, livré à l'arbitraire de l'autorité médicale.

Ainsi est mis à nu l'effort désespéré mais pathétique d'un homme qui fait tout pour être à la hauteur de son idée enfantine de I' homme32. Le doute de soi-même qui s'installe, renforcé par le doute de l'entourage, sur ses propres qualités viriles, est complètement ravageur. Toute la ville résonne des bruits et des rumeurs de sa déconvenue. Il ne peut le supporter et plonge dans une profonde dépression à laquelle l'arrache son entourage familial, par la perspective du remariage. N'est-ce pas la meilleure preuve qu'il puisse fournir de sa virilité! Malgré une résistance due à quelques instants de lucidité, la famille va enfin faire « son» mariage. Le fils prodigue est de retour, il faut qu'il réintègre le bercail en réintégrant les valeurs qui font l'unité domestique. La fille sur laquelle se porte le choix est de celles qui ne peuvent poser problème orpheline de père et de mère, élevée par le mari de sa sœur qui ne cherche qu'à s'en défaire, elle représente le conjoint idéal qui peut contribuer à réhabiliter l'image ternie de la famille, et elle s'y emploie vigoureusement, ayant tout à prouver et rien à faire valoir. Le soir de la nuit de noces, dans une chambre d'hôtel d'une ville côtière, elle insiste elle-même, pour que le sang coule en abondance, afin de lever tout doute, sur la puissance sexuelle du mari.

Ainsi donc la morale est sauve. C'est une femme qui permet à lin homme de prendre sa revanche sur une autre femme. Plus tard, elle exprimera le souhait, une fois enceinte, de monter au bras de son mari, faire un tour à l'université, pour rétablir une vérité, longtemps mise en doute, par son milieu professionnel.

La justice peut suivre son cours. Notre homme se désintéresse complètement des suites de l'affaire. Il ne se pose même pas la question du comportement énigmatique de son ex-épouse. Il sait seulement désormais que l'honneur viril se défend sur un autre terrain que celui de la justice.

la nouvelle morale de l'honneur

Sur l'ensemble de la population enquêtée (87), le tiers (29) n'a pas pratiqué la nuit de noces. Nous avons expliqué en quoi le chiffre de 8 se rapportant aux ouvriers était trompeur et qu'il s'agissait en fait de remariages ou de mariages avec des filles nubiles. Les chiffres concernant les autres catégories (techniciens, petits commerçants, inactifs) sont trop particulières. Par contre la proportion de cadres qui ne pratiquent pas la nuit de noces est hautement significative (17 sur 32). On sait que cette attitude est liée à un choix personnel du conjoint renforcé par une fréquentation relativement assidue avant le mariage. On sait aussi qu'il s'agit de couples ayant une grande proximité sociale et parfois une grande complicité face à l'adversité de l'entourage. Une bonne partie des cadres qui ont pratiqué la nuit de noces (au sens traditionnel du terme) se sont mariés bien avant d'arriver à la position de cadres Pour la plupart, ils n'ont pas eu la possibilité de faire un choix libre du conjoint. En outre, qu'elle que soit leur volonté d'éviter le rituel de la nuit de noces, l'écart qui les sépare de leur épouse les empêche de déployer une stratégie d'autonomie sur ce point33.

Pour illustrer les nouveaux comportements, à l'égard de la nuit de noces, il faut peut-être prendre l'exemple limite des mariages mixtes qui unissent des hommes Algériens et des femmes Françaises (notre échantillon en compte 4). Assimilés à des non-mariages où à des mariages provisoires en attendant le vrai mariage, ils illustrent du point de vue des parents Algériens, la négation même de ce que doit être une alliance. L'intérêt même de la nuit de noces disparaît puisque disparaît aussi l'enjeu qui la constitue. La défloration rituelle est un acte symbolique qui lie deux familles engagées dans un cycle d'échange sans fin. Elle devient sans objet lorsque l'épouse (étrangère) est considérée comme sans honneur et donc indigne de l'échange que la nuit de noces suppose34.

En vérité, le mariage avec l'étrangère est l'indice d'une rupture, d'un exil volontaire vers un ensemble de valeurs (voler de ses propres ailes, vivre sa sexualité, choisir son futur conjoint) qui traduisent mieux la prise de conscience chez nos cadres que leur destin est différent. Cette rupture est vécue parfois douloureusement par ceux qui se marient sur place. Evoquons pour cela, l'histoire extraordinaire de ce fils aîné, qui n'arrive pas à obtenir, malgré ses supplications, le consentement de sa mère au mariage de celle qu'il a choisie.

Il décide de réaliser un coup de force, il profite de l'absence de sa mère du domicile pour que, de mèche avec sa future épouse, il la déflore et présente le drap ensanglanté à sa mère, une fois celle-ci de retour, lui signifiant ainsi qu'il reste maître d'une décision qui engage son avenir. Par cet acte, il s'approprie les signes du rituel traditionnel pour affirmer son autorité domestique aussi bien sur son épouse que sur sa mère. Il faut dire que ce geste ne peut s'expliquer que parce qu'il s'agit du fils aîné dont le père est depuis longtemps décédé. Il est donc tout à fait habilité à manipuler la symbolique (la logique) de l'honneur de son profit, d'autant qu'il ne se reconnaît aucune tutelle de la lignée du père.

L'autre lecture qu'on peut faire d'un tel comportement, c'est que le sens de l'honneur se privatise. Si la virginité reste, pour nos cadres, une valeur inestimable, elle n'est pas pour autant un enjeu qu'il faut exposer sur la place publique. La virginité est d'abord le garant d'une vertu nécessaire à l'engagement dans le mariage; elle implique donc une reconnaissance implicite des mécanismes de contrôle de la société. Mais le refus du jeu qu'affiche une partie des cadres signifie aussi que la vérité est affaire de couple et qu'il n'est point besoin de l'acte démonstratif pour affirmer sa vertu. C'est ainsi qu'une grande partie des futures épouses accepte la défloration avant le mariage, comme une preuve de son engagement, dans l'aventure conjugale qui suppose complicité, niais aussi solidarité face à l'adversité. L'une de nos enquêtées qui s'est retrouvée enceinte avant le mariage et pour qui, l'avortement était le seul moyen d'éviter le scandale, s'est vue entourée et choyée par son futur mari au cours de cette douloureuse épreuve. Le sentiment de partager un secret renforce la conscience du « nous » conjugal et marque la mémoire du couple de façon indélébile.

Cette nouvelle identité conjugale n'est pas le produit du hasard, elle est le résultat d'un ensemble de déterminations qui tiennent non seulement à une socialisation particulière, mais aussi à une conjoncture, celle de la décennie 1970, où l'accès relativement facilité à l'université rendait possible, toutes les rencontres, y compris pour ceux dont l'origine sociale, pouvait constituer un handicap. La possibilité de faire des études à l'étranger (8 sur 23 des cadres, ayant fait des études universitaires), accentue encore plus le détachement avec le milieu d'origine.

«L'appel du large» qui se nourrit du mythe de la disponibilité sexuelle des femmes européennes s'apparente à une véritable conquête virile.

Seul l'échec qui accompagne souvent cette aventure oblige au repli (4 sur 8 étudiants partis à l'étranger ont fini par se marier en Algérie) produisant chez les intéressés une sorte de conscience réflexive sur la difficulté d'être homme (viril), loin de ses racines. On ne peut évidemment, oublier qu'en raison des contraintes de l'enquête, les cadres qui se sont livrés à nous illustrent un type particulier de trajectoire. Issus pour les deux tiers d'entre eux des classes moyennes, formés à l'école française et imprègnes d'une culture laïque, ils ne peuvent que développer un discours «moderniste», sur la famille présentant leur mode de vie, comme exemplaire puisque produit de leur lutte contre la «tradition». Mais il manque pour rendre compte de la complexité de la situation, la trajectoire de ceux qui, malgré des études poussées, restent enchaînés au socle familial et solidaires de toutes les manifestations du nous familial.

Bibliographie

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BOURDIEU P., Masculin/féminin 2. Actes de la recherche en sciences sociales, n084,.. Septembre 1990.

CHEBEL M.. L'esprit de sérail, Ed. Lieux communs, Paris, 1988.

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MERNISSI F., Sexe idéologie islam, Ed. Tiercé, 1983.

NAAMANE-GUESSOUS S., Au delà de toute pudeur. EDIF, Maroc, 1990.

YACINE Tassadit., l'izil ou l'amour chanté. Ed. de la Maison des Sciences de 1'Romme, Paris. 1988.

VON ALLMEN M., Evolution des structures familiales en Algérie. Thèse de 3ème cycle. EHESS. Paris, 1980.

 
 

Au moment de la mise sous presse, l'auteur a informé la rédaction que sous une forme légèrement modifiée, Cet article vient de faire l'objet d'une publication dans la revue cahiers d'intersignes 1998

Tableau n°1 : Quelques caractéristiques se rapportant à la nuit de noces

 


cadres

Techniciens

ouvriers

Petits

commerçants

inactifs

Total

Pas de nuit de noces

17

01

08

01

02

29

Nuit de noces traditionnelle

13

10

16

02

01

42

Nuit de noces sans défloration

02

01

05

01

01

10

Non réponse

0

0

6

0

0

06

Total

32

12

35

04

04

87

Tableau n°2 : Quelques caractéristiques se rapportant à la chemise

 

cadres

techniciens

ouvriers

Petits

commerçants

inactifs

Total

Pas de chemise

20

02

06

0

02

30

Chemise déployée

discrètement

02

0

02

01

0

05

Chemise déployée publiquement

09

09

19

03

02

42

Non réponse

01

01

08

0

0

10

Total

32

12

35

04

04

87

Tableau n °3 : Quelques caractéristiques se rapportant au voyage de noces

 

cadres

techniciens

ouvriers

Petits

commerçants

inactifs

Total

Voyage de noces en Algérie

10

03

0

0

0

13

Voyage de noces à l'étranger

06

01

01

0

0

08

Pas de voyage de noces

15

08

29

04

04

60

Non réponse

01

0

05

0

0

06

Total

32

12

35

04

04

87

 


Notes

[1] - LAOUST, E. - Noces berbères. Les cérémonies du mariage au Maroc. -Edisud, la Boite à documents, 1993.

[2] - JAMOUS, IL .- Honneur et baraka. Les structures traditionnelles dans le Rif.- Pans, Ed. de la Maison des Sciences de l'Homme, 19g1.

[3] - BOURDIELJ, P. - Le corps et le sacré, Actes de la recherche en sciences sociales- n0 104, Sept. 1994 .-p.2.

[4] - L'intitulé exact de la thèse est : Formation du lien conjugal et nouveaux modèles familiaux en Algérie, Doctorat d'état.- Paris V, 1990

[5] - VON ALLMEN, M. - Evolution des structures familiales en Algérie, Thèse 3è cycle.- EHESS, 1980.

[6] - Dans la mesure où une telle entreprise ne pouvait aboutir que par le biais de la parenté ou de l'amitié solidement éprouvée, il est évident que la population touchée n'avait aucun caractère représentatif Nous avons réussi à enquêter auprès de 105 personnes dont 36 formaient une sous-population de 18 couples; ce qui offrait la possibilité de comparer le discours des deux époux et de tester la conscience du « nous deux ». Pour le reste, nous avons enregistré l'histoire du mariage du couple à travers la version de l'un des deux époux, soit à cause du refus de l'un des deux ou alors parce que la chose était impensable pour le mari. (Voir en annexe les caractéristiques socioprofessionnelles de la population enquêtée Tableau n0 1).

[7]- L'une de ces rares occasions était un entretien avec une militante féministe qui. elle, avait vécu sa défloration bien avant le mariage comme une véritable libération.

[8]-Le rite de Sidi Maamar in DERMENGHEM.- le culte des saints dans l'Islam Maghrébin.- Paris, Gallimard, 1954.

[9]-JAMOUS, R. - Op. cité. p. 269.

[10] - Littéralement, cela signifie crieur public.

[11] - JAMOUS. R..- Op. cité .- p. 275

[12] - Notre enquête affirme que cette pratique avait dégénéré dans la région d'Arris (Aurès) en affrontement il coups de fusil parce que la surenchère avait dépassé la limite du raisonnable.

[13] BOURDIEU. P – Masculin/féminin.- Op.cité

[14] YACINE, Tassadit.- L’izli ou l’amour chanté.- Paris, Ed. De la maison des Sciences de l’homme, 1988.- P.20.

[15] On sait que nos mères vouent un véritable culte au sexe des petits garçons, appelé « bachara », « htewta », « kawkawa », ne cessent de le triturer, malaxer, embrasser pour signifier leur admiration devant leur soumission.

[16] Selon MERNISSI, F..- L’homosocialité c’est avoir peur, éviter, limiter les échanges avec l’autre sexe. – voir son ouvrage « Sexe, idéologie, Islam ». Ed. Tiercé, 1983.

[17] - YACINE, Tassadit.- Op. cité.- p.47.

[18] - Cette opération est appelée dans le Constantinois le teffssah ( ) dont l'étymologie (   ), signifie purification.

[19] - BOURDIEU, P. .- Masculiniféminin-2 .- Actes de la recherche en sciences sociales, n0 84, Sept. 1990.

[20] - YACINE, Tassadit.- p. cité.- p.

[21] - BOURDIEU, P..- Masculin/féminin-2 - On. cité.- p.21.

[22] - Parmi notre population enquêtée, 27 ont fait un choix personnel dont 18 cadres, 4 ouvriers et 4 techniciens. (Voir tableau: choix du conjoint).

[23] - Dans la pensée magique, l'argent a la vertu de donner du courage (de l'énergie) a' celui qui le (la) porte.

[24] - Il faudrait dire avec YACINE, Tassadit que l'ordre social aménage un moment bien compté pour le couple.- Op. cité.

[25] - CHEBEL, M ..L’esprit de sérail.- Paris, Ed. Lieux communs, 1988.- p.99.

[26] - Pour avoir assisté personnellement à une veillée de ce type, je peux témoigner de ce que l'ambiance y est complètement hystérique, rappelant à quelques égards, une rencontre sportive où chaque camp a ses supporters.

[27] - ABDELKRIM-CHIKH. R. - La virginité ou la page blanche du continent africain: les métaphores de l'oralité.- in Actes du colloque international sur l'oralité africaine.- Alger, du 12 au 14Mars t959, T.l.-C.N.E.H, 1992.

[28] - Voir NAAMANE-GUESSOUS, S. .- Au-delà de toute pudeur.- Maroc. EDDIF, 1990.- p. 190, et la manière dont sont délivrés les certificats de virginité, «annaq ou bouss ou khali Rakbat laarouss».

[29] - Voir COUCHARD, F. .- Le fantasme de séduction dans la culture musulmane. Mythes et représentations sociales.- PUF, 1994.

30 - « Khataf Laaraïs» on dit que se sont des génies malfaisants qui menacent de rapt la mariée le soir de ses noces.

31 - Nous ne savons rien de ce qui s'est passé lors de cette consultation, puisque nous ne possédons que la version de l'enquêté.

32 - BOURDIFU, P..- Masculin-Féininin-2.- p. 22.

33 - Un de nos enquêtés cadres, après avoir fait la noce, décide de se fixer dans sa ville d'origine (une ville moyenne de province) et de se marier. Pressé par l’âge et isolé des réseaux de connaissance, il confie le choix de son futur conjoint a ses parents. Le mariage se passe de façon traditionnelle. Le soir de la nuit de noces, il ne se soucie nullement des règles en vigueur (faire couler le sang) et préfère lier connaissance avec son épouse. Mais celle-ci le rappelle à l'ordre pour jeter le linge ensanglanté a l'assemblée des hommes qui attend.

34 - D'ailleurs, peut-on 'vraiment parler d'échange? Des quatre mariages mixtes que compte notre population, trois d'entre eux ont été conclus et fêtés dans le pays de l'épouse (France), en l'absence du moindre parent de l'époux, malgré l'invitation formelle qui leur était adressée. Le seul mariage conclu en Algérie est en fait un non-événement puisqu'il s'agissait de porter sur les registres de l'état civil, une union de fait connue par tous, y compris des parents de l'époux. Cette régularisation n'a entraîné aucune fête, comme s'il fallait éviter toute publicité a' une union indésirable.

 

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