Les écrits sur l’Algérie par une génération qui a connu la période coloniale, l’indépendance puis celle dite de la décennie noire, se présente comme une épreuve où s’entrelacent de douloureux témoignages liés à la répression. Badra Moutassem-Mimouni s’inscrit dans cette lignée et exorcise son aversion en retraçant les vies de Bahia d’abord, puis de Nora, frappées dans leur jeunesse par les horreurs de la guerre. La guerre des colons qui fit de la mère de Bahia une des nombreuses victimes torturées et assassinées par l’armée française, et la guerre des terroristes. Deux tableaux suggérant des rapprochements et une certaine similitude d’actions pour le moins démentes. «Et voilà que quarante ans plus tard, des hommes et des femmes sont violés, avilis, tués par des «choses» se réclamant de l’islam comme les soldats de la grande France se réclamaient des droits de l’homme, comme les nazis se réclamaient du grand Reich et au nom de la pureté de la race arienne, comme les sionistes se réclament du droit de l’histoire. Comme Bush se réclame de la démocratie!».
Tantôt pamphlet, tantôt récit faits de souvenirs et de tourments, la litanie se conjugue à la colère pour décrire crûment et sans concession des scènes de violence insoutenables. Bahia et Nora, symboles du passé et du présent où se concentre une part de l’histoire de l’Algérie, évoquent en fait les représentations et les itinéraires de vie de milliers d’Algériennes. Nombreuses, sans doute, sont celles qui s’y identifient pour avoir vécu et ressenti vraisemblablement les mêmes pulsions naturelles et humaines d’aspiration au savoir et à la liberté. A la gloire du père, le message à retenir, se veut instructif d’un état d’esprit qui avait fait aussi les honneurs de la jeune Algérie indépendante. Une période faste à reconquérir? Un rêve en tout cas que Badra Moutassem-Mimouni nous transmet en rappelant le conte du bon et du méchant pour toujours nourrir l’innocence constructive des enfants. «Passion d’Algérie» est aussi un acte d’engagement, qui réaffirme résolument sa réfutation d’une situation périlleuse que traverse l’Algérie et qu’il faut espérer conjoncturelle.