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Colloque international, ‘‘Circulations migratoires et reconfigurations territoriales entre l’Afrique Noire et l’Afrique du Nord’’. Le Caire (Egypte), 2005.

Organisé conjointement par des chercheurs du CNRS-CEDEJ du Caire, de l’IRD-LPED de Marseille et le CRSTRA d’Annaba, ce colloque international apparaît comme une étape marquante dans la recherche en Afrique et sur l’Afrique en raison de la prégnance de ce mode de mobilité internationale mise en exergue récemment par l’actualité euro méditerranéenne. En effet, de par les flux engendrés, l’irruption des migrations transnationales au sein de l’espace sahélien et de l’espace saharien prend une importance notable qu’il faut mettre en relation avec la crise économique mondiale, l’émergence du nationalisme (Côte d’Ivoire) et de conflits politiques locaux (Darfour) et, le durcissement récent de la politique migratoire de l’Union européenne.

Abordé par des chercheurs rompus aux terrains africains, la nouveauté de ce sujet et sa richesse ont permis d’intégrer de jeunes doctorants provenant de sept disciplines des sciences sociales (géographie, économie, sociologie, droit, anthropologie, histoire et politologie); bien plus, dix pays ont été représentés lors des débats par leurs chercheurs installés en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc, Egypte), en Afrique Noire (Sénégal, Burkina Faso, Cameroun), en Europe (France, Belgique) et en Amérique (Etats-Unis). Le mode d’organisation de ce réseau (rapporteurs, modérateurs et intervenants) atteste de la qualité de la réflexion et du suivi apportés par le Comité d’organisation composé de S. Bredeloup (IRD de Marseille, d’ O. Pliez (CEDEJ du Caire) et de S. Spiga (CRSTRA d’Annaba); ainsi, la tenue du colloque a permis le fonctionnement de quatre ateliers: ‘Les migrants africains, facteurs de fragilisation ou levier de développement? ‘, ‘Recompositions socio spatiales des espaces de transit’, ‘Carrières de migrants et labilité des statuts’ et ‘Les politiques migratoires entre circulation et cloisonnement’.

En lui-même, l’espace d’étude retenu présente une originalité certaine dans la mesure où les analyses touchent aux rapports entre deux parties du Continent africain -l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire- car on ne mesure pas avec précision l’ampleur des flux migratoires et on ne distingue pas clairement les politiques nationales migratoires des divers pays africains, tout comme on minimise la solidité, différenciée il est vrai, des solidarités de voisinage pratiquées par les différents Etats qui, globalement, demeurent peu pourvus en moyens de contrôle de leurs zones frontalières. Toutefois, il ne faut pas non plus occulter les fortes pressions exercées par l’Union européenne pour limiter cette mobilité subsaharienne tant redoutée. C’est dire là, à travers l’ouverture de ce chantier, la place accordée aux méthodes de défrichement: en premier lieu, au contenu conceptuel à forger pour renommer un même fait migratoire (par exemple: expulsés, rapatriés, réfugiés, apatrides, demandeurs d’asile…); en deuxième lieu, à l’extrême difficulté relative à l’accès à l’information statistique officielle; enfin, à la nécessité de faire du terrain par le biais d’enquêtes, de sondages, d’interviews… Tout ceci a fait émerger une série de questions pertinentes: peut-on identifier les villes de transit? Comment se présente la diversité de ces figures de migrants dans leur rapport avec l’activité économique urbaine et avec leur éventuelle ‘intégration culturelle’ dans les sociétés d’accueil? Comment lire et comprendre l’émergence de stratégies migratoires individuelles et collectives au sein de cet immense espace comprenant l’Afrique tropicale, le Sahel, le Sahara et le Nord de l’Afrique?

Les études qui ont porté à la fois, sur des pays (Mauritanie, Libye, Soudan, Maroc, Tchad, Niger…), sur des milieux ruraux (Zone forestière de Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sud-est libyen…) et sur les espaces urbains (Ouagadougou, Le Caire, Nouadhibou, Tunis, Tamanrasset, Nouakchott, Niamey, Tombouctou, Gao, Kayes, Adrar, Cotonou…) ont pour la plupart accordé une place à l’histoire migratoire locale, à la question identitaire et aux motifs de ces migrations liées la misère économique, à la violence politique et au désir d’une amélioration des conditions de vie. Par ailleurs, l’apport utile de juristes aux travaux a mis en lumière le profit à tirer des législations nationales pour mieux comprendre les mécanismes, les enjeux et les contraintes rencontrées par les migrants (circulation, accès au travail…). La réalisation de routes à travers ce morceau de continent donne naturellement lieu à une densification de la circulation des hommes et à la multiplication de flux marchands qui provoquent la croissance de places marchandes continentales (Libye, Soudan…) et cela, même si l’on observe des discontinuités temporelles nées d’une décision politique conflictuelle entre deux Etats. Dans cet ordre d’idées, de nombreuses communications ont souligné certes, le phénomène de transit que connaissent diverses villes maghrébines en recevant les migrants subsahariens, mais quelques chercheurs observent des tentatives d’installation dans les grandes villes portuaires (Tunis, Nouadhibou, Casablanca…) tout en faisant état de législations de travail bien contraignante comme c’est la cas en Tunisie. Désormais, dans ce champ de recherche, l’utilité du volet juridique (textes réglementaires, droit du travail, conventions bilatérales et internationales, droits de l’Homme…) apparaît comme une donnée incontournable pour l’étude de la mobilité qui mérite d’être suivie et approfondie et ce, en tenant compte de la législation européenne très sensible au lien existant entre migrations et sécurité.

Ce colloque vaut par l’attention portée à un espace africain ‘occulté’ par la recherche dans ses interrelations géographiques, et par la contribution d’universitaires nationaux installés dans leur pays et connaissant de ce fait, leur propre société; c’est dire là, la portée de leur rencontre en vue de confronter leurs idées. En dépit de sa richesse, l’apport de cette rencontre a aussi permis de noter quelques insuffisances (affinement des données statistiques, contenu du mot ‘passeur’, rapports entretenus avec les divers pouvoirs locaux, ampleur des flux migratoires dans des zones interlopes comme le secteur regroupant des morceaux du Tchad, de la Libye et du Soudan, le peu d’intérêt accordé à ceux qui ont réussi leur installation, les relations culturelles et matrimoniales des migrants en voie d’installation…).

auteur

Abed Bendjelid

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