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Processus fonciers et immobiliers à Saïda

Insaniyat N° 29-30 | 2005 | Premières recherches II (Anthropologie, Sociologie, Géographie, Psychologie, Littérature) | p.201-229 | Texte intégral


Processus fonciers et immobiliers à Saïda

Abstract : Depuis 1990, on soutient officiellement en Algérie que la question foncière, longtemps considérée comme élément secondaire dans les études urbaines, est à la base de tous les problèmes urbains d’où la création d’un Comité Interministériel du Foncier en 1992. A l’instar des autres villes du pays, la ville de Saïda, cas révélateur d’un fort développement des processus fonciers et immobiliers, a connu dès le début des années soixante dix une dynamique urbaine remarquable qui s’est traduite par une croissance de la périphérie (habitat, services, équipements, bidonvillisation) induite par l’exode rural et l’industrialisation. A cet éclatement périphérique, accompagné de la densification du centre ancien, s’est ajouté une mobilité résidentielle et une intégration accrue. Ces conditions de croissance ont entraîné des changements économiques, culturels et politiques qui ont accru la demande en logements et l’ont diversifiée. Les disparités sociales se sont accentuées et s’inscrivent désormais fortement le paysage urbain ; Elles rompent l’équilibre et l’harmonie de la ville ancienne. En somme, la ville a subi de profondes transformations qui ont affecté son tissu social et son espace. Une accélération du processus de formation de classes sociales apparaît en partie à travers le type de distribution de l’espace urbain et dans son appropriation. La dynamique des processus fonciers et immobiliers est au cœur de ces changements. 

Mots clés : foncier - logement - politique - espace urbain - dynamique - mutation - Saïda


Larbi BELOUADI : Centre universitaire de Saida, 20 000, Saida, Algérie
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie


 

En dépit, des progrès accomplis dans la compréhension des mécanismes d’urbanisation, la question foncière est restée pratiquement absente des préoccupations de la recherche urbaine institutionnelle et universitaire. Cette dernière, tout en jouant un rôle important dans le processus d’urbanisation, est souvent considérée comme un élément secondaire; elle a été toujours réduite à son aspect démographique, aboutissant généralement à une analyse descriptive des formes d’urbanisation. Or, la croissance urbaine entraîne de profondes modifications, jouant ainsi un rôle de déstabilisateur des processus sociaux dont la dimension foncière constitue un élément essentiel pour expliquer la dynamique actuelle qui caractérise la société algérienne. Le thème traite le problème foncier élargi à la production du logement qui, aujourd'hui plus que jamais, hante le plus les algériens. Ville moyenne de 114000 habitants, Saida est révélateur d'un fort développement des processus fonciers et immobiliers caractérisés par une extension démesurée du cadre bâti sous forme de nouvelles périphéries planifiées dont le moteur de croissance est l'industrie en premier lieu puis les différents programmes de développement (équipements, infrastructures, habitat..) concentrés au chef-lieu. En effet, depuis les années quatre vingt dix, l’on soutient officiellement que le foncier est au cœur de tous les conflits urbains. Saïda, à l’instar des autres villes algériennes, constitue un champ urbain où les changements relatifs aux processus fonciers et immobiliers sont de la plus grande ampleur. Cette mutation foncière se traduit dans les formes d’urbanisation, dans les rythmes et les modalités de leur évolution et donne naissance à une nouvelle structuration des rapports entre les couches sociales urbaines et la formation de nouvelles entités urbaines. L'autre aspect de la présente étude est lié aux pratiques foncières et immobilières de l’Etat. Les interventions officielles sur la production du sol et du logement.

Saïda: un cas révélateur d’un fort développement des processus fonciers et immobiliers

L’évolution de la population de Saïda est l’une des plus dynamique de l’Algérie depuis la Guerre de libération; la proportion des habitants nés sur place a baissé de plus de 50% en 1954 à 42% en 1973, pourcentage très supérieur à ce qu’il était dans la plupart des villes importantes nées de la colonisation et noyés par l’exode rural (Sétif, Sidi Bel Abbes, Bordj Bouarrerdidj…)1. L'espace central, ex-noyau colonial, a connu la substitution à son peuplement européen d’un peuplement algérien surtout saïdéen; il a connu parallèlement vieillissement et surpeuplement au point que le taux moyen d’occupation par pièce de la ville s’élevait en 1966 à 2,6 habitants. De ce fait, la ville de Saïda était devenue le lieu de résidence des chômeurs, une ville surchargée jusqu’en 1972, d’une abondante force de travail inemployée, avec, en 1966 un taux de chômage le plus élevé de l’Algérie (40%). Au recensement de 1966, la population de la commune de Saïda rapportée aux limites de l’actuel découpage administratif (1985), comptait 348000 habitants dont plus de 96% résident au chef-lieu. Entre 1966 et 1977, cette population s’est accrue de 23055 habitants environ, ce qui correspond à un taux d’accroissement global de 4,80 %. L’explication de ce taux important par rapport à la moyenne nationale qui était de 3,2 %, réside dans l’effet conjugué d’un croît naturel rapide et de l’exode rural massif engendré par la concentration des projets de développement au chef-lieu à partir de 1971, date du lancement du Plan spécial de wilaya. Le mouvement migratoire constaté entre 1966 et 1977 ne s’est pas perpétué entre 1977 et 1987; ainsi avec 84142 habitants en 1987, la population communale a évolué selon un taux de 3,8 %. Les résultats préliminaires du recensement général de la population et de l’habitat donnent au 25 juin 1998 une population résidente estimée à 280752; Par rapport au recensement de 1987, il ressort un taux annuel moyen d’accroissement de la population de 1,57; Le nombre moyen de personnes par ménage (taille du ménage) est de 6,54. Le nombre de personnes par logement occupé pour les ménages ordinaires est de 7,12. Le nombre de logement est de l’ordre de 51968 dont 38998 occupés. Sur une situation inchangée, sinon aggravée par la suite par l’arrivée massive des ruraux, Saida connaît une rapide croissance industrielle qui accompagne celle du secteur tertiaire, de l’habitat et de la population.

Nouvelles périphéries pluri-fonctionnelles impulsées en premier au chef-lieu par l’industrie puis par l'habitat

Dès le début des années soixante dix, Saïda a connu une dynamique urbaine remarquable qui s’est traduite par un rejet en situation périphérique d’un nouvel habitat induit par l’industrie. Le second constituant fonctionnel de la nouvelle périphérie saidéenne est la multiplication et la densification des services publics et administratifs urbains et régionaux. C’est là, une mutation sensible pour une ville à l’espace singulièrement «étripé», qui provoque une mutation fonctionnelle déjà avancée et qui fait naître de nouvelles exigences. De nouveaux fronts d’urbanisation se ramifient par le foisonnement de chantiers de projets d’habitat initiés dans le cadre du Plan local de l’habitat (PLH) et de la relance de la promotion foncière et immobilière, une sorte d’expédient hâtivement conçu pour loger les multitudes en quête de logements. Beaucoup de lotissements sont ouverts alors à la construction. Un bilan d’activité de l’année 1995 révèle une offre de 2000 lots créés dans le cadre de la promotion foncière répartis en plusieurs lotissements sociaux et promotionnels. On assiste à une densification par la création de lotissements qui prend une forme de remplissage de l’espace interstitiel laissé par l’ex-urbanisation. Cet éclatement périphérique, joint à la densification du centre ancien, s’accompagne en fait d’une mobilité résidentielle et intégration accrue.

Ces conditions de croissance ont entraîné des changements économiques, culturels et politiques considérables. L’accélération des flux vers les villes par l’appel des promesses d’emploi a élargi le déficit en logements et diversifié la demande. Les disparités sociales s’accentuent et s’inscrivent fortement dans le paysage urbain ; elles rompent l’équilibre et l’harmonie de la ville ancienne. La sur-occupation de l’espace antérieurement bâti encouragé par la procédure d’affectation des terrains excédentaires, les surélévations et l’extension périphérique sont autant d’exemples qui illustrent les transformations que subit le cadre bâti et l’espace urbain. Somme toute, la ville subit de profondes transformations qui affectent transversalement son tissu social et son espace. La ville devient alors le théâtre de luttes, de contradictions sociales, de rapports dominants-dominés qui ont préludé à des changements structuraux qui renversent l’ordre établi. Un processus de formation de classes sociales s’accélère. Ces classes sociales apparaissent en partie à travers le type de distribution de l’espace et de son appropriation. La dynamique des processus fonciers et immobiliers est au cœur de ces changements.

A. Production du sol urbain

L’étude de la production du sol dans la ville actuelle met en avant l’identification des différentes filières de production foncière. Chaque filière fait l’objet d’une analyse concrète sur la base de son organisation technique et sur la quantité du sol qu’elle offre sur le marché et sur sa cible sociale. Sont également mis en évidence les atouts et les défaillances des différentes filières.

Production foncière privée

La filière de production de sol privé est dominée par un seul acteur dont la présence sur le marché foncier est relativement ancienne (période coloniale), mais dont l’intervention à petite échelle est récente. Il s’agit du promoteur foncier, agent social qui assure la transformation du sol non constructible en sol constructible et qui procède à sa vente sur le marché foncier urbain. Son rôle se réduit à trois fonctions principales: l’acquisition du sol, son aménagement, et sa commercialisation. La promotion foncière privée est restée, tout au long de cette période post- coloniale, prisonnière de contraintes structurelles liées à la politique foncière adoptée par l’Etat algérien au lendemain de l’indépendance.

La production foncière ne constitue pas l’activité principale des promoteurs. C’est une activité parallèle, parfois secondaire. Ce type de lotisseurs privés n’a pu investir que dans des petites propriétés foncières situées dans des secteurs aménagés, techniquement maîtrisables et financièrement abordables. D’autant plus que de nombreux lotisseurs, propriétaires fonciers, se sont vus contraints de lotir une partie de leurs terres incluses dans le périmètre urbain. Ce sont des parcelles situées en lisière du périmètre urbain et faisant partie des grands domaines agricoles.

Tableau 1 : Structure des lotissements privés à Saïda (1964-1972)

Lotissement

Situation

  1. (m²)
  2. lots
 

Date achat

Date réal.

  1. achat
  2. vente
 

Carrafong

Les castors

4939

12

-

1964

-

20 DA

Carrafong

La gare

1452

04

-

1965

-

20 DA

Laabani

Les castors

7074

12

-

1965

-

20 DA

Otmani

Boukhors

9169

17

1967

1967

1,50 DA

25 DA

Gueroudj

Les castors

4948

11

1969

1971

2,20 DA

80 DA

Lardjène

Boukhors

8000

19

1966

1971

1,50 DA

25 DA

Rakrak

La gare

2496

06

1966

1972

3,20 DA

35 DA

Khalef

La gare

3451

08

1957

1972

8,68 FF

100 DA

Total

3 74.92

89

 

 

 

 

Source: Dépouillement des fichiers de la conservation foncière. Saïda.

En raison des mesures conservatrices prises par l’Etat indépendant qui a reconduit la législation antérieure à 1962, la période 1962-1964 était caractérisée par un gel de transactions foncières et immobilières en vue de protéger le patrimoine foncier et immobilier, devenu biens vacants, contre la spéculation dont il commençait à devenir l’objet. A partir de 1964, seulement les transactions foncières et immobilières dont le montant ne dépassait pas 100000,00 Dinars étaient autorisées après un avis préalable du wali territorialement compétent. Cette mesure était renforcée en 1971 par le lancement de la révolution agraire qui a conduit au gel de transactions foncières entre vifs à l’exclusion des morcellements de propriété par voie d’héritage. Ce blocage a été maintenu jusqu’à l’avènement de la deuxième phase correspondante à l’affectation aux paysans sans terres des terres nationalisées. En 1974, l’introduction de l’Ordonnance portant constitution des Réserves foncières communales a conféré aux communes l’omnipotence des transactions foncières en intégrant tous les terrains publics et privés inclus à l’intérieur du périmètre d’urbanisation dans leur portefeuille foncier.

Production foncière étatique

Constitution des Réserves foncières communales(1974)

Depuis l’indépendance jusqu’au début des années soixante dix, l’intervention de l’Etat dans le domaine foncier s’est limitée à la production de textes juridiques (instructions, circulaires, notes…) reconduisant la législation antérieure à 1962 et à la construction de petits centres de recasement pour déloger les populations de certains bidonvilles. Ce n’est qu’à partir de 1974 que l’Etat a inauguré sa politique foncière en recommandant aux communes de constituer des réserves foncières; en 1976 un décret portant sur les modalités de création et de cession des lotissements et l’organisation des coopératives immobilières a visé deux objectifs majeurs: favoriser l’accès au logement de la population urbaine et mettre fin à la spéculation foncière en interdisant les transactions sur les lots de terrains.

La politique de municipalisation des terrains urbains, adoptée au début des années soixante dix, a permis aux communes d’intervenir directement dans le processus de production du sol urbain en assurant l’assiette foncière et en procédant à son aménagement avant sa mise en vente sur le marché foncier. Cette politique foncière a été mise en œuvre au début des années soixante dix pour faire face aux exigences de développement et d’urbanisation des villes. Au niveau urbain, l'ordonnance de 1974 a ouvert la voie à un processus d’aliénation de terrains publics et privés qui a permis aux communes de traduire assez vite leur choix en matière urbaine par la localisation des équipements, de l’habitat collectif ou semi-collectif et l’aménagement de lotissements communaux dans le cadre d’un périmètre urbain. L’initiative privée n’est donc encouragée que vers la fin de la décennie soixante dix par la création, sur les réserves foncières, des lotissements et la construction des coopératives immobilières.

Tableau 2: Structure des lotissements communaux à Saïda (1979-1986)

Situation

Nom du lotissement

Taille de lotissement

Catégorie sociale

Nombre

Taux

Quartiers populaires traditionnels

Belkcir

28

9,65

Moyenne

Mejdoub

65

22,41

Centre ville et quartiers résidentiels

Sid Cheikh

185

63,80

Aisée

El Feth

12

4,14

Aisée et moyenne

 

Total

290

100

 

Source: Enquêtes personnelles. DUC, APC et Agences foncières. Saïda.

A Saïda, quatre lotissements communaux ont été réalisés pendant cette période, couvrant une superficie de 12 hectares. Au total 300 ménages ont été touchés par cette production. Cette activité modérée s’explique, d’une part, par la priorité accordée à l’habitat urbain et aux équipements publics dans l’affectation du sol et d’autre part, par l’existence dans le tissu urbain de parcelles ayant constitué déjà une première réponse à ce type de besoin (habitat individuel). En effet, la place tenue par l’habitat urbain, les équipements et les services publics dans l’extension urbaine pendant cette période, traduit l’effort du développement qui visait d’assurer l’encadrement local et régional assigné à la ville de Saïda. Aussi, la répartition des lotissements a obéi donc à des critères économiques et sociaux ségrégationnistes; l’élite a occupé les quartiers résidentiels de la ville et les familles moyennes et démunies ont occupé les quartiers pauvres.

Dans les faits, la répartition des lotissements s’est traduite par une réfutation du discours idéologique. Le nombre de lots mis en vente ne correspondait ni à la demande réelle, ni à la volonté politique affichée pour résoudre la crise de logement. En effet, la crise de logement évoquée comme principale raison bloquant le développement économique et justifiant l’ouverture des lotissements communaux n’a pas été enrayée ou du moins atténuée. Ce paradoxe s’explique par les pratiques foncières abusives de la commune et le caractère "ségrégationniste" des premières opérations de lotissements qui ont profité surtout à ceux qui ont les moyens de payer le prix du terrain et de le valoriser.

Les effets de la politique des réserves foncières communales sont multiples :

Naissance de situations foncières contentieuses : La procédure tracée par l’ordonnance de 1974 et ses textes subséquents n’a pas été poursuivie par la commune. De nombreux acquéreurs de lots de terrain dans le cadre des réserves foncières depuis plusieurs années ne sont pas en possession de titres de propriété des terrains sur lesquels ils ont souvent construit leur maison. Il s’agit, dans la majorité des cas, d’attributaires détenteurs d’actes administratifs dénués de tout caractère authentique. N’ayant pas été soumis aux formalités de publicité. Il s’agit de compromis de vente délivré par la commune ou même de simple quittance attestant le paiement du prix de cession. Cette situation est due au fait que la publication de l’autorisation de permis de lotir n’a pas eu lieu à la conservation foncière.

Restrictions budgétaires et retard dans la réalisation des équipements: La réalisation des lotissements n’est, malheureusement, pas précédée de la viabilisation des terrains par la commune, ce qui rend parfois inhabitable les logements. Ceci s’impose d’autant plus qu’on le justifie trop facilement en invoquant que les retards dans la réalisation des voiries et réseaux divers (VRD) sont la conséquence des limitations budgétaires. L’équipement des lotissements devient alors progressif ou par tranche en fonction des crédits alloués annuellement ou par ponction faite sur d’autres chapitres. Les travaux de viabilisation peuvent s’étendre sur plusieurs années.

Un mode d’attribution sélectif: La soumission des acquéreurs à des critères d’attribution assez rigides a exclu de larges franges de la population qui a plus besoin d’un logement et rend le système de production du sol sélectif. Même les ménages aux revenus limités qui ont réussi à accéder incidemment à un lot de terrain arrivent avec beaucoup de difficultés à construire leur logement, ce qui donne un aspect inachevé aux lotissements.

L’absence d’une politique claire et transparente des prix combinée à l’interdiction pure et simple faite à tout bénéficiaire de lot de terrain de le revendre qu’après un délai de dix ans a donné naissance à des pratiques foncières illégales qui sont les prémices d’un marché foncier parallèle non réglementaire. A la fin de cette période (1973-1986), une suspension de la cession des lots sur les réserves foncières est intervenue en attendant la mise en œuvre d’une nouvelle politique de l’habitat et l’achèvement des plans directeurs d’urbanisme (P.U.D) en révision. L’analyse de cette période a mis en évidence la faiblesse de l’intervention de la commune dans le domaine des lotissements. L’absence d’encadrement technique et administratif des opérations de lotissements est attribuée à l’insuffisance des structures de la commune en qualité et en quantité de techniciens d’où la non maîtrise de l’arsenal juridique.

Agence foncière locale (1986 – 1990)

Afin de renforcer les structures des communes et leur apporter assistance technique et administrative en matière de gestion foncière, l’Etat a créé par le décret N° 86/04 du 07 janvier 1986, un organisme spécialisé dénommé Agence foncière. Le rôle de cette dernière est d’assurer la coordination entre la commune et les différents services techniques et administratifs de la wilaya lors des opérations préalables aux diverses procédures de cession et de rétrocession des terrains.

Tableau 3: Structure des lotissements gérés par l’Agence foncière locale de Saida "AFIS" (1984-1990)

Nom du

Lotissement

Date de création

Superficie (Ha)

Nombre

de lots

Prix d’achat DA

Prix de vente DA

L1

1984

44.11.84

62

1,85

391 ,00

L2

1984

3.72.90

65

19,00

391,00

Boumendjel

1989

2.58.75

61

21,60

415,00

Soumam

1989

10.65.00

212

15,19

415,00

Mejdoub

1989

2.97.20

66

16,25

172,00

Boukada

1989

06.63.80

136

13,73

415,00

Charaâ

1989

01.46.97

80

65,00

172 et 286

Zhun Ouest

1989

02.27.60

84

20,31

172,00

Extension Boukada

1993

01.73.40

27

100,00

415,00

Extension Soumam

1995

01.35.59

29

111,00

415 et 1000

L3

1995

00.95.76

41

156,40

400 et 1500

Coopérative AFIS

1992

00.41.44

32

100,00

415,00

Cite CNEP

1994

00.56.33

25

498,00

415 et 650

 

Total

79 46 58

920

 

 

Source: Enquêtes personnelles, AFIS Saïda.

Compte tenu de l’urgence des besoins dans une conjoncture économique, sociale et politique très tendue, l’Agence foncière pour éviter de parcourir un cursus administratif et technique complexe et lent à la fois, a adopté, par injonction dit-on, un processus simplifié et souple comparativement à celui qui structure les opérations de lotissements. Les lots sont cédés sur plan à des prix non étudiés et très encourageants. La viabilisation se limite à la matérialisation des voies pour faciliter le bornage des lots et permettre aux acquéreurs d’entamer la construction de leur logement. Ce sont des lotissements ouverts à la construction sans viabilisation préalable. Si sur le plan quantitatif, la cession des lots a été relativement significative, il n’en est pas de même sur le plan qualitatif. Les retards dans la réalisation des viabilités des lotissements sont dus, en grande partie, à une sous évaluation des coûts du mètre carré. Les prix définis initialement sont des estimations et la cession des lots s’est faite avant le montage financier de l’opération du lotissement. L'Agence foncière se trouve confrontée à des difficultés financières et des lotissements sommairement équipés. Pendant cette période la crise de logement a pris une ampleur sans précédent et n'a pas épargné l'espace urbain, elle se manifeste d’ailleurs par un mouvement de constructions spontanées et illicites dans le tissu urbain et à sa périphérie immédiate en lisière des chantiers de construction. On assiste alors à une prolifération des bidonvilles, des surélévations de construction et des occupations illicites des terrains publics se traduisant sur l'espace urbain par:

Une adaptation aux conditions culturelles et d’environnement: la conception architecturale des lotissements est hétérogène. La morphologie des constructions peut ne pas avoir d’heureux d’effets du fait de l’amalgame de styles très variés. L’égalité des chances économiques d’accéder à un lot de terrain se heurte à des différences culturelles et par conséquent à des représentations diverses des modes d’habiter. Il se côtoie ainsi au sein d’un même lotissement un amalgame de conceptions. Maisons de type traditionnel en l’occurrence haouch, villas modestes d’un seul niveau ou deux privilégiant le petit jardin aménagé à l’accès et occupant plus des trois quarts de la surface attribuée, le coefficient d’emprise des sols étant de 70%, imposants cubes de trois voire quatre niveaux au mépris de toute réglementation s’étendant sur la quasi-totalité de la surface et ne laissent libre qu’une portion congrue à l’arrière de la construction en guise de cour. Au rez-de-chaussée d’immenses garages sont aménagés où se développe toute une gamme d’activités de commerce de matériaux de construction pour approvisionner les chantiers voisins. On y trouve aussi des ateliers de ferronnerie, de menuiserie, de mécanique et de tôlerie faisant fi du code d’urbanisme.

La construction préalable de locaux commerciaux au rez-de-chaussée pour y exercer une activité permet d’apporter des ressources additionnelles au fur et à mesure du déroulement du processus de production de la maison. Ce qui donnent à ces lotissements d’habitation un caractère de petites zones d’activité. «En effet, le voisinage peut être refusé car il est la source de multiples désagréments. La critique prend la forme, dans certains cas, du rejet de la promiscuité dans un milieu hétérogène caractérisé par l’absence de "l’harmonie"». (Mohamed Madani, 1997).

Adaptation des conditions économiques et d’habitat à la crise de logement: parallèlement à l’activité des lotissements, l’Agence foncière locale est devenue le promoteur d’une série d’opérations d’aménagement de surfaces excédentaires de moins de 100 mètres carrés dans les cités et zones loties. Ces aménagements facilement réalisables permettent à l’Agence foncière de réaliser des profits considérables du moment qu’elle n’implique pas en aval l’engagement de moyens financiers importants à l’instar des opérations de lotissements. L’opération se limite à trois phases, l’acquisition des terrains auprès des domaines, leur bornage puis leur vente aux bénéficiaires. Une telle mesure qui tendait vers une utilisation optimale en vue de solutionner le problème de logement de beaucoup de familles et, surtout, corriger les imperfections qui ont pu être commises dans l’utilisation des espaces bâtis, s’est traduite dans les faits par un mouvement de construction spontanée par les habitants qui tous cherchent à résoudre les difficultés de logement. Des cités d’habitat planifié et d’aspect architectural homogène autrefois se trouvent aujourd’hui entièrement "défigurées". Les extensions se sont faites, dans la majorité des cas, sur des surplus de parcelles mitoyennes aux habitations. Ce sont de larges trottoirs, de passages piétonniers ou d’espaces verts qui ont servi d’assiettes à ce type d’extension. L’ancien plan de masse ordonné est remplacé par une trame lâche remplie de constructions serrées privées d’espace public qui était si profitables aux ébats des enfants. A Saïda, aucune cité n’a échappé à cet enlaidissement. Les cités d’habitat individuel dans le secteur nord (Cités 400 logements, 48 logements, 120 logements, 56 logements, 26 logements, 32 logements etc.…) constituent un exemple illustratif de ce mode de cadre bâti. Les surplus d’espace excédentaire ont permis aux habitants l’augmentation de leur superficie habitable par l’aménagement de pièces supplémentaires avec une cour plus vaste. Pour ceux qui ont les moyens, l’aménagement d’un local commercial ou de services pour le jeune exclu tôt du système éducatif ou le diplômé en chômage recyclé dans le commerce ou encore des salariés "cumulards" ou d’anciens actifs reconvertis dans le domaine des affaires à la suite de la détérioration du travail. D’ailleurs la profession de l’activité commerciale dans ces quartiers tels que "Amrous" à l’origine non équipé démontre cette tendance, celle des proliférations des activités commerciales. La demande insatisfaite a provoqué donc un mouvement de constructions spontanées en dur qui prennent souvent le caractère de précarité. Les modifications apportées par les habitants eux-mêmes dans leur espace de vie privé reflètent bien sûr cette exigence majeure d’espace, mais aussi le souci de matérialiser l’appartenance sociale et améliorer les conditions de logement. «Ces circonstances ont joué puissamment sur la fixation du seuil des besoins familiaux au moment de la réalisation; ainsi le nombre de pièces dépasse de loin les besoins réels de la famille d’où le regroupement des ménages nucléaires d’une même famille dans une même construction»2. «La maison constitue un patrimoine familial qu’il s’agit de préserver et de promouvoir. Chaque génération se chargeant d’apporter sa contribution. Le souci de sécurisation ou de promotion sociale pour soi et sa famille explique aussi en partie l’option d’édifier ou de transformer de fond en comble une maison familiale. Cette signification est bien matérialisée par la multiplication des locaux commerciaux au rez-de-chaussée des maisons comme garantie pendant "les temps de vaches maigres" ou comme lieu d’activité pour les enfants plus tard». (Mohamed Madani, 1997).

Les services techniques de l’urbanisme de l’époque souhaitaient contrôler ces extensions et les canaliser par l’adoption d’un règlement d’urbanisme et d’un plan de masse type, tel était le vœu des autorités locales tout en tolérant une telle escalade dans la laideur.

Le sol urbain matériau largement disponible dans les mains des communes a fait l’objet d’un véritable bradage cédé, à des prix relativement bas. «A l’opposé, l’accaparement des terrains et les pratiques spéculatives ont porté un rude coup au prestige de l’Etat»3 lequel pris par la succession inattendue des évènements politiques (émeutes urbaines en octobre 1988, instauration du multipartisme en 1989, préliminaires des élections communales en 1990) a préféré répondre aux impératifs politiques au détriment des exigences techniques et économiques des opérations de lotissements; tout ceci a altéré l’efficacité recherchée en matière d’aménagement local. Une fois de plus la contradiction est flagrante entre les exigences techniques et économiques et les impératifs politiques. Cependant, l’expérience vécue par l'Agence foncière a révélé des relations conflictuelles générées par les enjeux et les intérêts des uns et des autres. Cette situation s’est traduite par un dysfonctionnement qui a énormément influencé le système de production foncière et retardé le processus de production du sol.

Une politique de réajustement 1990

Au début des années quatre vingt dix et en raison de la conjoncture politique et sociale, un changement majeur a affecté les orientations globales de la politique foncière. Dans une situation de crise marquée par une montée de revendications sociales, devenues redoutables, accentuées par des aspirations à des conditions de vie meilleures, l’Etat propose une nouvelle stratégie de promotion foncière en mettant sur le marché foncier deux types de lotissements dans le but d’une régulation politique et sociale: Les lotissements promotionnels pour les couches sociales aisées et les lotissements sociaux destinés aux franges sociales solvables et cela à des prix avantageux. Toutefois l’absence des moyens pour faire face à une urbanisation massive et coûteuse rend cette nouvelle politique hypothétique. Avec l’achèvement de ces derniers lotissements, les signes d’une nouvelle phase commencent à se dessiner (1992-2002). L’Etat annonce son désengagement financier et son soutien aux couches défavorisées et libére les initiatives privées en matière de promotion foncière en se retirant lentement du marché foncier urbain. A Saida, la création d’un marché foncier libre régie par la loi de l’offre et la demande a vu les prix du mètre carré fortement augmenter de 200 à 300 %. D’autre part, la loi relative à l’Aménagement et d’urbanisme a introduit une nouvelle approche des problèmes urbains. La régulation d’une croissance spatiale recherchée par le truchement de nouveaux instruments d’urbanisme (P.D.A.U.) et (P.O.S.) a largement atténué les attributions des sols et interdit la procédure des choix de terrain. La définition d’une nouvelle politique de financement de l’habitat social s’est avérée nécessaire compte tenu de l’incapacité de l’Etat à pourvoir aux besoins en logement de toutes les catégories de la société. La grave crise de logement a entraîné donc un désengagement progressif de l’Etat dans le domaine de l’habitat.

Tableau 4: Structure des lotissements tous types confondus créés à Saïda entre (1990-2003)

Source: APC de Saida. Agence foncière communale de Saïda. DUC de Saida. 2002.

Pour l’année 1992, l’Etat a lancé l’équipement de plus de 400 hectares et le règlement du passif contentieux foncier hérité des périodes précédentes. La relance de la promotion foncière a démarré en 1993 et la quantité des lots de terrain livrés est de 1000. C’est une production importante au regard de celle produite lors des périodes précédentes et qui ne dépasse pas 600 lots de terrains à bâtir. La moitié de cette offre foncière est destinée aux catégories sociales à faible revenu, mais compte tenu des besoins effectifs elle reste largement en deçà de la demande exprimée. Ce pourcentage devrait diminuer encore plus à l’avenir en raison des restrictions budgétaires. L’Agence foncière communale de Saïda a pour projet la création de six nouveaux lotissements représentant 578 lots dont le quart (25,40 %) sont des lots sociaux, soit 147 lots regroupés en un seul lotissement. Les 431 lots promotionnels qui restent sont destinés aux catégories sociales aisées. L’Agence foncière communale de Saïda oriente son activité vers une production foncière plus ciblée et rentable qui lui permet de s’investir dans l’immobilier (réalisation de logements participatifs). Une première opération pilote de promotion immobilière de six logements promotionnels situés à la cité Sidi Gacem avec des commerces implantés au rez-de-chaussée a été réalisée. Cette nouvelle orientation de l’Etat en matière de production du sol et du logement trouve son explication dans l’augmentation des coûts d’aménagement et de réalisation de logement que l’Etat ne peut pas prendre en charge.

Tableau 5: Catégories professionnelles des acquéreurs des lotissements à Saïda

Catégorie professionnelle

Maternité

  1. cheikh II

El Badr

Bordj I

Bordj II

Commerçants, Entrepreneurs

20,00

14,50

04,00

07,00

04,00

Professions libérales

04,00

04,00

01,60

-

-

Cades supérieurs

14,00

17,00

06,00

-

01,00

Cadres moyens, Fonctionnaires

25,00

29,00

37,00

25,00

35,00

Employés du secteur public

15,00

19,00

15,00

30,00

10,00

Ouvriers

02,00

-

01,60

26,00

25,00

Agriculteurs, Eleveurs

03,00

-

00,80

-

-

Retraités

09,00

04,00

04,00

07,00

02,00

Sans travail

-

-

-

-

20,00

Indéterminés

08,00

12,50

30,00

05,00

03,00

Total

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

Source: Fichiers de l'Agence foncière AGERURSA Saïda. 2002.

Défaillances et contraintes du système de production foncière étatique

Nombreuses sont les contraintes et défaillances qui ont empêché le système public de l’offre de terrain d’atteindre de meilleurs niveaux de production. Elles sont inhérentes au fonctionnement du système de production et à son organisation technique et financière.

Violation des instruments d’urbanisme et d’aménagement

L’emplacement des lotissements n’a pas été déterminé en fonction des recommandations des instruments d’urbanisme de la ville de Saïda, mais en fonction des disponibilités foncières publiques. Par conséquent le choix d’implantation de la plupart des lotissements n’a pas respecté la stratégie d’urbanisme. Dès la mise en application de la nouvelle politique urbaine et le lancement des études des nouveaux plans directeurs d’aménagement et d’urbanisme et les plans d’occupation du sol (PDAU et POS), la rupture avec les anciens plans directeurs d’urbanisme (PUD et PUP) a été brutale. Conformément à la nouvelle réglementation, ces derniers réglementairement approuvés étaient toujours en vigueur et continuaient à produire leurs effets durant les phases d’élaboration des Plans d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) et Plans d’occupation du sol (POS). Ces pratiques ont ouvert la voie à l’anarchie et à la généralisation de la procédure de choix de terrain remplacée par les nouveaux plans d’occupation du sol en vertu de la réglementation en vigueur relatif à l’aménagement et l’urbanisme. De surcroît le décalage entre les mécanismes d’élaboration des instruments d’urbanisme (PDAU et POS) et les impératifs de réalisation sur site est patent. Ces instruments techniques et juridiques conçus comme des outils régulateurs de la croissance spatiale sont en décalage flagrant par rapport à la réalité. Les études d’urbanisme (PDAU, POS) ne sont jamais achevées et les délais d’élaboration se trouvent prolongées en raison des mises à jour en matière de réalisation. Il s’agit dans la plupart des cas des réalisations de construction non prévues par ces mêmes plans qui subissent continuellement des modifications en fonction des actions entreprises délibérément par les usagers du sol. Cet état de fait s’explique par l’urgence des implantations des lotissements et des logements. Dans ces conditions la volonté manifeste des pouvoirs publics qui tend vers une maîtrise de l’espace urbain demeure hypothétique et compromise par les initiatives personnelles des acteurs locaux impliqués dans la mise en œuvre des politiques urbaines et foncières étatiques.

Empiétement sur le domaine agricole et désaffectation anarchique des terrains agricoles: compte tenu de l’urgence de l’application des textes relatifs à la promotion foncière, la mobilisation des terrains urbanisables s’est traduite par une agression frénétique du domaine agricole (cas des communes rurales d’Ain El Hadjar, de Sidi Boubekeur, de Hassasnas etc...). La désaffectation des terres agricoles (EAC et EAI) s’est faite d’une manière aléatoire, voire anarchique. Certains cas déplorables ont rendu obligatoire en vertu d’une instruction présidentielle (n° 05 du 14 août 1995) que toute instruction de dossier d’acquisition par les services des domaines ne peut être autorisée qu’à la condition qu’il soit agréé par les services de l’urbanisme et de l’agriculture. La même instruction prévoit également que tout responsable reconnu coupable d’avoir autorisé la construction sur des terrains agricoles est passible de sanctions pénales. Cette situation a créé une atmosphère de méfiance et de réticence au sein des structures administratives et techniques locales et a accentué les interférences des opérateurs et leurs indécisions quant à vouloir répondre aux sollicitations des usagers du sol urbain. Certaines communes (Ain El Hadjar, Hassasnas, Sidi Boubekeur) ont même lancé la révision de leur périmètre d’urbanisation en vue de "désintégrer" les terrains agricoles intégrés dans leur périmètre d’urbanisation de manière aléatoire et anarchique. Ceci a empêché une fois de plus le développement de l’aménagement foncier.

Limite de l’offre foncière et prolifération des besoins: sur le plan quantitatif, la production foncière étatique pendant cette période a été relativement massive par rapport aux périodes précédentes, mais l’offre a été largement en deçà de la demande exprimée en matière de lots de terrain. L’objectif de 3000 lots définis par les pouvoirs publics au début au début de la relance de la promotion foncière n’a pas été atteint. Les coûts élevés d’aménagement et la rareté de la source financière joints aux problèmes d’acquisition de terrain ont fait que l’Agence foncière a attribué des parcelles en nombre inférieur à celui prévu au départ. Sept (07) lotissements totalisant quelques 900 lots ont été ouverts à l’urbanisation. Compte tenu des besoins effectifs, l’action de l’Etat est restée largement en deçà des aspirations.

Epuisement des réserves foncières: la politique des Réserves foncières communales a permis aux communes de constituer un portefeuille foncier important pour face aux exigences du développement. Cependant, l’urbanisation de terrains publics ne s’est pas accompagnée d’un mouvement d’acquisition de terrains pour restituer des réserves. Souvent, des terrains intégrés dans le périmètre d’urbanisation de la commune dans le cadre de l’ordonnance de 1974 qui ont servi d’assiette pour des projets publics ne sont pas juridiquement propriété de la commune. Pour des raisons de difficultés financières ajoutées aux insuffisances d’encadrement administratives et techniques dans les communes, les procédures d’acquisition n’ont pas été menées à terme. Cette situation a engendré un contentieux foncier complexe dont l’apurement a été déclenché dés 1991. Dorénavant toute commune ayant hérité d’un passif de situations foncières contentieuses est tenue de procéder à l’assainissement de toutes les situations constatées conformément à la réglementation en vigueur édictée à cet effet.

Ville de Saida, un site saturé: à Saïda, l’expansion de la ville durant les décennies soixante dix et quatre vingt a été grande consommatrice d’espace du fait des nombreux projets d’habitat, d’équipements et de services publics induit par le progrès industriel amorcé depuis 1970 au chef-lieu. Le site primitif étant saturé, l’aménagement de la ville de Saïda prévu par le nouveau Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) à l’horizon 2015 prévoit une réserve foncière de 328 hectares pour répondre aux futurs besoins de la ville en matière d’aménagement. Cette potentialité foncière se répartit en deux grands sites : l’extension nord dont la continuité dans le développement ne pose aucun problème d’obstacle naturel ou physique. C’est une topographie favorable à l’urbanisation. Ce site est déjà ouvert à l’urbanisation dont une bonne partie de parcelles est entamée par des programmes d’urgence d’habitat et quelques équipements publics tels que la cité universitaire et un stade olympique. Il s’agit d’un secteur d’urbanisation future (S.U.F). Ce secteur s’étale sur une superficie de 178 hectares appartenant aux EAC, EAI et à des propriétaires privés. Les limites nord de ce secteur constituent la ligne de démarcation qui sépare administrativement la commune de Saïda de la commune de Rebahia d’où un phénomène de conurbation. Le cas présenté montre l’exemple d’expansion d’une ville qui se fait au jour le jour par de petites opérations sans tracer un cadre cohérent de développement et à long terme. L’extension à l’est couvre une superficie de 100 hectares de statut juridique privé dont quelques îlots sont occupés par un bidonville (Oued Brimou). L’expropriation de ce terrain est hypothétique en raison des modalités d’expropriation insuffisamment élaborées; la procédure d’expropriation à l’amiable engagée par les activités locales après 1996 n’a pas été réalisée. Une des raisons qui retarde le déroulement de l’opération est l’indigence des crédits nécessaires à l’indemnisation préalable des terrains à exproprier. Les moyens financiers à mobiliser sont énormes et l’expropriation est très coûteuse. Par exemple, l’expropriation de 70 hectares nécessaires pour la réalisation d’une future zone d’habitat collectif de 1500 logements est évaluée à 14 milliards de dinars selon le rapport d’évaluation établi par les services des domaines. En second lieu, le problème de recasement de la population du bidonville de Oued Brimou enfin les réclamations de tiers qui estiment avoir droit sur des terrains à exproprier. Quelques parcelles ont été acquises par des promoteurs publics et privés pour la réalisation de logements participatifs. Au sud et à l’est, il est incontestable que le développement de la ville reste limité par des dénivellations importantes ou meme par des obstacles naturels et physiques. Au-delà de ces limites, il est entendu que le domaine privé de l’Etat dispose d’une réserve foncière qui a été alimentée par les terrains récupérés dans le cadre de la politique d’étatisation du sol. Mais cette réserve ne peut être utilisée dans l’immédiat en raison soit du défaut d’équipement et d’infrastructure de base, soit en raison d’une topographie défavorable du site ou alors en raison de la situation de ces terrains dans des secteurs non urbanisables constituant le périmètre de protection de la nappe de Saïda. En tout état de cause, ces terrains ne sont pas urbanisables sans contraintes trop importantes et sans travaux de mise en viabilité trop onéreuse.

B. La formation des quartiers irréguliers

La pauvreté urbaine connaît beaucoup d’appellations, parmi les dénominations les plus utilisées par les chercheurs, les aménageurs, et les pouvoirs publics sont: établissements irréguliers, illicites, spontanés, sous-intégrés, marginaux, incontrôlés, non planifiés, clandestins, pirates et de transit. Cette richesse sémantique témoigne de l’universalité de l’habitat précaire et insalubre. Mais, chaque bidonville a son histoire et les modalités de sa constitution varient d’un pays à un autre, d’une région à une autre. Dans cette partie l’accent est mis sur les mécanismes sociaux qui sont à la base de l’émergence de ce type d’habitat spontané.

En Algérie, la croissance urbaine démesurée des villes et la prolifération des bidonvilles a été toujours présentée comme les effets d’une croissance démographique rapide et d’un exode rural massif vers les villes. Au fil des années ce schéma classique a changé. L’entassement dans les anciens quartiers populaires des villes et l’accès difficile au logement et au sol des populations défavorisées sont aussi des facteurs déterminants dans la genèse actuelle de ce type d’habitat marginal et de l’exclusion injuste de la population citadine. Aussi, le vide créé à l’égard des "exclus" des systèmes de production formels se traduit par une urbanisation spontanée et produit un tissu d’organisation anarchique en marge de la ville formelle.

Tableau 6: Situation des bidonvilles à Saïda

Bidonville

Nbr de masures

Nbr de ménages

Nbr habitants

Daoudi Moussa

339

339

2741

Sersour

110

142

752

Dhar Chih

289

289

1561

Douar El Kherba

171

172

410

Oued Brimou

101

101

453

Cité policière

51

51

208

Camp baraqué

39

39

202

Côté marché à bestiaux

31

31

161

D.A.S Emir AEK

26

26

163

Bordj

65

65

405

Sidi Gacem

90

90

554

Mejdoub

75

75

525

Total

1387

1420

8135

Source: DUC de Saïda. PDAU Saïda. APC de Saïda. 2002.

L’analyse des données exploitées a montré l’importance de l’emploi comme moteur de développement des bidonvilles et facteur régulateur des mouvements migratoires qui sont à l’origine de la naissance de ces bidonvilles périphériques pendant les phases d’euphorie et de réalisations. L’effondrement de l’emploi en raison du marasme économique qui a frappé la ville pendant la même période (1985-1992) a certes fait ralentir les flux de populations rurales, principales composantes sociales des bidonvilles, mais n’a pas pour autant empêché la naissance et l’extension de nouveaux noyaux précaires. Un nouveau type de déplacement animé par d’autres mobiles l’entretient: une migration intra-urbaine. La prédominance de la population d’origine urbaine à Oued Brimou où un peu moins des trois quarts (74 %) des ménages sont originaires de la ville de Saïda. Ils y sont nés et y résidaient au sept dixième (69 %) avant de venir s’installer à Oued Brimou. Ils habitaient les quartiers défavorisés de la couronne péri-urbaine traditionnelle de l’agglomération saïdéenne, constituée d’anciens quartiers populaires (Amrous, Daoudi Moussa, Oued Oukrif, Bokhors et Mejdoub).

Tableau 7: Répartition des chefs de ménages selon le lieu d’origine

Origine

Dhar Chih

Oued Brimou

Urbaine

272

72

Rurale

00

29

Total

272

101

Source: DUC de Saïda, APC de Saïda 2002.

Du point de vue des conditions d'habitat, les différentes situations analysées ont montré clairement les conditions antérieures défavorables dans lesquelles vivaient les ménages. Ce sont des raisons de force majeure qui ont obligé les ménages à s’installer dans les bidonvilles. Ici, il ne s’agit pas d’une opération de dédensification parrainée par les pouvoirs publics des quartiers denses mais d’un simple desserrement forcé par les aléas et la disgrâce de la vie qui ont ballotté des familles pauvres sans abri dans les camps des démunies.

Les mécanismes qui sous-tendent le développement actuel des bidonvilles sont quelques peu différents de ceux qui ont prévalu avant l’indépendance et pendant les années de développement. Les cas de figure présentés montrent que le marché de l’emploi urbain n’est pas le seul facteur responsable de l’émergence des bidonvilles. Les conditions difficiles du logement et l’entassement peuvent également engendrer la naissance d’un bidonville. Le développement de l’habitat informel s’appuie aussi sur les réseaux de solidarité communautaire et reproduit inéluctablement des divisions tribales sur l’espace nouvellement investi. «Chaque famille étendue en amène une autre et il peut paraître normal que certains bidonvilles soient composés de communautés villageoises groupant quinze à vingt familles. Les liens tissés au village se consolident, s’affermissent en ville et ce, d’autant plus si l’on a une parenté avec un groupe socio-domestique installé de longue date».4

La structure socio-professionnelle de la population des bidonvilles se caractérise par la prédominance des salariés sans qualification professionnelle et l’importance du secteur informel, il témoigne d’une mauvaise insertion économique de la population des bidonvilles. La composition sociale et le revenu moyen des ménages soit 2750 dinars sont deux résultats qui se confirment l’un et l’autre et conduit à conclure un niveau de vie bas dans les bidonvilles. Cette situation économique vulnérable des ménages rend toute perspective de planification de l’avenir hypothétique, voire imprévisible.

Tableau 8: Répartition des chefs de ménages par catégories socioprofessionnelles dans les bidonvilles

Catégorie socioprofessionnelle

Nombre

Taux

Maçons, Manœuvres

107

24,50

Informel

68

15,50

Gardiens

40

09,00

Employés ouvriers

40

09,00

S.T.R

36

08,00

Chauffeurs, chauffeurs de taxis

35

08,00

Artisans

29

07,00

Agriculteurs, Eleveurs

26

06,00

Entretien (femme de ménage)

25

06,00

Retraités, pensionnaires

16

04,00

Employés de bureau

12

03,00

Autres

02

00

Total

436

100 %

Source: DUC de Saïda, APC de Saïda 2002.

L’entassement est l’un des aspects fondamentaux des conditions d’habitat dans les bidonvilles. Le taux d’occupation par pièce (T.O.P) est de cinq (5) personnes par pièce. La forte natalité, la taille importante des ménages et l’exiguïté des espaces habitables conduisent inéluctablement à une sur-occupation de cet espace habité. L’existence de la plupart des ménages dans une situation de peuplement dite critique résulte aussi de l’insuffisance du nombre de pièces. La plupart des baraques n’ont pas plus d’une seule pièce qui fait office de cuisine et de salle séjour.

La vie dans les bidonvilles est un monde à part. Les baraques ne possèdent aucune annexe d’hygiène et le raccordement aux réseaux urbains de base est nul. Les eaux usées sont rejetées dans des fosses sceptiques ou ruissellent à fleur du sol. L’alimentation en eau potable est un problème quotidien de plus pour les bidonvillois. Cette corvée est réservée aux enfants qui effectuent de longs trajets quotidiens à dos d’âne ou à pied pour s’alimenter en eau potable. L’électricité est non plus assurée, mais le câblage électrique pour 6 % de l’ensemble des baraques à Dhar Chih, malgré le danger de l’opération, reste un moyen d’acquisition de courant électrique. Toutefois, l’utilisation de la bougie, de la lampe à gaz, rarement une batterie électrique ou un groupe électrogène pour les ménages privilégiés, reste une pratique courante chez la plupart des ménages pour éclairer l’intérieur de leur résidence. A la précarité de la vie dans les bidonvilles s’ajoutent quelques problèmes sociaux tels que le commerce clandestin de l’alcool, la prostitution, le chômage, et les femmes divorcées.

Le programme d’urgence lancé au début de l’année 1995 dans le cadre du Plan local de l’habitat (P.L.H) est de l’ordre de 1600 logements en cours de réalisation, mais on ne connaît pas encore le quota réservé pour la résorption des bidonvilles à Saïda. Une confrontation entre le nombre de logements inscrits dans le cadre du programme d’urgence et les résultats de recensement des bidonvilles en février 1992 faisant état de 1400 constructions, montre que la question du logement à Saïda a été limitée à l’existence de bidonvilles dont le problème était abordé selon le principe que la résorption d’un bidonville suppose la construction simultanée des cités de recasement à très bon marché en faisant abstraction de la demande extérieure de logement. Même si les pouvoirs publics honorent leurs engagements et arrivent à assurer un logement à chaque famille recensée, l’ère des bidonvilles ne sera pas révolue et l’action de l’Etat demeure dans son essence une action superficielle tant qu’il n’a pas agi sur les mécanismes sociaux qui sont à la base de l’émergence de ce type d’habitat à savoir la recrudescence de l’exode rural amplifié par la situation sécuritaire dans les campagnes. L’augmentation du prix du sol, le coût élevé des logements en dur, le développement de la spéculation foncière sont autant de facteurs qui réduisent considérablement les opportunités de logements pour les pauvres; qu’offrent les pouvoirs publics à ces derniers?

Le recasement: un mythe?

Les opérations de rénovation en Algérie n’ont pour la plupart d’entre elles pas abouti, excepté à Tizi-Ouzou où le centre-ville a pu être restructuré. Dans d’autres, régions en Oranie par exemple, la rénovation, si elle a provoqué de nombreuses études n’a que rarement été entreprise: à Oran le quartier Sid El Houari a connu quelques interventions tout à fait ponctuelles comme la démolition d’immeubles ou l’assainissement d’îlots; Saïda, par contre, est l’une des rares villes qui entreprit des recasements de "points noirs" urbains, telles les vieilles habitations de la Redoute, de Oued El Oukrif ou encore le bidonville de Agoub (qui, par deux fois, fut démoli) et le quartier de Daoudi Moussa et d’Amrous. Les opérations de rénovation sont complexes et dans un contexte de crise nationale de logement, elles sont rendues encore plus difficiles pour ne pas dire hypothétiques.

Saïda est l’une des rares villes du pays qui pouvait rapidement résorber à jamais tous les bidonvilles après avoir complété la construction des grands ensembles des Z.H.U.N. Nord et Ouest inscrites dans le cadre du programme national de résorption de l’habitat précaire (R.H.P). La démolition du bidonville "Amrous" est une opération ponctuelle de relogement. Elle a été réalisée avec succès au cours de l’année 1988 dans le cadre de la politique de résorption de l’habitat précaire (R.H.P). L’intervention des pouvoirs publics était originale par sa détermination. L’objectif visé était la démolition totale du bidonville et le relogement de toute la population dans une cité nouvelle construite sur le même site à travers une opération dite "tiroir". Les bulldozers avaient rasé les masures et déblayer les terrains pour faire disparaître les traces de la vie humaine. Chaque ménage recensé auparavant par les services de la commune avait droit à un logement ou même à un "haouch". Plus de 500 ménages étaient relogés dans de nouveaux logements. Les autres opérations d’éradication des bidonvilles et de dédensification du vieux centre-ville par la démolition des poches insalubres menées en 1988 ont touché 1206 familles répartie à travers les ensembles, El Badr, En Nasr, Er Riadh, El Azhar et El Feth soit plus d’un tiers (34,50%) des programmes réalisés qui sont de l’ordre de 3200 logements. L’opération a été détournée de son objectif. Tel qu’il est, le parc de logement des ensembles (3200 logements) permettait de reloger tous les habitants des bidonvilles. Il va sans dire que cette situation ne découlait pas de l’insuffisance du parc de logements réalisé à cette époque.

La régularisation foncière

La régularisation foncière constitue un des volets les plus récents et modernes des techniques urbaines d’aménagement s’appliquant à l’habitat illégal. Ces interventions urbaines sont issues du constat de l’impossibilité de l’Etat d’assurer un logement à toute la population et à la recherche des solutions qui permettent son encadrement à un moindre coût. Elles s’appuient, cependant, sur le besoin ressenti de sécurité et de stabilité des habitants en situation illégale, pour lesquels la propriété du terrain sur lequel sont édifiées leur maison, constitue un aspect essentiel.

Les effets implicites de la régularisation

Sur le plan juridique, les contrats de location et les actes sous seing privé sont remplacés par des titres de propriété réguliers qui permettent aux habitants d’accomplir librement et dans le respect de la loi tous les actes de gestion et de disposition que confère le droit de propriété: ils peuvent vendre en toute sécurité leur logement car ils sont détenteurs d’actes de propriété authentiques publiés et enregistrés à la conservation foncière. Les actes de propriété sont donc des documents juridiques important garantissant la crédibilité du vendeur et sécurisant l’acheteur. Ils permettent aux habitants de légaliser leur construction. En outre, ils ont un patrimoine valorisé par la régularisation. La régularisation a permis l’intégration d’une partie de la ville considérée jusqu’alors comme phénomène marginal, et à qui, on a toujours refusé ce droit à la cité. Toutefois, cette intégration a pour conséquence inévitable de maintenir le processus de ségrégation spatiale en recréant d’autres périphéries.

Enfin, la légalisation de ces lotissements irréguliers dont les conditions en font des réalisations non conformes à la réglementation d’urbanisme en vigueur. Ils sont en contradiction avec les dispositions de cette dernière dans la mesure où les enregistrements auprès de l’autorité publique sont autorisés. Il s’agit surtout de la non conformité aux lois d’urbanisme et de construction (mise en place d’infrastructure et d’équipement, surfaces minuscules des logements et types de matériaux de construction); à titre d’exemple la régularisation du quartier de Boukhors, lotissement "pirate" a précédé la mise en viabilité du site.

Le bidonville a assuré, durant plus d’un demi-siècle, la fonction d’un mode de production du sol pour les couches sociales insolvables exclues de tous les systèmes de production réglementaires publics ou privés. La volonté manifeste de l’Etat à la fin des années soixante dix de résorber le phénomène des bidonvilles ou du moins le contenir s’est traduite par quelques mesures concrètes. L’interdiction pure et simple pour lutter contre la construction illicite lancée depuis 1985 par les pouvoirs publics n’a abouti qu’à une tolérance de fait ouvrant sur une aggravation continuelle de la situation. Officiellement, depuis 1990 une haute "priorité" est accordée à l’habitat précaire et insalubre. Les actions menées ou envisagées témoignent d’une nette prise de conscience de la gravité de la situation. «Le passif est lourd et le paysage urbain est durablement marqué par le laisser faire»5. C’est pourquoi l’Etat s’incline devant le fait accompli et préconise une solution "réaliste" et moins coûteuse qui consiste en la régularisation des situations foncières des habitants de l’habitat illicite.

Au début des années 1990, la lutte contre les taudis, l’habitat précaire et insalubre est considérée comme prioritaire, tandis que les pouvoirs publics favorisent la régularisation des constructions illicites dans un but de stabilité sociale. Les actions menées ou envisagées (recasement, régularisation) témoignent d’une nette prise de conscience tardive de la gravité de la situation. Dans son principe l’Etat souhaite cette régularisation surtout pour supprimer un motif de mobilisation constante dans les quartiers populaires avec tous les risques de dérapage qu’elle présente. Pour l’Etat, le besoin de remettre aux habitants des quartiers irréguliers des titres de propriété est clair: Il est à la recherche à travers cette nouvelle politique d’un consensus nécessaire pour étendre son hégémonie. Pour ces raisons et pour retrouver une légitimité perdue sous le régime du Parti unique, l’Etat a engagé un vaste programme de régularisation derrière lequel se profile un objectif politique quant à son incapacité de pouvoir aux besoins de logements pour toute la population. Somme toute, l’énormité des besoins en logement, la rareté de la source financière et le coût de réalisation des logements sont autant de facteurs qui réduisent considérablement les opportunités de logement pour les pauvres.

C. Une demande en logements encore forte à Saïda

En milieu urbain, la question foncière ne saurait se réduire aux seuls mécanismes de la mutation foncière. Le logement en est l’un des composants essentiels. Toute interrogation sur celle-ci implique l’analyse et l’examen des mécanismes et des agents qui interviennent dans le processus de production immobilière.

Tout au long de la période coloniale et post coloniale, la ville de Saïda était un réceptacle des migrants souvent d'origine rurale ou originaires des communes limitrophes venus élire domicile dans les quartiers populaires de Saïda ou dans les bidonvilles à la recherche des conditions de stabilité, à savoir les possibilités de travail qu’offrent la ville dans le secteur des BTP suite à la multiplication des chantiers de construction. Cette situation a induit des problèmes sociaux et une crise de logement que la ville ne pouvait contenir. Les demandes de logements enregistrées au niveau de l’OPGI de Saïda sont estimées à 13000 demandes en l'an 2000. L’avènement des années quatre vingt dix, le secteur de l’habitat a connu une relance importante sous l’impulsion de nouveaux programmes de logements d’une part et d’autre part par la relance des chantiers qui se trouvaient à l’arrêt durant la dernière décennie (1980-1990) faute de moyens financiers. Malgré le nombre de logements livré durant la période (2000-2002), les logements réalisés sont loin de satisfaire toute la demande exprimée et qui est estimée à plus de 13000 demandes en raison d'une augmentation sensible des mouvements des migrants vers la ville conséquence de la situation d’insécurité qui a régné dans les campagnes.

La politique de l’habitat, est certainement le maillon faible de la politique économique et sociale d’ensemble. En raison du mythe de la disponibilité des biens laissés vacants par le départ des Européens, la politique économique a, au début, accordé peu d’importance à ce secteur à un moment où les bouleversements liés à l’industrialisation et au mouvement de la population ont révélé et accru la demande. La politique des 1000 villages socialistes a, dans une certaine mesure, favorisé les campagnes, sinon les paysans, en matière d’habitat alors que le problème du logement s’aggravait dans les villes.

Conclusion

La politique conservatrice adoptée par l’Etat algérien depuis l’indépendance, les moyens et les pouvoirs de décision ont fait de lui le seul acteur capable d’intervenir concrètement dans le marché foncier dont il a l’exclusivité. Par sa politique de lotissements publics, il a pu mettre en place un véritable système de production du sol urbain, doté d’une organisation technique et financière spécifique. Mais «au-delà des aspects purement techniques et administratifs, la réalisation des lotissements et leur répartition ont abouti dans la pratique à une réfutation du discours idéologique»6. Les résultats obtenus sont diamétralement opposés aux objectifs assignés à la réforme foncière: le sol a été soumis à une érosion multiforme qui s’est traduite le plus souvent par une agression du domaine agricole et des occupations illicites. L’attribution des lots a profité surtout aux couches aisées et moyennes dont les moyens financiers sont substantiels. «La démocratisation du logement par le lotissement réalisé par l’Etat n’est qu’illusoire dans ces conditions»7 puisqu’il constitue lui-même une réfutation du discours sur la démocratisation. Les années quatre vingt dix correspondent à une conjoncture de réajustement politique, économique et social, l’Etat s’engage dans une nouvelle politique réformiste qui touche de multiples domaines de la vie sociale et met à l’ordre du jour deux questions essentielles: la pénurie des logements et la crise urbaine. Dans ce contexte, une nouvelle politique foncière s’est dessinée à travers la promulgation en 1990 de la loi d’Orientation foncière. L’abrogation de l’ordonnance 1974 fondée sur le monopole des communes sur les transactions foncières a mis en place de nouveaux mécanismes de production du sol urbain dont la mobilisation est soumise à la loi de l’offre et de la demande. Le sol urbain acquiert de nouvelles valeurs économiques et urbaines. Dans le cadre de cette nouvelle politique, l’Etat espérant rectifier le tir a mis sur le marché une offre foncière diversifiée pour satisfaire aux besoins des différences couches de la société urbaine. Deux types de lotissements se sont développés, les lotissements promotionnels et les lotissements sociaux destinés respectivement aux couches sociales aisées et moyennes.

Compte tenu de l’importance des besoins, la quantité des lots mise sur le marché foncier est insuffisante et elle n’a pas été capable ni d’endiguer la spéculation, ni atténuer l’ampleur de la crise de logement. L’avènement des années quatre vingt dix et le début sévère de l’application du plan d’ajustement structural imposé par le Fonds monétaire international (F.M.I) avait pour conséquence immédiate le déclenchement d’un processus de dégradation manifeste de conditions générales de l’existence d’une partie de la population urbaine qui a brusquement basculé dans la pauvreté. Le seuil de l’insolvabilité s’est élargi pour inclure une large fraction des couches sociales moyennes qui se sont vues interdire le marché foncier libre ou qui n’ont pas pu achever des constructions entamées à l’aide des emprunts à l’Etat avant les dévaluations dissuasives et l’augmentation des prix de matériaux de construction. Dans la conjoncture actuelle, le retrait progressif de l’Etat du marché foncier, la rareté de la source financière, la dégradation du pouvoir d’achat et la stagnation des salaires sont autant d’éléments qui, d’une part ne facilitent pas l’accès au logement à une grande partie de la population qui n’a d’autre alternative que d’élire domicile dans des bidonvilles et, d’autre part, entravent la stratégie de l’Etat en matière de production foncière. Cette évolution ne peut qu’exacerber les protestations urbaines et nourrir une contestation sociale qui prend aujourd’hui des formes violentes. Enfin, la marche forcée vers une économie libérale dans une période marquée par une politique de strictes restrictions budgétaires limitatives des dépenses publiques ne se fera pas sans sacrifices.

A l’évidence quelque soit les efforts louables et nécessaires pour répondre à ces besoins, la relance de la construction ne pourra répondre, à court terme, aux besoins des familles les plus démunies. La stratégie proposée par l’Etat remet en cause son rôle et son intervention, elle le désengage progressivement du rôle d’opérateur impliqué dans l’offre de logement qu’il doit ouvrir à tous.

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Bilan sur les activités et l’assainissement du foncier urbain domaniale. Conseil exécutif de la wilaya de Saïda tenue en date 22 avril 1997.


notes

* Magistère en aménagement de l’espace urbain, sous la direction du Pr. Abed Bendjelid, Université d’Oran, janvier 2002.

1 Semmoud, B.,La "nouvelle périphérie" plurifonctionnelle d’une ville moyenne de croissance récente impulsée au premier chef par l’industrie,Saïda.

2 Bendjelid, Abed, Les difficultés d’adaptation des petites villes algériennes à la crise: Pratiques d’acteurs et apports au développement local. URBAMA-URA CNRS, Université de Tours, juin 1994.

3 Bendjelid, Abed, Op. cité.

4 Benatia, F, L’appropriation de l’espace à Alger en 1962.

5 Bendjelid, A, Activités et espaces urbains des petites villes d’Oranie. (Algérie).

6 Hammoun, D., Quelques aspects de la promotion foncière et immobilière en Algérie.

7 cité.op

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