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Abed BENDJELID (Dir.), Villes d’Algérie : Formation, Vie Urbaine Et Aménagement, Oran, Editions CRASC, 2010, 214 P.

Sont rassemblées dans cet ouvrage des contributions d’auteurs venant de différentes disciplines convergeant vers un seul et unique thème : les villes algériennes, leur formation, leur vie urbaine et leur aménagement. Dirigé par Abed Bendjelid (Géographe), l’ouvrage contient des contributions de géographes, de sociologues et d’architectes.

Dans son texte introductif, Abed Bendjelid nous présente la synthèse critique dans laquelle il met en exergue «  les réalités contemporaines de l’aménagement des villes algériennes », en essayant de faire un bilan du processus de renaissance des « villes algériennes », après la décennie 90, comme objet de recherche transdisciplinaire, comme champ à part entière. Avec un esprit critique bienveillant à l’objectivité, il nous trace un tableau détaillé de l’évolution de la question urbaine en Algérie, dans ses relations avec entre autres, l’aménagement, la gouvernance, le développement durable, la mobilité sociale, la fonctionnalité des espaces, la différenciation sociale et le projet urbain. Il insiste, enfin, sur la nécessité de se pencher sur l’histoire urbaine, sur la mémoire des hommes et des lieux pour comprendre le passé, le présent et pronostiquer sur l’avenir des villes algériennes.

Certes, la ville algérienne du XXIe siècle n’est plus celle du IXe ou du XXe siècle. Des phénomènes de migration, de croissance démographique, d’aménagement et de réaménagement, d’extension, de changement de paysage et de fonctionnalité ont marqué son histoire. La ville algérienne, même si elle semble à la marge du « modèle », existe bel et bien, avec son cadre bâti et son cadre de vie, avec sa dynamique, ses transformations et ses images intériorisées et pratiquées.

Dans le premier article, André Prenant* dresse un tableau chronologique de l’évolution des structures urbaines en Algérie dans les IXe et XXe siècles, allant de l’antiquité pré-punique et préromaine à 1998. A. Prenant  nous fait suivre l’évolution de la population urbaine : la population a décuplé et s’est littoralisée durant l’ère coloniale. A l’indépendance, les villes ont accueilli des milliers de ruraux attirés par l’emploi, le logement, le confort, voire la « modernité ».

Abed Bendjelid avec Abderrahim Hafiane, décryptent la fragmentation urbaine des villes algériennes, prenant comme exemple les métropoles d’Alger, de Constantine,  d’Annaba et d’Oran. Les interventions de l’Etat et le travail de la société sur elle-même par la pratique de stratégies de contournement des règles et des lois ont abouti à faire « des villes un ensemble de discontinuités spatiales entre espace bâti et espace non bâti ». L’éclatement de la ville est la conséquence de la non-conformité des pratiques sociales avec la réglementation dont les pouvoirs locaux n’ont pas pu ou n’ont pas su appliquer.

L’aggravation de la « crise de logement », dans le sens de l’inadéquation entre la demande sociale et l’offre de l’Etat, a fait que l’Etat lui-même participe à la fragmentation, même si dans le discours politique officiel, il est question de défragmentation. Les actions de l’Etat lors de la résorption des bidonvilles et de l’habitat illicite, et le secours  apporté aux sinistrés font que l’extension des villes au-delà de leur périmètre projeté est devenue une norme. Cela s’accompagne par l’évolution des transports collectifs, des commerces, des services tertiaires et de nouveaux projets d’habitat collectifs et individuels, induisant par voie de conséquence des changement typo-morphologiques et le glissement de la centralité vers les périphéries.

Dans une autre perspective, Sidi Mohamed Trache, Yaël Kouzmine, Jacques Fontaine avec Mehdi Flitti ont analysé l’espace saharien à travers les migrations entre le Nord et le Sud et l’évolution très rapide de la population urbaine du Sahara algérien. Les  résultats des enquêtes de terrain réalisées sont d’une importance incontournable.

Les contributions de Madani Safar-Zitoun et Larbi Icheboudène sur Alger, Sid Ahmed Souiah et Ammara Bekkouche sur Oran démontrent les processus d’appropriation de l’espace urbain à travers l’histoire et la chronologie de l’évolution des phénomènes urbains de patrimonialisation du logement, de l’appropriation de la ville et la nostalgie de la citadinité intériorisée dans l’imaginaire comme un « bon vieux temps », dans l’absence de la douceur de la vie urbaine où la ville commence à devenir « invivable » et sans goût pour les anciens comme pour les néo-citadins. Pour L. Icheboudène : Qu’est-ce que vivre la ville ? Pour M. Safar-Zitoun : comment les Algérois ont vécu et vivent encore leur ville, Alger la capitale, ou bien que reste-il de cette capitale pour ses propre citadins ? Dans son étude, S. A. Souiah évoque la question de la pauvreté urbaine comme étant un phénomène caractérisant les villes et les périphéries des villes algériennes. L’exemple de la ville d’Oran est significatif à plus d’un titre. En fait, il s’agit de la pauvreté, non comme phénomène statistique mesurable au revenu des individus par jour ou par mois, mais plutôt comme un vécu, conséquence d’un mode de gestion de l’espace et de la société occupant cet espace. A. Bekkouche pour sa part, en traitant de la question des espaces verts de la ville d’Oran, montre que la division (ville coloniale/ville de l’indépendance) est visible à travers l’aménagement, l’entretien et la patrimonialisation des espaces verts. La configuration des espaces verts de cette manière révèle, d’abord, la séparation entre deux sociétés (musulmane/européenne) durant la période coloniale, ensuite entre une société aisée et citadine, en opposition à une autre société « moyenne », nouvellement urbanisée et néo-citadine. La stratification des espaces nous parle de la stratification de la société.

Enfin, Tarek Benmohamed et Younes Maïza nous présentent le tableau d’une opération de réhabilitation d’une Cité d’habitat collectif (grand ensemble) en Algérie (Béchar) s’inspirant de l’expérience d’un pays occidental (Allemagne). Cela veut dire qu’il est  possible de transposer des méthodes de faire ou de savoir-faire de la ville, sur l’espace urbain algérien. Le problème se pose  au niveau de l’appropriation et l’usage du bâti par la communauté des habitants, c’est-à-dire, la société. L’expérience de la S.E.L.I.S (Société d’Equipement pour l’Infrastructure Saharienne), nous montre que la concertation est un outil incontournable dans l’acceptation des réaménagements en faveur des habitants. Voilà un exemple concret d’un projet urbain qui prouve que la société en Algérie s’engage quand elle est écoutée et consultée.

En somme, cet ouvrage collectif apporte des éclairages sur des questions traitées par des études urbaines qui ne manquaient pas d’analyses et de démonstrations. Mais ce qui est plus intéressant, c’est le fait de l’illustrer par les résultats d’enquêtes de terrain. Les auteurs nous amènent, par leurs questionnements, à réfléchir encore sur l’évolution et le devenir de la ville en Algérie.

Farid MARHOUM


Note

* Géographe français spécialiste de l’Algérie, qui nous a quitté récemment (Novembre 2010).

 

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