Insaniyat N°17-18 | 2002 | Langues et Société - Langues et Discours | p. 129-153 | Texte intégral
Arab bilinguism reviewed. Some thoughts about the Tunisian situation Abstract : From the catalo-occitan model, the author tries to analyse Arab bilinguism, not only in Tunisie but also in the Maghreb (North Africa), by showing the limits of a Ferguso – Fishmanian approach. Key words : Diglossary (bilinguism) – Mother tongue – catalo-occitan model – Ferguso – fishmanian approach – Linguistic decrease. |
Foued LAROUSSI : Professeur des Universités, UMR CNRS DYALANG,Université de Rouen
«Tel à mes yeux l’arabe. Une langue ? Deux langues ? Pour qui a lu les Antinomies linguistiques de Victor Henry, la question est oiseuse. Disons deux états d’une même langue, assez différents pour que la connaissance de l’un n’implique pas, absolument pas, la connaissance de l’autre ; assez semblables pour que la connaissance de l’un facilite considérablement l’acquisition de l’autre. En tout état, un instrument pour l’expression de la pensée qui choque étrangement les habitudes d’esprit occidentales ; une sorte d’animal à deux têtes, et quelles têtes ! Que les programmes scolaires ne savent trop comment traiter, car ils ne sont pas faits pour héberger les monstres.» [1]
William Marçais, 1930, p. 409
Hormis la tonalité de l’article reflétant «l’air du temps» colonial, que je m’abstiens de commenter, cette épigraphe résume bien, me semble-t-il, la teneur et l’étendue du conflit linguistique et culturel non seulement en Tunisie mais au Maghreb de manière générale. C’est à ces aspects que seront consacrées les pages qui vont suivre.
Pour une autre approche de la diglossie arabe
A la lumière des travaux théoriques des écoles sociolinguistiques catalane et occitane, en particulier des travaux de Robert Lafont, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises (1993, 1996, 1997, 1998) de montrer que la diglossie arabe, en Tunisie, a été longtemps considérée, sinon en théorie, tout au moins en pratique, comme une notion statique et figée permettant de décrire l’état de concurrence inégale dans lequel se trouvent, d’un côté une langue (ou une variété de langue) dite prestigieuse, l’arabe littéraire, de l’autre une variété de langue dite de moindre prestige, l’arabe tunisien. L’existence de ces variétés «haute» et «basse» constitue le fondement même de la diglossie telle que l’ont définie Ch. A. Ferguson[2], J. Fishman[3] et leurs disciples.
J’ai également indiqué que, sans remettre en cause les éléments de base du modèle ferguso-fishmanien, les recherches sur la diglossie franco-occitane, à la suite des travaux entrepris par le Grup Catala de Sociolinguistica : Aracil[4], Badia i Margarit[5], Ninyoles[6] et Vallverdu[7] ont mis l’accent sur la dynamique de la diglossie, en insistant sur le caractère conflictuel du processus diglossique. Cela m’a conduit, dans mes travaux antérieurs, à opter pour le modèle catalano-occitan, afin d’analyser la diglossie arabe, non seulement en Tunisie, mais aussi au Maghreb.
Dans ce texte, mon objectif est d’expliciter les raisons qui m’ont incité à opter pour ce modèle, tout en montrant les limites de l’approche ferguso-fishmanienne de la diglossie.
Le «conflit linguistique», un concept souvent connoté péjorativement
Selon G. Kremnitz[8], reprenant les travaux du Congrès de cultura catalana (1978), «il y a conflit linguistique quand deux langues clairement différenciées s'affrontent, l'une politiquement dominante (emploi officiel, emploi public) et l'autre comme politiquement dominée...».
Le modèle catalano-occitan a été souvent décrit comme dynamique parce qu’il met l’accent sur les aspects conflictuels de la diglossie. Qu’est-ce à dire ? On observe le conflit linguistique à un niveau où l’individu prend conscience (ou non) de la hiérarchie des instances normatives en jeu. On insiste sur le fait que le chercheur se trouve plus souvent en face d’idéologies sur la langue que de praxis linguistiques. Aussi distingue-t-on soigneusement représentations linguistiques et pratiques langagières. Cette distinction est, me semble-t-il, fondamentale dans l’élucidation du conflit linguistique en Tunisie. Traiter des représentations linguistiques, autrement dit des images que les locuteurs associent à leurs langues, qu’il s’agisse de valeur, d’esthétique ou de sentiments normatifs, est indispensable, car ces représentations et les distorsions qu’elles introduisent dans la description de la langue font partie des modes de construction des réalités sociales, et, à ce titre, elles sont constitutives des faits sociaux. Ces représentations que l’école rouennaise de sociolinguistique qualifie de discours épilinguistique, me paraissent déterminantes en tant que soubassements des pratiques discursives des locuteurs.
Il me semble, en effet, que la prise en compte de la signification qu’ont les faits sociaux pour les sujets parlants s’impose particulièrement lorsqu’il s’agit de la réflexion sur la notion de langue, réalité résultant d’interventions multiples où s’intriquent des techniques de fixation à la fois descriptive et prescriptive. Il convient de signaler ici que la linguistique descriptive, du moins telle que l’a conçue André Martinet, s’est attachée à séparer nettement l’attitude «scientifique» de l’observateur et l’attitude «prescriptive». Martinet a inscrit ce principe dès la page 9 de ses Eléments de linguistique générale[9] (1960) :
«La linguistique est l’étude scientifique du langage humain. Une étude est dite scientifique lorsqu’elle se fonde sur l’observation des faits et s’abstient de proposer un choix parmi ces faits au nom de certains principes esthétiques ou moraux. «Scientifique» s’oppose donc à «Prescriptif». Dans le cadre de la linguistique, il est particulièrement important d’insister sur le caractère scientifique et non prescriptif de l’étude : l’objet de cette science étant une activité humaine, la tentation est grande de quitter le domaine de l’observation impartiale pour recommander un certain comportement, de ne plus noter ce qu’on dit réellement, mais d’édicter ce qu’il faut dire».
Toutefois, l’analyse sociolinguistique, et particulièrement celle du processus diglossique, ne s’est pas privée d’analyser les effets des données prescriptives, prenant ainsi le contre-pied des recommandations de la linguistique descriptive. Dans cette perspective, la sociolinguistique de la diglossie s’est intéressée aux opinions stéréotypées, aux idées toutes faites et aux clichés qui sous-tendent les pratiques langagières.
Mais ce positionnement théorique est loin de faire l’unanimité : dans le Monde arabe, en particulier, la notion de conflit linguistique a été souvent interprétée en termes de «guerre entre les langues» et ce malgré les explicitations renouvelées de R. Lafont[10] soucieux de prévenir une telle dérive conceptuelle. Pour lui, «La diglossie est prise non comme une «guerre des langues», globale, mais comme une bataille livrée à tout instant de la parole, à tout moment de la production d’un sens». Dans conflit linguistique, il y a certes affrontement, mais cet affrontement se situe entre une pulsion communicative et les pressions sociales qui en règlent le sens.
Au Maghreb, ceux qui ont opté pour la reconduction du modèle statique, qui sert d’écran au conflit linguistique, confondent – ou feignent de confondre – conflit linguistique et lutte de classes, et donc prise de conscience linguistique et prise de conscience politique.
La sociolinguistique occitane a, pour sa part, souvent insisté sur le fait que lorsqu’on ne voit pas le conflit, c’est qu’il est caché. Et la tâche de l’idéologie consiste à le cacher, à le masquer.
La diglossie arabe en Tunisie ou l’emprise du modèle ferguso-fishmanien
Quiconque observe les travaux ayant porté sur la diglossie tunisienne se rend facilement compte que la plupart des chercheurs l’ont approchée selon le modèle Ferguso-Fishmanien[11]. Ils mentionnent presque tous que cette situation se caractérise par un plurilinguisme où arabe littéraire, «arabe dialectal» ou «maternel»[12], français et, secondairement, berbère coexistent, et que l'utilisation de l’une de ces langues est en corrélation avec des facteurs individuels et situationnels. Je me bornerai, dans ce texte, à observer les rapports arabo-arabes ; le français et le berbère mériteraient un développement à part. Les variétés, tunisienne et littéraire, à partir desquelles s’articule la diglossie constituent, aux yeux des chercheurs qui reproduisent le modèle canonique, deux variétés d'une même langue remplissant des fonctions distinctes et complémentaires.
Les limites du modèle statique
La plupart des travaux, parus ces dernières années et ayant porté sur la diglossie, s’efforcent de modéliser de façon harmonieuse la répartition fonctionnelle des deux idiomes en coexistence sans pour autant parvenir à décrire réellement les pratiques langagières des locuteurs concernés. Il me semble que le modèle ferguso-fishmanien auquel ils se réfèrent achoppe au moins sur les points suivants :
- il ne rend pas compte des performances plurilingues et se prive des pratiques langagières réelles telles qu’elles sont recueillies sur le terrain ;
- il ne distingue pas (ou pas assez) entre pratiques langagières et représentations sociales ;
- il ossifie et binarise des sentiments épilinguistiques, à savoir l’ensemble des jugements de valeurs que les locuteurs tiennent sur leurs langues, jugements qui s’avèrent, lorsqu’on prend la peine de les étudier, d’une extrême complexité ;
- il fait intervenir la notion de prestige (un statut fictif) qui ne me paraît pas opérationnelle pour rendre compte des prises de parole idéologiquement investies dans un contexte tel que celui du Maghreb. Aussi, cette notion dont font largement état les linguistes nord-américains mérite-t-elle une analyse plus approfondie.
Il me semble donc légitime de se demander si cette présentation harmonieuse des données langagières permet d’analyser pertinemment les rapports entre variété littéraire et variété maternelle en Tunisie, et plus largement dans les autres pays du Maghreb. On sait que la sociolinguistique occitane a bien analysé ce qu’elle appelle le «dernier subterfuge produit par la diglossie - même et chargé d’en favoriser le cheminement irréversible»[13]. Elle a aussi montré que les travaux qui reproduisent le modèle canonique servent d’écran au conflit linguistique toujours à l’œuvre, sans cesse reproduit et réinterprété dans la société et dans sa mise en mots.
Les travaux qui se sont inspirés du modèle statique, en Tunisie, ont, consciemment ou inconsciemment, passé sous silence les rapports entre la pratique diglossique et les représentations liées aux idéologies auxquelles cette pratique fait, implicitement ou explicitement, référence.
Dans leur article sur la diglossie occitane, Philippe Gardy et Robert Lafont[14], ont très bien analysé ce phénomène. Selon eux, cette théorie «favorise la description «à plat» des situations conflictuelles». «Une telle attitude, poursuivent-ils, qui considère la diglossie comme un fait accompli, une situation stabilisée, efface évidemment les tensions qui existent entre les fonctionnements linguistiques et l’idéologie de ces fonctionnements…»[15].
Aussi l’analyse ne peut-elle se limiter aux manifestations synchroniques du processus diglossique en Tunisie et plus largement au Maghreb. La diglossie étant le produit d’un cheminement historique long et complexe, ce sont les mécanismes de son histoire, tant au niveau des pratiques qu’au niveau de l’élaboration des concepts qui composent l’idéologie diglossique, élément incontournable dans le complexe des représentations sociales qu’il convient de prendre en compte, si l’on veut bien saisir les véritables enjeux du processus. Je n’hésiterai pas à soutenir que, sans le discours diglossique, «fonctionnant en retombées d’idéologie»[16], la diglossie arabe serait impossible, voire inconcevable. Que l’on étudie la parole quotidienne des inter-actants lors d’échanges verbaux ou le discours de commentaire évaluatif portant sur elle, on ne saurait assez insister sur le processus de minoration linguistique que subit la variété maternelle, processus que j’analyserai ultérieurement.
Enjeux du discours épilinguistique
Au Maghreb, le discours épilinguistique s’inscrit dans un processus se focalisant sur l’opposition langue vs dialecte. Pour illustrer ce type de discours, je reprendrai deux exemples que j’ai développés ailleurs[17], l’un émis par un linguiste, l’autre par un informateur tunisien lors d’une enquête de terrain.
Le linguiste marocain A. Moatassime[18] affiche, à ce sujet, une position claire. Même si l’auteur ne parle pas explicitement de l’arabe tunisien, mais du «dialectal» de manière générale, sa position est largement partagée dans le reste des pays du Maghreb, et, particulièrement en Tunisie, pays dont la situation linguistique m’occupe ici.
«Apparenté à l'arabe classique, l'arabe dialectal - comme son nom l'indique - est un dialecte au vrai sens du terme (…) en aucun cas, l'arabe dialectal ne doit remplacer l'arabe classique dont il est d'ailleurs directement issu et avec lequel il conserve un lien ombilical extrêmement puissant». «Techniquement [poursuit-il] l'arabe classique possède une facilité extraordinaire d'adaptation et d'évolution qu'il a montrée dans le passé en véhiculant dans tous les domaines l'une des plus brillantes civilisations de l'histoire et de la pensée scientifique universelle. A ce titre, il est parfaitement capable, grâce à sa flexibilité et à sa logique interne, d'assimiler et de développer l'ensemble du contenu scientifique de notre époque» (p.643).
Quant aux locuteurs tunisiens, dans la majorité des cas, ils ne s’identifient pas avec cette variété linguistique. «Il faut une langue des Tunisiens et non une langue chakchouca (sorte de ratatouille)», me rétorquait un informateur tunisien, faisant allusion aux emprunts faits par l’arabe tunisien aux différentes langues occidentales, en particulier, au français. L’arabe tunisien est emprisonné dans un ensemble de territoires d’usage, étroitement liés à l’affectivité : il ne peut pas tout dire, mais il est susceptible de dire certaines choses mieux que l’arabe littéraire. C’est un discours qui reproduit très scrupuleusement l’idéologie de la péjoration / compensation, très bien étudiée dans les travaux ayant porté sur la diglossie franco-occitane.
A travers les indécisions, les hésitations ou les balancements d’opinion, le conflit linguistique émerge et prend sens dans les contradictions du discours que les Tunisiens tiennent sur leur langue maternelle. En effet, lorsqu’on les invite à s’exprimer sur cette question, ils considèrent rarement leur idiome maternel comme une langue à part entière. Dire que l’on parle «chakchouca», c’est signaler par la seule vertu du désignant un comportement condamné, une dépréciation de soi déstabilisante, bof une insécurité linguistique pénalisante. La langue maternelle est alors considérée, sinon comme un patois, du moins comme un dialecte. Sans entrer dans le détail de la discussion portant sur la distinction entre «langue» et «dialecte», trop connotée idéologiquement, je me bornerai à rappeler que la différence entre les deux notions ne repose pas exclusivement sur des critères linguistiques mais extralinguistiques : socio-historiques, politiques, idéologiques. Or, il est possible, me semble-t-il, de saisir et d’analyser les données différemment.
On le sait, les chercheurs qui ont tenté d’éclaircir ces deux notions sont nombreux, mais, pour répondre à Moatassime (supra), je me contente de citer un extrait de l’ouvrage d’E. Sapir[19], linguiste et anthropologue dont les travaux entre autres sur les langues primitives sont plus que convaincants. A propos des rapports entre langue et dialecte, Sapir avait écrit ceci :
«Il est convenu de traiter comme langues indépendantes le russe, le polonais, le tchécoslovaque, le bulgare et le serbe, étant donné leurs affiliations nationales : il n'en reste pas moins que ce sont des dialectes d'une langue ou prototype linguistique slave commun, tout comme le vénitien et le sicilien sont des dialectes d'une prétendue langue italienne commune. Si deux formes de langue parlées à la même époque ont une parenté indéniable, le linguiste ne déclare pas que l'une est un dialecte de l'autre, mais que toutes sont deux dialectes-frères d'un certain prototype commun, connu directement ou par déduction.».
A la lumière de ces réflexions, on constate que des variétés proches peuvent être reconnues historiquement comme des langues différentes, alors que des variétés d’arabes maternels, formes structurellement éloignées du littéraire, continuent à être rattachées à cet idiome unique. Il convient de signaler que l’importance et le sens du conflit linguistique sont en rapport moins avec la parenté génétique entre ces langues qu’avec la valeur symbolique et les connotations que les usagers leur attribuent. Lorsque les différences linguistiques sont vécues simultanément comme symboliques de l’appartenance à des groupes socio-culturels et des catégorisations du réel différentes, l’idéologie et la pratique linguistiques conduisent à la minoration linguistique. Mais avant d’aborder cet aspect de la question, il n’est pas sans intérêt de s’attarder un instant sur le discours tenu sur la diglossie.
A ce propos, j’ai dégagé[20] deux types de comportements que je reproduis comme suit :
- «ceux qui, considérant la diglossie en chemin, vont d’emblée à son terme, qui est la disparition inéluctable de l'arabe maternel, langue minorée. Ce sont tous ceux qui pensent que seule une glottopolitique dirigiste permettrait d’en finir avec la concurrence des langues et d’abolir à brève échéance la langue minorée. Selon cette idéologie, la décadence du monde arabe est due à sa division qui est, intrinsèquement, liée au problème linguistique. Pour sortir de cette situation, il faut, dit-on alors, lutter contre les «dialectes» arabes, synonymes de division et d’éparpillement, et en même temps consolider l’usage de l’arabe littéraire, seule issue de secours.» (p. 121).
- ceux dont l’attitude «consiste, au contraire, à effacer les frontières entre les variétés en contact et à créer une stabilité de l’ordre de la représentation fonctionnelle. La diglossie est ainsi présentée non comme une évolution mais comme une répartition des usages» (ibid.).
Cette attitude nourrit une fausse sécurité, puisque, dit-on, certaines fonctions sont assumées par la variété minorée, ou «basse», pour employer un terme de Ferguson (1959) –ici l’arabe tunisien– fonctions que, bien sûr, l’arabe littéraire n’assume pas, et, par conséquent, il ne faut pas s’inquiéter, car il n’y a pas de raison pour que la variété maternelle disparaisse.
Pour R. Lafont[21], «qu’il s’agisse d’une illusion de stabilité (qui occulte l’issue du conflit) ou d’une affirmation d’échéance (qui occulte le conflit lui-même par son issue), la diglossie est saisissable là où elle se représente, dans la conscience des sujets, dans les productions idéologiques généralisées, qu’il s’agisse d’attitudes esthético-morales, de programmes éducatifs ou de constructions explicatives scientifiques...».
arabe maternel et minoration linguistique
La problématique de la minoration linguistique n’a que rarement intéressé les chercheurs maghrébins, et, par conséquent, aucun ouvrage ne lui avait été consacré. C’est dire que les chercheurs, consciemment ou inconsciemment, ont évacué cette question de leurs préoccupations. Aussi faut-il insister sur l’impossibilité d’approcher la minoration linguistique dans cette région sans se livrer préalablement à un diagnostic glottopolitique, fondé essentiellement sur la dialectique de l’un et du multiple.
Dans la plupart des cas, la minoration passe par le besoin de nommer les langues faisant en sorte que le flou terminologique devienne nécessité au service de la péjoration. Mais peut-être est-il opportun de rappeler ce qu’on entend par processus de minoration linguistique. Ce concept, que j’ai mis à contribution pour analyser entre autres les rapports entre les langues maternelles et la langue officielle au Maghreb, est emprunté à Jean-Baptiste Marcellesi qui l’a formulé comme suit :
«Langues minorées (…) réfère au processus de minoration par lequel des systèmes virtuellement égaux au système officiel se trouvent cantonnés par une politique d’Etat certes, mais aussi par toutes sortes de ressorts économiques, sociaux dans lesquels il faut inclure le poids de l’histoire, dans une situation subalterne, ou bien sont voués à une disparition pure et simple»[22].
Quelle étiquette linguistique pour quel idiome ?
L’étude des étiquettes qu’on attribue aux langues constitue, me semble-t-il, un moyen important pour aborder les processus d’identifications et les enjeux complexes qu’ils véhiculent. «L’existence d’une dénomination, écrit H. Boyer[23], crée un effet d’évidence qui peut se révéler décisif dans la construction d’une catégorie sociale».
Quelles étiquettes sont-elles employées pour nommer l’arabe tunisien, couramment désigné comme «arabe dialectal» et quel fondement épistémologique ou idéologique les sous-tend-il, sachant que toute étiquette est une prise de position ? Aussi, faut-il le préciser, j’ai moi-même évolué par rapport à cette question, puisque ma thèse de doctorat[24] a eu pour titre L’alternance de codes arabe dialectal / français, alors que j’ai renoncé, à cette terminologie qui, de mon point de vue, reconduit, inconsciemment, une hiérarchie minorisante.
Dans le contexte maghrébin, où le débat sur les langues suscite souvent les passions, trois remarques me semblent primordiales, à savoir :
- définir une langue n'est jamais simple compte tenu de la complexité, de l’hétérogénéité et de la subjectivité des critères qu’on y emploie ;
- on peut classer les langues à partir de critères considérés comme imposés par l'évidence, et mesurer ensuite la distance structurelle existant entre elles, avec l'intention de ne considérer comme «langues» que celles qui se distingueront de manière systématique ;
- il est possible d’observer la structure globale, d’analyser les pratiques langagières et de saisir les contradictions tout en cernant les présupposés idéologiques qui les sous-tendent.
Qu’il soit clair, langue est conçue ici en termes d’usage, et non de système. Dès lors, se contenter du seul critère linguistique pour dire si l’arabe maternel peut être considéré comme une langue ou non s’avère peu pertinent. Quoi qu'il en soit, on ne peut passer sous silence les dimensions socio-historiques, politiques, psychologiques ou épilinguistiques ; ce qui permettrait de relativiser autant que possible l’importance du critère linguistique sans que cela ne signifie pas pour autant que l'on puisse dire lequel de ces critères est le plus pertinent.
Quand on observe les travaux ayant porté sur la diglossie arabe en Tunisie, on constate facilement l’abondance des termes utilisés pour désigner les variétés en concurrence. Chaque idiome reçoit tantôt une étiquette tantôt une autre, y compris parfois chez le même auteur. Prenons-en quelques exemples :
- l'arabe du Coran et de la littérature ancienne est désigné, par W. Marçais[25], comme arabe «écrit», «régulier», «littéral» ou «classique» ;
- chez R. Blachère[26], on trouve «arabe classique» ou «littéral»; pour lui (p.11), la désignation «arabe régulier» est «à bannir» ;
- sous la plume de S. Garmadi, cette variété est désignée tantôt comme «arabe littéral» ou «arabe classique»[27], tantôt comme «arabe classique archaïque»[28].
Concernant l'arabe maternel, on trouve, chez différents auteurs, les désignations suivantes : «arabe parlé», «arabe vulgaire», «arabe dialectal», «al-'amiyya», «dialecte arabe», «langue maternelle», «ad-dârija», «arabe tunisien», «langue courante»...
«Nommer une langue – écrit J-B. Marcellesi[29] – c’est certes, en partie, refléter une existence autonome. Mais c’est aussi, d’une certaine manière, mobiliser au service de la domination le pouvoir des mots : donner des noms différents au même système c’est déjà le morceler ; maintenir le même nom à des systèmes différents, c’est les maintenir ou les rendre unifiés. Il serait naïf ici de croire qu’il y a toujours intention consciente ou, en sens inverse, que dénommer est chose innocente ou pratique conforme à la réalité linguistique.»
On vient de le voir, employer telle ou telle étiquette pour tel ou tel idiome n’est jamais neutre, tellement les critères peuvent être hétérogènes. Pour entreprendre cette démarche, il faut, me semble-il, tenir compte de toute une série de facteurs, à savoir le statut fonctionnel, les jugements épilinguistiques, la valeur symbolique… Pour R. Lafont[30], le travail sur la diglossie «s’est bâti depuis longtemps sur la constatation qu’un fonctionnement diglossique est une «conscience de diglossie», le plus souvent fantasmatique». Au Maghreb, les langues en présence jouissent d’une valeur dans la société et chez les usagers. Chaque individu développe des idées sur les langues qu’ils parle et sur les autres, et, partant, exprime son identification ou sa distance vis-à-vis des pratiques langagières par rapport auxquelles il se situe. La valeur attribuée aux différentes langues en place est ici prise au sens praxémique du terme. Selon Lafont[31], la praxématique «a repris la démonstration saussurienne sur la valeur pour la critiquer et la remplacer par une théorie du réglage du sens sur un marché social. A la valeur absolue est donc substituée l’articulation d’une valeur d’usage et d’une valeur d’échange.». On pourrait, suite à ces propositions théoriques, constater que les étiquettes utilisées pour nommer soit l’arabe littéraire soit l’arabe maternel fonctionnent parfaitement comme des praxèmes, définis comme des outils «de la production du sens». Le praxème, que Lafont substitue au signe linguistique de Saussure, «a une forme phonologique (un signifiant), mais n’a pas de sens (de signifié)» figé, en dehors de ses usages. «Il produit du sens une fois mis en discours, suivant les programmes qu’il soutient et auxquels il obéit»[32]. Le processus de nomination exprime ainsi «un point de vue sur le monde»[33]. Dans une société tunisienne où le sens se règle et se dérègle constamment sur un marché social insécure, la «signifiance», c’est-à-dire «la puissance à signifier» n’est produite que dans l’articulation de «sa puissance, en principe illimitée et de la contrainte d’une acceptabilité sociale.»[34].
Face à cette multitude de désignations et surtout en raison du flou définitoire dans lequel elles sont laissées, j’ai proposé[35], qu’on ne retienne que trois étiquettes, à savoir l'arabe littéraire ancien (la langue de la littérature classique et du Coran), l'arabe littéraire moderne (la langue des médias, de l'école) et l'arabe maternel (la langue de la communication courante) ; pour ce dernier, la désignation arabe tunisien demeure d’utilisation courante. Certains pourraient trouver cette proposition simpliste, c’est-à-dire ne rendant pas compte d'une situation où les faits de langues sont inextricablement mêlés. Mon objectif n’est pas – faut-il le rappeler – de tenter de démêler cet écheveau, mais tout simplement d’essayer d’y voir clair, afin que l’on puisse dépasser la querelle des étiquettes pour se consacrer à un vrai diagnostic glottopolitique, entreprise nécessaire, si l’on veut arriver, un jour, à réconcilier les locuteurs, non seulement tunisiens mais aussi maghrébins, avec leurs langues maternelles.
Cela dit, d’autres chercheurs, avant moi, avaient proposé d’autres modèles : Mohamed Chaïeb[36], Khaoula Taleb-Ibrahimi[37] et bien d’autres. Dans un article écrit en arabe, Chaïeb a proposé le modèle de continuum, s’inspirant ainsi des propositions théoriques des créolisants. Il présente le modèle suivant : al-fusha (l’arabe littéraire), en variété acrolectale, al-wusta (l'arabe intermédiaire) en variété mésolectale et al-dârija (l’arabe tunisien) en variété basilectale. L’hypothèse de l’existence d’un continuum suppose, me semble-t-il, la possibilité de passer de la fusha à la dârija par une série de degrés intermédiaires (la wusta) entre lesquels, il est bien difficile de déterminer celui qui pourrait être considéré comme la frontière entre les deux niveaux.
Certes en mettant l'accent sur les rapports de continuité entre les langues concernées, ce modèle représente une avancée considérable par rapport au modèle binaire proposé par Ferguson. Toutefois, en plaçant l'arabe littéraire ancien en haut de l'échelle et l'arabe tunisien en bas, il reconduit implicitement la hiérarchie qu’il tente de récuser par ailleurs. J’ai signalé que, dans le contexte tunisien, la diglossie est le cadre privilégié d’un conflit linguistique au centre duquel se trouvent des locuteurs qui n’auraient aucun pouvoir glottopolitique face à une sorte de fatalité linguistique, voire historique. Et c’est justement dans ce sens que, par rapport au concept de continuum, celui de conflit linguistique me semble plus pertinent dans la mesure où il met davantage l’accent sur les rapports des locuteurs à leurs paroles, des groupes sociaux à leurs langues. Trop souvent, dans l’approche sociolinguistique, cette dimension été minorée, si ce n’est évacuée, et l’alternative diglossie / continuum contribue à exclure ce point de vue. Dans ce contexte, l’approche de la sociolinguistique occitane, fondée sur le concept de fonctionnements diglossiques permet de récupérer la dimension, dynamique, indispensable à l’analyse de la diglossie en tant que réalité linguistique mouvante.
Il faut signaler cependant que, contrairement à d’autres contextes, catalan ou corse, par exemple, où ces questions ont été plus ou moins réglées – dans le sens où rares sont ceux qui considèrent aujourd’hui le catalan comme un dialecte – le débat sur les langues au Maghreb est plus que jamais objet de polémique et lieu de tensions sociales. C’est dire qu’on est encore loin de trouver un consensus sur la question linguistique. Encore faut-il savoir de quel type de consensus on parle.
En septembre 1998, lors du rapport de clôture des Deuxièmes journées du Réseau Sociolinguistique et dynamique des langues, qui ont eu lieu à Rabat, Louis-Jean Calvet, rendant compte des travaux de l’atelier consacré à la sociolinguistique maghrébine, a conclu que celle-ci «tourne en rond» et qu’elle «n’arrive pas à avancer». Même si ces remarques ont suscité des réponses claires de la part de certains chercheurs présents dans la salle : A. Boukous, D. Morsly et moi-même sur certains aspects de la question, je trouve néanmoins qu’il n’a pas totalement tort. Cependant, il faut préciser que, même si la sociolinguistique maghrébine est encore à la recherche de ses repères, elle est, majoritairement, faite par des natifs. Je relate cet événement pour rappeler que si la recherche maghrébine donne l’impression de piétinement à celui qui l’observe de l’extérieur, c’est parce que, nous, chercheurs maghrébins, avons du mal à éviter les passions quand il est question du débat linguistique. Aussi critique soit-il, le regard étranger me paraît, non seulement souhaitable, mais aussi stimulant.
Le débat linguistique constitue encore un objet de polémique en Tunisie, même si ce pays est généralement présenté par les chercheurs comme celui où la polémique s’avère la moins virulente si l’on compare, par exemple, à son voisin, l’Algérie. Pour donner un aperçu de ce débat, je ne présente que deux extraits assez représentatifs des deux positions antagoniques ayant cours actuellement en Tunisie, voire au Maghreb.
Il y a ceux pour qui l’arabe tunisien n’est que le «versant dialectal» d’une langue unique que l’on désigne par un terme générique «arabe». On pourrait citer le travail de Taïeb Baccouche[38], qui a consacré, dans une revue en langue arabe, un article à la diglossie en Tunisie. Dans le but de répondre à sa question de départ : le littéraire et le «dialectal» forment-ils deux langues («hal al-fusha wa ad-dârija lugataïn ?»), il sélectionne nombre de critères : phonologique, lexico-sémantique, morphologique, grammatico-syntaxique et tente de les en appliquer. Il en déduit que la dârija «constitue un système linguistique autonome ayant ses caractéristiques structurelles propres bien qu’il existe des traits de ressemblance et d’intersection avec la fusha, en raison des liens historiques entre elles, et de leur origine commune» (traduit par mes soins). Pour lui, si la fusha (littéraire) et la dârija (dialectal) constituent, structurellement, deux langues autonomes, «doit-on pour autant se contenter de noter les différences ?». Taïeb Baccouche trouve la réponse à sa question chez Ferdinand de Saussure, dans la mesure où, selon lui, ce sont les deux forces antagoniques, «l’esprit de clocher» et la «force d’intercourse» qui expliquent le changement linguistique.
Selon l’auteur[39], la situation linguistique de l'arabe, qui paraît «contradictoire à première vue», est «originale» dans la mesure où les deux langues, qui sont différentes structurellement, «tendent à fusionner dans un seul système linguistique avec ses deux versants, littéraire et dialectal», ce qui caractérise «l’arabe contemporain en tant que véhicule de la civilisation moderne». La question de la fusha et de la dârija, précise-t-il, est «un faux problème dont il importe de faire l’étude non de faire un objet de polémique». Les différences entre les deux langues «tendent à être de plus en plus artificielles (prétendues)», car deux langues distinctes, structurellement, «peuvent, du point de vue civilisationnel, être considérées comme une langue unique».
Eu égard aux données langagières que j’ai analysées, il me semble qu’une telle démarche qui substitue à l’analyse dialectique une approche mécaniste accorde plus d'importance, dans la théorie, aux forces d’homogénéisation et de cohésion sociale ayant pour objectif la neutralisation des oppositions. Cette conception relève, à mon sens, de la «linguistique unifiante», au sens de Marcellesi et Gardin[40], laquelle «tend à rechercher tout ce qui dans les faits linguistiques peut donner lieu à une description unique». Elle gomme les différences en créant une sorte de représentation abstraite des faits linguistiques.
On le sait, langue et dialecte sont des concepts idéologiquement connotés, et toute tentative de les distinguer à partir d'un seul critère se heurte à des exemples contraires. Pour justifier les désignations «arabe dialectal», «dialecte» ou «dârija», certains font valoir des arguments selon lesquels l’arabe tunisien serait absent des secteurs formels de la vie publique tels l'école, l’administration, la presse, etc. Or, cela nécessite qu'on y prête plus d'attention : d’une part, il n’est pas dit que ces remarques soient conformes à la réalité du terrain ; il suffit d’observer certaines situations formelles pour se rendre compte que la langue maternelle y est plus que jamais présente ; d’autre part, à supposer que cela soit vrai, l'absence de l'arabe maternel des situations formelles résulte d'un processus de minoration linguistique et historique ; l'ériger en motivation pour le disqualifier et lui dénier la désignation «langue», serait justifier la minoration par ses propres effets.
On pourrait s’interroger suite aux propositions de L.J. Calvet[41] pour savoir «au nom de quels critères décider du statut culturel et social de chacun des parlers pour les classer ensuite en langues et en dialectes ? Le problème est d'autant moins posé que les linguistes ne se préoccupent pas de classer, ils entérinent une classification antérieure (…)».
Au Maghreb, le problème est d’autant plus complexe que la variété qu’on baptise «langue» n'est pas la langue nationale, au sens de parlée réellement par le peuple, mais une forme supranationale, réservée à des situations restreintes. «La tendance chez les linguistes –poursuit-il (p.48)– n'est pas à la lecture historique des rapports entre les langues, mais plutôt à la rature de l'histoire et au durcissement des positions acquises. La description comme sa théorisation figent les rapports de force existants en rapports de nature, le hasard historique devient nécessité».
Cependant, et c’est là le second positionnement à observer, il y a ceux pour qui l’arabe maternel est la véritable langue de la citoyenneté. Le second extrait que je veux présenter ici illustre ce point de vue ; il concerne la position de Yadh Ben Achour[42], universitaire et juriste tunisien. Comme on va le voir et aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est un juriste qui soutient les positions les plus novatrices et audacieuses sur la question linguistique et non un linguiste.
Ben Achour fait remarquer que le débat linguistique en Tunisie, voire au Maghreb ne se résume pas à la diglossie fonctionnelle, «l'erreur serait de croire comme certains que la question est une simple affaire de diglossie, de double registre linguistique, comme il en existe partout» (p.100). Elle constitue «l'un des problèmes constitutionnels les plus importants des Etats du Maghreb». «Ceux qui veulent ramener le problème à une simple diglossie simplifient excessivement la question». Entre l'arabe littéraire et l'arabe maternel, «il n'y a pas simplement la distance qui sépare deux niveaux du réel, mais celle qui sépare l’utopie du vécu». Même celui qui a appris l'arabe littéraire à l'école n'est pas en mesure de le parler sans le lire. «Il peut discourir, non point vraiment parler. Il se met en scène pour pouvoir s'exprimer, il se dédouble deux fois. L'acteur souffre et les auditeurs entendent une déclamation. Celle-ci peut être bouffonne ou tragique. Elle passera rarement comme la respiration».
Il en déduit (p.102) que l'arabe maternel a le statut constitutionnel d'un «absent», alors que l'arabe littéraire, absent des «lieux de la domesticité», du «commerce», «des loisirs», «se voit octroyer le statut constitutionnel du présent». L'auteur désigne la situation linguistique comme «celle du présent-absent, de l'absent-présent, du vivant-mort, du mort-vivant». Les discours produits massivement dans la société qu'il analyse «révèlent en vérité, en même temps qu'une négation de soi, un empêchement organique à aller vers la démocratie». En édictant dans notre Constitution que l'arabe littéraire est la langue officielle, «on pose une affirmation de soi pour aboutir à une négation».
Comme on peut le constater, cette position audacieuse rompt avec les thèses conformistes et traditionalistes, et, partant, fait de la question linguistique non pas une simple affaire de diglossie, mais un problème constitutionnel, un vrai enjeu social et politique.
Dans le même esprit, H. Balegh, ardent défenseur de l’arabe tunisien, s’insurge contre ce qu’il appelle «l’Apartheid linguistique»[43]. Il écrit ceci : «Enfin le cénacle de ‘Taht Essour’[44] vint et ses membres, de fins lettrés, tels Ali Douagi, Abdelaziz Laroui et tant d’autres, abattirent le mur entre l’arabe écrit et l’arabe parlé supprimant ainsi ce qu’on pourrait appeler aussi, le pire des Apartheids, l’Apartheid linguistique…». Aussi fait-il remarquer que «Les très nombreux discours du Président de la République tunisienne, Habib Bourguiba, étaient en langue arabe tunisienne. Ils auraient fait des tomes et des tomes en cette langue-là parlée mais le lendemain on les trouvait couchés sur le lit de Procuste de l’arabe écrit uniquement avec le changement et la suppression de ce qui a été dit spontanément.»[45]
J’ai insisté précédemment sur la nécessité de dépassionner le débat linguistique au Maghreb, mais, dans un contexte où celui-ci est investi idéologiquement, il est plus facile à dire qu’à faire. Et c’est là où, à mon sens, se pose la question relative au rôle que doit jouer le linguiste dans le processus qu'il décrit. Son attitude et son discours s’inscrivent forcément dans la chaîne des représentations idéologiques où se projette la diglossie et son intervention scientifique représente une pièce importante dans le jeu des représentations sociales. Robert Lafont[46] a clairement analysé ce phénomène en montrant que la démarche du linguiste passe forcément par «les représentations du réel pour y dénoncer subjectivations et idéologies». Le chercheur apparaît à la fois comme «impliqué et désimpliqué : aux yeux de la dominance, comme un militant, à ce titre suspecté ; aux yeux de la militance comme un désengagé suspect ou de tiédeur ou de trahison».
Advienne que pourra, toute démarche qui se veut réaliste ne peut faire l’économie d’un diagnostic glottopolitique qui passe forcément par la dénonciation du processus de minoration linguistique ayant eu pour corollaire la confiscation de la parole au nom d'idéaux et de convictions mythiques.
Quand le discours idéologique se veut «scientifique»…
La mise en place du processus diglossique au Maghreb s’est accompagnée de productions idéologiques chargées de le faciliter. Mais, inversement, celles-ci se produisent et se contrôlent à partir de lui.
Il est possible d’en rendre compte sous forme de série d’oppositions, avec toutefois le risque de simplification que court une telle présentation.
Langue scientifique / langue non-scientifique
L’une des stratégies de l’idéologie pro-arabe littéraire, pour exclure l’arabe maternel –forme langagière minorée– des représentations officielles, consiste à le considérer comme non-scientifique. Pour le stigmatiser, les adeptes du tout-arabe-littéraire lui dénient toute scientificité potentielle et, partant, le statut même de langue.
On le sait, ces thèses oublient, voire feignent d’oublier une donnée historique toute simple, à savoir que le critère de «scientificité» doit être observé en diachronie, sans perdre jamais de vue les potentialités de développement et d’enrichissements dont toute langue est porteuse. L’histoire des langues du monde est riche d’exemples de ce type de démentis : au XVIIIe siècle, on disait bien de l’allemand qu’il n’était pas scientifique, alors que personne ne peut soutenir un tel jugement aujourd’hui. De même, le français n’a-t-il pas fait face à l’hégémonie du latin, qui, pendant des siècles, fit office de langue scientifique ? Toutes les langues sont «pauvres» à leurs débuts, mais les unes s’enrichissent au fil des temps et les autres végètent, voire disparaissent. Reste à accepter de s’approprier une langue dite «pauvre» pour que celle-ci s’enrichisse de toutes sortes de notions. La scientificité, la pauvreté ou la richesse d’une langue donnée reflètent fidèlement les représentations des locuteurs qui les parlent.
Langue normée / langue sans norme
C’est le discours récurrent sur l’absence de grammaire dans la langue minorée qu’on observe en Tunisie. L’idéologie négatrice de l’arabe maternel confond délibérément, pour celui-ci, absence de norme et absence de norme codifiée. Si cette variété maternelle ne dispose pas de grammaire codifiée, ce n’est pas parce qu’en tant que système linguistique, elle ne s’y prête pas, mais parce que les intéressés eux-mêmes –les linguistes sont concernés au premier chef– n’ont rien entrepris dans ce sens. L’absence de grammaire codifiée n’est pas une donnée intrinsèque, mais la conséquence d’un processus de minoration historiquement et socialement situé. Il s’ensuit que la codification de la grammaire de la variété minorée est une entreprise qui ne peut avoir lieu que si les usagers de la langue non seulement en sont conscients mais aussi en voient l’utilité. Pour cela, l’argument selon lequel l’arabe maternel ne peut être considéré comme une langue, parce qu’il ne dispose pas de grammaire cofidiée constitue moins un argument solide et susceptible de le discréditer qu’une incitation à la codification de sa grammaire.
Langue haute / langue basse
Ce discours est d’une très forte récurrence. Il s’est développé dans tout le monde arabe en se fondant sur l’opposition langue de prestige / langue de moindre prestige, une notion de base dans le dispositif théorique de Ferguson[47]. Il s’agit, en réalité, d’un discours émotionnel fonctionnant dans la plupart des cas sous forme de connotation.
Désigner deux idiomes, concurrents au sein d’une même communauté linguistique, l’un comme «prestigieux», l’arabe littéraire, l’autre comme moins «attrayant», moins «séduisant», l’arabe maternel, relève-t-il d’une linguistique sociale qui conçoit la variation et l’hétérogénéité comme le propre de toute situation plurilingue ou, au contraire, d’une illusion fantasmatique puisant ses motivations dans des considérations idéologiques historiquement construites ?
L’arabe maternel est désigné par ses détracteurs comme variété de moindre prestige, puisque, dit-on, il ne dispose pas de grammaire codifiée, ne bénéficie pas d’un héritage littéraire important et n’est pas le même d’un pays à l’autre, voire d’un locuteur à un autre et, par conséquent, on ne peut le considérer comme une langue à part entière. Il n’est pas nécessaire qu’il faille être linguiste pour comprendre les motivations sur lesquelles repose ce type de discours ; il s’agit plutôt de considérations extralinguistiques (historiques, sociales, idéologiques...) que d’arguments linguistiques fiables.
D’autres le considèrent comme une variété non-prestigieuse, car, selon eux, il est exclusivement oral. Sans m’étendre sur cet aspect de la question – je l’ai fait ailleurs[48] – je rappelle simplement qu’il suffit d’observer le paysage sociolinguistique tunisien, la presse, les correspondances personnelles, voire certains écrits littéraires pour se forger sa propre opinion. Quant à l’idée selon laquelle cet idiome est sujet à la variation régionale ou idiolectale, j’ai montré (ibid.) que cela ne constitue pas vraiment un argument sérieux, en ce sens que la variation de tous ordres représente l’une des caractéristiques fondamentales des langues vivantes ; c’est le moteur même du changement linguistique. Il n’y a , à mon sens, que les langues mortes qui soient figées ad vitam aeternam.
Cela dit, posons maintenant le problème autrement. Si l’on admet, par exemple, que le prestige d’une langue dépend du nombre de locuteurs qui la parlent, l’arabe maternel serait incontestablement considéré comme une langue prestigieuse, puisqu’il est parlé par la majorité des Tunisiens, contrairement au littéraire. Dans une autre perspective, on pourrait lier le prestige d’une langue à son dynamisme et à sa vivacité dans un espace donné. Vu sous cet angle, la langue maternelle constitue, de par son usage quotidien et son dynamisme, la véritable langue de communication et, par conséquent, il serait inadéquat de la considérer comme une variété «basse», «inférieure» ou «de moindre prestige».
De plus, nul n’ignore que le prestige du littéraire tient essentiellement du mythe et que les jugements qui lui sont favorables relèvent de l’idéologique. Faut-il rappeler qu’une langue prestigieuse est, dans la plupart des cas, celle des groupes socio-politiquement hégémoniques.
Langue nationale / langue non-nationale
Dans le discours nationaliste panarabique sur la diglossie, seul le littéraire, symbole de l’unification de la nation arabe, est considéré comme la variété nationale. Nation désigne ici non l’Etat-nation (Tunisie, Maroc, Algérie, par exemple) mais la «Grande nation» arabe, une supra-nation en quelque sorte. Quant à l’arabe maternel, dans la majorité des cas, il n’est pas considéré comme national, mais comme «local», «dialectal». Pour les nationalistes arabes, la négativité dans «langue-non nationale» peut s’interpréter comme «langue anti-nationale», en ce sens que la multitude des langues maternelles constitue une entrave à la constitution de la Grande patrie arabe, qui, selon eux, passe surtout par l’unification linguistique. L’idéologie panarabique, portée, comme on vient de le voir, par l’arabe littéraire, véhicule un projet de dépassement des différences nationales où l’Etat-nation perd toute sa signification pour se fondre dans l’Etat supranational. Dans ce contexte, il est clair que les variétés maternelles, parlées au Maghreb de manière générale et non seulement en Tunisie, symbolisent la division du monde arabe, division qu’il ne faut pas chercher à accentuer par la volonté de promouvoir ces langues ; d’où d’ailleurs le propos de Moatassime selon lequel celles-ci sont «une multitude de dialectes qui sont souvent autant de variétés qu’il y a de pays ou de régions»[49], propos que j’ai largement commenté précédemment.
Langue du sacré / langue du profane
Je viens de mentionner le discours de l’idéologie panarabique, qui dévalorise l’arabe maternel et lui dénie la désignation de «langue nationale», mais il convient de signaler aussi une idéologie salafiste (traditionaliste), qui, en plaidant pour le retour aux sources, c’est-à-dire au mythe de l’âge d’or et de l’apogée de la civilisation arabo-islamique, rejoint le panarabisme dans la dévalorisation de la variété maternelle. Cette idéologie invoque inlassablement la fidélité à la langue divine d'une communauté arabe au passé prestigieux. Aux yeux des tenants du discours religieux, l’arabe littéraire ancien, en tant que langue du Coran, est considéré comme une variété sacrée. En tant que telle, il s’agit de la «contempler» et non de la modifier, car on risquerait de la dénaturer. Quand on sait que la grammaire du littéraire a été codifiée au Moyen âge et que depuis, c’est celle-là même qui sert de référence aux écoliers, on peut se rendre compte facilement du fossé qui existe entre la dite grammaire et la réalité des pratiques langagières.
Ces problèmes inextricablement mêlés permettent de rendre compte, au delà même de la mise en évidence du conflit linguistique au Maghreb d’un contexte où l’idéologie n’est pas seulement ré-interprétation des faits mais durcissement et accélération du processus en œuvre, celui de la minoration linguistique.
Quelle évolution possible de la situation linguistique tunisienne?
On le sait, maintenant, le conflit linguistique n’est jamais exprimé en tant que tel mais effacé, disséminé et idéologisé. Dans cette perspective, on pourrait s’interroger sur la façon dont les usagers des langues en concurrence vivent ce processus diglossique. A propos du discours épilinguistique, si l’on écarte ceux qui plaident pour la promotion de l’arabe maternel (sans doute une minorité), on pourrait identifier deux types de discours.
- le discours du locuteur averti, celui de certains intellectuels qui, pour les raisons qu’on a évoquées précédemment, plaident pour le littéraire. Se fondant sur l’équation une langue = une nation, et réciproquement, les tenants de ce discours reproduisent la conception unifiante selon laquelle l’arabe littéraire est la seule langue qui est en mesure d’assurer l’unification linguistique de tous les pays arabes, condition sine qua non pour l’unification politique.
- le discours des locuteurs qui, consciemment ou inconsciemment, intériorisent le discours dominant, c’est-à-dire stigmatisant l’arabe maternel. Dans ce contexte, il est à noter que les prises de position, fussent-elles individuelles, dépendent fortement de la puissance du discours dominant et des idées qu’il répand dans la société. En somme, la valeur que l’on attribue aux langues, l’identification avec telle ou telle langue ou au contraire la distance que l’on prend vis-à-vis d’elles dépendent largement des rapports de force au sein de la société concernée.
On pourrait aussi s’interroger sur l’issue vers laquelle tendrait la situation tunisienne.
Normalisation ou substitution ?
On le sait, l’école catalane de sociolinguistique a proposé deux issues possibles au conflit linguistique : lorsque une situation diglossique dite stable commence à bouger, c’est vers la «normalisation» ou la «substitution» qu’elle va tendre. « Les sociolinguistes catalans – écrit G. Kremnitz[50] – parlent ou de normalisation (cela veut dire que la langue dominée peut s’émanciper entièrement et faire disparaître la langue jadis dominante) ou de substitution (cela veut dire que la langue dominante fait disparaître la langue dominée) dans l’espace en question».
Mais, la langue dominante étant en principe celle des couches culturellement et politiquement hégémoniques, la normalisation implique forcément un changement de pouvoir à l’intérieur de la communauté concernée. Kremnitz[51] (ibid.) donne comme cas de normalisation «les succès du hongrois et du tchèque dans leurs Etats respectifs (face à l’allemand)». Il est clair que la sociolinguistique catalane met l’accent sur le processus de normalisation, puisqu’elle entend son travail «non comme une recherche pure» mais «comme un service rendu à la communauté catalane», selon Kremnitz (p. 67) citant Badia i Margarit (1976). Le concept de normalisation s’avère donc d’une importance capitale pour la communauté catalane. Il repose fondamentalement sur deux aspects : «un linguistique, celui de la normativisation, l’élaboration d’une codification linguistique avec tout ce que cela sous-entend (élaboration d’une grammaire référentielle, développement de registres nouveaux, création de nomenclatures nouvelles, etc.), et, un autre social qu’on a appelé l’extension sociale de l’emploi virtuel de la langue dominée dans tous les domaines où on se sert du langage» (ibid : 69).
Pour ce qui est du contexte tunisien, si l’on veut y œuvrer pour la normalisation, il faudra accepter d’étendre l’usage de la langue maternelle à tous les domaines de la vie publique, enseignement, mass media, administration, justice... Cela me paraît la condition sine qua non pour que la langue maternelle stigmatisée par ses propres locuteurs puisse sortir du «ghetto de l’archéo-civilisation», pour employer une expression de R. Lafont.
Cela passe non seulement par une conscience linguistique collective, indispensable à la normativisation et à la mise en place d’une grammaire prescriptive, mais surtout par l’adhésion à ce programme de tous les usagers de la langue, lesquels devraient prendre en charge toutes les revendications linguistiques. Les questions peuvent être formulées comme suit :
- quelles sont les conditions nécessaires à cette conscience aujourd’hui en Tunisie ?
- l’aspiration des populations concernées se cristallise-t-elle autour de ces revendications linguistiques ?
Dans l’état actuel des choses, rien n’est moins sûr, mais je ne pense pas que la situation soit figée ad vitam aeternam. Tant que politiquement et socialement des groupes continuent à vouloir pérenniser un ordre social inégalitaire, car ils en tirent profit, les obstacles pourraient encore perdurer. Aussi est-il nécessaire de le rappeler, pour que les conditions d’une conscience collective soient réunies, il faut que la situation sociopolitique s’y prête. Or cela ne serait concevable en dehors d’un processus de modernisation et de démocratisation de toute la vie publique. Mais cela permet-il de répondre à la question posée supra : normalisation ou substitution ? La réponse à cette question n’est pas simple, on pourrait néanmoins en préciser certains aspects. En théorie, on est encore loin de la normalisation pour l’arabe tunisien ; le discours épilinguistique idéologiquement investi lui reste largement défavorable. Mais dans la pratique, la réalité est très différente, puisque non seulement on assiste à son extension à des domaines d’emploi formels jadis réservés au seul littéraire, mais aussi à un début de prise de conscience favorable à la langue maternelle, même si celle-ci demeure timide.
Aussi commence-t-on à entendre une tonalité nouvelle s’exprimant dans une stratégie de reconsidération des données qui passe par un effort d’explicitation et de minimisation des stéréotypes linguistiques et sociaux. Et cela ne concerne pas que des linguistes, mais aussi des juristes, écrivains, artistes, journalistes... Dans la pratique, on tend plus vers la normalisation que vers la substitution, même si les vecteurs de la minoration demeurent puissants.
Peut-on conclure?
Dans article paru en 1997[52], j’ai insisté sur le rôle que pourrait jouer l’institution scolaire dans le processus de normalisation de la langue maternelle, je me contente ici d’en reprendre cet extrait : «Apprendre à lire et à écrire dans cette variété [l’arabe maternel] permettra une meilleure intégration socio-politique de l'ensemble des Tunisiens tout en leur épargnant des efforts considérables qu'ils pourraient investir dans d'autres domaines. Sur ce point, la langue maternelle, me semble-t-il, a la souplesse nécessaire pour intégrer la modernité et demeurer dans le dynamisme et l'évolution de la vie.» (p.151).
Ce discours, même s’il apparaît quelque peu teinté de militantisme – je m’en suis exprimé supra – ne me semble pas déconnecté de la réalité linguistique et sociale qu’il décrit. Au contraire, il tente, autant que faire se peut, de la démythifier.
Bibliographie
En plus des autres, les ouvrages cités en note, cf :
Garmadi, S. : Les problèmes du plurilinguisme en Tunisie.- Dans Abdel-Malek et ali, Renaissance du Monde arabe, 1972.- pp. 309-322.
Garmadi, S. : Bilinguisme et sociétés bilingues.- Paris, Ethnies, vol.3, 1973.- p.p. 37-54.
Gumperz, J. : Sociolinguistique interactionnelle : une approche interprétative.- l’Harmattan et Université de la Réunion, 1989.
Kremnitz, G. : Sur quelques niveaux sociaux des conflits linguistiques.- Lengas, n° 12, 1982.- p.p. 5-35.
Lafont, R. : A propos de l’enquête sur la diglossie : l’intercesseur de la norme.- Montpellier, Lengas, n° 1, 1977.- p.p. 31-39.
Lafont, R. : Stéréotypes dans l’enquête sociolinguistique. - Montpellier, Lengas, n° 7, 1980.- p.p. 71-77.
Laroussi, F. : Glottopolitique et minoration linguistique en Tunisie. - Dans Actes du colloque Les politiques linguistiques, mythe ou réalité, dirigé par Juillard, C. et Calvet, L.-J., édition de l’AUPEL-UREF, 1998.- p.p. 229-235.
Laroussi, F. et Madray-Lesigne, F.: Plurilinguisme et identités au Maghreb.- London, Linguistic Identities and Policies in France and the French-speaking World, Centre for Information on Language Teaching and Research, 1998.- p.p. 193-204.
Marcellesi, J.-B. : Quelques problèmes de l'hégémonie culturelle en France: langue nationale et langues régionales.- Amsterdam, International Journal of the Sociology of Language, n° 21, Mouton Publishers, 1979.- p.p. 63-80.
Marcellesi, J.-B. : La définition des langues en domaine roman; les enseignements à tirer de la situation corse.- Aix-en-Provence, Actes du XVIIe Congrès de linguistique et philologie romanes, 1984.- p.p.307-314.
Martinet, A. : Syntuaxe générale.- Paris, Armand Colin, 1985.
Mettouchi, A. : Définir l’identité berbère.- Dans Cahiers de Linguistique Sociale, n° 22, 1993.- p.p. 57-71.
Prudent, L.-F. : Diglossie et interlecte.- Langages, n° 61, 1981.- p.p.13-33.
Prudent, L.-F. : Les petites Antilles présentent-elles une situation de diglossie ?- Cahiers de Linguistique Sociale, n° 4-5, Université de Rouen, 198(2.- p.p. 24-40.
Notes
[1]- Marçais, W. : La diglossie arabe dans l'enseignement public.- Alger, Revue pédagogique, tome CIV, n° 12, 1930.- p.p. 401-409.
[2]- Ferguson, Ch. A.: 1959
[3]- Fishman, J. A.: Bilingualism with and without diglossia, diglossia with and without bilingualims.- Journal of Social Issues, Tome XXIII, n° 2, 1967.- p.p. 29-38.
[4]- Aracil, Lluis V. : A Valencian dilemma. - Identity Magazine, n° 24, 1966.- p.p. 17-29.
[5]- Badia i Margarit, A. : Langue et société dans le domaine linguistique catalan, notamment à Barcelone.- Revue de linguistique romane, n° 36, 1972.- p.p. 263-304
[6]- Ninyoles, R. Ll. : Conflicte lingüistic valencià.- València, Tres i Quatre, 1969.
[7]- Vallverdu, F. : La normalitzacio del català modern.- Treballs de Sociolinguistica Catalana, n° 1, 1977. - p.p. 147-157.
[8]- Kremnitz, G. : Du 'bilinguisme' au 'conflit linguistique', cheminement de termes et de concepts.- Langages, n° 61, 1981 : 65.- p.p. 63-74.
[9]- Martinet : 1960.
[10]- Lafont, R. : Praxématique et sociolinguistique.- Montpellier, Lengas, n° 3, 1978 : 80.- p.p. 77-85.
[11]- On sait que pour Ferguson, la diglossie est la coexistence, à l’intérieur d’une communauté donnée, de deux langues (ou variétés de langue) génétiquement proches parentes, et remplissant des fonctions complémentaires. Pour Fishman, seul ce dernier critère est pertinent, et, peu importe que ces idiomes soient génétiquement parents ou non.
[12]- Je montrerai ultérieurement pour quelles raisons je récuse la désignation « arabe dialectal» tout en lui substituant « arabe maternel».
[13]- Lafont, R. : Pour retousser la diglossie.- Montpellier, Lengas, n° 15, Université Paul Valéry, 1984 : 7.- p.p. 36-44.
[14]- Gardy, Philippe et Lafont, Robert : 1981.- p.77.
[15]- Gardy, Philippe et Lafont, Robert : Ibid.
[16]- Philippe Gardy et Robert Lafont : Ibid.
[17]- Laroussi, F. (dir. de) : Linguistique et anthropologie.- Cahiers de Linguistique Sociale, Université de Rouen, 1996.- Collection Bilan et perspectives.
[18]- Moatassime, A. : Le bilinguisme sauvage, blocage linguistique, sous développement et coopération hypothétique, l'exemple maghrébin.- Paris, Tiers-Monde, éducation et développement, tome XV, 1974.- p.p. 619-670.
[19]- Sapir, E. : Linguistique.- Paris, Minuit, 1968 : 65.
[20]- Laroussi, F. (dir. de) : Op. cité.- 1996.
[21]- Lafont, R. : Op. cité.- 1984 : 7-8, p.p. 36-44.
[22]- Marcellesi, J. B. : De la crise de la linguistique à la linguistique de la crise : la sociolinguistique.- Paris, La Pensée, n° 209, Institut de Recherches Marxistes, 1980 : 15. - p.p. 4-21.
[23]- Boyer, H. : 1996 : 93
[24]- Laroussi, F. : L’alternance de codes arabe dialectal-français: étude de quelques situations dans la ville de Sfax (Tunisie).- Thèse de Doctorat, Université de Rouen, 1991.
[25]- Marçais, W. : Op. cité.
[26]- Blachère, R. : Grammaire de l'arabe classique.- Paris, Maisonneuve et Larose, 1975.
[27]- Garmadi, S. : Quelques faits de contact linguistique franco-arabe en Tunisie. - Tunis, Revue Tunisienne des Sciences Sociales, n° 8, Publications du CERES, 1966. - p.p. 23-43.
[28]- Garmadi, S. : La situation linguistique actuelle en Tunisie».- Tunis, Revue Tunisienne des Sciences Sociales, n° 13, Publication du CERES, 1968.- p.p. 13-24.
[29]- Marcellesi, J.-B. : Bilinguisme, diglossie, Hégémonie : problèmes et tâches.- Paris, Langages, n° 61, Larousse, 1981 : 8.- p.p. 5-11.
[30]- Lafont, R. : Quatre propositions pour l'analyse praxématique de la diglossie (et du texte diglossique).- Montpellier, Dans Cahiers de praxématique, n° 5, Université Paul Valéry, 1985 : 121.- p.p. 7-17.
[31]- Lafont : Ibid.
[32]- Lafont, R. : La diglossie en pays occitan ou le réel occulté.- München, Bildung und Ausbildung in der Romania, 1979: 38.- p.p. 504-512.
[33]- Siblot, P. : De l’actualisation du nom propre.- Modèles linguistiques, tome XV, Fascicule 2, 1994.- p.p. 69-84.
[34]- Lafont, R. : Op. cité.- 1978.
[35]- Laroussi, F. (dir. de) : Op. cité.- 1996.
[36]- Chaïb, M. : Al-'arabiyya al-wusta (l'arabe intermédiaire).- Tunis, Revue Tunisienne des Sciences Sociales, n° 46, Publication du CERES, 1976.- p.p. 47-66 (texte en arabe).
[37]- Taleb-Ibrahimi, Kh. : Les Algériens et leur (s) langues. Eléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne.- Alger, Les Editions El Hikma, 1994.
[38]- Baccouche, T. : Hal al-fusha wa-addarija lugataïn ? (l'arabe littéraire et l'arabe dialectal sont-ils deux langues ?).- Tunis, Revue Tunisienne des Sciences Sociales, n° 100, Publication du CERES, 1990 : 90.- p.p. 80-93.
[39]- Baccouche, T.: Ibid.- 1990.- p. 93.
[40]- Marcellesi et Gardin : 1974.- p. 85.
[41]- Calvet, L. J. : Linguistique et Colonialisme.- Paris, Payot, 1974.- p. 47.
[42]- Ben Achour, Y. : Les implications politiques du problème linguistique au Maghreb. - Paris, La Pensée, n° 303, IRM, 1995.- p.p. 93-102.
[43]- Balegh, H. : Proverbes tunisiens.- Tunis, Editions La presse, 1998.- p.p. 7-8, Tome 3.
[44]- « Taht Essour» est un cercle d’intellectuels tunisiens, en particulier d’écrivains qui avaient adopté presque tous l’arabe tunisien comme langue principale de leurs créations artistiques. Le plus connu parmi eux est incontestablement Ali Douagi.
[45]- Balegh, H. : Op. cité.
[46]- Lafont, R. : Op. cité.- 1984 : 7-8.- p.p. 36-44
[47]- Ferguson : 1959.
[48]- Laroussi, F. (dir. de) : Minoration linguistique au Maghreb.- Cahiers de Linguistique Sociale, n° 22, Université de Rouen, 1993.
- Laroussi, F. (dir. de) : Plurilinguisme et identités au Maghreb, Publication de l’Université de Rouen, 1997.
[49]- Moatassime, A. : Op. cité.
[50]- Kremnitz, G. : Op. cité.- 1981 : 66.- p.p. 63-74.
[51]- Kremnitz, G. : Ibid.
[52]- Laroussi, F. (dir. de) : Op. cité.- 1997.