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Cultures Populaires et Culture Nationale en Algérie (Sous la direction de : Abderrezak Dourari).- Paris, CEFRESS, Université Picardie, Ed. L’Harmattan, 2002.- 251 pages.

L’ouvrage que nous présentons ici reprend les actes du colloque national, tenu du 20 au 22 novembre 1999 à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, sur le thème de «La place des formes d’expression populaire dans la définition d’une culture nationale».

Cette rencontre a été initiée par le groupe de recherche en ethnosémiotique et sociolinguistique (GRESL) du département des langues étrangères de l’université de Tizi-Ouzou, et a regroupé des chercheurs nationaux dans diverses disciplines de sciences sociales exerçant en Algérie et en France. Les participants se sont intéressés selon A. Dourari (responsable du GRESL et coordinateur du colloque) à «la complexité du paysage culturel de l’Algérie contemporaine» et ce en optant pour «la dialectique de l’un et du multiple… plutôt que pour le singulier et le pluriel» et en interrogeant «les dynamiques sociales, voire sociétales, qui ont structuré dans la longue durée historique, la formation sociale algérienne».

Cet ouvrage comprend par ailleurs une introduction signée par Nadir Marouf et est structuré en trois parties ayant pour intitulés respectifs :

-   Sculpture des signes ou l’immuable sacré (5 contributions)

  • Les rituels du corps et de la parole (7 contributions)
  • Culture et politique (3 contributions).

Dans «identité culturelle et identité nationale en Algérie et au Maghreb», Nadir Marouf puise dans la socio-anthropologie et l’histoire comparative entre le Maghreb et l’Europe, la France notamment et son modèle jacobin, pour pister l’émergence de ce qui peut en Algérie relever du national et faire remarquer que: «les aspects irruptifs ou éruptifs de l’identitaire signalent – sous réserve d’inventaire – que si cela résulte des effets pervers de la centralité étatique, il semble que la question cardinale à traiter dans l’Algérie d’aujourd’hui et de demain, et qui constitue un enjeu réel de société, c’est le partage des prérogatives entre le Centre et la collectivité territoriale, c’est le fonctionnement réel, c’est-à-dire autonome, de la démocratie locale, c’est le statut de la communauté face à l’Etat».

Dans la première partie de l’ouvrage, Samira Belchlaghem s’intéresse à «la trace du sacré dans le signe maghrébin» en traitant de la réadaptation profane de la sourate coranique « youcef » par deux poètes, l’un en « malhoun » et l’autre en « chaabi », et Dalila Arezki à « la transe: langage du corps et nœud de sens», la transe constituant un rituel thérapeutique surtout féminin et qui vise à travers un «retour aux sources des mythes qui ont bercé l’enfance… l’obtention d’un pardon pour d’éventuelles transgression de l’interdit» tout en laissant d’ailleurs «une grande place au ludique».

Dans «stèles funéraires et rites ancestraux. Déambulation ethnosémiologique dans les nécropoles du Dahra», Djamila Saadi – Mokrane, nous décrit des stèles funéraires faites en bois de pin (‘ar‘ar) et sculptés de signes géométriques rappelant les tatouages et les poteries berbères, voire les coffres traditionnels dont la filiation punique n’est pas à écarter. La complexité du déchiffrage de ces symboles est réelle, et on a cru pouvoir pour certains retrouver des représentations stylisées de la déesse carthaginoise Tanit, ou du dieu Bélier Ammon, voire des référents judaïques, l’ensemble pouvant cependant être interprété selon le symbolisme méditerranéen et universel, et exprimer le rapport anthropologique à la mort et aux angoisses qu’elle suscite chez les vivants.

Fatima-Zohra Nedjaï aborde quant à elle, à travers une étude socio-linguistique, «les noms d’animaux stigmatisés dans les locutions et proverbes algériens», en arabe dialectal et en kabyle (l’âne, le chien, le sanglier, la souris, le chacal, le serpent…)

Pour clôturer cette première partie Mohamed Lakhdar Maougal, aborde «Les valeurs normatives et les présupposés culturels» en abordant la question des «constantes qui fondent la nation». Il y décèle un «subterfuge politique (qui) se pose comme une référence axiomatique et partant indémontrable, indiscutable, bien qu’il fût contraint à connaître des formes d’ajustement imposées par la lutte politico-idéologique elle-même» et nous aide à mettre le doigt sur quelques dérives (y compris de l’ordre de la superstition), qui ont conduit la société «à aller à contre – courant de l’histoire».

C’est une problématique similaire qu’aborde d’ailleurs dans la deuxième partie de l’ouvrage Abderrezak Dourari qui nous propose un «essai d’une sémiotique sociale» dans une communication dont l’intitulé est: «Modalité d’être au monde et dialectique de l’un et du multiple dans les expressions culturelles de la société algérienne». Il y fait notamment le constat «que le domaine de la culture comme celui de l’identité, ont été mythifiés dans notre société après avoir été soumis à l’impensé à tel point qu’on les a classés comme des domaines impensables (Mohammed Arkoun)».

Dans cette même partie Bouteldja Riche traite du «théâtre populaire algérien entre les deux guerres», Chérif Siri de «l’humour national… subversif» chez Fellag, Farouk Bouhadiba (en anglais) d’observations sur l’usage linguistique, la culture et l’identité (à partir d’items lexicaux usités par des locuteurs en arabe algérien), Assia Lounici de la «gestion du plurilinguisme» et du «processus de création / diffusion des représentations» (en s’appuyant sur la presse écrite d’expression française et la télévision), tandis que Halima Belhandouz et Dalila Morsly jettent un regard sur l’école, la première à propos de «savoir et rapports au savoir des femmes dans le système éducatif algérien», et la seconde en traitant «des instituteurs algériens et de leurs langues. Représentations linguistiques».

La troisième et dernière partie de cet ouvrage est composée enfin de trois exposés en arabe; le premier de Abdelhamid Bourayou aborde la question de «la culture et de la personnalité nationale dans la littérature populaire», le deuxième avec Abdelwahed Chérifi nous renvoie à notre patrimoine arabo-islamique en traitant de «la politique et le social dans les mille et une nuits», et le dernier enfin avec Salim Khiat, à notre dimension africaine revisitée à travers «le diwân de Sidi Blel: la mémoire contre l’oubli».

Les différents textes qui composent cette publication sont en fait riches d’éclairages à propos de la brûlante question de la culture et de la langue en Algérie et de leur relation aux débats sur le global et le local, le central et le périphérique, ou encore le national et le populaire, montrant comment la frontière entre ces différentes catégories, relève le plus souvent de la représentation, de l’idéologique et de l’arbitraire du politique.

On pourra d’ailleurs retrouver des problématiques assez similaires développées dans différentes livraisons d’Insaniyat dont on ne citera ici que les deux dernières qui traitent respectivement de «acteurs et représentations du local» (n° 16), et de «langues et société» (n° 17-18). Il ne nous reste plus qu’a souhaiter qu’un tel ouvrage publié en France à l’initiative du CEFRESS et de l’université de Picardie puisse tout naturellement être édité aussi en Algérie même, et à l’initiative par exemple de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou à laquelle appartient le groupe de recherche organisateur du colloque.

auteur

Hassan Remaoun

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