Autour du projet ‘‘Observatoire: population et environnement de l’écosystème oasien’’, signé entre le CEFRESS d’Amiens et le CRASC d’Oran avec la collaboration de l’université d’Es-Sénia- Oran, dans le cadre du Comité mixte d’évaluation des programmes de recherche algéro-français, ont été exposés les résultats de quatre années de recherche portant sur le Touat et le Gourara dans la wilaya d’Adrar. Aux textes, cartes et films vidéos présentés par les membres des deux équipes engagées, d’autres chercheurs travaillant sur les espaces sahariens ont pleinement participé aux travaux.
Lors de l’ouverture de la rencontre, Nadir Marouf, responsable de l’équipe d’Amiens, a fait état des colloques organisés par le Centre de recherche en anthropologie et en sciences sociales d’Oran en 1986 et 1996 à Adrar et ce, à la demande des collectivités locales. C’est dans ce cheminement, qu’a été pensée la problématique de ce projet de recherche. Aussi, a-t-il résumé l’origine, les objectifs et les demandes scientifiques attendues par des autorités locales préoccupées par les rapports entre l’eau et la nouvelle mise en valeur agricole lancée au début des années 1980 et leurs implications éventuelles sur l’agriculture des palmeraies traditionnelles. B. Kalaora de l’université de Picardie, a rendu compte de la journée de réflexion concernant ‘‘le désert: de l’écologie du divin au développement durable’’, organisée récemment à Amiens.
Durant la première séance intitulée ‘‘Diversité du paysage oasien’’, les deux équipes qui ont tenu à dresser une sorte d’état des lieux de la recherche en zone aride – action indispensable après une rupture d’accès au terrain algérien imposée aux chercheurs étrangers durant une décennie – ont invité quelques enseignants chercheurs à présenter leurs résultats récents. Marc Cote, de l’université de Provence, a relevé le renouveau de l’agriculture saharienne dans les différents pays du Nord de l’Afrique (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Egypte). En tentant une comparaison des possibilités de développement agricole entre ces différents pays, se basant sur les critères des moyens publics, des disponibilités locales en eau et du savoir-faire paysan, il a fait ressortir l’importance des petites mises en valeur qui alimentent en produits agricoles certaines petites villes sahariennes. Jacques Fontaine, de l’université de Franche-Comté, qui s’est penché sur l’évolution de la population de la wilaya d’Adrar entre 1954 et 1998, a dégagé les espaces de forte croissance démographique (wilaya de Tamanrasset, Zone du pétrole...) et ceux de moindre croît démographique comme le Gourara. Les cartes élaborées ont permis de visualiser les flux de départ et d’arrivée, tout en relevant le solde migratoire négatif de la wilaya d’Adrar. Jean Bisson, de l’université de Tours, a abordé le sujet des dynamiques agricoles au Sahara liées à la sédentarisation des nomades, en insistant sur l’expérience tunisienne dans laquelle plus que l’Etat, ce sont des nomades qui, en s’organisant d’une façon informelle pour rendre ‘légales’ des actions foncières illégales, ont fini par créer une petite économie marchande basée sur la vente locale de la luzerne. Dalal Benbabaali, doctorante à l’université de Paris 1, a abordé la gestion de l’eau dans l’oasis syrienne de Palmyre; cette eau était gérée collectivement par les paysans. Toutefois, le tarissement des sources, l’allocation foncière d’un secteur proche faite par l’Etat au profit d’une entreprise touristique européenne et la multiplication de puits privés ont entraîné l’intervention des pouvoirs publics qui ont fini par financer la réalisation d’une station de pompage et facilité de ce fait, le retour à la gestion collective de l’eau.
Sous le titre de ‘‘Travaux de l’Observatoire environnement, population’’, la seconde séance a été inaugurée par Abed Bendjelid, responsable de l’équipe algérienne. En évoquant délibérément les exploitations agricoles de mise en valeur, nées de la loi dite de l’Accession à la propriété foncière agricole de 1983, l’intervenant a relevé que le cinquième des 25 000 exploitations de la wilaya d’Adrar sont classées comme telles. Dans le détail, moins du quart des terres attribuées par l’Etat au profit des grandes exploitations et moins de la moitié de celles affectées aux petites exploitations agricoles n’ont pas été, réellement, mises en valeur. Bien plus, l’imposante aide apportée par l’Etat par le biais du Plan national de développement agricole est au centre d’enjeux financiers et fonciers entre les différents acteurs de l’économie locale.
Les travaux des cinq membres de l’équipe algérienne, qui n’ont pu se déplacer pour des raisons de retard administratif des dossiers transmis, ont fait l’objet de brefs ‘‘comptes rendus des enquêtes réalisées par l’équipe du CRASC dans le cadre de l’Observatoire: population, environnement de l’écosystème oasien (wilaya d’Adrar)’’ de la part du chef de projet algérien. Les présentations, les textes et cartes distribués aux participants ont donné lieu à une série de questions portant sur les sujets abordés par Sid Ahmed Bellal (‘Exploitation des eaux souterraines dans la région du Touat et du Gourara’), Ouassini Dari (‘La dégradation de l’environnement dans le Touat et le Gourara’), Mohamed Hadeid (‘Niveaux d’équipement des ksour du Touat’), Sidi Mohamed Trache (‘Structures commerciales et modes de consommation à Adrar’) et Abdellah Messahel (‘Nuptialité et changement social dans la wilaya d’Adrar’).
Thierry Roche et Nadir Marouf ont commenté le second film documentaire, réalisé dans le Touat lors de la mission effectuée en avril 2002, dont le sujet se rapporte aux techniques d’irrigation utilisées dans différents types d’exploitations nées de la mise en valeur dans les communes de Sali, In-Zeghmir et Zaouiet-Kounta; dans le film, la parole a été longuement donnée aux agriculteurs locaux.
Le sous-thème social et culturel a été abordé par Chafika Marouf Dib à travers une communication ‘Femmes, travail et politique: récit de vie d’une oasienne du Touat’. La vie de cette femme, enregistrée sur un film vidéo, a permis à l’assistance de se faire une idée sur la lutte militante de cette femme vivant dans une société dominée par le patriarcat. Enfin, un débat général a enrichi le contenu des deux séances du colloque et a permis d’entrevoir une future collaboration scientifique entre les membres des équipes française et algérienne.
auteur
Abed Bendjelid