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NAQD, Migrants, Migrance, El Harga, N° 26-27, Alger, 2009

Dans son dernier double, la revue (site web http://www.revue-naqd.org) examine le phénomène migratoire, notamment, dans l’espace euro-méditerranéen, à travers la présentation de vingt deux contributions dont deux en langue arabe. Les processus migratoires, leurs représentations, et le discours académique qui les sous-tend, constituent l’essentiel de la réflexion développée dans ses quatre cent vingt-quatre pages qui structurent cette édition. Par ses différentes facettes, cette thématique, interpelle les individus, groupes et institutions nationales et transnationales, et s’inscrit dans un champ pluridisciplinaire. En prélude, l’article d’Etienne Balibar, traduit en langue arabe, s’interroge sur le sens de la frontière dans l’actuel monde qui connaît des changements notables dans le contexte de la mondialisation. L’auteur étudie, en particulier l’expérience de Schengen, et sans qu’il prétende à une définition simple de la frontière, préconise, à l’inverse, la nécessité de complexifier les choses et les concepts afin d’appréhender cet univers instable, dont les contours nationaux se diluent progressivement.

Cette démarche peut être extrapolée aux autres études sur la migration auxquelles s’est intéressée la revue. Ainsi, on peut se demander si un individu qui quitterait une frontière, licitement ou illicitement, pour s’installer dans un autre espace, serait-t-il acteur ou victime ? En tant que tel, le migrant est, généralement, catalogué comme réfugié économique, réfugié politique, migrant illégal (Emmanuel Terray), clandestin ou sans-papiers (Ange Bergson Lendja Ngnemzué). Pour Aïssa Kadri (Institut Maghreb-Europe de Paris VIII), une nouvelle forme migratoire se manifeste, celle qui touche le genre féminin. Les notions d’exil, immigration, émigration, exode et el harga mettent en exergue, non seulement leur inéluctable définition, mais aussi des schémas explicatifs, c’est-à-dire les causes de ce phénomène.

Parmi les paradigmes proposés, retenons celui-ci : « Des paysans ou des citadins pauvres, mais qui  peuvent espérer améliorer leur condition par leur travail, ne partent pas. Ce qui entraîne le départ, c’est l’existence d’une société bloquée ou verrouillée, dans laquelle aucune initiative n’a chance d’aboutir. Dépassant l’explication économiste simpliste, pour ne pas dire la justification, qui consiste à dire par exemple que seules les conditions matérielles, dégradées, de la vie poussent les individus à el harga, Ange Bergson Lendja, politologue émérite de l’université de Paris X, nous rappelle que les dimensions politique et sociologique sont, peut-être, plus déterminantes dans la constitution de ce phénomène.

Dans ce cas, on peut dire que celles-ci reflèteraient une certaine coupure culturelle qui serait à l’origine de ce phénomène chez les populations concernées. Sans négliger, toutefois, la dimension économique dans l’émergence d’el harga, celle-ci serait justifiée par l’apparente contradiction entre un modèle de société moderniste à construire, et le modèle traditionnel en voie d’extinction, voire perdu. Par conséquent, l’individu ne se reconnaît plus dans son vécu et se crée, l’illusion d’un Eden qui ne se trouve que chez l’Autre. D’un côté, il y a la perte de son identité et référentiels, et de l’autre, la non acquisition de l’alternative édénisée. Dans ce contexte, des mouvements de populations dans le sens Sud-Nord, avec des formes et des répercussions humaines parfois inattendues, ont été décryptés et décrits et ce, afin de mettre en évidence une réalité plus nuancée, fragile et complexe.

Pour conclure, citons le cas de l’Italie où les flux migratoires étudiés, ont mis en exergue une forme d’immigration subsaharienne, qui bien que temporaire, est mal acceptée par les populations. Léonardo Palmisano a relevé chez celles-ci, des manifestations et des représentations, reflétant des variantes d’intolérance, de racisme et d’images caricaturales… vis-à-vis des immigrés. Paradoxalement, ces manifestations et représentations se retrouvent, également, chez les populations d’émigrées. A ce propos, rappelons le drame que la ville d’Oran a vécu, en 2006, résultant d’une banale bagarre, à l’origine, entre un Algérien et un Africain, et qui a été utilisé comme argument pour ‘nettoyer’ le centre-ville,  le lendemain de l’incident, de tout black qui y résidait. 

NAQD a le mérite d’avoir essayé d’aborder ces phénomènes afin d’en apporter un éclairage sur leur réalité. L’exploitation des statistiques, même partielles tels que le nombre de 9470 personnes qui ont péri dans la Méditerranée entre 1988 et 2009, ou des indications ponctuelles sur les catégories ou sous-catégories socioprofessionnelles prétendant à l’émigration, revêt tout l’intérêt de l’approche empirique, seule démarche permettant la production de données portant sur des situations hétéroclites géographiquement et sociologiquement. Qu’il s’agisse de questionnements sur les Africains du Sud, Méditerranéens, Afghans, voire Ouzbèks, toutes ces études ont été faites, à travers cette modalité méthodologique féconde dans l’état actuel des connaissances sur ces phénomènes transnationaux. L’apport de cette édition est de tenter d’allier le local et l’international, le ponctuel et le général du phénomène, comme elle a l’avantage de remettre en cause certaines de nos certitudes, comme il en produit d’autres.

Ahmed YALAOUI

 

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