L’architecture est présentée au centre de la problématique du commerce urbain, comme un élément actif du choix des clients. Thierry Paquot (pro)pose l’exploration du sens du mot commerce qui renvoie à celui du négoce pour revoir les analyses basées sur l’idée de la consommation de masse. Si le thème du commerce motive ce numéro, c’est bien parce que de plus en plus d’études montrent l’intérêt à reconsidérer les visions ancrées du consommateur qui consistent à le généraliser. En même temps, tandis que le commerçant devient le distributeur, le client devient le consommateur voire le chaland dont les tendances sont aux pérégrinations en direction plutôt vers la périphérie (René Paul Desse). Une vision nouvelle et du consommateur et du commerçant (Nicolas Harpin) anime donc le débat autour des questions de l’organisation spatiale en reconsidérant la fixation du concept de concurrence pour le substituer par celui de complémentarité. L’observation de la période de démocratisation à partir des années 70, montre la progression des flux qui caractérisaient les mouvements entre le centre et la périphérie. L’inversion s’est traduite par des complexifications des mouvements menant les pouvoirs publics et politiques à légiférer pour canaliser la croissance et générer un équilibre consensuel dans les comportements d’utilisation de l’espace. La prolifération du commerce en périphérie a forcé celui du centre à trouver de nouvelles spécificités pour pallier la récurrence des problèmes du prix du plancher commercial, l’accessibilité, la livraison et la sécurité (Alain Metton). L’argument de l’hypermobilité du consommateur dans le temps et dans l’espace pour remettre en cause l’opposition centre/périphérie, mène à adopter de nouvelles stratégies d’enseignes qui tiennent compte des diverses significations accordées aux différents types de commerce (Sophie Lestrade). Le temps consacré aux courses est lui aussi un critère de stratégies de localisation associant les lieux de commerce et de transit d’une société de plus en plus nomade. Le train, le téléphone mobile accentuent cette révolution de la consommation pour clore le débat désormais obsolète opposant centre et périphérie (François Bellanger). De nouveaux modes de consommation sont en effet à intégrer dans la programmation urbaine et la conception architecturale qui ne correspondent plus à une étape bien délimitée. Le contexte est mouvant et combine les aptitudes de proximité et de sortie (Ariella Masboungi, Alain Bourdin, François Moyal). C’est ainsi que le centre commercial de troisième génération à vocation internationale, institue pour sa réalisation un esprit de concertation à l’échelle régionale. La réflexion se particularise autour des préoccupations majeures que sont les accès, les enseignes, l’architecture, le multiservice et le projet urbain (Anne Fournié).
Au terme d’une enquête sur les quartiers sensibles apparaissent les difficultés à maintenir un tissu commercial. «C’est pourquoi, moins qu’ailleurs, le développement commercial ne peut être conçu, dans ces zones, hors de projets urbains plus globaux» (Antoine Loubière).
Par ailleurs, à travers l’observation des cultures nord américaine et russe, deux cas de figure concernés par Toronto (Florence Smits) et Moscou (Nathalie Lemarchand), illustrent les différentes adaptations selon les transformations en rapport à des contextes particuliers.
Aux marges du dossier, d’une part un hommage est rendu à Bernard Huet récemment disparu, et d’autre part Françoise Dubost est pour notre grand plaisir une invitée idéale pour prendre une leçon autant de savoir que de modestie, sur l’anthropologie des jardins ouvriers, du patrimoine rural etc.
auteur
Ammara Bekkouche