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Actes de la Recherche en Sciences Sociales, N° 173, juin 2008. Sous le titre « Pacifier et Punir (I) », ce numéro est consacré aux crimes de guerre et à l’ordre juridique international

Dans le prologue de la rédaction, Jérôme Bourdieu, Sar Dezalay et Franck Poupeau avertissent que ce sont « les processus sociaux de qualification juridique et politique des crimes de guerre » qui sont pris en compte. Il s’agit donc, d’un point de vue méthodologique, de réfléchir sur  l’élaboration historique de la notion de crime de guerre « comme produit de la genèse multiforme d’un ordre juridique international de gestion par le Nord des violences du Sud ». Une telle réflexion ne pouvait que mobiliser les compétences de juristes et criminologues tels John  Hagan et Ron Levi pour « Penser les crimes de guerre » en passant en revue les formes institutionnelles chargées de la gestion des « crimes de guerre », non sans omettre de les mettre en corrélation avec la complexité des enjeux politiques et sociaux du moment. Les auteurs insistent sur l’autonomie de ces espaces institutionnels et soulignent leur impact sur l’émergence de nouvelles représentations des « crimes de guerre » auprès des individus. La possibilité de saisir par exemple le TPI permet de ne plus considérer les crimes de guerre comme une fatalité à inscrire dans la banalité des guerres. Mais les choses sont un peu plus compliquées comme le montre Kim Lane Scheppele en étudiant « Le droit de la sécurité internationale : le terrorisme et l’empire sécuritaire de l’après 11 septembre 2001 ». Le champ de la lutte menée contre le terrorisme, par le nouvel ordre impérial (les Etats Unis et leurs alliés) est situé en périphérie, dans les pays porteurs de cette menace. Du coup, nous assistons à ce paradoxe que la guerre contre le terrorisme est une guerre indirecte qui se déroule à l’intérieur des Etats périphériques et non une guerre entre les Etats. Une telle situation n’est donc plus du ressort du droit de la guerre mais du droit de l’état d’urgence.

Précisément, aux Etats Unis, le débat académique s’est emparé des questions soulevées par « les interventions armées et juridiques  pour gérer les violences du Sud ». Sara Dezalay en rend compte dans « Crimes de guerre et politiques impériales » à travers une série de portraits de personnalités engagées soit dans la critique de la politique menée par Bush en Irak, soit dans la dénonciation du « génocide » du Darfour. Les arguments avancés  par les uns et les autres attestent de la dynamique du processus de « judiciarisation »  des conflits.

Sanja Kutnjak Ivkovich et John Hagan se sont intéressés à « la politique de punition et le siège de Sarajevo » à travers deux enquêtes sur le TPIY réalisées à Sarajevo en 2000 et 2003. Elles révèlent les perceptions diffuses et les doutes que les enquêtés n’ont pas manqué d’émettre quant à l’impartialité des juges du TPIY. L’exemple de la condamnation à 20 ans de prison pour Stanilas Galic a ému la population de Sarajevo. En filigrane se pose le conflit relatif au choix de compétence entre le TPIY et les cours locales. La nouvelle cour de Bosnie-Herzégovine, composée de juges nationaux et internationaux se voudrait la solution médiane, allant dans le sens du « rétablissement d’un certain sens de souveraineté ».

En appelant « Aux armes ! » Karten Angles s’intéresse aux droits des femmes dans un contexte d’intervention humanitaire. Le débat est né aux Etats Unis, à propos de la Bosnie et de l’Afghanistan et plus récemment du Darfour. Dans quelle mesure, le recours à la force armée, contribue-t-il à prévenir les atteintes aux droits de l’homme (viols, génocides) et à assurer une protection aux populations civiles?

Le dernier  article est consacré à « La cause de la compétence universelle ». Julien Serousi rappelle le cas Pinochet, dont l’arrestation survient en 1998 à Londres, à la demande d’un juge espagnol. Usant de ce principe de compétence universelle, de nombreuses parties militantes des droits de l’homme ont déposé auprès du tribunal de Bruxelles « plus de 30 plaintes contre presque autant de chefs d’Etat entre 2001-2003 ». Deux affaires font contribuer à l’implosion de la mobilisation internationale. L’affaire Hissene Habré, ancien dictateur du Tchad et l’affaire Ariel Sharon, ancien premier israélien. Partagés entre défenseurs de « la légitimité de la communauté internationale » et ceux de « la légitimité de la démocratie nationale », le principe de la cause de la compétence universelle a subi un sérieux revers, et n’a pas su faire face aux pressions des différents Etats impliqués.

Ce numéro n’est que la première partie de cette réflexion sur « les crimes de guerres » comme objet sociologique.

Tous ces articles, y compris la note de lecture critique ont été traduits de l’anglais.

auteur

Ouanassa SIARI-TENGOUR

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