Sélectionnez votre langue

NAQD, Revue D’études Et De Critique Sociale, Numéro 25 (Automne/Hiver) Sous Le Titre « Corruption & Prédation » Ou « El Nab Oua El Fassad », 238 Pages, Alger, 2008

La revue s’intéresse à l’un des thèmes d’actualité, à dimensions multiple et complexe : la corruption. Tout en transcendant l’analyse moralisante, l’historien Daho Djerbal, situe le phénomène lorsqu’il constate que : « […] la corruption ne connaît de frontières ni politiques ni idéologiques, seules ses expressions et sa conception varient dans le temps et l’espace. »  Indéniablement, celle-ci touche la plupart des pays, y compris l’Algérie. Ainsi, ses différents aspects, juridiques, institutionnels, socio-économiques, voire politiques, font l’objet de décryptage des treize articles constituant ce numéro ; neuf de ces derniers sont en langue française.

La revue ouvre le débat par une typologie des pays postsoviétiques considérés par Anastassiya Zagaïnova (Grenoble) comme les plus corrompus, à partir desquels elle distingue quatre groupes de pays correspondant aux formes : endémique, bureaucratique, politique, enfin les pays vertueux englobant les sept Etats qui ont adhéré à l’Union Européenne, après la chute du mur de Berlin.

D’autres articles abordent les critères de mesure émis par des institutions internationales par lesquels, celles-ci classifient les différents pays selon le degré réel ou supposé de la corruption. Ils sont testés dans des cas précis tels que les pays émergents (Maroc, Algérie) ou développés (Italie, Russie).

Ainsi, les deux pays maghrébins ont fait l’objet de six contributions, trois chacun. Les techniques de l’évaluation, la fiabilité des indicateurs de mesure tels que l’indice de perception de la corruption (IPC) et le baromètre global de la corruption, seront examinés par Azeddine Akeski. Des enquêtes du Baromètre mondial de la corruption, en 2006, ont permis de mettre en exergue les secteurs les plus touchés, par la corruption, dans les 62 pays analysés, selon une échelle de 1 à 5. Le fait en question se propage dans des secteurs qui peuvent être répartis selon leur nature juridique (privé, public) ou celle des activités (secteur pétrolier en Russie, marchés publics, administration, défense, système judiciaire, partis politiques… en Algérie). Que ce soient les groupes sociaux, issus des hautes fonctions administratives ou politiques, selon Ihsane El Kadi (Algérie) ou de ce qu’appelle Abdel Aziz Nouayidi (Maroc) les rapports de clientélisme entre le pouvoir central et les différentes élites culturelles, politiques et sociales, tous utilisent la corruption comme support de recomposition sociale. Dans leur article collectif, « diffusion des mécanismes de lutte contre la corruption : vers de divers types de gouvernance », Béatrice Hibou et Mohammed Tozi reviennent sur les dispositions juridiques, comme moyens de lutte, ainsi que sur les contraintes sociales nouvelles auxquelles est confronté tout pouvoir central, lesquelles ont obligé ce dernier à céder des espaces dont il avait le monopole au profit de ce qu’il est appelé communément « société civile » dans ses formes moderne et traditionnelle.

Apparemment, pour les deux auteurs, une nouvelle perspective de gouverner tend à y émerger sous les pressions locales et internationales. De son côté, Mahmoud Belhimer revient sur un thème récurrent, à savoir l’échec de la presse algérienne face à la corruption. Par le biais d’un arsenal juridico-législatif, il établit le rapport conflictuel entre le pouvoir central et la presse « indépendante » datant des années quatre-vingt-dix. Même si l’auteur préconise l’autonomie de la presse, par rapport au pouvoir politique ; il serait légitime de se demander si les médias peuvent-ils l’être des autres pouvoirs, qu’ils soient financiers ou autres, en particulier, privés. Etant donné, aussi, la partialité de celle-ci dans les enjeux, elle s’est arrogée un rôle qui n’est pas le sien, c’est-à-dire devenir actrice, voire protagoniste, au lieu d’être observatrice. On pourrait justifier cet état par la faiblesse des institutions politiques ou administratives dont le rôle serait de gérer de tels dysfonctionnements.

En conclusion, il serait utile de revenir sur les concepts de prédation et corruption. La corruption a été traduite par el fassad, terme qui englobe des aspects de la vie sociale, lesquels sont couramment dénoncés par le discours religieux qui leur attribue une dimension morale. Alors que la corruption reste plutôt une catégorie juridique, une pratique illicite, définie par le droit comme un monopole d’un pouvoir détenu par une personne, généralement dans le secteur public, et exploité, directement ou indirectement , à des fins personnelles ; el fassad, par contre, ne correspond pas forcément à cette dernière. D’ailleurs, c’est ce qu’essaie de faire Rachid Sidi Boumedine lorsqu’il distingue la corruption qui s’inscrit dans une logique de « violer la loi » pour obtenir des avantages personnels  alors que la prédation, même si elle constitue transgressions et prélèvements illicites commis par des agents privés sur l’espace public, se différencie de la première par l’absence d’une complicité de celui ou celle qui détient le monopole d’un service public. En d’autres termes, celle-ci relève d’un rapport individuel ou d’un rapport de type communautaire (occupation d’un bien public par le fait accompli, sans aucune assise juridique)  à l’opposé de la corruption qui met en rapport, au minimum, deux personnes actives. Enfin, on peut y relever en outre, l’assertion qui voulait faire admettre que la corruption est, généralement, dénoncée dans le discours, mais cultivée dans la pratique quotidienne.

Enfin, cette édition a essayé de mettre en exergue la corruption que connaît notre pays, de la situer dans l’espace et de faire le point sur des modalités nous permettant d’évaluer son importance et ses formes. C’est tout le mérite de ce numéro.

Ahmed YALAOUI


Note

[1] Le premier numéro de Naqd  a vu le jour dans le dernier trimestre de 1991. En 19 ans d’existence, la revue a produit vingt-deux éditions, dont cinq sont doubles. Elle tire, actuellement 2000 exemplaires. Son rédacteur en chef est l’historien Daho Djerbal. Elle est publiée par la SARL, Société d’édition et d’animation scientifique et culturelle avec le concours du Centre National du Livre.

 

 

logo du crasc
insaniyat@ crasc.dz
C.R.A.S.C. B.P. 1955 El-M'Naouer Technopôle de l'USTO Bir El Djir 31000 Oran
+ 213 41 62 06 95
+ 213 41 62 07 03
+ 213 41 62 07 05
+ 213 41 62 07 11
+ 213 41 62 06 98
+ 213 41 62 07 04

Recherche