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Enquêter auprès d’enfants et de jeunes. Objets, méthodes et terrains de recherche en sciences sociales. Isabelle DANIC, Julie DELALANDE, Patrick RAYOU, Rennes, PUR, 2006, 216 pages

Les trois auteurs nous annoncent clairement l’objectif de leur livre et les motivations qui les ont poussés à l’écrire. Ils affirment que « Peu d’ouvrages francophones disent comment enquêter auprès des enfants ». Il « Est donc ambitieux : il pose les difficultés d’une réflexion sur l’enfance ». En fait à la suite de A. Van Haecht (1990)[1], on peut dire que si l’enfance n’est plus cette « terre inconnue du sociologue », elle reste néanmoins un objet assez peu appréhendé par les étudiants et les jeunes chercheurs. La spécificité de cette catégorie que sont les enfants fait que ce champ de recherche n’est pas encore très « familier » en sciences sociales. L’ouvrage est présenté comme un guide méthodologique dans la mesure où les auteurs s’appuient essentiellement sur leur expérience de chercheurs et de leurs enquêtes de terrain.

Deux parties composent l’ouvrage. Dans la première, intitulée « Construire objets et terrains de recherche », sont abordés les problèmes épistémologiques liés à l’enfance. De même que sont présentés les différents thèmes auxquels ils se sont intéressés pour appréhender leur objet commun.

Isabelle Danic nous fait part de ses analyses théoriques et des outils  méthodologiques qu’elle a utilisés pour travailler sur la socialisation de l’enfant au sein de la famille et de l’école. La recherche de Julie Delalande s’est focalisée sur les relations que les enfants développent avec leurs pairs soit dans la classe soit dans la cour de récréation.

Patrick Rayou, dont les ouvrages « La cité lycéenne » et « La grande école » portent respectivement sur les adolescents et les écoliers, nous livre un mode d’approche pour le moins original. C’est en effet grâce à « la construction de scénarios » que l’auteur recueille la parole et le discours de l’enfant.

Dans la deuxième partie intitulée « Questions et propositions méthodologiques », les auteurs rappellent que les questions méthodologiques ne sont jamais secondaires car « chargées de traduire une problématique en dispositifs d’enquête, elles organisent la confrontation du projet et du réel et contraignent à sortir du débat d’idées ».

Le premier chapitre : « Relation du chercheur aux enfants » se présente comme une mise en garde « contre les difficultés liées à l’objet d’étude ». Celles-ci peuvent se résumer à la question suivante : est-ce que le chercheur peut « faire confiance » à l’enfant ? Autrement dit, l’enfant a-il les capacités cognitives pour comprendre les questions du chercheur et y répondre ?

La parole de l’enfant est-elle « fiable » quand on sait qu’il peut « raconter des histoires » ou répéter ce qu’il a « entendu des grands » ? Dès lors que faut-il faire ?

 Des éléments de réponses articulés autour de « la proximité » et de « la confiance » qu’il faut accorder à l’enfant nécessitent certaines précautions méthodologiques, pas toujours faciles mettre en œuvre car « travailler comme chercheur auprès des enfants suppose de s’interroger sur la différence naturelle, sociale culturelle qui le sépare de son objet d’étude. Toute société élabore sa propre représentation de l’enfance et le travail du chercheur consiste non seulement à découvrir en quoi consiste cette représentation, mais aussi de s’en distancier… Aller à la recherche du point de vue des enfants suppose de concevoir qu’ils puissent en avoir un et nécessite de réunir les conditions favorables à sa découverte »(p. 96).

Les auteurs considèrent qu’une recherche sur l’enfance doit avoir comme préalable la prise en compte et le respect du point de vue de l’enfant en tant qu’acteur.

« Terrains », tel est donc le titre du deuxième chapitre ; son objectif est de « lever le voile » sur « les coulisses » des travaux cités plus haut que les auteurs ont voulu présenter comme des exemples significatifs. Chacun d’eux expose ses options théoriques, ses techniques d’investigation et de recueil des données tout en n’occultant pas les difficultés rencontrées et les solutions pas toujours pensées par avance. Si d’une manière générale, le terrain d’enquête reste l’école, c’est dans la cour de récréation et la salle de classe que se nouent les relations entre les enfants, entre l’enfant et adulte, entre l’élève et l’enseignant.

Parmi les techniques utilisées, J. Delalande utilise l’entretien approfondi auprès d’enfants de CE2 et de maternelle ; pour I. Danic, la photographie associée à l’entretien va constituer l’outil privilégié de recherche. Dans la recherche présentée par P. Rayou, le questionnaire recueille le point de vue des enfants après qu’ils aient pris connaissance d’un «scénario » d’une situation familière.

Ainsi, si les modes d’approche de l’objet de recherche et les outils méthodologiques ne semblent pas à première vue si spécifiques que cela, la recherche sur l’enfance invite le chercheur à une « posture » toute particulière. Dans une perspective constructiviste, la prise en compte des différentes expériences (scolaires et familiales) requiert proximité et distance, souplesse et respect de la spécificité enfantine.

En conclusion, nous avons lu un ouvrage d’un grand intérêt méthodologique et scientifique qui contribuera à familiariser les chercheurs avec un objet dont la complexité a généralement inspiré, soit le rejet, soit la prudence étriquée. Mais de manière très didactique, les auteurs se sont attachés à « lever le voile » sur tout le cheminement de leurs travaux afin que se développe « une socio anthropologie de l’enfance ».

Zoubida SENOUCI


Notes

[1] Van Haecht A., 1990, « L’enfant, terre inconnue du sociologue », Bulletin de l’AISLF, Bruxelles.

 

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