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Appels à contribution

Algérie 2019 : une société en mouvement (clos)

Coordonnateur : Amar Mohand Amer

Appel à contribution |

 

En réaction à la décision de Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat présidentiel, un mouvement politique et social, massif, pacifique, mobilise, depuis le 22 février 2019, des millions d’Algériens, sur l’ensemble du territoire national.

Le mouvement du 22 février constitue, tout d’abord, une contestation directe de cette décision. Celle-ci résulte d’une appréciation, par les pouvoirs publics, de la situation politique et sociale du pays, dans laquelle l’hypothèse d’un soulèvement ou révolte populaire serait écartée.

Rappelons dans ce sens, les travaux des sociologues, politologues et historiens, montrant que la perpétuation et la consolidation du système algérien s’expliquerait par une série de facteurs : sa résilience et sa capacité d’adaptation aux crises (L. Dris Ait Hamadouche, Ch., Dris, 2013), un discours« légitimant », promu par l’État et ses relais politiques et médiatiques, l’inanité des contre-pouvoirs en Algérie, la laborieuse et difficile émergence d’une culture citoyenne (M. Mebtoul, 2018), les appréhensions de la société à s’opposer à l’Etat sur le « terrain politique » (L. Addi, 2011) et la confiance dans le modèle rentier (A. Mohand-Amer, 2018), …

Aussi, le hirak est-il à analyser comme un marqueur politique et sociologique dans le rapport des Algériens avec leurs institutions et un fait politique s’inscrivant dans le processus des bouleversements/recompositions que vit l’Algérie depuis les événements d’octobre 1988 (A. El Kenz, 1991 ; M’h. Boukhobza, 1991) et d’une manière plus générale, dans les pays du Maghreb et le Monde arabe, depuis 2011.

Par ailleurs, la nouvelle situation politique et sociale en Algérie dévoile, à l’exemple des soulèvements populaires et mouvements de contestation dans la région, la fragilité de l’État et ses institutions. Elle révèle une réalité, que l’on connait mieux depuis 2011, celle de régimes forts en « apparence » (M. Camau et F. Vairel, 2014).

Le hirak est donc un moment politique révélateur d’une forte dynamique de mobilisation sociale qui mérite d’être étudiée sous le prisme des sciences sociales, en convoquant les outils d’analyse des mouvements sociaux. En effet, c’est en tant que mouvement social, compris dans le sens d’une « forme d'action collective concertée en faveur d'une cause » (D. Le Saout, 1999), que ce numéro propose d’aborder les questions relatives à cette mobilisation sociale.

À partir de cette optique, force est de constater que le hirak offre aux chercheurs des sciences sociales, l’occasion d’interroger les rapports des citoyens au pouvoir et les formes de contestation, de mobilisation et d’engagement. À titre d’exemple, les stades, les images, l’art, la musique engagée « en colère » (Ch. Traïni, 2008), ont concouru au renforcement et à la consolidation d’une contestation politique et sociale pour le changement, donnant ainsi sens à une action collective inédite dans l’histoire de l’Algérie indépendante.

Les observations préliminaires et empiriques du hirak algérien[1] suggèrent que des modalités et des principes tacites semblent structurer ce mouvement : le caractère pacifique (silmiya) et solidaire des marches et rassemblements, le rejet de toute forme de récupération politique ou partisane, la convocation de l’histoire, en particulier la Guerre de libération nationale (Appel du 1er novembre 1954, Plate-forme de la Soummam, …), le refus de toute ingérence internationale et la revendication d’un Etat de droit, …

L’occupation par des millions de manifestants des espaces publics, et dans la durée, renseigne sur ce qu’appellent Alban Bensa et Eric Fassin une « rupture d’intelligibilité ». Les facteurs déclencheurs du hirak et la logique de son déploiement et permanence, demeurent encore méconnus, bien que de nombreuses études, débats académiques et analyses politiques aient mis en garde, après 2011, contre une réalité politique et sociale, annonciatrice de troubles et d’instabilité (K. Direche, 2019 ; L. Addi, 2017 ; L. Baamara, 2016, N. Belakhdar, 2015, N. Djabi, 2012 ; B. Benzenine, N. Boumaza et Ahmed Yalaoui, 2012, …).

C’est dans une perspective sociologique, anthropologique et historique que Insaniyat, la revue du CRASC, lance un appel à contributions, pour un numéro autour de problématiques rendant compte de l’articulation avec les sciences humaines et sociales du hirak algérien. Ce numéro s’inscrit en continuité avec les publications antérieures de Insaniyat sur les mouvements sociaux, en 1999 (Mouvements sociaux, mouvements associatifs) et en 2012, sur les transformations de la société algérienne (Algérie, 50 ans après l’indépendance (1962-2012). Permanences et changements).

Dans cette édition de Insaniyat, il s’agit de dégager des enseignements par rapport à l’« originalité », réelle ou supposée, de cette « révolution » citoyenne (par exemple, rupture avec les formes de protestation mue par la violence, ouverture d’un débat multiforme : forums permanents dans les villes, les universités et les réseaux sociaux, …) et d’analyser ce que ce mouvement révèle et permet de comprendre des transformations de la société algérienne à l’aune de l’émergence du « Peuple » comme acteur politique et social.

Il est question également, dans ce numéro, de revenir sur des objets tels que la rupture générationnelle, la redéfinition du lien social, les limites d’un « contrat social » hérité de l’indépendance nationale

In fine, ce numéro ambitionne de réfléchir sur le hirak, à partir des conditions de sa constitution, son organisation, ses répertoires d’actions, ses actions collectives et individuelles, des processus de recompositions politiques qu’il engage (M. Camau et F. Vairel (dir.), 2014), l’émergence de nouveaux « entrants » en mobilisation (Ch. Hmed et L. Jeanpierre, 2016), le statut et rôle des acteurs sociaux et politiques (S. Ben Néfissa, 2011), les mécanismes d’appropriation et/ou réappropriation de l’espace public (H. Remaoun, A. Henia (dir.), 2013), les modalités de dialogue et négociations qu’il met en œuvre, l’implication et le rôle des corporations professionnelles dans ces actions, foncièrement politiques (E. Gobe, 2016), les paradigmes relatifs à l’exercice du pouvoir en Algérie et ceux inhérents à la participation des Algériens à l’action politique, ...

Ce numéro donne l’occasion aussi aux chercheurs d’interroger « les points aveugles » dans ce domaine de recherche, tout en prenant de la distance avec les « émotions politiques » (Ph. Braud, 1996).

 

Les propositions attendues répondront aux thématiques suivantes (liste à titre indicatif) :

 

  1. Les acteurs du hirak (jeunes, femmes, étudiants, syndicalistes et associatifs, …)
  2. Les formes et processus de contestation et de mobilisation
  3. Les enjeux politiques et sociaux de la « (ré)appropriation » de l’espace public
  4. L’histoire comme discours et contre-discours légitimant
  5. Le local et la géographie du hirak
  6. Les corporations professionnelles et la société civile
  7. Les médias et les réseaux sociaux
  8. Les élites et la problématique du changement social et politique
  9. Les répertoires d’actions des contestateurs
  10. Les modes d’expression artistique du hirak
  • Envoi des résumés (400 mots) avec un titre et cinq (05) mots-clés, avant le 10 octobre 2019 (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. et / ou Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
  • Réponse aux propositions d’articles, le 15 octobre 2019
  • Réception des articles, le 29 février 2020 
  • Les articles en langue arabe, française ou anglaise, doivent être rédigés conformément à la note aux auteurs de la revue Insaniyat https://insaniyat.crasc.dz/index.php/fr/notes-aux-auteurs.

 

Bibliographie indicative

 

  • El Kenz, (1991). Au fil de la Crise : 5 études sur l'Algérie et le monde arabe. Alger: Bouchène.

  • Bensa, A., Fassin, (2002). «Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, 38 | mars, URL : http://journals.openedition.org/terrain/1888 ; DOI : 10.4000/terrain.1888.

·                    Mohand-Amer, A. (2018). « À la recherche d’un nouveau projet politique et social », Fellows, le regard de chercheurs internationaux sur l’actualité, Réseau français des instituts d’études avancées. Aix-Marseille, Lyon, Nantes, Paris.

·                    Benzenine, B., Boumaza, N., Yalaoui, A. (2012). « Algérie. 50 ans après l’indépendance (1962-2012) : permanences et changements » (présentation), Insaniyat, (57-58).

  • Traïni, (2008).La musique en colère. Paris: Presses de Sciences Po.

·                    Le Saout, D. (1999). « Les théories des mouvements sociaux. Structures, actions et organisations : les analyses de la protestation en perspective », Insaniyat / إنسانيات, (8), 145-163.

·                    Neveu, E. (1996). Sociologie des mouvements sociaux. Paris : la Découverte.

  • Direche, K. (2019). L'Algérie au présent. Entre résistances et changements. Paris: Karthala. 

  • Addi, L. (2011). « Le régime algérien après les révoltes arabes », Mouvements, 2 (66), 89-97. DOI : 10.3917/mouv.066.0089. URL : https://www.cairn.info/revue-mouvements-2011-2-page-89.htm

  • Addi, L. (2017).« Système politique et paix civile en Algérie », Confluences Méditerranée, 1 (100), 27-39. DOI: 10.3917/come.100.0027. URL: https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2017-1-page-27.htm

  • Baamara,(2016). « L’écart difficile aux routines contestataires dans les mobilisations algériennes de 2011 », Actes de la recherche en sciences sociales, 1 (211-212), 109-125. DOI : 10.3917/arss.211.0109. URL : https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2016-1-page-109.htm

  • Dris Aït Hamadouche,, Dris, Ch. « De la résilience des régimes autoritaires : la complexité algérienne », L’Année du Maghreb [‏على الإنترنت‎], VIII | 2012, نشر في الإنترنت 01 janvier 2013, 02 URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/1503 ; DOI : 10.4000/anneemaghreb.1503

  • Boukhobza, (1991). Octobre 88 : évolution ou rupture ? Alger: Bouchène.

  • Camau, M. Frédéric, V. (dir.). (2014), Soulèvements et recompositions dans le monde arabe. Paris: Les Presses  de l’Université de Montréal.

  • Mebtoul, (2018). L’Algérie : la citoyenneté impossible ? Alger: éditions Koukou.

    • Belakhdar, N. (2015). « L’éveil du Sud » ou quand la contestation vient de la marge: Une analyse du mouvement des chômeurs algériens. Politique africaine, 137(1), 27-48. doi:10.3917/polaf.137.0027.

  • Fillieule, (éd.). (2009). Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris: Presses de Sciences Po.

  • Braud , Ph.(1996). L’émotion en politique. Paris : Presses de Sciences Po.

  • Révolutions arabes. Un évènement pour les sciences sociales, (2015), Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, REMMM 138, -2.

  • Ben Néfissa, S. Destremau, (dir.). (2011). « Protestations sociales, révolutions civiles. Transformations du politique dans la Méditerranée arabe », Revue Tiers Monde. Paris. Armand Colin, Hors-série.

  • الحركات الاجتماعية في العالم العربي-مجموعة من الباحثين،(2006).القاهرة. مركز البحوث العربية والافريقية، الطبعة الأولى.

·                   مستقبل العلوم الاجتماعية في الوطن العربي، (2013).مركز دراسات الوحدة العربية في بيروت، بالتعاون مع مركز البحث في الأنثروبولوجيا الاجتماعية والثقافية في وهران، والجمعية العربيّة لعلم الاجتماع في تونس.

  • جـــابي،عبد الناصر (2012)لماذا تأخر الربيع الجزائري، منشورات،  منشورات الشهاب، الجزائر.

  • جـــابي، عبد الناصر(2004) .الأسطورة، الجيل والحركات الاجـتماعية في الــجزائر: أو الأب "الفاشــل" والابن "القافـــز" »، إنسانيات ،(25-26) ،43-54.

[1] « Hirak du 22 février 2019 : premiers enseignements », Débats du CRASC, 22 avril 2019 ; « L’Algérie proteste. Premiers retours sur les mobilisations de 2019 et leurs effets », Journées d’études 24 et 25 avril 2019, ERC Dream, Tunis ; Séminaire « Crises et dynamique contestataire en Algérie : vers quelle transition politiques ? », 3 mai 2019, Paris, Laboratoire LADYSS et Paris Sorbonne, ...

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