Coordonné par : Badra Moutassem-Mimouni, Université d’Oran 2, Faculté des Sciences Sociales, Oran.
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, Oran.
Yazid Ben Hounet, École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.
Le monde change et, bien entendu, les transformations multiples à l’œuvre touchent également la famille. Les travaux, entrepris durant les deux dernières décennies par les chercheurs du CRASC et autres Universités et centres de recherche en Algérie sur l’institution familiale et ses acteurs (les couples, les enfants, les personnes âgées, etc.), attestent des rapides transformations, qu’il s’agisse des rapports matrimoniaux
(Dib-Marouf, 1998), de la crise du mariage (Adel, 1998) et des normes juridiques (Bouziane, 2020). Les résultats de ces travaux à la poursuite des enquêtes de terrain sur la nature structurelle et/ou conjoncturelle de ces transformations synchrones.
Les sciences sociales se sont intéressées depuis leurs débuts à la famille et, plus largement, à la parenté, à titre d’exemple, les travaux menés au Maghreb ont porté dans un premier temps sur les logiques structurantes, élémentaires, de la famille et de la parenté : la primauté de la filiation agnatique, articulée à celle, structurelle, par voie utérine (Bonte et al. 1991); les filiations matrilinéaires et l’importance de l’avunculat – relation privilégiée liant ego et son oncle maternel – notamment en milieu touareg (Bernus et al, 1986 ; le « mariage arabe » (le mariage préférentiel avec la fille ou le fils de l’oncle paternel, awlâd ‘amm), (Bonte 1994) ou encore les pratiques de la kafâla et les formes de parenté de lait (Moutassem-Mimouni, 2018 ; Barraud 2013 ; Ait Zaï, 1996 ; etc.). Ces règles et pratiques sont loin d’être immuables et ont été, de fait, chamboulées par les transformations sociétales de ces dernières décennies en Algérie (Adel, 1998 ; Moutassem-Mimouni et al., 2014 ; Benghabrit-Remaoun et al. 2012). La famille élargie n’a plus le même poids que naguère et les modèles familiaux se voient en ces régions comme ailleurs impactés par l’idéologie individualiste (Dechaux, 2011 ; Moutassem-Mimouni, 2016), bien que persistent encore des inégalités importantes dans les rapports de genre (Kateb, 2011). Le droit de la famille a fait également l’objet de plusieurs travaux, en particulier suite aux réformes de 2004 (Maroc) et 2005 (Algérie) tels que (Voorhoeve, 2012 ; Benkheira et al., 2013 ; Lalami, 2012 ; Benzenine 2021 ; etc.).
Le divorce en constitue une des manifestations les plus radicales, dans la mesure où il sépare les couples, déstabilise et recompose la vie familiale et parentale, perturbe les modes d’organisation préexistants et peut être à l’origine de troubles variés sur les différents membres de la famille. Il constitue un sujet encore trop peu étudié s’agissant de l’Algérie et plus largement du Maghreb
En Algérie, les données de l’Office National des statistiques (ONS) montrent que le taux de divorce, au sein des tribunaux, a presque doublé en moins de vingt ans : en 2005, il était à 11.10% et, en 2020 il passe à 20.94%. Les modalités du divorce ne sont pas uniformes et présentent des variabilités qui expriment des modes de penser et de caractérisation des rapports entre hommes et femmes. La répudiation a longtemps été le mode de divorce dominant en Algérie. Le code de la famille paru en 2004 a nécessité des remaniements multiples, les réformes qui lui ont été apportées sont plus qu’appréciables, dont la nationalité par la mère et la suppression de la clause exigeant l’accord de l’époux pour demander le khôl’a.. Existant depuis le temps du Prophète de l’Islam, le khôl’a était pratiqué très rarement en Algérie, puisqu’il était subordonné à l’accord de l’époux. L’annulation de cette condition a été perçue par les traditionnalistes comme « allant contre la tradition » dans la mesure où il remettait en question la domination masculine et semblait donner plus « de pouvoir » à la femme. Ce mode de divorce suscite encore des débats passionnés où détracteurs et défenseurs s’affrontent.
Toute rupture est un arrachement, une séparation et toute séparation peut générer des souffrances, des regrets, des culpabilités. Les sentiments de soulagement après une relation toxique, violente ou insipide ou profondément décevante seraient-ils suffisamment puissants pour réduire les effets délétères sur la personne qui se sent lésée et sur les enfants. Les enjeux du divorce sont multiples car en plus de la scission de la famille et des enjeux émotionnels et affectifs sur les enfants, la femme et l’homme, le divorce a un coût économique, un coût en termes de logement et de prise en charge des enfants et de leurs soins.
Le divorce interroge le rapport à la sexualité, à l’amour, à la religion, à la vie, aux rapports de force hommes femmes. Comment est perçu ce divorce dans ses différentes modalités judiciaires (répudiation, par consentement mutuel, par khol’a², etc.)? Comment les divorcé.e.s se réorganisent, quels sont les modes de garde (partagée, alternée, exclusive, etc.)? La coparentalité est-elle apaisée ou houleuse? Comment se règlent les divorces dans la communauté d’origine algérienne en France et ailleurs ?
- Ce numéro a pour ambitions : d’inviter différentes disciplines des sciences sociales et juridiques (psychologie, sociologie, anthropologie, économie, droit, sciences religieuses) ; d’explorer différentes facettes du divorce en Algérie et au Maghreb. Et enfin analyser les facteurs qui y contribuent ainsi que ses effets autant sur les époux que sur les enfants et sur la société dans son ensemble.
- Les travaux de terrain sont privilégiés.
- Envoi des résumés (500 mots), avant le 30 mai 2022 aux adresses suivantes insaniyat de l'ASJP Cerist et
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. - Réception d’articles, du 15 juin au 30 septembre 2022
- Les articles en langue arabe, française ou anglaise, doivent être rédigés conformément à la note aux auteurs de la revue Insaniyat
Quelques repères bibliographique
- Adel, F. (1998). La crise du mariage en Algérie. Insaniyat , 4, 59-77.
- Aït Zaï, N. (1996). La kafâla en droit algérien. Les institutions traditionnelles du monde arabe. Paris : Khartala.
- Barraud, E. ( 2013). L’adoption entre France et Maghreb, De terre et de sang. Paris : Ed. Non-lieu.
- Ben Hounet, Y. (2009). Parenté et anthropologie sociale. Paris : Ginkgo Éditeur.
- Benghabrit Remaoun, N. et , (2014). Processus de construction du couple : expériences et imaginaire. Les cahiers du Crasc, 29.
- Benzenine, B. (2021).Réformer les droits des femmes en Algérie. Appropriations multiples et contraires de la norme islamique. Cahiers d'études africaines, 242, 287-306.
- Bonte, P. (dir.), (1994). Épouser au plus proche. Inceste, Prohibitions et Stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée. Paris : Éditions de l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).
- Bonte, P., Conte. E., Hamès. , Ould Cheikh. A. W., (1991). Al ansab, la quête des origines, Anthropologie historique de la tribu arabe. Paris : Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.
- Bonte, P., Benkheira M.-H. (dir), (2009-2010). Annuaire Droit et Religions 4: Les réformes contemporaines du droit de la famille dans les sociétés musulmanes. Aix-en-Provence : Presses universitaires d’Aix-Marseille.
- Bernus, S., Bonte. P., Brock. L,. Claudot. H, (dir.), (1986).Le fils et le neveu. Jeux et enjeux de la parenté touarègue. Paris : Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, Cambridge University Press.
- Bras, J.-Ph. (2007). La réforme du code de la famille au Maroc et en Algérie : quelles avancées pour la démocratie ? Critique internationale, 37, 93-125.
- Benkheira, M.-H. et , (2013). La famille en islam : d’après les sources arabes. Paris : Les Indes savantes.
- Bouziane, S.-N. (2020), Les effets produits par la norme juridique : études de cas à partir du Code de la famille algérien. Insaniyat, 89 , 73-87.
- Dib Marouf, C. (1998). Rapports sociaux, rapports matrimoniaux et condition féminine en Algérie, Insaniyat, 4 ,25-33.
- Oussedik, F. (2012). Mutations Familiales En Milieu Urbain. Algérie. PNR, 31. Algérie : DGRSDT/CRASC.
- Kateb, K. (2011). Scolarisation féminine massive, système matrimonial et rapports de genre au Maghreb. Genre, sexualité et société. https://bit.ly/3uY58t3
- Lalami, F. (2012). Les Algériennes contre le code de la famille. Paris : Presses de Sciences Po.
- Moutassem Mimouni. B. (2016). La famille et les séniors face à la h’ouana en transformation. Insaniyat, 72-73.
- Voorhoeve, M. (2012). Family Law in Islam. Marriage, Divorce and Women in the Middle East. London/New York : I.B. Tauris.
Argumentaire au format PDF