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Etre sociétaire à Oran. Témoignage

Insaniyat N°8 | 1999 | Mouvements sociaux, Mouvements associatifs | p. 165-173 | Texte intégral


Membership in Oran

Abstract : This text tries, through an experience of associative life, in particular in environmental protection, to put forward some serious hypothesis about the particularities of a recent phenomenon.
Ambiguities seem to rise from the historical conditions of liberating political, economic and social customs, which appear, like what happened at the some period in other regions in the world, having been imposed by the dominant regime.
Having definitely lost the means of coercion, the power is seen restraint to come to terms. It is thus, by means of subventions or other privileges, alliance networks are set up. on the other hand, associations often intend getting remuneration from these alliances.

All that, if we must generalise to all associations, con tributes to pervert the definition of associative movement in Algeria.


Bachir SENOUCI 


La vie associative en Algérie connait, grâce à l'ouverture pratiquée depuis octobre 88, un bouillonnement tout à fait extraordinaire. En quelques mois, il a été créé plus d'associations que pendant les 25 années qui ont précédé.

Ce texte se propose, à travers une trajectoire de vie associative, non seulement de protection de l'environnement, mais également dans un comité de quartier et aussi dans une association plus connotée politiquement, je veux parler de l'ONEC[1] puis de sou schisme, la CNEC[2], d'apporter une contribution à l'analyse d'un changement dont on peut estimer qu'il est loin, tant s'en faut, d'aller vers une amélioration des satisfactions des besoins et des attentes des personnes qui s'associent.

La question fondamentale que l’on peut se poser à la lecture de cette explosion du phénomène associatif en Algérie est celle de la rupture. Nous voulons entendre par là la confirmation ou l’infirmation d'un changement de fond à la fois de la pratique citoyenne, de la gestion de libertés supplémentaires (et de l'exercice de droits et obligations de droits et obligation nouvelles), mais aussi, du point de vue des pouvoirs publics, d'un changement quant à la définition de l'association et, partant, de son rôle.

Il sera nécessaire de faire une rapide description de la situation qui prévalait avant octobre 88, période, marquée par le déficit démocratique que l'on sait et la toute puissance du parti FLN. Nous dirons également quelques mots sur l'évolution des textes législatifs qui régissaient les créations et les fonctionnements des associations.

Nous essaierons en outre de formuler des hypothèses sur le caractère supra national de la libéralisation après les événements d'octobre en la remettant dans un cadre plus large qui a concerné plusieurs régions du monde.

Avant 88

En Algérie, avant 88, les associations existantes l'étaient par la grâce du parti unique et ne pouvaient naître et fonctionner que par ses agréments.

Le réseau mis en place comportait des nœuds importants qui portaient le nom d'organisations de masse, Les UNFA, UNJA, UNPA, pour les femmes, la jeunesse, la paysannerie, mais aussi l'UGTA (syndicat unique), et des associations plus corporatistes telles l'UNIASA[3] ou encore l'USEA[4] ou l'UMA[5] sont autant d'exemples de la politique de structuration alors en vigueur,

Pour les associations plus modestes, sur le plan de l'espace investi, les autorisations de s'associer dépendaient essentiellement de la cellule (kasma) FLN de l'endroit où devait naître et fonctionner l'association.

C'est ainsi que, du comité d'immeuble à l'association de parents d'élèves, d'une commission des œuvres sociales d'entreprise à une association d'astronomie, tout, absolument tout devait recevoir l'aval de la kasma[6].

Evolution de la loi

Les textes juridiques qui réglementaient création et fonctionnement des associations ont subi, depuis 1962 (date à laquelle, sans être frappée d'obsolescence, la loi française dite 1901 ne fut plus appliquée) plusieurs changements. Le décret de 1971, qui abroge officiellement la loi 1901, introduit de nombreuses entraves à la création et aux activités des associations. Les études de DAHAK[7] et de AOUED[8] distinguent en gros deux périodes principales

La première qui va de1971 à 1987 va consacrer la mainmise du pouvoir sur le mouvement associatif par le biais de conditions rien moins qu'objectives telles que la bonne moralité des membres fondateurs, leur respect des options fondamentales, leur nationalité acquise par hérédité ou la démonstration, difficile, de la qualité d'utilité publique de l'association, sachant que l'état, fortement centralisé, prétendait couvrir tous les besoins des Algériens et répondre à toutes leurs attentes. Cette période va néanmoins ouvrir deux timides ouvertures, la loi de 1987, suivie la loi complémentaire de 1988, qui vont lever, d'une façon toute relative, quelques restrictions de la loi 1971, Cela étant, il faut noter que la constitution de 1976, dans son article 56, affirme la liberté pour les citoyens de s'associer.

La seconde période, quant à elle, commence avec octobre 1988, La nouvelle constitution, celle de 89, puis la loi de décembre 1990 vont lever formellement les restrictions et ne soumettre la création de l'association qu'à une simple déclaration.

La conjoncture mondiale

L'ouverture démocratique a été pratiquée très certainement sous la pression populaire, mais certainement aussi sous une pression moins circonscrite aux frontières algériennes. La conjoncture, à l'échelle de la planète, à la fin des années 80 a été tout aussi déterminante.

Il serait bon de rappeler que la fin des années 80 et le début des années 90 ont vu, dans plusieurs régions du monde, des réveils brutaux qu'Alain Minc a appelé la vengeance des nations. L'ex URSS et les états qui lui étaient alliés, la Yougoslavie continuent une période de déséquilibre né de ces réveils. Cette période a connu la fin de l'apartheid, la chute du mur de Berlin, les événements de la place Tien An Men...

Plus près de nous, en Afrique, au Togo, Rwanda, Burundi, Sénégal... des conflits meurtriers ont opposé, soit des ethnies dont l'unité artificiellement élaborée au lendemain des indépendances au sein d'une même nation n'a guère résisté à ce mouvement, soit des idéologies (y compris la religion) dont l'instrumentalisation par les régimes en place a aussi volé en éclats.

Il faut également rappeler la chute brutale des matières premières, en particulier celle du pétrole. La période faste qui avait précédé cette chute avait permis panem et circenses renvoyant finalement les mécontentements à plus tard, mécontentements aggravés par la fin d'une décennie de bombance.

Tout cela avait conduit les régimes soucieux de durer à conduire (et gérer) une libéralisation de la vie politique et un élargissement des libertés, plutôt que de la subir.

Une autre concomitance est à la fois les programmes d'ajustement structurels (PAS) et la politique clairement affirmée des bailleurs de fonds occidentaux (les banques mondiale et régionales) de privilégier des interlocuteurs de la société civile dans les programmes de financement.

Phénicia et les amis de la mer

De nombreuses associations ne sont pas nouvelles. Elles ont simplement bénéficié d'une émancipation par rapport à la tutelle du parti unique. L'association dont j'ai eu la charge, l'association des amis de la mer, par exemple, dépendait d'un office communal des sports, lui-même dépendant de l'APC d'Oran. C'est le cas également de Phénicia, auparavant sous tutelle directe de la direction de la jeunesse et des sports.

Une autre particularité est le fait que ces deux associations existent physiquement autour d'un plan d'eau, de quais et d'embarcations nécessitant bien évidemment un budget alimenté par les sociétaires.

L'émancipation évoquée plus haut a souvent correspondu à une liberté encombrante qui a porté préjudice au bon fonctionnement de l'association. Avant notre deuxième naissance, les sociétaires étaient redevables d'une cotisation qui était versée à un régisseur éloigné de l'association proprement dite. Dès qu'il a fallu que cette cotisation (soumise justement à cette période à une inflation rapide) soit versée à un comité directeur, des problèmes ont surgi.

Débarrassés d'une tutelle aussi lointaine, mal définie que coercitive, au profit d'une personne familière, le sociétaire indélicat prend des libertés par rapport à un règlement intérieur qu'il a lui-même contribué à élaborer.

Les associations de protection de l'environnement sont, peut être au titre de leur apparente asepsie politique, des exemples types du caractère original du mouvement associatif dans notre pays.

A l'inverse des associations dont la nature et les objectifs ont soit une interface étroite avec le champ politique, soit un caractère de revendications conflictuelles, les associations de protection de l'environnement activent ou militent dans un domaine relativement éloigné (pour le moment) des soucis immédiats et du citoyen algérien moyen et des pouvoirs publics.

Deux exemples sont édifiants à cet égard : les associations religieuses et celles qui tentent de prendre en charge les inquiétudes des femmes.

Des associations de type religieux, autour de la construction d'une mosquée, d'objectifs caritatifs ou même affichés de résistance à l'influence occidentale, sont visibles grâce d'une part à leur inféodation plus ou moins marquée à un parti islamiste et d'autre part au débat encore nébuleux autour des schémas laic-­religieux, spirituel-temporel, moderne-archaique, schémas largement en amont des clivages traditionnels des pays développés (par exemple gauche-droite en France).

Autre exemple, certaines associations féminines, dans le nombre important qui est le leur, se placent résolument dans le champ sensible qui vient d'être évoqué. La raison en est en particulier, outre la prégnance islamique, un code de la famille qui maintient les femmes algériennes en sujétion.

Les associations de protection de l'environnement, surtout quand il s'agit d'environnement marin n'ont pas à leur disposition de vecteurs médiatiques, au sens où la sensibilisation aux dangers des agressions que subit la nature n'est pas encore massive. Le travail de conscientisation entrepris au sein de l'association, en ce qui concerne par exemple les huiles de vidange des moteurs marins, a été long et laborieux. Il a même fallu brandir des menaces de sanctions, en ménageant des commodités, pour que ces huiles soient mises dans un fut prévu à cet effet.

La situation dans notre pays n’est pas sans rappeler l'histoire, finalement très récente des dire Grunen en Allemagne et des «écolo » en France. Eux aussi tenaient un discours de Cassandre à propos des dangers d'une industrialisation triomphante et dispensatrice de confort et de richesses.

Il a fallu les énormes catastrophes de Minamata, de Seveso, de Bhopal, de Three Miles lsland, les gigantesques marées noires qui ont durablement hypothéqué la vie dans de nombreux endroits des littoraux océaniques et plus récemment le dramatique accident de la centrale de Tchernobyl, pour qu'ils soient enfin considérés et qu'ils soient promus (mais est-ce vraiment une promotion) au champ politique.

La politique développementiste des années 70 a quasiment ignoré, au nom d'un équilibre régional des investissements industriels, l'aspect de préservation da cadre de vie et du milieu naturel[9].

Bien sur, ce type d'agressions, dont les exemples sont multiples, sont suffisamment violentes pour provoquer des effets nuisibles très visibles. Cela a participé, bien que de manière relativement faible, à mie prise de conscience très inégalement répartie. Les mesures curatives n'en ont pas pour autant été prises. Il faut signaler, à cet égard, l'existence dans les années 80, de directions départementales de l'environnement, dont celle d'Oran a été extrêmement utile à notre action.

Les investissements à consentir pour rendre propre ce qui peut l'être, sont dissuasifs, non seulement par leur quantité mais plus encore par leur caractère apparent de superflu au vu des besoins énormes générés par la nécessité de développement, tel qu'entendu dans les années 70 et par son urgence.

Des associations ont alors vu le jour, pour justement répondre à mie préoccupation éminemment négligée par les pouvoirs publics.

Ces associations, si elles ne portent pas exactement dans leurs appellations l'aspect protection de l'environnement, remplissent un spectre relativement large. Le défunt conseil consultatif de l'environnement d'Oran avait regroupé à ce titre aussi bien ce qu'il est convenu d'appeler des comités de quartier que des associations plus notoirement affichées. Dans ces dernières, il faut là aussi distinguer les associations à l'aspect militant des associations plus scientifiques telle que l'ARCE qui a à son actif des études très argumentées sur le climat et l'environnement ainsi que des séminaires et colloques autour de ce thème.

En ce qui concerne la mer, plus précisément l'aspect halieutique, des associations se sont créées pour dénoncer un certain nombre de comportements préjudiciables à la faune marine.

En effet, l'espace de quasi non-droit que représente la mer a laissé libre cours à des agissements, dont l'aspect criminel le dispute à l'ignorance des conséquences dramatiques pour les personnes qui, justement vivent de la mer et la détruisent. Pêle-mêle, je citerai la pèche de la sardine à l'explosif, celle de l'espadon et des thonidés par les filets dérivants, qui capturent également marsouins et tortues de mer (non comestibles et donc non commercialisables), le chalutage en période d'alevinage etc...

La proximité du port méthanier d'Arzew engendre une pollution systématique par le déballastage, en mer, des bateaux méthaniers qui réalisent l'économie du déballastage à la station du port. Il faut dire que celle-ci est souvent en panne.

Ces agissements sont punis par les textes juridiques, qui les prévoient. L'Algérie est également signataire de conventions internationales, par exemple celle de Barcelone, qui interdisent les pêches menaçant les fonds biologiques marins. Mais l’application de cet arsenal juridique pose réellement problème, en ce sens où son actualisation a rarement été prise en compte, et qu’il est arrivé même qu’un secrétariat d’état en charge de la pêche a promu une technique, celle du chalutage par bœufs, qui permet à de petites embarcations de traquer le poisson jusqu’à de petites profondeurs.

Notre action a consisté à interpeller les autorités, locales et nationales, sur les dangers à laisser se pérenniser ce type de comportements.

Parallèlement, nous avons également essayé d'investir l'espace urbain d'Oran, à l'occasion de la fête de la mer. Des conférences-débats, autour de l'histoire maritime, de la biologie marine, des dangers de la pollution et de ses conséquences sur, d'une part la raréfaction du poisson et d'autre part la santé de leurs consommateurs ou même plus simplement celle des estivants du bord de mer ont permis, grâces en soient rendues aux journalistes présents, de sensibiliser une partie, malheureusement infime, de la population d'Oran.

A cette occasion, les autorités de la ville ont répondu tout à fait favorablement à ce qu'elles ont condescendu à considérer comme des préoccupations légitimes.

Ce fut pourtant la seule fois où l'initiative d'un regroupement citoyens-autorités a été du fait des associations

Les rapports avec les pouvoirs publics

Globalement, le dialogue avec les pouvoirs publics, locaux ou nationaux, ne s'est établi qu’à leur seule initiative, ou plutôt à une initiative obéissant à la conjoncture.

Les sollicitations des pouvoirs publics n'ont pas manqué. Le conseil consultatif de l'environnement de la ville d'Oran a été créé à l'occasion d'une opération financée et conduite par des experts de la Banque Mondiale. Cette opération, baptisée Med Cities, concernait quatre villes du littoral méditerranéen, dont Oran. Il s'agissait d'élaborer un audit sur le plan de l'environnement, avec une forte pondération pour l'environnement marin.

Les représentants de la Banque Mondiale ont recherché des interlocuteurs dans le mouvement associatif pour faire leurs enquêtes et le corollaire du passage de ces personnes a été la création d'un conseil consultatif de l'environnement dont l'existence a duré ce qu'a duré la mission de la personne qui assurait les fonctions de maire (DEC).

Ce conseil, pour éphémère qu'il fut, a eu l'avantage de faire se côtoyer des associations recouvrant un éventail très large. Il comprenait en effet aussi bien des comités de quartier, qui s'occupaient principalement des problèmes liés à la vie quotidienne dans les cités d'Oran, que des personnes versées dans les questions de l'eau, les problèmes sanitaires ou encore de manière plus triviale, de la recherche de solutions par rapport à la destruction ou le stockage des ordures ménagères.

Ce conseil a préludé à la fondation, plus tard, d'un observatoire de l'environnement qui constitue une originalité dans le mouvement associatif. En effet, cet observatoire regroupe non seulement des associations au sens communément admis du terme, mais il compte aussi dans ses rangs des institutions au titre d'adhérents. La Sonatrach, la wilaya d'Oran, l'université de la Sénia, l'USTO, pour ne citer que celles-là sont membres, par adhésion, de cet observatoire. L'originalité de ce groupe n'a pas été à la hauteur des résultats. L'observatoire continue cependant d'exister.

Toujours dans le domaine des sollicitations venues des autorités, nous citerons encore deux exemples.

L'exposition universelle, qui s'est tenue à Lisbonne en 1998, avait pour thème les océans et leur importance. Un commissaire a été nommé pour assurer la préparation des algériens à cet événement, algériens qui devaient tenir un stand important eu égard à la transition plus que dramatique que traversait le pays. Ce commissaire a demandé la caution du mouvement associatif en invitant des représentants d'associations se préoccupant de la mer, puisque c'était cela le thème.

Nous avons été sollicité pour siéger dans une des commissions arrêtées lors de la toute première réunion, à savoir la commission culturelle. Il m'a été impossible, pour des raisons que connaissent bien ceux qui prennent l'avion entre Oran et Alger, d'assister à la première session de cette commission. Il n'y en a pas eu d'autre.

Un deuxième exemple, certainement plus révélateur, a été l'arrivée dans le port d'Oran du Sirius, qui est le bateau affecté par Greenpeace à la Méditerranée (dont l'équivalent pour l'Océan Indien était le Rainbow Warrior).

A cette occasion, les autorités de la ville nous ont demandé de leur faire un accueil aussi chaleureux que possible et de les accompagner dans un programme de visites et de réjouissances totalement pris en charge par ces dites autorités.

Nous avons été reçus, avec nos hôtes, par les plus hautes autorités de la ville et nous avons eu des débats autour des problèmes que nous avions, à plusieurs reprises par le passé, présentés à ces mêmes personnalités.

Il faut également signaler que deux partis politiques ont essayé de prendre contact avec nous.

Le premier a été le seul parti qui se réclamait d'une tendance «verte». C'était à l'occasion des élections législatives de décembre 90. Le président de ce parti, dont on n'entend plus parler, avait l'ambition de présenter une liste pour ces élections. Le débat, à l'occasion de l'élaboration de cette liste, avait débouché sur un constat affligeant, celui de la méconnaissance totale par l'état major de ce parti des problèmes, aussi triviaux soient-ils, d'environnement. Le sentiment dominant était que la création de ce parti avait plus répondu à une nécessité d'originalité, évitant par là des domaines encombrés, et à un phénomène de mode importée, qu'à une nécessité naturellement existante en Algérie.

La deuxième offre de contact est venue d'un parti, autrement plus visible et plus pérenne, qui souhaiter nous entendre sur nos préoccupations de sociétaires. Cela ne s'est pas fait.

Y a-t-il eu rupture?

Si on considère la fièvre associative qui s'est emparée des citoyens algériens, on peut affirmer que quelque chose a changé. Il n'en reste pas moins que, malgré la libéralisation de forme qui a permis cette explosion du phénomène associatif, celui-ci se voit en général marchander, sinon refuser sa participation à la gestion de la vie des citoyens. On peut dès lors dégager un certain nombre de points qui sont, à mon sens, arguments du pervertissement du mouvement associatif en Algérie

La libéralisation a d'abord été imposée par une conjoncture socio-économique a un pouvoir fortement centralisé. Cette pression a été également exercée par les bailleurs de fonds (Banque mondiale, banques régionales de développement...) qui exigeaient clairement l'implication des réseaux non gouvernementaux lors des décisions de financement. Cela n'a pas seulement donné les associations, mais on a vu, localement et nationalement, naître des conseils (hauts conseils ou conseils supérieurs ou encore observatoires) autour de questions aiguës comme les droits de l'homme, l'éducation, la jeunesse, l'eau etc...

Le réseau associatif a, pour une partie importante, servi de relais au pouvoir[10]. Au delà des objectifs de l'association (ou en deçà), il semble que la détention des subventions, en général servies par des assemblées de wilaya ou communales, et celle des locaux, servis par les wilaya, joue un rôle non négligeable dans la vassalité de certaines associations par rapport aux pouvoirs publics.

En corollaire au point 2, on peut également formuler l'hypothèse, en définitive lourde, de l'attente d'une rétribution pour, au moins les cadres du mouvement associatif. Cette rétribution comporte tous les avantages que fournit la visibilité atteinte grâce à l'association. Ces avantages sont liés à la privatisation de nombreuses tâches de l'état et donc à d'immenses espaces libérés.

Conclusion

Nous citerons, une fois n'est pas coutume, un chansonnier algérien bien connu, Fellag. Dans un de ses tous premiers spectacles, il avait raconté comment en se promenant dans une rue d'Alger, il avait reçu sur la tête une platée de pâtes. Il avait aussitôt été abordé par quelqu'un qui lui proposait de fonder une association de gens victimes de la même mésaventure. Fellag, bien sûr, en brocardant gentiment ce qu'il considérait comme une mode, était caricatural. Cependant, il semble bien que la frénésie associative a plus répondu à une conjoncture suffisamment nouvelle (et suffisamment attractive) qu'à un réel besoin de la société algérienne.

Nous aimerions mettre en exergue, et ceci va illustrer cela, les difficultés de fonctionnement internes que rencontrent beaucoup d'associations. Si on peut considérer, à l'instar de M. Miaille[11], une association comme un microcosme géré par une assemblée générale dont l'exécutif serait le comité directeur, on pourrait raisonnablement attendre des adhérents qu'ils respectent un règlement intérieur qu'ils ont eux-mêmes contribué à élaborer. Ce n'est pas toujours le cas et la démocratie à l'échelle d'un petit groupe résiste mal à la discipline que doivent observer les membres de ce petit groupe pour la bonne marche de l'association.

Bien sûr, une association n'est pas l'abbaye de Thélème, mais cela montre encore, s'il en était besoin, qu’à l'instar de la démocratie, une éducation associative fait souvent défaut.


Notes

[1]- ONEC Organisation national des enfants de chouhada

[2] - CNEC Coordination nationale des enfants de chouhada

[3] - UNIASA Union nationale des ingénieurs, architectes et scientifiques algériens.

[4] - USEA Union des sociologues et économistes algériens.

[5] - UMA Union des médecins algériens.

[6] Pour avoir été dans un comité de quartier, j’ai pu observer comment l’assemblé générale de constitution n’était valide que par la présence d’un représentant de la kasma, quand ce n’était pas directement sous sa présidence.

[7] - DAHAK, B. .- Pour une approche théorique du mouvement associatif.- Alger. RASJEP, n°2, 1988.

[8] - AOUED, A..- the law of associations.- in Annales de l’université d’Oran, n°3, juin 1996.

[9] - Quelques exemples: une usine à papier continue de déverser ses effluents toxiques et ses métaux lourds dans une portion de littoral contiguë à une plage à Mostaganem, une unité de traitement de minerai de zine pollue et l’atmosphère et le milieu marin à Ghazaouet, une cimenterie a été construite au milieu d’un verger à Chef etc…

[10] - lors des journées organisées par la Wilaya. En juin 98, on a pu entendre des cadres d’associations qui demandaient des dividendes pour l’appui, y compris par des marches, qu’ils avaient manifesté lors des dernières élections présidentielles, Novembre 1995.

[11] - MIAILLE, M..- Le contrôle de l’Etat sur les associations en Algérie.- RASJEP, 1,1975:54

 

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