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Privatisation et tentative d'intégration des entreprises dans le marché mondial : quel rôle pour l’Etat ?

Insaniyat N° 13 | 2001 | Recherches urbaines | p.177-186 | Texte intégral 


Nadia CHETTAB ABBAS  : Chargée de cours,  Faculté des sciences économiques, Université Badji Mokhtar, 23 000, Annaba, Algérie


Le rôle de l’Etat et l’importance du secteur public dans l’économie algérienne décroissant. Telle est la conséquence de la politique suivie en Algérie depuis plusieurs années. La décision d’un désengagement financier progressif devait mener à la privatisation, notion générale qui couvre des processus multiples : privatisation de l’économie, privatisation du capital, privatisation des investissements, privatisation de la production (cession au secteur privé d’activités jusque-là remplies par l’entreprise publique), privatisation des objectifs et des critères de gestion (CNPE, 1998).

Alors que voilà plus d’une décennie, les Etats des pays développés ont opté pour « une politique commerciale volontariste » (P. R. Krugman, 1994) qui repose sur le principe que les échanges  sont dans une large mesure tirés par les économies d’échelle (J. Brander et B. Spencer, 1985) plutôt que par les avantages comparatifs et que les marchés sont en situation imparfaite. Ainsi donc le rôle de l’Etat s’en trouve redéfini, ce qui impliquerait que « l’action  étatique soit en mesure de renverser les termes de la concurrence oligopolistique de façon que ce ne soient plus les entreprises étrangères qui bénéficient des surprofits, mais les entreprises nationales…en subventionnant les exportations et en restreignant les importations, elle  peut  empêcher les entreprises   étrangères de se lancer dans la concurrence pour les marchés  lucratifs » (P. R. Krugman, 2000). Autrement dit, selon les tenants de cette conception l’Etat peut alors améliorer le bien-être national en soutenant les entreprises locales dans la concurrence internationale.

A l’heure où une grande partie de la planète révise ses structures et ses stratégies économiques, il est plus que jamais nécessaire d’opérer les bons choix. Qu’en est-il alors pour l’Etat algérien, saura-t-il se désengager sans pour autant démissionner de son rôle de protecteur de l’économie nationale ?  A quoi est due cette privatisation tout azimut ? Ne faut-il pas l’attribuer à la décadence progressive de la notion normale de l’Etat, bien commun à tous, représentant, sans faillir, l’intérêt général et sachant le défendre en se posant en arbitre suprême entre les intérêts particuliers ? N’est-ce pas le détournement de la puissance de l’Etat au profit exclusif des intérêts de cercles particuliers qui a provoqué dans le passé récent, le développement de « rapports économiques rentiers» (N.Chettab, 1991) dont les tenants ont réussi à faire pencher la balance en leur faveur en accaparant de nos jours, d’importants leviers de commande de l’économie nationale ?

La meilleure façon d’évincer le rapport rentier ne devrait-elle pas commencer par la réédification d’un Etat normal, Etat qui ne serait ni « bourgeois », ni « rentier », mais représenterait, dans le plein sens du terme, l’intérêt de la nation ?

Ainsi donc, l’entreprise publique algérienne se trouve aujourd’hui contrainte de relever un double défi si elle veut améliorer  sa condition    et prospérer  en tant que lieu de création de la richesse. Ces défis concernent aussi bien les travailleurs que les entreprises et les pouvoirs publics. Les entreprises  publiques doivent être non seulement privatisées mais en plus elles doivent s’inscrire dans une logique de mondialisation économique (A. Gauthier, 1999) c’est à dire s’inscrire dans un marché oligopole [1]où la concurrence est imparfaite et s’exerce de plus en plus au niveau global.

En effet, dans de nombreux secteurs la concurrence s’est déjà internationalisée, pas uniquement dans les industries de transformation mais aussi, et, de plus en plus, dans les services. Les entreprises rivalisent avec des stratégies véritablement mondiales ou « globales ». Elles vendent dans le monde entier, se procurent des composants et des matériaux un peu partout, s’implantent dans plusieurs pays pour bénéficier de facteurs de production à faible coût (J. Ould Aouadia, 1993), et forment des alliances avec les firmes d’autres pays afin de s’adjoindre leurs forces. L’entreprise  qui s’inscrit  dans le nouveau cadre de la mondialisation économique ne peut plus répondre aux critères de la microéconomie  classique,  du reste  battus en brèche par le fait  même, que l’entreprise  se situe dans un marché  de concurrence imparfaite. Equilibre et  stratégies de l’entreprise sont ainsi remis en cause (J. M. Cousineau, 1981).

En outre, dans cette logique de mondialisation, ce sont des entreprises, et non des pays qui s'affrontent sur les marchés. De ce fait, le jeu économique moderne oblige les entreprises à dépasser le cadre national. Elles doivent désormais mettre en œuvre des stratégie globales.

L’objectif recherché à travers notre réflexion est d’attirer l’attention des  entreprises et des décideurs politico-économiques sur la nouvelle donne (la mondialisation économique) et sur les stratégies les plus adéquates de développement économique à adopter (exploiter plus judicieusement les ressources nationales). Car, comme l’histoire nous l’a montré, l’abondance de ressources naturelles aussi précieuses que le pétrole ne peut engendrer une prospérité stable dans un siècle où la concurrence internationale se joue sur le savoir.  C’est pourquoi, les entreprises ne peuvent réussir à moins de fonder leur stratégie sur le progrès et l’innovation (D. Guellec et P. Ralle, 1995).

De ce fait, l'Etat joue dans la privatisation tout comme dans la compétition internationale un rôle considérable, quoique bien différent de ce que l’on croit communément.  Pour certains, le rôle de l’Etat ne saurait être, au mieux, qu’une participation passive. Et pour cause : les déterminants de l’avantage concurrentiel national sont profondément enracinés dans la sociologie, l’histoire et maintes autres données spécifiques du pays et qu’un gouvernement est de facto impuissant. Dés lors, la tâche de l’Etat serait de se tenir « tranquille » et de « laisser faire » les forces du marché.

Pour d’autres, le rôle de l’Etat doit être prééminent. Il est considéré comme un assistant ou une béquille de l’économie. Pourtant, il faut mesurer combien « l’aide » de L'Etat, sous diverses formes  (subventions, garantie de marché public, dévaluations) a  porté de graves préjudices aux industries nationales. En effet, le soutien excessif de l’Etat en plus du fait d’empêcher les entreprises d’adopter les démarches nécessaires pour faire naître des avantages concurrentiels, ralentit le processus d’enrichissement de l’économie et fait hésiter les entreprises devant le risque de tout investissement non garanti. A terme, l’aide appelle toujours un supplément d’aide.

Nous nous inscrivons en désaccord avec ces deux conceptions du rôle de l’Etat. Nous pensons que l’Etat a un rôle important à jouer vis à vis de l’entreprise, mais ce rôle ne sera jamais que partiel et n’aboutira que si l’Etat et les entreprises travaillent de paire car  l’objectif essentiel de toute politique économique est de déployer les ressources du pays (capital et travail) avec une productivité maximale. La productivité[2] étant l’élément nourricier du niveau de vie ; elle ne se développe que si l’économie est sans cesse enrichie, c’est à dire si les  industries existantes progressent sans relâche, innovent, et s’il y a dans le pays des capacités pour réussir dans des industries nouvelles.

Le seul indice pertinent  de compétitivité à l’échelle d’un pays est celui de la productivité nationale. Un niveau de vie en hausse dépend de la faculté des entreprises nationales à atteindre un seuil de productivité élevé et à en soutenir la croissance dans le temps.

A long terme, c’est la productivité  qui conditionne le niveau de vie d’une nation, car d’elle découle le revenu national par habitant. La productivité des ressources humaines définit les salaires, tandis que celle du capital fixe son rendement pour les actionnaires. Une forte productivité dégage non seulement de hauts revenus mais aussi crée par ailleurs le revenu national sur lequel sont prélevés les impôts qui financent les services publics, augmentant ainsi encore le niveau de vie du pays.

Une forte productivité permet aux entreprises d’un pays de satisfaire à des exigences élevées en matière sociale –santé et sécurité, respect de l’environnement– ce qui améliore le bien-être national. De là, se dégage la relation étroite qui existe entre les entreprises d’une nation et l’Etat. Afin de mettre en exergue la complémentarité entre l’Etat et les entreprises nous examinerons en premier lieu, l’intervention de l’Etat à l’égard de la privatisation et en deuxième lieu, le nouveau cadre dans lequel l’Etat doit s’inscrire.

I. Privatisation des entreprises publiques et rôle de  l’Etat

Le passage de l’économie de la restructuration des entreprises à leur privatisation  exige que celles-ci prennent le relais de l’Etat dans cette fonction de pionnier. C’est à elles qu’incombe désormais de maîtriser les orientations industrielles et de se donner les moyens de stratégies concurrentielles. Les entreprises et le système éducatif doivent, chacun de leur coté, prendre en mains la création de facteurs. Parallèlement, le marché boursier et un système bancaire indépendant et compétitif doivent prendre le relais pour la distribution des capitaux afin d’assurer efficacement leur fluidité au sein de secteurs porteurs.  

Peu à peu, l’action de l’Etat doit devenir indirecte et ses interventions auprès de l’entreprise doivent diminuer considérablement. En effet, les outils (subventions, capitaux, mesures protectionnistes) dont il pouvait user  au stade de la gestion centralisée perdent de leur portée et risquent d’avoir des effets négatifs. Les mesures de protection prises antérieurement en faveur d’industries les ont installées dans la dépendance, provoquant de ce fait  l’immobilisme de l’économie voire sa récession. Aujourd’hui, l’économie algérienne a besoin d’entreprises dynamiques et indépendantes.

De ce fait, la tâche première de l’Etat dans une économie sur le point de privatiser les plus importantes entreprises étatiques est d’instaurer un contexte propice au développement et au maintien  du dynamisme des entreprises. L’Etat doit passer du rôle d’acteur et de décideur à celui de guide procurant informations et « signaux ». Autrement dit, l’Etat doit encourager activement les entreprises à se tourner vers les marchés internationaux en diffusant des informations sur des marchés étrangers       et sur la technologie – L’exemple le plus significatif dans ce domaine est : le JETRO japonais (organisation japonaise pour le commerce Extérieur et la recherche), possédant un grand nombre de bureaux à l’étranger entièrement voués à porter assistance aux exportateurs japonais–.

A ce stade, l’influence la plus déterminante de l’Etat consiste à créer des facteurs complexes (par la formation de facteurs hautement spécialisés), à améliorer la demande (par l’instauration de normes rigoureuses et la sensibilisation de la demande dans des domaines de la santé et de l'environnement par exemple), à décentraliser le pouvoir économique, à garantir la libre concurrence et à envoyer des signaux.

Pour que  les  entreprises nationales parviennent à un minimum de liberté, la relation Etat/Entreprises doit s’inscrire dans un cadre transparent et de confiance mutuelle. Ainsi, les entreprises en augmentant leur volume et en globalisant leur activité, se libèrent de la tutelle  des facteurs macro-économiques nationaux et de l’emprise de l’Etat. A terme, l’envergure même et la complexité des économies et l’interdépendance des industries excluent toute tentative d’ingérence microéconomique.

Au moment où l’entreprise entame son processus de privatisation, l’Etat doit modifier sa politique économique, faute de quoi le processus de valorisation sera retardé, voire bloqué. Ce principe est régulièrement bafoué, en fait  l’Etat algérien se résout difficilement à abandonner son emprise sur l’industrie au moment opportun ; il ne se rend pas compte que les politiques menées jusqu’alors, ont désormais un effet négatif sur une économie à la recherche d’avantages concurrentiels. Il est alors difficile de rompre le cycle protectionnisme-dévaluation-subvention.

Il faut cependant s’attendre à ce que les entreprises ne manqueront pas d’exercer de fortes pressions pour que restent en vigueur certaines pratiques qui les avantageaient, auxquelles elles sont habituées  et grâce auxquelles elles ont survécu. Mais l'Etat doit alors savoir anticiper les besoins d’une économie engagée dans un processus de valorisation. A beaucoup d’égards, l’Etat doit être en avance sur les entreprises, pour pouvoir mieux leur permettre de progresser et les stimuler dans ce sens.

Le gouvernement doit alors identifier les véritables paramètres et abandonner les choix généralement fâcheux que sont les subventions, les aides élargies et le protectionnisme.  Le véritable rôle de l’Etat consistera donc à encourager et à stimuler le développement des industries nationales au lieu de les « aider » à se dérober aux changements.

Remarquons qu’il plane quelquefois seulement une certaine suspicion sur le processus de privatisation  des industries nationales. D’aucuns voient là une contradiction entre les besoins du pays et les objectifs des entreprises. Le fait que ces dernières  investissent ou s’approvisionnent à l’extérieur est souvent vécu comme un déni de la solidarité nationale. Le fait d’accorder des concessions à des partenaires étrangers est interprété comme un bradage du patrimoine national et une perte de souveraineté.

Ces arguments relèvent des sentiments. En général, le prétendu conflit d’intérêts entre entreprises et pays se dissipe à long terme. La globalisation de stratégies et l’approvisionnement en produits moyennement sophistiqués à l’étranger font précisément partie des éléments qui concourent à la sophistication et à l’enrichissement d’une économie.

Dès lors que ce processus est en cours, La privatisation aussi bien que  la globalisation des stratégies des entreprises ne menacent en rien l’emploi, mais fait augmenter la productivité ; elles présentent également l’avantage de moderniser  l’économie  du pays.

Et à ce titre, les années 1996 à 2000 ont démontré l’impossibilité pour l’Etat algérien de redresser l’industrie sidérurgique et que seule une privatisation par des actions de partenariat  et autres, était à même de sauver la sidérurgie algérienne. L’accord de partenariat entre SIDER et ISPAT (quatrième producteur mondial d’acier)  est un choix judicieux dans la mesure où il assure la pérennité de l’industrie sidérurgique algérienne en lui procurant savoir, savoir-faire et technologie nouvelle  l’accrochant ainsi au train de la mondialisation.  

Cependant, si l’Etat ne limite pas la privatisation  aux seuls   secteurs  les moins productifs et qu’il l’étende à l’ensemble des secteurs économiques, il y a risque de conflit d’intérêts entre le pays et les entreprises. Dans ce cas précis, l’économie nationale ne profite guère de ce genre de privatisation, ni d’ailleurs les entreprises à long terme, car le fait d’innover dans le cadre local procure en général des avantages concurrentiels plus durables que le transfert à l’étranger de l’essentiel de la production. On préserve plus durablement un avantage concurrentiel en induisant le développement d’industries/amont locales qu’en s’en remettant exclusivement à des fournisseurs étrangers.

Quoiqu’il en soit, et même si la privatisation prend des formes allant à l’encontre de l’intérêt de l’économie nationale, tenter de bloquer ce processus ne saurait constituer une politique réaliste. En empêchant la privatisation, on préservera peut-être au plus quelques emplois, mais ce serait voir à court terme, car c’est se priver de la faculté d’en sauver un nombre plus important demain et s’obliger alors à avoir recours à l’aide de l’Etat. Au lieu de chercher à empêcher la privatisation, mieux vaut aborder les causes réelles et sous-jacentes qui font que les entreprises ont des difficultés à se valoriser.

II. L'Etat : le nécessaire accompagnateur des entreprises dans leur tentative d’intégration au marché mondial

Avec la mondialisation, les stratégies et les politiques économiques qui ont prévalu des décennies durant, se sont  avérées généralement fondées sur des démarches erronées (subventions et protectionnisme) et qu’il faut donc reconsidérer. Faut-il pour autant, au vu de ces expériences et à propos des règles économiques de bon sens que l’on vient de rappeler, adopter à l’égard du libéralisme commercial l’attitude zélote qui consiste en l’application naïve de règles de marché ? Ce serait faire bon marché de l’interaction complexe des forces économiques et politiques. L’adoption d’un mode de développement « économie de marché » n’est pas une fin en soi, cela ne signifie pas l’abandon par l’Etat de ses responsabilités : éducation, technologie, développement des infrastructures, aménagement régional, adaptation des circuits financiers. L’Etat reste présent sur tous les fronts, simplement, l’ouverture des frontières fournit le cap : il doit être  la boussole qui permet d’organiser la cohérence de la politique économique et sociale autour de l’objectif de modernisation.

Pour ce faire la mission première de l’Etat est une double fonction d’incitation et de stimulation. L’avantage concurrentiel se bâtit sous la pression, voire dans l’adversité. Il existe des forces dont un excès d’intervention publique peut empêcher l’expression. L’Etat doit jouer un rôle de vecteur et d’amplificateur des forces au sein du secteur industriel et contribuer à valoriser les entreprises par  des investissements dans la recherche et le développement. Ces investissements vont  d’abord générer de nouveaux biens et des procédés nouveaux, et par conséquent vont être sources de revenus pour les innovateurs. Ensuite, ils seront générateurs d’idées qui serviront de point de départ à des innovations ultérieures. C’est l’accumulation de ces connaissances nouvelles, issues de connaissances anciennes et de la recherche, qui fait progresser la technologie, et donc la productivité.

Ainsi donc, une politique saine consiste à prendre des initiatives génératrices de facteurs et à procurer à l’industrie les outils nécessaires au jeu concurrentiel. La mission première de l’Etat est de pousser les entreprises à nourrir des aspirations plus hautes, à gagner toujours en compétitivité, même si cette ambition les entraîne dans un processus déstabilisant, voire périlleux. Car les entreprises et les économies s’épanouissent dans la confrontation – les pressions, les défis, les opportunités nouvelles – et non pas dans le confort ou grâce à une « aide » qui les dispenserait de la nécessité de s’améliorer. Le progrès tient au changement, non au souci de préserver la stabilité.

Plus généralement, l’Etat doit envoyer des « signaux » à l’entreprise en ce sens où il peut influencer l’approche concurrentielle des entreprises en identifiant les priorités et les défis auxquels elles sont confrontées. Le gouvernement doit être  dans une situation qui lui permet de discerner les problèmes d’intérêt national et d’élaborer des comportements adéquats face aux difficultés particulières des industries. 

Les meilleurs outils que l’Etat  puisse utiliser  sont : la création de facteurs complexes, l’encouragement à la concurrence nationale, la fixation de priorités nationales et la sophistication de la demande. Les leviers les plus importants risquent même d’être impopulaires, tel  l’encouragement à l’entrée de nouveaux concurrents ou les mesures conduisant à faire monter le coût des facteurs telles que le SMIG, les lois sociales … .

Toute action rapide et facile de l’Etat (subvention, protectionnisme, dévaluation) risque fort d’être inefficace voire contre-indiquée. Une vue à long terme et l’acceptation de certains sacrifices ne seront pas sans  heurts en Algérie, du moins dans le premier temps car des groupes d’intérêts particuliers détiennent encore un pouvoir réel et où il n’existe pas encore de consensus  national fort en matière de développement économique et social.

On croit souvent qu’il suffirait d’un certain niveau de collaboration entre l’Etat et les entreprises et assez de coopération inter-entreprises au sein d’un pays et sur le plan international   pour garantir le succès à toutes les industries et toutes les entreprises. C’est une idée dangereuse, car comme l’histoire de l’Algérie l’a prouvé, un excès de coopération conduit à un assistanat  qui réduirait le nombre d’entreprises pouvant prétendre à un dynamisme leur permettant d’intégrer le marché mondial. Décideurs politiques et chefs d’entreprise doivent donc être conscients de l’inanité d’une telle politique.

En fait une politique économique doit d’abord admettre le caractère systémique du secteur industriel, l’interactivité et l’interdépendance des politiques et des domaines. Le maillon le plus faible entraînera un nivellement par le bas de l’économie ; il faut donc progresser dans tous les déterminants à la fois.

L'Etat ne doit par conséquent, ni minimiser, ni exagérer son rôle dans la compétitivité  nationale et/ou internationale. Il doit être capable d’identifier les domaines où il a légitimement quelque chose à faire et qui contribuera à la prospérité économique. Rappelons que ces domaines sont autres – et bien plus étendus à maints égards– que ce dont se préoccupent les inspirateurs actuels des politiques économiques.

Les entreprises et l’Etat algérien doivent se rendre compte qu’ils n’ont plus le choix entre la fallacieuse séduction de centralisation, la collaboration et le protectionnisme mais plutôt la réaffirmation d’un ordre économique fondé sur l’innovation, la concurrence et la récompense de l’effort. L’esprit d’entreprise et l’innovation sont la source de  l’avantage concurrentiel, l’Etat doit créer l’environnement qui permettra aux entreprises d’innover car les changements technologiques, au sens large du terme, expliquent en bonne partie la croissance économique d’un pays. Si nous souhaitons une prospérité économique durable, c’est la mise en pratique de tels principes qui portera toutes nos espérances. Il ne reste plus qu’à relever le défi et agir en conséquence.                                                                                                                                                                                   

Bibliographie

Conseil National des Participations de l’Etat, textes législatifs et réglementaires relatifs à la privatisation des entreprises publiques, octobre 1998.

Krugman, P. R. : Empirical Studies of Strategie Trade Policy.- Chicago, University of Chicago Press, 1994.

James Brander et Barbara Spencer ont  été les premiers auteurs à écrire  sur la politique commerciale volontariste et les économies d’échelle.- In Export Subsidies and International Market Share Rivalry, journal of International Economics, février 1985, p.p. 83-100. Voir aussi Robert Feenstra, Empirical Methods for International Trade, University of Chicago Press, Chicago, 1988 ; Robert Baldwin, Trade Policy Issues and Empirical Analysis, University of Chicago Press, Chicago, 1988. 

Krugman, P. R. : La mondialisation n’est pas coupable.- La Découverte/Poche, 2000.- p.p. 201.

Chettab, N. : Crise du rapport salarial ou rapport salarial de crise, une tentative d’analyse critique du rapport salarial dans le secteur public algérien : de la période coloniale à l’autonomie de l’entreprise.- Thèse de magister, 1991.

Gauthier : L’économie mondiale, des années 1880 aux années 2000.- Bréal, 2ème édition, 1999.

Aouadia, J. Ould : Le cercle vertueux de la délocalisation.- Cahiers français, N°269, 1993.

Guellec et Ralle, P. : les nouvelles théories de la croissance.- La Découverte, 1995.


Notes

[1]- Les  marchés de stratégie caractérisés par peu d’offreurs et par l’abondance de demandeurs sont regroupés sous le nom d’oligopole ou de marché imparfait. Au sein de ce dernier quelques entreprises dominent le marché et ont un poids suffisant pour en influencer le fonctionnement. Les firmes adoptent alors un comportement stratégique : leurs décisions dépendent de la façon dont elles anticipent les réactions de leurs concurrents. Voir à ce sujet Jacques Généreux, Economie politique : Microéconomie, Hachette Livre 1995 ou encore R. Bendib et N. Chettab, Microéconomie : Théorie et exercices.-.Alger, OPU, 1995.

[2] Dans notre intervention  la notion de productivité n’est pas utilisée au sens étroit d’efficacité. Elle ne vise pas non plus  les industries « à forte valeur ajoutée », considérées comme contribuant grandement à la prospérité économique. La valeur ajoutée n’est qu’incidemment liée à la productivité du travail et du capital. Le terme productivité se réfère, dans le sens où nous l’avons employé, au revenu par salarié par unité de temps (qui détermine le salaire) et au revenu du capital, qui sont les deux sources du revenu national et représentent des indices préférables et plus précis.

 

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