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La passion amoureuse entre psychothérapie et médecine prophétique

Insaniyat N° 37 | 2007 | Vécus, représentations et culturalité | p.35-44 | Texte intégral

The Love passion between psychotherapy and prophetic medicine

 Abstract: In certain psychopathological configurations religious practice is far from orthodox and takes on a direct link with the psychic functioning.
Based on clinical vignettes, the author tries to show the psychological undercurrents which preside over belief and divine love, to banish, even to defend it against a love linking two human beings of different sex. Such love is considered as an illness, because it is a heresy, and only prophetic medicine is able to bring solutions for this wandering soul. In this medicine, such young people generally find relief from their suffering but in fact struggle in moral questions of childhood origin, which prevent their psycho-sexual development.
Thanks to psychotherapy which enables them to discover the hidden sense of their passion, they finish by adopting behaviour reconciling them with their religion, allowing them above all to establish heterosexual relations of good quality.

Keywords: love illness - psychotherapy - prophetic medicine - religion -beliefs.


ُDalila SAMAÏ-HADDADI : Maître de Conférences, Université d’Alger, 16 000, Alger, Algérie


Introduction

Les jeunes étudiants puisent dans l’islam l’essentiel de leurs comportements, en vue de gérer leurs relations avec l’autre sexe. C’est en effet, une observation courante au CAPU[1]. Selon eux, en raison de la crise du logement, ils n’ont pas d’autres choix que l’abstinence sexuelle, recommandée par la religion. De plus, selon toujours leurs propres opinions, la propagation des maladies sexuellement transmissibles, tel le Sida, leur donne raison. Il s’agit sans doute, d’un «besoin de croire» au sens de Sophie Mijolla-Mellor (2004), qui reprend et commente ce qu’en disait Freud, dans son oeuvre consacrée à la culture et à la religion (1927,1930 et 1939). Dans une société de confession musulmane et de surcroît, dans un siècle de religiosité, comme l’avait prédit André Malraux, cela semble aller de soi. Toujours est-il, que pour supporter les désagréments provoqués par cette répression, il leur arrive de trouver dans la médecine prophétique un soulagement à leur malaise existentiel.

Là, n’est pas l’objet du sujet que prétend développer cette contribution. Notre propos se situera dans un contexte de clinique psychopathologique. Notre attention va devoir se focaliser sur des jeunes adultes, notamment des étudiants, qui essaient de gérer, au mieux de leurs possibilités psychiques, des pulsions qui les submergent dans leurs relations amoureuses. Ils se retrouvent dans l’obligation, pour des raisons psychopathologiques profondes, de sacrifier leur bonheur, au profit d’une vie meilleure dans l’au delà.

C’est surtout auprès de jeunes patients, filles et garçons, étudiants, consultants au Centre d’Aide Psychologique Universitaire, nés après les années 70, que la médecine prophétique, prend, dans la rencontre psychothérapeutique, une place telle, qu’elle nous amène à en saisir les tenants et les aboutissants. Lorsque l’incursion de ces textes dans les entretiens psychothérapiques est en étroite relation avec la passion amoureuse, elle exprime une souffrance qui prend le nom de maladie d’amour "داءُ العِشْقِ", selon la classification des maladies, de Ibn El Kaiem El Djouzia [1292-1351] (2003), souvent prise comme référence par les jeunes algériens. Si les fortes excitations pulsionnelles de l’état amoureux sont traumatiques (C. David (1971) et R. Held (1968), leurs condamnations le seront tout autant, car, comme le disent si bien ces patients: «C’est une hérésie que d’aimer tant un être humain.Un tel amour doit être voué à Dieu et à Dieu uniquement», d’où leur grande souffrance.

D’abord, nous exposerons le cortège de symptômes psychiques et somatiques qui poussent ces jeunes à renoncer à leur amour, dans une quête démesurée, nous semble t-il, d’un rapprochement avec Dieu, chose qui ne réussit pas, malgré cela, à atténuer la force de leurs pulsions.

Ensuite, une situation clinique sera saisie, dans une logique métapsychologique individuelle, pour montrer le bien fondé du déterminisme psychique. Ce dernier userait de la religion, pour exprimer une psychopathologie de l’affectivité, dans laquelle se liraient en filigrane, les lois universelles du fonctionnement psychique. De leur expérience de la médecine prophétique, avant ou en même temps que la psychothérapie, de leurs lectures des codifications religieuses des rapports avec l’autre sexe, en passant par les récits des prophètes et autres, ces patients tentent de gérer des excitations traumatogènes de l’enfance, au mieux de leurs possibilités psychiques.

Enfin, pour peu que notre écoute pervertisse leur discours, c’est à dire, lorsqu’elle est écoute d’autre chose que de leur réelle souffrance, le cadre de la rencontre perd sa contenance et réveille les vieux démons de la revendication phallique identitaire.

C’est ce que nous essaierons d’analyser, en montrant que l’aide psychologique réconcilie souvent ces jeunes avec leurs croyances, tout en leur permettant de jouir du bonheur.

De toutes ces observations cliniques, en milieu algérien, seront déduites des positions personnelles sur les conditions éducatives qui favorisent la manifestation de l’amour authentique: amour de soi, amour de l’autre, amour du travail et d’autres amours indispensables à la création culturelle et esthétique.

L’amour souffrance

C’est souvent après des échecs thérapeutiques de la médecine, que ces jeunes patients sont orientés en psychothérapie. Les plaintes sont somatiques et/ou psychiques, sous forme de maux de tête, de colopathies, d’hypocondrie et surtout d’angoisses, faisant suite à des rencontres où l’amour atteint des proportions de l’ordre de la passion, rappelant celle chantée par le poète Majnûn Leylâ (A. Miquel et P. Kemp, 1984). Les sentiments sont tellement forts qu’ils encombrent la vie, au point où il n’y a plus de place que pour une certaine complaisance dans l’évocation de leur maladie d’amour. Leur vie intellectuelle se réduit, pour devenir, pour certains, carrément nulle. Ils éprouvent des difficultés à se concentrer et peuvent accumuler des échecs scolaires qui les amènerait, sans l’aide psychologique, à demeurer, très probablement, des éternels étudiants. Face à cette grande souffrance qui n’a rien à avoir avec des restrictions du milieu, ces jeunes renoncent à leur amour, vécu comme une hérésie et s’appuient souvent pour le démontrer sur les textes de Ibn El Kaiem El Djouzia. Malgré ce renoncement, accompagné d’un ascétisme, où les prières, les incantations, la rokia[2] et la hidjama[3] sont scrupuleusement suivies, les excitations pulsionnelles ne sont pas pour autant épongées. Alors, ils mettent toute leur énergie psychique pour dompter l’ennemi de Dieu, le diable. Ils sont alors convaincus que leur foi est faible, voire nulle. Face à ce cortège de manifestations psychologiques, ils demeurent longtemps convaincus qu’ils n’ont pas réussi la transcendance espérée, pour mériter le pardon de leurs péchés, car ils n’auraient pas dû établir de relations avec l’autre sexe, en dehors du mariage. Ils ne trouveront pas de mal à mettre fin à une relation passée pour contracter une autre, après une demande éventuelle de mariage, en bonne et due forme. C’est Dieu qui leur enverra l’âme pieuse d’une épouse ou d’un époux, car, disent-ils, il soutient les croyants, quitte à s’armer de la patience de Jacob[4]. Ce n’est que dans de telles conditions qu’ils pourront jouir du bonheur absolu de la vie conjugale. Ce sont alors d’autres références religieuses (M. M. El Istambouli, 1998), entre autres, qu’ils projettent de réaliser : une épouse fidèle, soumise aux injonctions de son mari. La beauté est fitna[5] et les hommes à l’image de Joseph[6], peuvent en être victimes. Aussi, ils doivent la dissimuler pour la réserver exclusivement à leurs époux et épouses, dans l’intimité de leurs relations. Ils espèrent ainsi réaliser une vie conjugale de grande jouissance, dans les limites de la légalité religieuse. Les déviations de ce chemin sont alors soulignées, en référence à la pratique perverse de la sexualité, dans les récits coraniques de Sodome, par exemple[7]. Une distinction est alors soigneusement opérée entre le grand[8] et le petit péché[9]. L’homosexualité, serait le grand, tandis que la sodomisation des femmes le petit péché. Aussi, une femme peut refuser à son mari des rapports sexuels par l’anus, car interdits par la religion. Elle peut demander le divorce, dans ce cas et même dans d’autres, notamment, lorsque ses biens personnels sont menacés de dilapidation par l’époux.

Psychopathologie et religion

Dans les cas qui illustrent notre propos, les données culturelles, notamment religieuses, semblent s’intégrer au fonctionnement psychique, pour assurer une fonction économique, visant la gestion de la vie pulsionnelle. En effet, c’est souvent avec les patients, que nous apprenons, à nos dépens, toutes les prescriptions religieuses auxquelles ils se réfèrent. Les programmes scolaires avec l’introduction de l’éducation islamique y sont certainement pour beaucoup. Nous sommes en présence de différentes expressions d’Eros et comme nous le constaterons après coup, il ne s’agit pas de crises de mysticisme hermétique, mais plutôt de pulsions détournées de leurs buts sexuels pour s’élever au rang de sublimations religieuses. Cependant, elles ne sont pas en mesure de garantir l’accès au bonheur, vu la souffrance psychique qui en découle.

Derrière ces représentations et affects, on découvre des histoires individuelles et des romans familiaux assez singuliers d’un cas à un autre. Il s’agit le plus souvent d’une fixation à un père et à une mère de l’histoire prégénitale.

La vignette clinique suivante illustrera l’essentiel de ce que peut signifier l’incursion de la médecine prophétique dans la prise en charge d’inspiration psychanalytique d’une jeune fille.

Bahia, âgée de 28 ans, refait pour la troisième fois la dernière année de sa formation universitaire. Elle présente des maux de tête rebelles à tous les sédatifs possibles prescrits par son médecin traitant. Elle venait de décider de rompre sa relation avec un jeune homme qu’elle a beaucoup aimé. «Cet amour est une maladie» conclut-elle, car il trouble son recueillement lors des prières. C’est pour cette raison que son médecin l’avait adressée au psychologue. «Je suis malade et je veux guérir de cette maladie. Je voudrais ne plus penser à lui, dit-elle, au premier abord». Ces pensées la troublent au point où elle ressent dans son corps des sensations bizarres. Elle voit comme des étoiles et pense malgré les résultats négatifs de son examen ophtalmologique qu’elle doit avoir une sérieuse atteinte de la vue. Elle suit, selon les prescriptions de la médecine prophétique des séances de Rokia, de hidjama et assiste assidûment aux séminaires religieux de la mosquée.

Elle passe une dizaine de séances à expliquer le bien fondé religieux de sa résolution de quitter son ami. Toute intervention visant à lui faire prendre conscience des raisons psychiques probables qui ont déterminé ce choix, est nulle et non avenue. Cependant, l’écoute neutre, l’avait semble t-il amenée progressivement à me dire qu’elle attend qu’un autre homme vienne la demander en mariage, car ce qu’elle avait fait avec son ex-ami est péché, aussi, en épousant un autre homme que son ami, elle aura plus de chances de réussir son mariage sur des bases légales au vu de la religion. «Que dit la religion à ce propos?», lui demandai-je? Bahia n’arrive pas à répondre avec précision mais évoque la maladie d’amour comme explication à cette contre-indication. Ayant pris conscience du peu de rigueur de son explication, elle s’adresse à un imam pour trouver une solution à ce dilemme. Que lui répond-il? Son péché serait moindre si elle reprenait sa relation avec son ami. Elle reprend contact avec lui et une date est fixée pour que les parents de son ami viennent la demander en mariage. C’est ainsi que j’apprends que son père ne voulait pas assister à cette demande, «prétextant», me dit-elle, les études comme entrave majeure à son mariage. «Ce n’est là qu’un prétexte dites-vous!», lui remarquai-je. En effet, dans tous les cas, son père ne voudra pas qu’elle se marie. Elle a une drôle de relation avec lui et avec sa mère aussi. Elle n’a jamais ressenti auprès d’eux l’amour parental. Sa mère fait tout pour l’éloigner de son père, que Bahia appelle d’ailleurs par son prénom, tandis que ce dernier profite de l’absence de sa mère pour se rapprocher de Bahia. Après m’avoir rapporté le récit d’un rêve où elle voit son futur fiancé se transformer en son père, elle m’avoue qu’elle a toujours été victime des attouchements de ce dernier. Jusqu’à ce jour, il arrive au père de se présenter à sa fille avec le sexe nu, en érection.

Bahia, s’arrange avec son oncle paternel pour qu’il assiste à sa demande de mariage et son lien reprend avec son ami qui devient officiellement son fiancé. «Qui ne dit rien consent», me dit-elle, à propos de son absence de réaction au comportement de son père. «Quelle que soit votre réaction, vous êtes moins fautive que votre père», notai-je, en lui expliquant, qu’en tant que père il n’avait pas à se comporter tel que vous me l’avez auparavant exprimé. «Vous ne pouvez toujours pas réagir», lui demandai-je? «Il ne m’offre aucune occasion pour lui en parler, mais je me sens en mesure de me défendre, si jamais il s’approcherait encore de moi», affirme t-elle très fermement.

Bahia ne souffre plus de ses maux de tête, mais ne tolère toujours pas les réactions bizarres qu’elle ressent dans son corps en parlant avec son fiancé au téléphone ou même en pensant à lui. Elle redoute sa maladie d’amour qui va encore la déranger pour en finir définitivement avec ses études, car, seuls deux modules lui manquent pour décrocher son diplôme. Elle n’arrive plus à se concentrer et pense qu’elle ne réussira pas à préparer ses examens.

La première année de sa prise en charge se termine par un échec à ses deux examens et Bahia est prête à abandonner ses études, pour se consacrer totalement à la préparation psychologique de sa vie de future épouse. Pour cela, elle se réfère à une littérature qu’offrent les ouvrages de théologie, tel le mariage heureux dans l’islam (M. M. El Istambouli, 1998). «Tant que vous ne terminez pas vos études, vous n’allez pas pouvoir vous marier», lui rappelai-je, les propos de son père. «Vous voulez dire que tant que je ne présente pas le diplôme à mon père, cela signifie que je consens toujours» remarque t-elle, après une longue réflexion. Elle avait donc compris que son diplôme équivaut à son affranchissement de son père. Elle profite pleinement d’une session de rattrapage et réussit brillement ses deux examens et devient titulaire de son diplôme, qu’elle hésite pendant longtemps à montrer à son père. Ce dernier n’y prête aucune attention, il ne la félicite même pas.

Sans développer davantage la psychothérapie de cette jeune fille, celle-ci au vu des données cliniques précitées, montre les racines profondes de cet amour passionnel. Elle rappelle ce que nous en dit Freud (1977) à propos de certains choix d’objet d’amour. En effet, Bahia n’a développé cet amour qu’en raison de sa fixation à son père. Elle y renonce, inconsciemment, pour ne pas le trahir. Structurée sur le mode névrotique, c’est à dire avec la préséance de l’instance interdictrice, elle n’a pas trouvé mieux que de déplacer cet amour sur Dieu. Sa prise de conscience des liens entre son amour passionnel et sa relation aux parents, lui fait dire que sa maladie a même perverti ses croyances. «La religion est au service du bonheur des hommes» note t-elle et cite un hadith à l’appui de ses nouvelles convictions: «oeuvre pour ta vie comme si tu serais immortel et oeuvre pour l’au-delà comme si tu mourrais demain».

Il semble, au regard de ce qui suit que Bahia n’aurait pas pu effectuer ce travail sur elle-même, si nous n’avons pas accordé toute l’attention à son système de valeurs religieuses, d’où l’intérêt à analyser nos positions contre-transférentielles culturelles.

Contre-transfert culturel

Nous empruntons ce concept à René Kaës (1998) lequel, nous semble t-il, intervient dans nos différentes rencontres cliniques, actuellement, en Algérie. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, les références culturelles des jeunes algériens ne sont pas forcément les nôtres. Nous avons appris avec eux à écouter leur souffrance sans préjugés préalables, ce qui n’était pas aisé auparavant, en tant que jeune clinicienne. Nous avons déduit que leur entêtement à se défendre contre leurs pulsions, venait entre autres, du fait que nous ne leur accordions pas pleinement leur appartenance à un système de valeurs qui ne correspond pas terme à terme au nôtre. Ceci expliquerait en partie leur résistance qui peut prendre l’aspect d’une revendication phallique identitaire, mais aussi le fait qu’ils se transforment en «fous de Dieu». Dans les faits, ils sont plus dans une folie privée et dans la solitude de leur passion (M.Khan, 1985) et y demeureront tant que nous ne prenions pas conscience de notre contre-transfert culturel en tant que thérapeute. L’interprétation du Coran[10], nous a permis de comprendre ce que nous révèlent nos patients à propos de telle ou telle sourate du texte sacré. oa Comme nous le rappelle René Kaës:«Les cliniciens ont tendance à vouloir nier ces implicites au nom d’un universalisme abstrait.» (ibid, p.123). L’universalisme n’est cependant pas aussi abstrait que cela. Comme nous venons de le voir avec Bahia, il s’agit bel et bien d’une histoire œdipienne, non liquidée. Sans doute, nous la retrouvons sous d’autres cieux et parfois avec les mêmes expressions, telle Juliette qui fut guérie de sa frigidité par un prêtre (R.Viry, 1998). Les expressions psychopathologiques de la vie amoureuse, peuvent varier d’une culture à une autre, mais dans leur fondement elles obéissent à des invariants universels, en l’occurrence les processus psychiques. La connaissance de ces processus permet l’atténuation du malaise de ces personnes, à l’instar de Bahia. Le malaise dans la culture (S. Freud, 1995), viendrait de nos préjugés qui risquent de nous entraîner dans des méandres sans issues pour la personne qui nous demande de l’aide et même pour nous mêmes. En effet, sans ces précautions, nous pouvons développer des croyances délirantes que nous élirons comme théories anthropologiques.

Conclusion

Entre cet amour fou et ce que nous pouvons appeler l’amour authentique, largement débarrassé de ses racines oedipiennes, parce qu’il s’agit toujours de psycho-sexualité, il n’y a pas une différence de nature mais une différence de culture. Aimer est un processus très complexe qui dépend de l’interaction de la nature et de la culture. Cette interaction peut être heureuse ou fâcheuse. Chez Bahia, elle n’était certainement pas heureuse au moment de notre première rencontre, puisque comme dirait Goethe (1961): «La religion, l’art et la science apaisent le triple besoin de l’homme favorisé par Dieu: prier, créer et voir. Celui qui a l’art et la science a aussi la religion. Que celui qui n’a ni l’un, ni l’autre, ait la religion» (p.124). La culture c’est ce que lui ont transmis ses parents au cours de son développement psycho-sexuel. Ils lui ont fait croire que nul ne peut remplacer son père, même dans ses rêves intimes. Or, l’idée naît de l’absence et comme dirait un proverbe de chez nous, «c’est la nudité qui nous apprend le tissage» d’où la création. Elle ne voyait que des étoiles, lesquelles brouillaient la perception de sa réalité psychique, elle ne créait pas, mais se contentait de prier pour se laver de cet amour interdit. L’interdit de l’inceste, rappelons-le est universel, et là, nous retombons dans ce que j’ose appeler l’universalisme concret. Le sacré est dans ces cas, comme le montre Nourredine Toualbi (1984) sacré[11] ambigu! On est alors tenté de faire l’hypothèse qu’il y a autant de sacrés que d’individus singuliers qui usent de l’islam en dehors de «son noyau théologique et juridique invariant.» [...], ce qui renforce la résistance à l’intelligibilité de l’islam[12]» (F. Benslama, 2002, p.23-24) lui même. Aimer c’est accepter l’autre dans sa différence. Aimer c’est aussi créer une culture du partage, tout en gardant son indépendance. Cela s’apprend spontanément avec des parents qui ont fait le deuil de leurs propres objets oedipiens.

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Notes

[1] Centre d’Aide Psychologique Universitaire crée par décision rectorale en 1988.

[2] Rokia: pratique thérapeutique consistant à exorciser les djins par la lecture de versets coraniques.

[3] Hidjama: scarifications qui rappellent le principe thérapeutique des saignées de Broussais, ce qui rend compte d’une conception ontologique de la maladie.

[4] Le Coran, Sourate XXI, versets 83, 84.

[5]Fitna: Envoûtement au sens figuré, dénotant les méfaits de la séduction.

[6] Le Coran, Sourate XII.

[7] Le Coran, Sourate VII, versets 80 à 84.

[8]اللّوطية الكبرى.

[9] اللّوطية الصّغرى.

[10] تفسير بن كثير، الجزائر، دار الثقافة للنشر و التوزيع، 1990 و التومي، محمّد، المجتمع الإنساني في القرآن الكريم، الدار التونيسية، 1990.

[11] Souligné par nous-mêmes.

[12] Souligné par l’auteur.

 

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