Sélectionnez votre langue

Constantine, fait colonial et pionniers musulmans du sport*

Insaniyat N°35-36 | 2007 | Constantine. Une ville en mouvement | p.21-61 | Texte intégral


Constantine, the colonial situation and Moslem sporting pioneers

Abstract: Subjected to the indigenous code, considered as « subjects » and not citizens, Algerians found it difficult to take part in gymnastic and sporting practices. In colonial relations the regard of the « other » determined all social relations and expressed all the difficulty and or the impossibility of « living together ». Sport as a modern cultural fact, offered itself at the same time as a new relation to the body and a new way of assembling people. By taking up new body practices, the citizen Moslem minority was going to start a twofold freedom process.
By connecting, the community of origin logically, to individual accomplishments, induced by modern sporting practices upset somewhat the question of individual statute in the base group.
With regards to the colonial domination model, affiliable logic which allowed this new mode of gathering for Algerians, could be interpreted in function of situations and socio-political circuits suited to each associative animator, by the possession of a space of liberty even if this latter would remain under surveillance.
From whence the necessity to proceed to the rebuilding of a penetrant process a diffusion of modern physical activities within the Constantine Moslem community. For this two essential periods have been retained.
- The first, from 1886 to 1908, will be marked by what we call the timid adhesion time with some Moslem figures to the first gymnastic or European sporting societies.
- The second, which is situated in the period 1908 to1918, will be that of first experiences of Moslem Sporting associations which can be seen as a sign that Moslem society tries to organize itself, by taking up new institutions for socialization, in a colonial context necessary hostile to all emancipation forms in the dominated community.

Keywords: colonialization - sport - identity - enculturation - town -Constantine.


Djamel BOULEBIER (Mort printemps 2006) : Maître de conférence, Département de sociologie, Université Mentouri de Constantine, 25 000, Constantine, Algérie
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie


L’histoire de la pénétration et de la diffusion de l’associationnisme comme forme moderne de regroupement et de mobilisation, à de rares exceptions prés[1], n’a pas suscité l’intérêt des chercheurs algériens, alors qu’à l’instar d’autres institutions comme l’école ou l’armée elle joua un rôle important dans le processus d’acculturation.

Pour les Algériens, si les associations servirent à la reconstruction du sentiment d’appartenance à une communauté, elles le firent selon des modalités d’émergence et d’évolution telles que définies par les nouveaux espaces de sociabilité produits par la logique coloniale. Parmi ces derniers le sport joua sans conteste un rôle fondamental. Ce fait culturel moderne se proposait à la fois comme nouveau rapport au corps et nouvelle forme de rassemblement des individus au service d’une nouvelle «liturgie». Par l’appropriation de cette nouvelle culture, la minorité musulmane citadine de Constantine inaugurait un double processus d’émancipation[2].

Par rapport à la communauté d’origine, la logique d’accomplissement individuelle, induite par le sport moderne, posait la question du statut de l’individu dans le groupe de base.

Par rapport au modèle de domination coloniale, les «logiques affiliatives», qu’autorisait ce nouveau mode de rassemblement des Algériens, pouvaient évoluer, en fonction des situations et des parcours sociopolitiques propres à chaque animateur associatif, sur des «revendications solidaristes»[3].

Soumis au code de l’indigénat, pensés comme «sujets» et «non citoyens», les Algériens ont eu beaucoup de mal à s’approprier les pratiques gymniques et sportives. Les premiers pas, dans ce nouveau monde de la domestication corporelle et des plaisirs sportifs[4], ne pouvaient qu’être hésitants et au prix d’une immense douleur, celle de savoir que ces derniers allaient se faire au mépris des activités physiques traditionnelles, verbalisées par le label«Jeux Populaires»[5], et dont l’avenir ne saurait dépasser les murs du musée des «archaïsmes», histoire d’être de son temps, celui du "temps colonial".

Dans le rapport colonial le regard de «l’autre» déterminait toutes les relations sociales et disait toute la difficulté du «vivre ensemble». Ces restrictions, propres à tout système fondé sur la négation de l’autre, n’ont cependant pas empêché une «élite musulmane » d’accéder à la visibilité sociale. Et contrairement à ce qui est communément admis, les premières expériences associatives que connurent des Musulmans, qu’elles soient sportives ou autres, firent leur apparition sur l’ensemble du territoire bien avant la Ière Guerre mondiale. Ce que nous allons essayer de démontrer en procédant à la reconstruction du processus de pénétration et de diffusion des activités physiques modernes au sein de la communauté musulmane de Constantine et à l’explicitation de ses significations.

Ce travail s'est construit essentiellement sur la base des sources disponibles au niveau des Archives de la wilaya de Constantine, avec une dominante pour l'exploitation systématique des publications de la presse coloniale de l'époque. Nous mettons ainsi à la disposition de futurs chercheurs sur l'histoire des pratiques sportives en Algérie, le maximum de matériaux car«chaque détail retrouvé en appelle un autre à la manière d'un cristal qui élabore sa structure»[6].

1 – Gymnastique, sports et «adhésion timide» de quelques figures musulmanes aux premières sociétés européennes (1886-1908)

Il est clair – et ceci doit être souligné avant d'aller plus loin – que l'adhésion des musulmans aux nouvelles pratiques physiques initiées çà et là par les premiers sportsmen européens du Constantinois, est loin de constituer un phénomène de masse. Ces expériences individuelles, aussi rares soient-elles, ne nous intéressent que comme témoignages vivants des transformations sociales, politiques et culturelles en cours qui, progressivement, allaient bouleverser les anciens repères sur lesquels se construisaient les imaginaires algériens. Ce «peu d'enthousiasme» pour la chose sportive est le fruit d'obstacles qui restent difficiles à dépasser dans le contexte de l'époque et que l’on peut expliquer :

1) par la méfiance de la grande majorité des musulmans vis-à-vis de tout ce qui est initié par le pouvoir colonial et perçu comme une politique de déculturation. Les meilleurs exemples nous sont fournis par les réticences des musulmans vis-à-vis de l'école et de la médecine françaises[7].

2) par le climat politique et le rapport entre les différentes communautés surdéterminées par l'opposition, autour de la question de l'assimilation, entre les militaires qui y étaient favorables, et le parti des colons qui y était opposé. Autour des premiers se recrutaient tous ceux qui étaient hostiles au M'cid et aux Medersas et qui militaient pour leur disparition et leur remplacement par l'école française. Leur devise :

«Il faudrait s'emparer de la jeunesse par l'esprit et le cœur, (…), éveiller en elle l'ambition de faire partie intégrante de la nation»[8]..

Quant aux seconds, ils exprimaient en fait une position de classe que formulait clairement, dans un autre contexte et dans un autre lieu, l'impératrice Catherine de Russie à propos de l'école pour les paysans :

« Du jour où nos paysans voudraient s'éclairer, ni vous ni moi ne resterons à nos places »[9].

La dimension matérielle et financière de la pratique physique qui présuppose une certaine position sociale. A titre d'exemple, pour le cyclisme, le prix d'une bicyclette fut pendant longtemps un facteur de sélection sociale. En effet ce nouveau moyen de transport et de loisirs entra dans les moeurs des classes moyennes européennes[10] constantinoises en 1889 (Le Républicain du 04/09/1889). En août 1894, Th. Beringuer a ouvert un magasin pour bicyclettes dont les prix affichés allaient de 250 fr. (pour une machine avec roues en caoutchouc creux) à 450 fr. (avec pneumatiques). Ce qui était fort cher quand on sait qu’une bonne armoire à glace coûtait 100 fr. (Le Républicain du 28/08/1894). On se doute bien que pour les Musulmans des couches populaires, et combien même ils se seraient trouvés parmi eux des convertis aux bienfaits de la nouvelle machine, ces prix exorbitants ne pouvaient que les exclure. Un agent de police indigène débutant (dit agent auxiliaire au titre indigène) avait un traitement de 720 fr. par an (Indépendant du 19/06/1909). La complexité technique ou l'aspect disciplinaire de certaines pratiques comme la gymnastique. Ainsi nous verrons que tout ce qui a un rapport avec la course à pieds, et qui par la suite se formalisera dans diverses spécialités de l'athlétisme, cantonnera les musulmans dans les courses de fond qui faisaient appel avant tout «l'endurance».

Tous ces obstacles n'empêcheront pas quelques Musulmans de tenter cette nouvelle aventure humaine qui se présente à eux. Comment en rendre compte ?

Pour une meilleure clarté de l'exposé, nous avons privilégié l'approche à partir des premières pratiques gymniques et sportives qui se mirent en place dans les années 1880 telles la gymnastique, le tir, la course à pieds et enfin le cyclisme et de la distinction par rapport aux espaces socioculturels et économiques de leur réalisation, entre la grande ville de Constantine et les établissements humains dit ruraux.

Cette dernière différenciation est d'autant plus importante que nous avons relevé une relative «perméabilité» des sociétés gymniques ou sportives européennes à l'élément autochtone dans les petits centres coloniaux et là où domine l'institution militaire, animateur principal du processus de diffusion des nouvelles pratiques physiques et corporelles, du moins pour cette période.

Reste à dépasser la difficulté de la périodisation dans la mesure où ces activités n'apparaissent pas en même temps. Bien sûr, les dates proposées restent arbitraires et ne sont là qu'à titre de balises pour faciliter la lecture des faits sportifs exposés.

1.1. Les premiers moments du temps sportif à Constantine, 1886- 1898

Mis à part les courses de chevaux[11], spectacle déjà fortement apprécié à Constantine à partir de la fin des années 1850, les premières formes de spectacles européens, fondées sur des démonstrations physiques qui puisent à la fois dans le fonds gymnique et celui du cirque, firent leur apparition à Constantine en 1859 avec l'exhibition de la famille Braquet[12]qui eut lieu dans la cour de la Casbah. Le public fut fortement impressionné par tant de maîtrise qui «frisait la sorcellerie». Mais réellement, c’est-à-dire selon les paradigmes de la gymnastique officielle, il faut attendre :

- l’année 1886, pour voir l'armée prendre des initiatives et organiser une fête de gymnastique et d'assaut[13] où participent uniquement des militaires.

- et le 07 février 1887, date choisie par des civils pour se réunir à la mairie de Constantine afin de discuter les statuts et procéder à l'élection du comité et des moniteurs de «l'embryon» de Société de gymnastique : L'Espérance constantinoise.

Parmi ses membres fondateurs,[14] on relève la présence du moniteur général d'escrime, un certain Si Saïd (ou Saadi, les rédacteurs prenant beaucoup de liberté avec les patronymes musulmans[15]), un ex prévôt au 3ème Tirailleurs[16]. Sa présence au sein de la dite Société sera cependant de courte durée puisqu'en juillet de la même année, le comité de L'Espérance a cru bon de tenir une réunion pour procéder à la nomination d'un nouveau moniteur pour pallier au départ de Si Saïd. Au-delà de l'anecdote, cet exemple dit bien la part de l'institution militaire dans l'expérimentation de nouvelles pratiques physiques propres à la gymnastique, et qui faisaient partie du cursus de formation militaire, surtout après l'humiliation de 1870 face à la Prusse.

A côté de l'institution militaire, le lycée de Constantine[17] fut l’un des lieux où les rares Musulmans admis, ont pu prendre connaissance des premiers rudiments de la gymnastique et obtenir même des prix, au palmarès de fin d'année, à l'image du jeune Beloucif Saïd, en 1898[18].

1.2. Les premières figures musulmanes du sport (1898 à 1908). De la venue de Omar de «La vie au grand air d'Alger» à Bensouiki Mustapha

Vers la fin du XIXe siècle, Constantine connaît une relative croissance démographique liée en grande partie à la famine et à la misère, grandes pourvoyeuses de «l'armée roulante». Le climat politique dans la ville était marqué par l'antisémitisme (affaire Dreyfus). Les élus musulmans, partagés par rapport à cette question, commençaient à «prendre conscience» des divisions politiques qui traversaient la société coloniale. Et c'est en de rares occasions, comme la venue du Président de la république Emile Loubet à Constantine, en janvier 1903, qu'ils pouvaient espérer accéder à une visibilité sociale[19] dans la presse coloniale.

C'est dans ce contexte que quelques frémissements se firent sentir, signes des premiers éveils aux bouleversements propres à la vie urbaine rythmée par le temps européen[20]. Le Docteur Morsly, dans un souci de distinction, adhéra au Cercle d'escrime L'épée, une société sportive – presque modèle – fermée et hautement élitiste[21]. Un certain Chérif rejoignit, en 1904, la section de Aïn-M’lila du Touring Club Cycliste Constantinois (T.C.C.C)[22].

Ces années 1900 furent aussi celles de la multiplication des spectacles à caractère sportif, où les Musulmans étaient partie prenante[23], soit en marquant fortement leur présence dans le public qui assistait à une course cycliste, soit en participant directement[24] à l’évènement sportif.

1.2.1. Omar, un gymnaste musulman à Constantine

Pour la première fois dans l'histoire sportive récente de la ville, allait se dérouler le cinquième concours fédéral des Sociétés de gymnastique de l’Algérie et de la Tunisie, les 19, 20 et 21 octobre 1906[25]. Organisé par La Constantinoise[26], première société de gymnastique de Constantine, l'événement devait rassembler tout ce que l’Algérie comptait d'adeptes de la gymnastique. Trente sociétés étaient attendues. Parmi elles, une l'était particulièrement par les sportsmen musulmans de la ville et de sa région. L'Avant-garde Vit au Grand Air (AGVGA). Cette société de gymnastique et de préparation militaire, fondée le 14 juillet 1895 à Alger par un ancien militaire musulman, Omar Benmahmoud Ali Raïs[27] fut, à notre connaissance, la première expérience d'organisation musulmane autonome en vue de la pratique d'activités physiques gymniques et de préparation militaire. Nul doute que les représentants de la communauté musulmane lui firent un accueil digne de sa réputation. Malheureusement les comptes rendus de presse autour de ce grand événement gymnique ont passé sous silence cette dimension ou, du moins, n'y ont pas fait allusion. Cette présence du gymnaste à Constantine était d'autant plus significative qu'elle se situait à un moment où le climat entre les communautés était loin d'être paisible. Cette période était également celle où l'on relevait un relatif accroissement de la population scolaire musulmane[28].

Y a-t-il un rapport entre ces données et le début de visibilité des premiers sportifs musulmans ? Difficile d'avoir des certitudes sur un tel rapport. Toujours est-il que le reflux des réticences culturelles en matière scolaire de la part des Musulmans, et la relative ouverture/accès à la culture occidentale ont nécessairement facilité l'adhésion aux nouvelles formes de loisirs qui rythmaient la vie dans les colonies.

Si l'école et l'armée ont depuis toujours constitué, du moins en Algérie, le creuset de diffusion des nouvelles pratiques physiques

– dominées par la gymnastique, le tir, l'escrime et la préparation militaire[29], reconduisant ainsi en territoire colonisé le modèle dominant en métropole

– les sociétés sportives n’étaient pas en reste. C'est en leur sein qu'émergèrent les premiers «champions» sportifs musulmans.

1.2.2. Saïd Ferroukhi, Ahmed Ben Ali et les autres

A peine fondé[30], le Stade constantinois faisait courir le Tour de Constantine à pieds. Au cours de cette épreuve un jeune débutant se fit remarquer : Saïd Ferrouhi (ou Ferroukhi[31]) « qui fera merveille avec un peu d'entraînement ». En effet, deux ans plus tard, exactement le 26 janvier 1908 à 2 heures de l'après-midi, on le retrouva sur le parcours de 12 km de la même épreuve où il se classa à la quatrième place.

Au challenge de Batna des 19 et 20 mai 1907, en commémoration de la fête de la Pentecôte, le champion du «marathon algérois» Messali Rabah[32], se fait connaître du public musulman présent au spectacle.

Il faut dire que l’intérêt soudain de quelques Algériens pour la course à pieds prenait ses sources dans le vieux fond universel de la culture des couches populaires qui privilégiait les valeurs du corps[33]. Dans ces confrontations, l’individu avait la possibilité de prouver, aux yeux d’un public occasionnel, ses capacités et son honneur[34]. Les Musulmans ne pouvaient qu’adhérer à cette culture des défis et«s’inséraient dans un système social où la provocation et la bravade étaient une façon d’établir un ordre nouveau entièrement fondé sur le prestige»[35].

Cette nouvelle forme d'accès à la notoriété sociale n’allait pas sans susciter les premières rivalités sportives, et réveiller les particularismes locaux ou régionaux au sein même de la communauté musulmane.

1.2.3. Ahmed Ben Ali ou l'autre forme de la geste sportive musulmane : le défi sportif[36]

Ce coureur pédestre des années 1900, se distingua pour la première fois, en août 1907, à l’occasion de la fête du quartier de la Préfecture, en remportant la course pédestre pour adultes sans que la presse locale ne fasse référence à son club d’appartenance[37]. Une année plus tard, il rejoignit la deuxième société de gymnastique et de préparation militaire: l'Avenir Cirthéen (centré sur le faubourg ouvrier d'el-Kantara), et réapparaissait sur la scène sportive constantinoise en réponse à un défi lancé par un certain Cattalorda pour accomplir, un dimanche du 23 février 1908, le Tour du Hamma[38]. Le 31 mars de la même année, en compagnie de Joseph Passeroni de La Constantinoise, et de Mohamed Bensalah, il remporta l'épreuve Constantine-Philippeville (Skikda)[39]. Fort de cette performance, il défit le champion algérois Messali Rabah en avril, pour une course de Constantine à Sétif. Nous ne disposons pas d'informations crédibles pour pouvoir esquisser, ne serait-ce que sommairement, le profil de ces sportsmen et surtout leur ancrage social et géographique. Si pour le jeune Ferrouch (Ferroukhi) il est presque certain qu'il s'agissait d'un lycéen (compte tenu de son jeune âge signalé par les différents commentaires sportifs de l'époque), donc issu d'une famille loin d'être dans le besoin, pour Messali Rabah, Bensalah ou bien Ahmed Ben Ali, il est fort risqué d'avancer une quelconque hypothèse. Pour ce dernier tout ce que l’on sait, se résume au soutien dont il bénéficiait de la part du père Grech[40].

Tout ce qu'il est possible de proposer, ce sont des tendances qui se dessinaient hic et nunc et que les années d'avant et d'après la guerre 14-18 allaient confirmer. Les Algériens allaient s'affirmer dans des sports où « il faut être dur avec soi-même, et savoir encaisser la souffrance et les coups», comme la course à pieds de fond, le cyclisme sur route, la boxe, pour espérer accéder à une gloire éphémère (Arbidi I et II, El Ouafi, etc…) dans une société bâillonnée par l'ordre colonial. Mais la pratique sportive n'était pas le seul moyen d'intégrer cette nouvelle réalité socioculturelle. L'accès au statut valorisant de membre dirigeant d'une société gymnique ou sportive fut un autre, surtout à cette époque où une partie des élites était en situation de demande sociale d'acculturation.

1.2.4. Bensouiki Mustapha, Mahmoud, notabilité musulmane et associationnisme européen laïc

En 1897, des notables et élus municipaux musulmans prirent la décision de constituer une association Amicale des anciens élèves de l'école Sidi Djliss[41] sans attendre la promulgation de la fameuse loi de 1901. Ammouchi Mahmoud, interprète attaché au cabinet du Préfet et officier de l'instruction publique, en était le président. Il fut secondé dans cette expérience toute nouvelle par:

- un vice-président, M. Hamou Benzornadji, assesseur au tribunal civil.

- et comme membres assesseurs: Alloua Ben Boucherit conseiller municipal, Hassouna El-Ammouchi, Zouaoui Benlebdjaoui et Omar Bencheriet.

Mais le véritable homme orchestre de cette initiative, au vu des fonctions de secrétaire et de trésorier[42] qu'il occupait et son inamovibilité dans ses deux postes, était Mustapha Bensouiki[43] membre, au titre indigène, du conseil municipal de la ville de Constantine. Par son dynamisme et son profil de lettré – ce qui lui valut d'être un des principaux conférenciers du futur Cercle Salah Bey – il est représentatif de ces élites musulmanes citadines qui firent leur apparition dans les année 1880 comme Slimane Benaïssa, Hameïda Benbadis, Salah Bouchenak, Hadj Hamou Benouattaf et d'autres[44] qui, tout en restant attachés à la culture musulmane, ne dédaignaient pas l'ouverture à la culture occidentale, devenue incontournable dans l'économie de la promotion sociale. Toujours en quête de nouvelles initiatives, il apparaît en septembre 1901, comme seul musulman parmi les membres fondateurs de la création de l'Université Populaire à Constantine[45]. Ce qui prouve bien qu'il était partie prenante des divers groupements qui se sont constitués et développés grâce aux lois sociales de la 3ème République (syndicats professionnels, coopératives de production, union de sociétés de secours mutuels, etc.).

Cette dynamique ne pouvait que le conduire à rejoindre la famille des sportsmen de la ville en devenant membre de La Constantinoise au moins à partir de 1905-1906 dans la mesure où cette société gymnique dans son assemblée générale de novembre 1907 lui renouvela sa confiance comme membre assesseur du bureau de son comité d'administration[46]. Sans que nous sachions si cette présence fut d'ordre honorifique, au vu de son statut d'élu indigène – ce qui assurait au Comité, ne serait-ce que symboliquement, une représentation musulmane toujours utile au moment des marchandages politiques intra société coloniale -, elle dénotait dans la pire des hypothèses au moins une curiosité pour la chose sportive. Le fait est là: par cette adhésion, il devenait le premier dirigeant musulman[47] dans une société à caractère gymnique et sportif à Constantine. Par cette adhésion il fit un «choix sportif» à l'opposé de celui du docteur Morsly qui, à la même période, dans les années 1905, préférait les assauts d'escrime avec le cercle de L'épée comme si territoires politiques et territoires sportifs devaient correspondre.

Cette lecture parallèle de deux trajectoires faite, et pour rester sur celle de Bensouiki, nous dirons que dans toutes nos recherches autour de la généalogie du sport dans cette ville, c'est uniquement à partir de novembre 1907 qu'il est fait allusion, dans les comptes-rendus de presse, à la présence d'un dirigeant musulman au sein d'une société de gymnastique, de tir et de préparation militaire. Dans les petits centres ruraux, l'intégration de quelques rares autochtones s'est faite un peu plus tôt. De la même façon, certaines notabilités de la ville n'ont pas attendu cette date pour rejoindre le comité de la Société de courses de chevaux apparue dans les années 1870. Mais, à notre avis, les activités qui se sont développées autour du cheval, relevaient d'expériences socioculturelles assez différentes pour être associées à celles plus centrées sur la gymnastique, le tir, l'escrime, la préparation militaire ou ce qui sera considéré comme «sports anglais» comme la course à pieds, le football, la boxe, le cyclisme, etc.

Par cet acte - l'adhésion à La Constantinoise -, ce pionnier, sans qu'il en prenne conscience au moment où il le faisait, inaugurait une véritable saga de la famille Bensouiki qui se fera un point d'honneur, tout au long de l'histoire des sports à Constantine, à placer un des siens sur la scène sportive, et ce jusqu’à la veille de la guerre d'indépendance du pays.

Si Mustapha ne s'arrêtera pas là. Fin lettré, il allait devenir un des membres influents de l'une des sociétés musulmanes qui marqua le plus le paysage culturel musulman constantinois dans cette fin des années 1900 : le Cercle Salah Bey.

2– Du Cercle Salah Bey à l'Etoile Club Musulman Constantinois, 1908-1926

Il faut savoir que le processus de captation d'une partie des élites musulmanes pour leur inscription dans l'espace des sports naissant ne devait rien au hasard. Il fut l'aboutissement logique des bouleversements socio-économiques et politico-culturels qui ont affecté l’Algérie du début du XXe siècle.

D'autre part, et c'est là la dimension la plus significative, ces tentatives d'une partie des autochtones pour expérimenter de nouvelles formes d'expression corporelle furent autant de conquêtes et de brèches ouvertes dans un système colonial rigide et hostile par nature à tout changement de statut des «sujets musulmans». Autant de moments sociaux qu'animeront de nouveaux acteurs auxquels revenait la difficile et douloureuse tâche de dessiner les contours d'une société nouvelle. Cependant le chemin de l'émancipation passait désormais par la ville coloniale et ses nouveaux lieux urbains qui concurrençaient fortement et de plus en plus ceux qui relevaient de l'ordre socio-spatial de la Médina. De même, les nouvelles initiatives socioculturelles se déroulaient selon le double contrôle de l'administration coloniale et des représentants anciens de l'ordre moral traditionnel, «les vieux Turbans». C'est à ces nouvelles expériences que nous allons nous intéresser et esquisser leurs significations possibles.

2.1. Le Cercle Salah-Bey ou la construction sociale d'un nouveau champ intellectuel musulman laïcisant

Il s’agit d’apporter quelques précisions sur la formation du cadre socio-spatial qui a rendu possible la naissance de ces nouvelles institutions culturelles où une partie des notables et des lettrés feront leurs premiers pas.

2.1.1. L'urbain, processus migratoire et territoires de la marge

A l'orée du XXe siècle, la ville de Constantine, à l'image de l'ensemble du territoire algérien, voit son cadre socio-spatial complètement redéfini[48] à la suite d'un remodelage violent et autoritaire de l'ancien cadre bâti formé par la Médina, pour lui substituer un nouveau plus conforme à la logique coloniale; logique qui eut également pour conséquence d'ouvrir les portes à un long processus de mobilité géographique pour les populations rurales. Quelques données statistiques suffiront pour apprécier cette amorce de l'urbanisation du pays.

Tableau n°1: La population des villes d'Algérie de 1872 à 1906*

Centres urbains

Département

Constantine 

1872

1906

Centres urbains /

reste Algérie / Années

1872

1906

Constantine

29 867

54 247

Alger

56 980

149 429

Bône (Annaba)

14 846

41 266

Oran

40 015

101 009

Philippeville (Skikda)

10 267

18 313

Tlemcen

14 554

33 588

Sétif

4 074

12 264

Blida

8 136

19 197

Bougie (Bejaia)

3 273

10 615

Mascara

4 770

19 723

Guelma

3 195

6 584

Mostaganem

4 319

16 606

Batna

2 384

5 577

Sidi-bel-Abbès

4 273

26 073

 

 

 

Médéa

3 620

4173

 

 

 

Miliana

3 142

8430

 

 

 

Orléansville (Chlef)

2 331

4 925

 

 

 

Tizi-Ouzou

403

1703

Source : La population des villes d'Algérie, rapport Cochery cité part l'Indépendant du 07-07-1909.

* NB : Ce tableau ne fait qu'illustrer le processus d'urbanisation de l’Algérie. Bien sûr, la part des autochtones dans la croissance des différents établissements humains diffère d'une ville à une autre. Cependant à Constantine, une des rares grandes villes algériennes où l'élément musulman restait dominant, la croissance est pour une bonne part liée à l'apport des migrations rurales.

Pour confirmer l’attrait de la ville de Constantine pour des populations d'origine rurale, il n'est pas inutile de s'appuyer sur quelques faits divers que rapportait quotidiennement la presse locale. Celui paru dans L'Indépendant du 28-02-1909 signalait l'accroissement «d'indigènes» sans domicile fixe et sans papiers, qui furent arrêtés, « traduits devant les tribunaux et expulsés vers leurs pays d'origine, une fois leur peines expirées ».

Dans la ville quadrillée par la police – à laquelle, déjà en 1887, étaient associés des éléments musulmans49 - la circulation des «Indigènes» était soumise au contrôle social grâce à ce nouvel instrument qu'était la «Nekma» (carte d'identité) qui rappelait à chacun le rapport politique d’assujettissement à telle enseigne que le parler algérien l’intégra à son vocabulaire.

« Chacun sait, et les Indigènes plus que tout autre, que les Arabes doivent être munis de leur "Nekma" ou carte d'identité afin de la présenter à toute réquisition des agents de l'autorité[50]

Ainsi, au détour d'un contrôle de police, on prend connaissance de l'origine géographique de ces néo-urbains qui, à leur manière, allaient contribuer progressivement à façonner la ville de Constantine et poser un problème réel aux nouvelles élites musulmanes citadines. Pour ces nouvelles populations, demeurer en ville c'est se replier sur les territoires de la marge qu’étaient les Fondouks et surtout les Cafés maures, seuls à même d'offrir un temps de répit avant de subir les affres des infractions au Code de l'Indigénat[51].

Ces lieux de rencontre, de socialisation et de sociabilité entre Musulmans, autour d'une tasse de café[52], fonctionnaient comme gîtes ou refuges de nuit où il était possible d'échanger des idées sur la situation du pays loin de l’inquisition policière des registres de garnis et des fondouks. Ils servaient aussi pour les jeux clandestins (jeux de hasard) qui entraînaient souvent des rixes. Dans une société où les valeurs masculines fondées sur la virilité dominaient, l'affirmation de soi dans le groupe passait nécessairement par l'utilisation de la violence. Si à l’origine ils étaient confinés dans les quartiers arabes, ces établissements débordèrent sur les grandes artères, au beau milieu du quartier français[53]. Leur multiplication vers la fin des années 1890, si elle était liée à la baisse du taux de location[54], n’en signifiait pas moins un réel bouleversement du cadre urbain ancien.

Considérés à tort ou à raison comme les symboles d'une population déviante, ils firent l'objet d'une répression et d'un contrôle très strict. Par le décret du 25 mars 1901, l'administration coloniale tendait à faire disparaître tous les débits de boissons stigmatisés comme lieux de débauche ou « de repaire de gens sans aveu »[55]. Cette volonté d'éliminer ces lieux de rencontre pour «les marginaux» et tous ceux qui pouvaient se constituer en «classes dangereuses», faisait qu'ils devenaient effectivement des espaces de sédition et de dissidence.

Cette perception était largement partagée par les couches sociales musulmanes nouvellement intégrées au système colonial, et soucieuses elles aussi d'une moralisation de la vie quotidienne urbaine qui suscitait de nouveaux styles de vie et de nouvelles pratiques. Est-ce seulement un souci de redressement moral qui est à l'origine de la constitution du Cercle Salah Bey ?

2.1.2. Un nouveau cadre d'expression des élites musulmanes: le Cercle Salah Bey

A l'initiative d'un groupe de notables de la ville, dont Bensouiki Mustapha, élu municipal, Benmouhoub, muphti et professeur à la Medersa[56], Benlaâbed, professeur d'arabe à la Medersa, et le conseiller aux Affaires indigènes de la préfecture de Constantine, Arripe, se constitua en mai 1908 Le Cercle Salah Bey[57]. Cette initiative présentée comme une œuvre de redressement, de bienfaisance, « une société d'études littéraires et scientifiques », mais aussi - et on a souvent tendance à l'oublier dans les analyses et les caractérisations des élites musulmanes laïcisantes du début du XXe siècle - une occasion de revalorisation de la langue arabe.

Laissons la parole à l'un de ses membres, le professeur Benlaâbed:

«(…) Si le Cercle, qui a juste dix mois d'existence, a pu distribuer des secours, fournir des bourses, donner des conférences et organiser des cours d'adultes, c'est grâce aux encouragements de l'administration (…). Les cours d'adultes ont été fréquentés régulièrement par plus de 200 élèves et un petit examen passé ces jours derniers a montré que les résultats dépassaient toute espérance.

Maintenant, je dois vous avouer franchement que si nos cours ont été fréquentés par un si grand nombre d'auditeurs, c'est grâce à l'idée heureuse qu'a eue le Conseil d'administration d'organiser des cours d'arabe littéraire et de français, car il est formellement reconnu que les esprits les plus réfractaires à l'instruction cèderont en voyant l'enseignement du français donné simultanément avec celui de l'arabe. A vous, mes camarades (…), de continuer loin de la politique et des discussions byzantines.» L'Indépendant du 15 juin1909

Ce discours à lui seul, est tout un programme politique, social et culturel. S'il ne conteste nullement l'ordre colonial, dans la mesure où il en reconnaît les valeurs et accepte par là même, le passage de la «communauté des frères» à la «société des camarades», il n'est pas prêt pour autant à y laisser son âme[58]. Il traduit bien, également, toute l'effervescence culturelle que connaissait le champ intellectuel musulman de l'époque. Un véritable débat s'instaura autour de questions aussi variées que celle de la conscription[59], du rapport entre «Islam et civilisation» abordé par Mouloud Benmouhoub lors d’une conférence, en février 1909, où furent énoncées et de façon prémonitoire, les questions cruciales que refusera de se poser l’Algérie indépendante et notamment le statut de la religion dans la société, du statut de la musique[60].

Ces frémissements d'une vie culturelle de l'élite musulmane ont suscité nécessairement des interrogations au sein d'une partie de la communauté européenne que résumait parfaitement un article de deux colonnes et demi, Les indigènes d'Algérie sont-ils assimilables ?[61]

En gros, la thèse défendue était que le mouvement d'assimilation était superficiel et touchait les villes et leurs élites. A contrario, le journal L'Akbar[62] pensait lui que «par l'instruction scolaire et la fraternité militaire, l'évolution des indigènes d'Algérie va être puissamment activée (…) Un problème colonial ne peut être résolu conformément aux principes républicains que par l'association des races»[63].

Or l'émancipation des Musulmans algériens en ce début du XXe siècle constituait un enjeu majeur, et maîtriser tous les instruments qui permettaient de la réaliser s'avérait indispensable. D'où l'intérêt des lettrés musulmans pour l'associationnisme. Dans une conférence[64] sur «l'utilité des sociétés», Benlaâbed «montra combien peu d’indigènes algériens comprenaient les avantages de la solidarité et du groupement», et après quelques critiques assez vives adressées à leur indifférence, «l'orateur montra à quels résultats les peuples occidentaux étaient parvenus en groupant habilement les intelligences et les bonnes volontés. Il exposa les différentes sortes de sociétés scientifiques, artistiques,… qui existent en Europe (…). Puis montra que l'Islam n'était nullement opposé à la constitution de sociétés et que le Prophète avait sans cesse invité les musulmans à se grouper… Il termina en engageant ses auditeurs à faire preuve de plus de solidarité, à l'avenir, s'ils voulaient s'arracher à leur misérable condition actuelle»[65].

Cette plaidoirie qui insistait lourdement sur la nécessité de développer les œuvres de mutualité, d'assistance et de prévoyance, résonnait comme un appel aux musulmans à s'organiser et à se rassembler. Elle annonçait également une concurrence, dans le marché de la médiation sociale, aux autres formes plus traditionnelles et centrées sur la mosquée et/ou les zaouïas. Mais cette proposition moderne, plus laïque, ne pouvait se passer de la légitimité du livre.

Si le Cercle n’initia pas directement des activités gymniques et sportives, il faisait figure par contre de premier espace socioculturel musulman de référence qui dépassait le cadre forcément restrictif tracé par la première expérience associative de 1897 avec L'Amicale des anciens élèves de Sidi Djliss. Et ce n'est pas par hasard qu'à sa suite, çà et là quelques initiatives firent leur apparition.

2.2. Le Progrès musulman, L'Essor islamique, Ikbal. Emancipation à la veille de la première Guerre mondiale

Après la course à pieds, la gymnastique dans le cadre scolaire ou au sein de groupements européen pour quelques uns[66], les compétitions hippiques, l'escrime avec le docteur Morsly; «les Musulmans» se mettent au cyclisme comme Benbakir Mustapha et Bouaoni (Boua'ouni) qui ont participé aux courses du 15 et 22 janvier 1911 organisées par le Touring Club Cycliste Constantinois (T.C.C.C.)[67]. Mais le fait marquant, en termes de visibilité sociale d'un collectif nettement identifié, reste ce court compte rendu publié dans La Dépêche de Constantine[68] du 23 mars 1911 et dans lequel nous apprenons que «Dimanche dernier [donc le 19 mars 1911], se sont rencontrés sur la plate-forme de Mansourah, les équipes premières du Progrès Musulman et de l'A.C.C.[69]. La partie qui fut tout à l'avantage de l'A.C.C., se termina par la victoire de ce dernier par 2 à 0». Une analyse de contenu de l'ensemble de l'article permet d'avancer quelques hypothèses sur ce groupement sportif :

Le Progrès musulman serait une société sportive non intégrée au sport organisé et institutionnalisé.

Il y a pénétration du football dans la communauté musulmane. Ce serait une société franco-musulmane dans la mesure où, au début 1911, L'Union Sportive Constantinoise[70] avait fusionné avec le Progrès Musulman[71].

Première apparition dans l'espace sportif constantinois, d'un sigle qui renvoie directement aux musulmans et les verbalise positivement dans le sens où ce marqueur identitaire était pour une fois associé au Progrès[72]. En forçant l'analyse, nous dirons qu'il y a là comme une forme de «nationalisation» des sports anglais par leur réinscription dans l'espace constantinois à partir de ce marqueur anthropologique.

Toujours est-il que cette «intrusion musulmane» donne à penser que nous entrons dans une période où il devenait de plus en plus difficile pour le système colonial dans son ensemble – pouvoir politique et société civile qui lui était associée – de continuer à ignorer l'autre communauté. Cette dernière était d'autant plus légitimée dans son désir d'émancipation qu'elle a eu à fournir le «prix du sang» au cours de la guerre de 1870 contre la Prusse. On peut même se demander si le Progrès Musulman n'était pas in fine une société sportive formée à l'initiative d'anciens combattants[73]. Cette dimension, autour du «loyalisme indigène»[74] allait revenir comme un leitmotiv au fur et à mesure que «les bruits de la guerre» se rapprochaient. Toutes les initiatives musulmanes futures en seront profondément marquées.

2.2.1. L'Essor islamique, une société sportive musulmane autonome ?

«Hier a eu lieu (le 05 septembre 1911), à la Bourse du Travail[75], une réunion à laquelle assistaient de nombreux jeunes gens musulmans, désireux de fonder une société sportive. Après échange de vues, ils ont décidé d'appeler cette société: L'Essor islamique ; en plus des questions sportives, cette nouvelle association aura pour but d'entretenir entre ses membres des relations de bonne camaraderie.

Le comité a été constitué de la façon suivante :

Président Lakehal Saïd ; Vice-président Berria Sassy; Secrétaire général Bendjaballh Tahar ; Trésorier Benabdi Abdelmajid ; Secrétaire adjoint Bouazza Mohamed ; membre du comité Annani Bahi.

Le comité invite les jeunes musulmans désireux d'adhérer à cette société, à se faire inscrire chez le secrétaire général Bendjaballh Tahar».

La Dépêche de Constantine du 06/09/1911

A dire vrai, mis à part ce communiqué annonçant sa création, cette société fut peu visible au plan médiatique. Est-ce à dire qu'elle était restée à l'état de vœu pieux ? Toujours est-il, que deux points méritent notre attention:

Par rapport à l'initiative du Progrès Musulman, celle-ci semble être le fait uniquement de musulmans s'adressant à d'autres Musulmans autour de la pratique sportive.

Si le lien à l'origine de la constitution du Progrès Musulman tirait sa légitimité de la fraternité dans le combat, celui de l'Essor Islamique semble, lui, relever de la camaraderie propre au monde du travail. Le lieu de sa fondation, la Bourse du travail, n'a pas été le résultat d'un choix arbitraire. Ce qui renforce cette hypothèse, c'est l'absence de notabilités ou de figures connues de la ville de Constantine dans le comité de cette société.

Ce ne sont là que quelques hypothèses soumises à appréciation à partir d'informations à «l'état de vestiges et de fragments» qui ne demandent qu'à être complétées par d'autres pour accéder à la référence scientifique.

Reste l'essentiel : toutes ces appellations: Progrès Musulman, Essor islamique, relèvent toutes du registre de l'incantation pour un renouveau musulman mais à partir de paradigmes propres à l'épistémé occidentale. Ces nouvelles expériences socioculturelles ne se limitaient pas à la grande ville. Et c'est là tout leur intérêt. Au Sud brillait L'Etoile sportive de Biskra[76]. Sans que cela signifie nécessairement qu'il s'agissait d'un club musulman, la nouveauté à relever[77] était cette forme «d'algérianisation» des sigles et le choix des symboles en prise directement avec le local. Comme cette association sportive constituée essentiellement d'Européens et d'Israélites, qui firent le choix de la nommer L'Aigle Sportif Constantinois. Ironie de l'histoire, ce symbole animalier – sorte de référant totémique – sera repris avec fierté comme signe d'appartenance, sur les banderoles des supporters du Club Sportif Constantinois[78] bien après l'indépendance du pays, comme si la mémoire sportive de la ville se voulait au-delà des identités et des frontières communautaires. L’origine des symboles de l'identité sportive des clubs algériens post-indépendance est souvent peu connue ou totalement occultée par les dépositaires, souvent autoproclamés, de la mémoire collective sportive. Dans le cas constantinois, la permanence de l'aigle comme symbole fort dans l'imaginaire «Clubiste» tient à son association à la force et à la virilité, autres marqueurs importants dans la construction du discours sur «soi» et sur «les autres».

Ce recentrage des groupements sportifs sur le local à la veille de la première Guerre mondiale était avant tout le fait de sociétés sportives de quartiers qui activaient à côté d'un sport plus institutionnel qui peinait à s'organiser et à s'affirmer. Il fut également, semble-t-il, l'expression du désir de sortir du parrainage sémantique britannique tels le Racing, Sporting, Red Star, Football Club ; ou français à forte connotation patriotique comme La Bravoure, Pro Patria…. S’agit-il, simplement, d’une tentative de dépassement des frontières communautaires? A l’image de l’initiative de Louis Benjamin Blanc - instituteur de son état à Bizot (Didouche Mourad) - avec La Jeunesse du Vieux Rocher Constantinois[79]. Déjà présente sur la scène sportive constantinoise en 1912, cette dernière se voulait un regroupement de la jeunesse de la ville sans distinction entre Européens, Israélites ou Musulmans. Dans son comité de 1914, figuraient en bonne place Kadi Salah, et comme membre d'honneur, Ali Malek (Adel à Cherchell). Pour confirmer ce choix politique, L.B. Blanc n'hésitera pas, au moment de sa prise de fonction, comme président du Comité Régional des Sports du département de Constantine en 1916, de s'adjoindre comme secrétaire général Mouloud Chaabane[80].

Toutes ces tentatives de rassemblement des Musulmans autour de l'objectif sportif manquaient d’un minimum d'organisation mais surtout de projet sportif qui passait nécessairement par l'intégration de la compétition institutionnalisée. C'est le cas de l'Ikbal-Emancipation[81].- autre appellation de L'Essor islamique ? – dont l'existence n'est attestée que par la publication de communiqués comme celui du 12 décembre 1912 :

«Messieurs les présidents et membres d'honneur, messieurs les présidents et membres du comité, et messieurs les sociétaires sont priés de vouloir bien assister à l'assemblée générale qui aura lieu le dimanche 15 décembre à 9 h du matin à la grande salle de la Bourse du travail. Ordre du jour : Situation de la Société ; renouvellement du Comité ; Dispositions à prendre pour la prochaine fête ; questions diverses. Signé : Le Secrétaire général»[82].

Toutes ces difficultés à faire émerger une identité sportive autonome n'empêchèrent pas quelques sportsmen musulmans de se faire remarquer («de faire parler d'eux») – soit sous la forme de défi[83], comme celui du facteur Mouloud pour une course de bicyclette, ou bien dans le cadre de compétitions officielles quand ils faisaient partie d'un club européen, à l'image de la participation de Benkrioua, sociétaire du Sporting Club Constantinois[84], au «Tour d'Alger» en 1913 (voir La Dépêche de Constantine du 22/11/1913).

Ce désir d'émancipation par l'affirmation de soi dans le champ sportif se propagea au-delà des limites des centres urbains – de plus en plus de musulmans figuraient dans les comités de fête de villages où souvent des épreuves sportives étaient inscrites au programme des festivités -, et commença même à concerner quelques éléments de la population musulmane émigrée en France[85].

Ce qui semble s'esquisser, à la veille du premier conflit mondial, en matière d'activités physiques et sportives au sein de la communauté musulmane, c'est donc la multiplication des lieux de pénétration et de diffusion de certaines pratiques sportives, à Constantine mais également à Sétif, Bougie, Philippeville, Collo, Tébessa, Biskra, Souk-Ahras, Batna, où l’on vit émerger 22 jeunes comme les cyclistes Benderradji, Benmansour, le crossman Salah Benmohamed[86].

2.3. L'Etoile Club Musulman Constantinois, une Société sportive institutionnelle

Il ne fait aucun doute que l'éclatement du premier conflit mondial a eu de profondes conséquences dans les colonies françaises et particulièrement l’Algérie[87]. A Constantine, début août 1914, une délégation d'environ 300 Musulmans, conduite par Benmouhoub (muphti, professeur d'arabe et membre important du Cercle Salah Bey) se rendit à la préfecture en signe de soutien à la mobilisation générale décrétée en France[88]. Au plan sportif, cette mobilisation s'était traduite par « des vides » qui se devaient d'être comblés si l'on voulait que le moral des arrières soit sauvegardé[89].

Un nouveau bureau du Comité régional des sports pour l'année 1916 fut élu. A sa tête, M. Louis Benjamin Blanc – président de La Jeunesse du Vieux Rocher – remplaçait l'ancien président Jean Assoun (correspondant régional de L'Algérie Sportive à Constantine). De fait, une nouvelle conjoncture se dégageait avec l'éclosion de petits clubs de quartier[90].

De leur côté, des Musulmans ne seront pas en reste puisqu'ils allaient profiter de ce climat particulier de la guerre pour constituer une société sportive digne de ce nom et à l'image de celles des Français. L'Etoile Club Musulman Constantinois (l'E.C.M.C)[91]. Cette fondation est un véritable événement socioculturel, et ce, à plus d'un titre. Pour en apprécier le sens, notre approche se fera à partir de trois dimensions : le profil des dirigeants du club, les activités sportives et la visibilité sociale et le bar européen comme creuset des imaginaires urbains.

2.3.1. Constitution de l' E.C.M.C et profil de ses dirigeants

La Dépêche de Constantine a attendu le 30 mars 1916 pour signaler l'existence de cette nouvelle Société sportive musulmane. Les quelques informations qui ont accompagné cette annonce méritent quelques remarques:

«Au cours de leur dernière réunion, les membres de l'E.C.M. ont désigné, à l'unanimité, comme président de leur société, M. le docteur Moussa qui a bien voulu accepter ses fonctions. L'ECM remercie le docteur Moussa de l'intérêt qu'il veut bien porter à ses jeunes coreligionnaires.» [92]

Le style par lequel le rédacteur[93] du communiqué rendait hommage à l'élu, renseigne à lui tout seul sur la dimension du personnage et son statut au sein de la communauté musulmane de la ville. Pour les autorités coloniales, ce choix ne pouvait qu'être approuvé. Avec le docteur Morsly, il "militait" déjà au Cercle Franco-Musulman où l'on ne cachait nullement ses préférences politiques par rapport à la question de la naturalisation et servait de pendant au Cercle Salah Bey où Ben Mouhoub, Bensouiki Mahmoud (Mustapha), Benbadis Mohamed et Belaâbed, s'ils ne s'opposaient pas à l'assimilation en elle-même, restaient cependant attachés au statut musulman[94]. Mais les frontières politiques, si tant il y en ait eu, n’étaient pas aussi étanches que l’on pourrait le penser.

A partir de ce communiqué, et jusqu’à la fin de la guerre, La Dépêche de Constantine allait couvrir sans discontinuité les différentes initiatives de cette société, ce qui assure une masse d'informations non négligeables pour le chercheur.

Si le lieu de réunion privilégié demeurait la Bourse du travail[95], c'est sans doute parce-que Galéa, le secrétaire de cette institution, était également membre du nouveau Comité Régional Des Sports, très ouvert au «sport musulman». D'autre part, et ceci est une indication supplémentaire du sérieux du projet sportif de cette association, il était question de l'aménagement prochain d'un local « en vue de la culture physique pour les jeunes gens musulmans et français »[96]. Cette initiative avait d'autant plus de chance de réussir au vu du profil de certains membres du comité. A l'image du trésorier adjoint qui n'était autre que «le fameux Miège», ancien membre du Touring Club Cycliste Constantinois en 1912 et surtout détenteur d'un record cycliste après avoir parcouru (la même année) Constantine Philippeville (Skikda) Constantine, soit une distance de 174 km, en 7h et 30 mn.[97]. Mais pour avoir une idée exacte sur l'identité des principaux membres de l'E.C.M.C., il faut attendre le 17 septembre 1917, date de la publication de la liste des membres du comité, par La Dépêche de Constantine.

Tableau n°2 : Etoile Club Musulman Constantinois : Bureau d'administration pour 1917-1918[98]

Présidents d'honneur : M. le Général De Bonneval (commandant la division), M. P. Bordes

 (Préfet) ; M. Arripe (secrétaire général de la préfecture); M. Morinaud

 (Maire de Constantine) ; M. Narboni (conseiller municipal).

M. Benbadis Mouloud (avocat) ; M. Lefgoun (délégué financier).

Président actif : Docteur Moussa

Vice-président Benlabied Mohamed Larbi (son nom est transcrit Labiod Larbi).

Directeur sportif : Negro Lakhdar.

Secrétaires : Kadi Ali et Benela'ouati -secrétaire de l'avoué Gastu, 8 rue Rohault de Fleury (Abane Ramdane).

Trésorier : Bencheriet (mobilisé en 1917, il fut remplacé par Naceri Hassen).

Contrôleur : Chaabane Mouloud (délégué du club auprès du Comité régional des sports de  Constantine)

Garde matériel : Benkara

Assesseurs : Laigros, Derradji.

Ce tableau appelle quelques observations :

En premier lieu, ce comité en comparaison avec ceux des autres sociétés musulmanes qui l'ont précédé comme Le Progrès musulman, L'Essor islamique ou L'Ikbal Emancipation, est constitué d'individualités à l'épaisseur sociopolitique et culturelle autrement plus importante. Ce qui explique peut-être cette «bienveillance» de l'autorité politique, même si, semble-t-il, ce ne fut là que la contrepartie politique du prix du sang des soldats musulmans qui se battaient au front et témoignaient ainsi d'un «loyalisme» envers le pouvoir français[99].

En second lieu, il faut s'arrêter à quelques acteurs qui, de par leur trajectoire, disent toute la difficulté du sport algérien à se libérer du politique.

Ainsi, le préfet Pierre Bordes : le comité exprima ses remerciements à «M. Bordes, préfet de Constantine, d'avoir bien voulu accepter la présidence d'honneur et le prie de croire que les jeunes sportsmen, tant français qu'arabes, de l'Etoile Club Musulman, s'efforcent d'être dignes de ce haut patronage.» La Dépêche de Constantine du 11-08-1917. Ironie de l'histoire, ce grand commis de l’état français[100], ne tardera pas, une fois gouverneur d'Algérie (décembre 1927), à prendre une loi en 1928, qui portera son nom, interdisant la pratique sportive autonome pour les Musulmans et les sommant de constituer des sociétés sportives mixtes en collaboration avec des citoyens français.

Louis Arripe, secrétaire à la préfecture de Constantine et chargé aux Affaires indigènes, partie prenante déjà en 1908 au moment de la fondation du Cercle Salah Bey, est le représentant officiel de l'autorité coloniale chargé de veiller au respect des lois de la République, et ses amitiés arabes certaines ne changent rien à sa fonction essentielle.

Belabied Mohamed Larbi était le prototype du pionnier de l'associationnisme musulman en Algérie. En mars 1909, il représenta avec Benla'bed et Benelmoffok le syndicat et coopératives des cordonniers indigènes à la réunion des délégués mutualistes de Constantine devant participer au congrès d’Oran[101]. Fort de cette expérience, il rejoignit le 28 janvier 1917, au moment de sa constitution, à la mairie, une association dénommée Société de secours mutuels pour les Musulmans de Constantine et dont il fut la cheville ouvrière[102]. Son siège social rue Rouaud (Hadj Aïssa Brahim), servira également comme lieu de réunion pour l'E.C.M.. C'est un des aspects de l'associationnisme de l'époque. Expérience toute nouvelle pour les jeunes musulmans, elle suscitait peu de candidatures[103], ce qui obligeait les quelques bénévoles à se dévouer pour plusieurs causes à la fois[104] sans être sûr des résultats de l'action menée. Mouloud Benbadis en fit l’amer constat lors de l'assemblée générale de la Société de secours tenue à la Medersa de Constantine, le 3 février 1918: «Sur une population de 40 000 Indigènes, notre œuvre compte à peine une centaine d'adhérents». A moins que le peu d'enthousiasme ne soit lié au profil politique des principaux animateurs de cette œuvre. En effet, son président, Hadj Saïd si Mokhtar s'était déjà opposé à plusieurs représentants du Cercle Salah Bey en 1914 à propos de la question de la naturalisation[105].

Kadi Ali est, depuis 1914, membre de la Jeunesse du Vieux Rocher, société de rapprochement entre les jeunes de l'ensemble des communautés de la ville et présidée par L.B. Blanc.

Derradji Boubekeur, négociant de son état est président fondateur de la Jeunesse Sportive Musulmane[106]. Il est l’un des premiers artisans de la fondation du Club Sportif Constantinois en 1926 dont il sera le vice-président en 1927.

Enfin, pour la première fois dans l'histoire du sport de l’Algérie coloniale, quelques sportsmen musulmans ont participé à l'embryon de pouvoir sportif local et régional qui se mettait en place. Ainsi Chaâbane Mouloud de l'E.C.M.C. occupa le poste stratégique de secrétaire général du Comite Régional des Sports du Département de Constantine en octobre 1916[107]. Ailleurs, comme à Souk-Ahras, l’ouverture du Sporting Club à l'élément musulman[108] n'était pas étrangère à la personnalité du président Colombani, commandant d'armée[109]. Est-ce à dire que la proximité particulière de la vie militaire estompe les barrières ethniques et religieuses au nom de la fraternité des armes ? Il semble que chaque fois que des «libéraux» (militaires ou civils) avaient l'initiative politique, les Musulmans – aussi minoritaires soient-ils – étaient associés à l'entreprise, mais dans un rapport politique de sujets et non de citoyens libres. Un rapport qui passe par le bon vouloir, souvent teinté de paternalisme, de quelques représentants politiques et non par le Droit. A Constantine, Arripe était représentatif de ce type de personnages.

C’est dans ce contexte marqué par les violences de la guerre, quelques sportsmen musulmans vont accéder à la lisibilité et à la visibilité sociale.

2.3.2. Performances sportives et visibilité sociale

Avant d’analyser quelques activités physiques et sportives de l'Etoile Club Musulman Constantinois, il paraît nécessaire de signaler un fait assez troublant. Dans le système de compétitions de football qui rythmaient la saison sportive 1917-1918, il est fait allusion, dans La Dépêche de Constantine du 24-02-1918, en 3ème série, à une autre société sportive musulmane, la Jeunesse Sportive Musulmane Constantinoise. Puis aucune information n’apparaît, du moins dans le principal organe d'information de la ville. Or cette société sportive musulmane a été signalée par Si Brahim el Amouchi dans ses Mémoires, uniquement à partir de 1923 alors que les deux tentatives, fort discutables par ailleurs, de l'historiographie du C.S.C. n'y font aucune allusion[110]. Toujours est-il, si cette information s'avère exacte, cela signifierait, du moins sur le plan sportif, l'apparition d'une concurrence sportive parmi des Musulmans acquis à la cause sportive. Or s'il y a pluralité d'identités sportives, cela signifie quelquefois des divergences soit politiques, sociales ou culturelles, mais surtout la réactivation de particularismes locaux. Bien sûr, ce ne sont là que quelques hypothèses qui mériteraient d'être discutées par d'autres travaux.

Revenons maintenant au parcours sportif de l'Etoile Club Musulman Constantinois. Avant la première guerre mondiale, les sportsmen musulmans se firent connaître dans des disciplines individuelles comme la course à pieds, le cyclisme, une participation timide dans l'escrime – avec le docteur Morsly – le tir quand ils étaient autorisés à figurer dans les compétitions organisées, et enfin dans des distinctions distribuées à chaque fin d'année scolaire au lycée de Constantine, et qui faisaient la fierté des familles constantinoises[111].

Avec l'E.C.M.C., c'est un sport collectif qui allait être à l'honneur, le Football Association. Il deviendra par la suite le sport de référence pour les Algériens.

L’émergence de cette discipline dans le microcosme sportif musulman fut d'autant plus significative qu'elle s’est faite dans le cadre de compétitions officielles gérées par un Comité des sports régional qui représente l'Union des Sociétés Françaises des Sports Athlétique[112].

- De quelques faits sportifs de l'E.C.M.C.

Nous nous contenterons de rapporter certains faits sportifs essentiels à la compréhension des transformations socioculturelles et politiques en cours[113]. L'année des grands rendez-vous pour l'E.C.M.C. fut celle de 1917.

La grande fête sportive du 13 mai 1917, organisée sous l'autorité militaire en plus de rassembler les 5 sociétés gymniques et sportives de la ville[114], accueillit pour la première fois le grand Red Star d'Alger conduit par une forte délégation[115]. Cet événement sportif, fortement médiatisé, par la Dépêche de Constantine du 14 mai 1917, au vu des circonstances de la guerre, révéla le caractère omnisports de l'Etoile Club Musulman Constantinois et des champions potentiels comme Boudiaf et Soltani en athlétisme. Mais en vérité ce fut le Football association qui assura la lisibilité et la visibilité de la société sportive et des pratiquants qui, en créant l'exploit sportif, obligeaient la presse écrite à le médiatiser, même s'il est permis de penser que quelques uns des membres de cette dernière auraient préféré le passer sous silence.

C'est avec ce titre «L'Etoile Club Musulman Constantinois champion d'Afrique du Nord» que La Dépêche de Constantine du 7 juin 1917 informa son lectorat de l’évènement[116].

«Dimanche 3 juin 1917 a eu lieu la rencontre des championnats l'Etoile Club Musulman Constantinois avec l'U.S.M.[117] au Champ de manœuvres d'Alger;

L'U.S.M. a été battue par 2 à 0 par l'E.C.M.C. Nos félicitations aux équipiers qui ont remporté le championnat de l'Afrique du Nord. Nous remercions en même temps les sociétés d'Alger ainsi que la population algéroise pour l'accueil très amical qu'ils firent à nos amis ».

Ces succès ne laissèrent pas insensibles les autorités locales[118]. La presse sportive, ne fut pas en reste. Un de ses meilleurs représentants, l’Algérie Sportive, offrit, au vu de la compétition sportive qui devait avoir lieu à Tunis, «un magnifique diplôme d'honneur» au club victorieux[119] (La Dépêche de Constantine du 11/11/1917). Toute cette débauche d'activités ne pouvait rester sans écho au sein des populations musulmanes de la région.

- l'Etoile Club Musulman, un «passeur» de pratiques sportives au sein de groupes sociaux d’origine rurale

Par essence, le spectacle sportif suppose un large public. Forte de son expérience, la Société sportive se fixa une nouvelle mission, celle de diffuser les nouvelles pratiques sportives dans l'hinterland constantinois :

«Dans sa séance du 6 juin le comité de l'Etoile Club Musulman, société sportive et de préparation militaire[120], a décidé d'organiser un challenge fixé au 4 août prochain et qui aura lieu au centre d'Aïn-Mlila.

Programme : Saut en hauteur avec élan ; saut en longueur sans élan ; saut à la perche ; lancement de poids ; lancement de disques ; la gueuse, les 100m, les 1500, les 400 ; match de boxe ; lutte, match de football »La Dépêche de Constantine du 09-06-1918.

Il est impossible de ne pas relever cette incursion dans des spécialités de l'athlétisme qui supposaient un fort degré de maîtrise technique (c’est le cas de la perche) et qui, jusque là, étaient «la chasse gardée» des Européens. Est-ce à dire que les revendications d'émancipation sportive passaient également par la démonstration d'aptitudes pour toutes les formes d'expression corporelle des disciplines sportives et que le principe d'égalité sportive, cher à Pierre de Coubertin, se devait d'être appliqué aux sportsmen "indigènes"?[121].

Difficile de donner corps à ces vœux. Sur le plan symbolique, cette action fait date pour une approche anthropologique de la généalogie du sport en Algérie. Car, il ne faut pas s'y tromper, au-delà de l'importance de la population (en termes quantitatifs) concernée par ces nouvelles pratiques corporelles, très minoritaire faut-il le rappeler, ce qui fait sens, ce sont les effets produits sur les consciences individuelles, par ces démonstrations de corps dénudés[122]. Défier "le Roumi", même dans des entreprises "aussi puériles"[123] que la geste sportive, aidait à réactiver la fierté perdue suite aux défaites militaires successives. Et les occasions n’ont pas manqué en cette fin de l'année 1918.

- Etoile Club Musulman, identité sportive et identité communautaire

Dans le cadre du challenge organisé par le comité régional de Tunis et le Stade Tunisien, en septembre 1918, l'Etoile Club Musulman Constantinois fut invité pour disputer un match de football. Les informations autour de cette confrontation sont assez contradictoires. Dans un premier temps, il était question du Stade tunisien, dans un autre compte rendu il est fait référence à une victoire de l'E.C.M.C. par 4 à 0 face au Stade Club Franco-Musulman de Tunis qui était en fait le Stade Africain de Tunis selon La Dépêche de Constantine du 3 septembre et du 1er octobre 1918. Le résultat technique importait peu, au vu de l'événement en lui-même, comme la préparation du voyage et l'effervescence que la rencontre inter-maghrébine suscita. Cette dernière étant prévue pour le 29 septembre 1918, les membres du comité de l'E.C.M.C. se réunirent le 20 septembre. La délégation qui devait se rendre à Tunis était constituée de : Benlabied Mohamed Larbi vice-président, Kacem Madi délégué du comité régional de sports de Constantine, arbitre et secrétaire du Sporting Club de Souk-Ahras), Kadi Ali secrétaire général et enfin Naceri Hassen trésorier.

Au vu de la composition de la délégation appelée à faire le voyage chez les «frères tunisiens», trois observations peuvent être avancées.

Cet événement sportif était une affaire proprement interne à la communauté musulmane dans le sens où le Comite Regional Des Sports De Constantine a choisi en la personne de Kacem MADI, pour le représenter, un de ses membres autochtones. Pour les dirigeants de l'E.C.M., le choix de ce dernier pouvait s’interpréter comme l’élargissement de leur aire d’influence culturelle. La société sportive de Constantine endossait ainsi le rôle d'ambassadrice d'une population qui allait au delà des limites des murs de la ville. Si cette hypothèse s'avérait exact, l'identité sportive participerait donc à la construction d'une identité politique et géographique qui dépasse les territoires anthropologiques traditionnels.

La préparation de ce déplacement à Tunis nous apprend en fait, que les véritables animateurs de l'E.C.M.C. étaient: Benlabied Mohamed Larbi qui, au vu des occupations du docteur Moussa, faisait office de véritable «patron» du groupement; Nasri, le trésorier, qui avait la charge de gérer «le nerf de la guerre», et enfin Kadi Ali, le secrétaire général qui pouvait se prévaloir d'une expérience certaine, compte tenu de son passé sportif avec La Jeunesse du Vieux Rocher de Constantine. Pour les autres membres ou sympathisants du club qui voulaient faire partie de ce «pèlerinage laïc» en terre d'Islam proche - où rayonnait la Zitouna (université islamique) - un registre d'inscriptions leur était ouvert.

Profitant de la présence de M. Arripe à la réunion du 20 septembre, le président de séance, Belabied, le remercia pour tout le concours apporté et son encouragement «des bonnes œuvres et principalement la préparation militaire des indigènes». Quant à Kadi Ali, après avoir fait l'historique de la Société et parlé de l'utilité des sports «pendant cette guerre», il tint à rappeler quand même «les 380 membres de la Société au front actuellement». Cette allusion à l'importance de la participation «indigène» à l'effort de guerre, contribuait à réaffirmer, aux yeux du représentant de l'administration coloniale, «le loyalisme de son élite», même si le chiffre avancé peut prêter à discussion[124].

Compte tenu des conditions de l’époque et de ce que pouvait susciter dans les imaginaires, les perspectives d’un tel voyage, ce déplacement à Tunis était une expérience toute nouvelle, pour ces quelques jeunes gens privilégiés, en quête de nouveaux plaisirs et de nouvelles sensations. Pour eux comme pour les Européens, s'installait dans les mœurs de la vie urbaine, la distinction entre le temps du travail et celui des loisirs pour lesquels de nouveaux lieux leur étaient consacrés.

2.3.3. Bar européen, sport et imaginaires urbains

A la veille de la Première Guerre mondiale la redéfinition du statut de la cité arabe dans le nouvel ordre spatial urbain était achevée, résultat de tout un processus d'expropriation et de démolition d'un grand nombre de maisons autochtones qui aboutit à une nouvelle distribution du patrimoine immobilier de la ville[125]. Le tableau qui suit en donne une première idée.

Tableau n°3 : Situation de la propriété dans la ville de Constantine en 1903[126]

Propriétaires

Ville

Faubourgs

Total

Français

93

177

270

Israélites

202

187

389

Arabes

642

354

976

N'habitant pas Constantine

33

14

47

Femmes

57

16

73

Source : Le Républicain du 10 juin1903.

Ces nouvelles données, si elles ne disent pas une mixité, suggèrent cependant quelques proximités spatiales qui en donnant lieu à d'autres formes d'habiter, et le confort qui leur est associé, ont contribué à «décrédibiliser» progressivement le mode d'habiter traditionnel[127]. Et c'est dans ce nouveau cadre urbain que les pratiques gymniques et sportives, et les postures culturelles qui les accompagnent, allaient se déployer. Il n'est pas étonnant dès lors qu'un des lieux de réunion de l'Etoile Club Musulman Constantinois, autre que la Bourse du Travail[128], soit le café/bar La Bombe situé à la rue Damrémont (actuellement rue Si Abdallah Bouhroum).

La découverte, par les sportsmen musulmans, de ce nouveau lieu constitutif de l'identité sportive d'un club – le bar ou le café européen – est avant tout celle d'une mixité socio-spatiale «possible»[129]. Ensuite commence l'initiation, nécessairement déroutante, à une convivialité qui, si elle reste masculine, n'en demeure pas moins codifiée par la présence féminine. Une nouvelle urbanité s'installe dans ces bars encombrés où l'on est obligé de boire debout, où l'on se heurte parfois et s'effleure au son des verres qui s'entrechoquent. Comment se mouvoir dans ce territoire étranger au milieu des regards des habitués qui vous rappellent que vous êtes là par hasard, mais où l'on apprend que le temps des loisirs se confond aussi avec le temps de l'apéritif, ce moment important de la geste sportive qui réunit autour d'un verre, une nouvelle communauté imaginée : celle du dimanche sportif.

En ce début du XXe siècle, cette ambiance propre aux cafés et bars européens de la ville de Constantine, est assez bien restituée par le feuilleton La voix du sang, que commençait à publier La Dépêche de Constantine à partir du mercredi 22 février 1911[130]. Assurément, cela change du Café maure où l'entre soi était avant tout celui des hommes et des valeurs viriles et où la sociabilité à l'œuvre, si elle n'excluait pas la solidarité et l'échange culturel entre les différents groupes sociaux qui consommaient ce type d'espace, était celle de la marge et de l'errance sociale où se mélangeaient fumeurs de kif, joueurs de hasard ou fils de bonnes familles venus s'encanailler, et qu égayaient à l'occasion des morceaux de musique. En somme, le lieu où se fabriquent quelques segments de l'imaginaire citadin. L'administration coloniale qui s'est toujours méfiée de ces lieux[131], inaugura, en février 1918, un café maure de «commis ouvriers auxiliaires indigènes» (C.O.A) à Bellevue, pour encadrer et moraliser les groupes sociaux «indigènes» jugés utiles pour son entreprise politique dans le pur style du Foyer du soldat indigène [132].

L’encadrement et le contrôle social de la population allaient s’avérer de plus en plus nécessaires car avec la fin du conflit s’ouvrait une période marquée par une double crise politique et économique[133].

Conclusion

A la veille de la première guerre mondiale, la société algérienne montre les premiers signes d’adaptation à la donne coloniale. Après une période de repli et de rejet de la vision du monde occidentale, les «Représentants» de la communauté multiplient de plus les demandes d’intégration et d’acculturation, seuls gages d’émancipation. A la revendication de plus d’écoles pour les enfants, s’ajoutait, ça et là, la pluralité des initiatives pour l’accès au monde des loisirs et des pratiques sportives. Ces initiatives, si elles prirent à l’origine la forme d’incursions timides et individuelles au sein des groupements européens, le prix du sang versé au service de «la mère patrie» se devait d’être compensé par une plus grande autonomisation des pratiques gymniques et sportives des musulmans. Leur passage initiatique dans les groupements européens, s’il fut particulièrement formateur n’en constitua pas moins l’occasion de partager avec leurs coéquipiers européens, «le temps du match», l’illusion de former la même communauté imaginée débarrassée des frontières ethniques et des barrières sociales. Si des amitiés ont pu naître, elles le furent à cause de ces nouvelles conditions.

D’un point de vue historiographique, ces premières expériences associatives autonomes d’avant guerre, à défaut de s’inscrire dans la durée, font figure de «galops d’entraînement» avant le grand envol collectif pour la conquête d’une identité sportive autonome et dont le signe avant coureur fut la nouvelle conjoncture d’après guerre qui ne pouvait éviter la réponse politique à donner au «loyalisme indigène».

A l’aube des premiers combats politiques, l’urgence pour les nouvelles élites musulmanes, passait par la reconquête d’une visibilité sociale vis-à-vis de leurs coreligionnaires pour espérer revendiquer par la suite une légitimité politique représentative. Cette visibilité sociale passait par le renouveau culturel[134]. Il ne faut pas cependant en tirer des conclusions un peu trop hâtives. Toutes les trajectoires associatives ne se convertirent pas nécessairement en ressources en vue de l’action politique. Loin s’en faut, si on s’en tient à l’objet de toute association: le regroupement volontaire d’individus en vue d’une pratique commune qui exclut toute référence au religieux ou au politique. Tout phénomène collectif ne peut se réduire à une signification univoque (distance intime, la distance personnelle, la distance sociale, la distance publique).

Un des intérêts majeurs de l’analyse des nouvelles pratiques socioculturelles du début du XXe siècle, c’est qu’elles annoncent le poids de plus en grand de ces nouveaux lieux de sociabilité, que furent le café, le théâtre, le cinéma et surtout le stade. Importance qui révèle en fait la crise des institutions et des espaces traditionnels qui concouraient à la fabrication du lien social.

Pour finir nous dirons que cette période charnière pour les élites musulmanes est une donnée essentielle. Il est indéniable que la fin du premier conflit mondial annonce un tournant dans l’histoire de l’Algérie contemporaine.

A partir de 1919, l’évolution démographique s’accentue dans un contexte[135] de crise économique et de famine qui consacre définitivement la figure sociale du Meskine[136], acteur social de plus en plus présent et qui progressivement va contribuer à fragiliser le cadre de la Médina déjà heurté par la logique urbaine coloniale.

Sur le plan politique la loi du 04 février 1919[137] qui se veut un léger changement dans la représentation des «indigènes» soulève des réactions hostiles parmi les Européens.

L’opposition algérienne naissante ne sera pas en reste. Elle revendique, à l’image de l’Emir Khaled, une représentation politique proportionnelle à son importance numérique. Une effervescence sociale et culturelle déjà palpable et qu’exprimera fidèlement la multiplication d’initiatives individuelles ou collectives dans le champ des activités physiques modernes (A.P.M.).

L’après guerre, sur le plan sportif, va se traduire par un climat dominé par le processus d’autonomisation des pratiques sportives vis à vis de l’Union des Sociétés Françaises des Sports Athlétiques devenue de plus en plus obsolète au vu de l’importance grandissante de ce qu’il est permis d’identifier comme un phénomène social.

Ces remarques faites, comment construire une histoire des associations sportives[138]?

Une chose est sûre, esquisser un bref aperçu sur l'histoire de la pénétration et la diffusion du modèle culturel sportif en Algérie dans les milieux algériens n'a de pertinence, à notre sens, que si l’on dépasse le cadre étroit de la pratique physique elle-même.


Notes

[1] Pour Constantine, et comme recherches de fond, voir Benhassine, Karima, «Vie associative en milieu colonial et nostalgie du terroir», in Constantine une ville, des héritages, ouvrage collectif (s/dir.) de Fatima Zohra Guechi, Média-Plus, Constantine 2004, p. 98.). Cette contribution de Karima Benhassine s’inscrit en fait dans un projet plus vaste et réellement novateur, celui d’une thèse d’état sur l’associationnisme européen dans le Constantinois au début du XXe siècle; Abdelmadjid Merdaci, Musique et musiciens de Constantine, thèse de Doctorat, Université Paris VIII, Vincennes-Saint-Denis, janvier 2002.

[2] Cela ne signifie nullement que ce processus fût absent en milieu rural.

[3] Ce dernier aspect est celui qui a rencontré le plus d’écho dans la majeure partie des discours sur le sport en Algérie, autour de la thèse: «Les associations sportives musulmanes, écoles du nationalisme». Cf. Saadallah Rabah et Benfars Djamel, Annales du cyclisme d’Algérie, Alger, OPU, 1990; Fates Youssef, Sport et Tiers-monde, Paris, PUF, 1994.

[4] Nous aurons donc à parler de l’ensemble des disciplines reconnues qui constituent les Activités Physiques Modernes, des normes qui les encadrent, des valeurs qui les habitent, qui furent importées de la Métropole. Afin d’éviter les excès dans toute problématique du sport en situation dominée, et pour avoir une idée du rôle et de la signification de la diffusion des différentes pratiques sportives par les Anglais en Afrique du Sud, voir à titre comparatif, Archer Robert et Bouillon Antoine, Sport et apartheid. Sous le maillot la race, Paris, Albatros, 1981.

[5] Parce que non soumis aux normes édictées par le pouvoir sportif européen. Cela ne signifiait nullement que ces pratiques physiques étaient ancestrales. La mémoire collective constantinoise continue de raconter, de façon épisodique, la «Kora» sorte de hockey sur terre battue qui utilisait une balle et des bâtons. Cette pratique était fort connue parmi les populations maures d’Afrique noire comme le signale Puigaudeau Odette (du), Pieds nus à travers la Mauritanie (1933-1934), Paris, Phébus, 1992, p. 77 cité par Deville-Danthu Bernadette, Le sport en noir et blanc, l'Harmattan, 1997.

[6] Russel P., Banks, Affliction, Acte Sud, éd. Babel, 2000, p. 72. Traduit de l'américain par Pierre Furlan.

[7] Même si à Constantine l'école Sidi Djliss accueillait déjà en 1859 quelques enfants de familles constantinoises comme le suggère la distribution des prix de fin d’année dans L'Indépendant du 31-05-1859.Il faut rappeler que le système scolaire introduit par la colonisation fut fondé sur la distinction entre les communautés. Ainsi, une école pour israélites est créée en 1850 à la rue Danrémont (Abdallah Bouhroum) et une autre franco-arabe à Sidi Djellis (cf. Ghanima Meskaldji, «De la ville unique à la ville duale», in Constantine une ville, des héritages, op.cit. Pour les Aurès, cf. Abdelhamid, Zouzou, L'Aurès au temps de la France coloniale. Evolution politique, économique et sociale (1837-1939), Ed. Houma, Alger 2001, 2 tomes. Pour le rapport des Musulmans algériens à la médecine française, cf. Yvonne Turin, Affrontements culturels dans l'Algérie coloniale, Paris, Maspéro, 1971.

[8]L'Indépendant du 14-07-1886.

[9] Réponse qu'elle donna à un gouverneur de Moscou qui se plaignait du manque d'enthousiasme des paysans russes pour l'instruction, in L'Indépendant du 26-08-1887.

[10] Cet essor du Sport Vélocipédie à Constantine se confirma avec l’ouverture d’une succursale de la Maison Clément (dir.) de Fournet, Le Républicain du 20-05 -1893

[11] Il s'agit des courses de type anglais: voir notre article, «L'émergence des sports hippiques en Algérie», communication, Symposium, L'Algérie 50 ans après. Etat des savoirs en sciences sociales et humaines, CRASC, du 20 au 22 septembre 2004, Oran

[12] L'Indépendant du 04-10-1859. Pour ce qui est des référents théoriques de la problématique des loisirs et du temps qui leur est propre qui se dessine en Europe à partir du XIXe siècle, voir les travaux, qui font autorité en la matière. Alain Corbin, L'avènement des loisirs, 1850 - 1960, Ed. Aubier, Paris, 1995. Pour l’Algérie et pour le nouveau rapport des Algériens au temps et à l'espace, voir Omar Carlier in L'espace et le temps dans la reconstruction du lien social. L'Algérie de 1830 à 1930, texte photocopié (s.d).

[13] L'Indépendant du 23-04-1886. Pour ce qui est de «l'assaut», il s'agit d'escrime.

[14] Voir Le Républicain du 09-02-1887 et L'Indépendant du 09 mars et du 20 juillet 1887.

[15] Cette liberté est d'autant plus grande au vu des problèmes posés par la loi française du 23 mars 1882 portant établissement de l'état civil en Algérie, cf. Yasmina Zemouli, Noms de famille en Algérie selon l'application de la loi du 23 mars 1882, le cas de Constantine, magister en langue arabe, Université Mentouri Constantine, 2003.

[16] Ce cas n'est pas isolé. Dans Le Républicain du 13-09-1888, une sorte d'hommage est rendu au parcours de Amar Ben Arezki, jeune militaire musulman originaire d'Azzazga. Engagé en 1875 à l'âge de 17 ans au service du 3ème Tirailleurs où il reste jusqu’en 1883. Il en sort comme prévôt d'escrime, donc avec un savoir technique sportif qu'il est possible d'investir et transformer en une ressource sociale et culturelle.

[17] C'est Le lycée d'Aumale (Redha Houhou) dont la construction est décidée en 1876, cf. Badia, Belabed-Sahraoui, Institution coloniale et architecture de pouvoir, in Constantine une ville, des héritages, op.cit.

[18] L'Indépendant du 22-07-1898 publie la liste complète des lauréats.

[19] A l'occasion de cette visite, dont le moment fort sera marqué par l'inauguration de l'hôtel de ville, les notables musulmans prirent l’initiative d’ouvrir des listes de souscripteurs musulmans. Une commission chargée de recueillir les contributions fut constituée à cet effet. Ce qui donne une idée sur la sociologie de la ville. Pour plus de détails sur sa composition, voir L'Indépendant du 12/01/1903).

[20] Déjà en 1887, à Guelma, «des cafés chantants arabes» dans un mimétisme «des cafés concerts» commençaient à bousculer la morale dominante.

[21] Des textes spécifiques et beaucoup plus exhaustifs seront consacrés aux différentes sociétés gymniques et sportives qui balisent le processus de formation du champ sportif dans le Constantinois de la fin du XIXe siècle. au début de la Première Guerre mondiale. Pour les choix sportifs du docteur Morsly, cf. L'Indépendant du 28-03-1905, il semble qu'ils soient liés au profil des dirigeants de la Société L'épée regroupant l’élite sociale de la société européenne comme le docteur Gigon et d’autres.

[22] L'Indépendant du 28/06/1904.

[23] Même dans les petits centres ruraux. Ainsi, fin août 1904 et dans le cadre de la fête patronale, parmi les grandes attractions proposées: Une Fantasia et un concours de tir pour colons, femmes et indigènes. Parmi ces derniers vont se distinguer au fusil de chasse: 1er prix Boulakras, 2ème prix Nebsi Hocine, 3ème prix Ali Bel Bey.(voir Le Républicain du 1er septembre 1904

[24] Ce statut n’était pas toujours valorisé comme il se devait. Pour preuve, lors d’une fête du Hamma la participation sportive des musulmans ne fut pas sans rappeler le mépris qu’ils subissaient au quotidien dans la mesure où l’unique image de cette communauté renvoyée au public se cristallisait dans le programme des festivités qui prévoyait une course pour cireurs indigènes. (L'Indépendant du 6 juillet 1906).

[25] Pour plus de détails sur cet évènement, cf. Le Républicain du 19-10-1906, et L'Indépendant du 12-10-1906.

[26] Fondée entre 1888 et 1898 après maintes tentatives.

[27] Pour tout ce qui relève de l'historiographie de L'Avant-garde d'Alger, cf. le magister de Badia Belabed Sahraoui, Sport et prise de conscience … op. cit. et Djamel Boulebier, «Le Foot, l'urbain et la démocratie», Insanyat n° 8 mi-août 1999. Sur la place des militaires musulmans dans la formation des élites algériennes, un ouvrage de référence. A. Djeghloul, Eléments d'Histoire culturelle algérienne, Alger, Enal, 1984

[28] La Revue du monde musulman, cité par L'Indépendant du 18-02-1907. L'école n'est pas encore le lieu extraordinaire de promotion sociale en Algérie. A la veille de la première guerre mondiale seule 5% des enfants algériens étaient scolarisés, cf. Gilbert Meynier, L'Algérie révélée,op. cit. Pour la même période, la Guadeloupe bénéficiait de meilleures conditions dans le sens où la moitié de la population d'âge scolaire était scolarisée, cf. Jacques Dumont, Sport et assimilation à la Guadeloupe, Paris, L’Harmattan, 2002. C'est dire tout l'intérêt de procéder à des comparaisons. Pour rester dans le contexte constantinois et à titre d’exemple, en 1895 l’école Sidi Djliss qui pouvait recevoir jusqu’à 300 élèves, n’en comptait que 178 avec 6 classes, in Le Républicain du 15-09- 1895.

[29] Il semble que ce segment des activités physiques modernes (APM) n'a pas beaucoup attiré les populations autochtones des pays colonisés. Voir pour la problématique des sports en pays sous domination coloniale: Robert Archer et Antoine Bouillon, Sport et apartheid, Paris, Albatros, 1981, André Jean Benoît, Sport colonial, Paris, L’Harmattan, 1996; Bernadette Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc, op.cit. ; Youssef Fatès, Sport et politique en Algérie. De la période coloniale à nos jours op. cit. ; et surtout la thèse de Nicolas Bancel, Entre acculturation et révolution. Mouvements de jeunesse et sports dans l'évolution politique et institutionnelle de l'AOF (1945-1960), Université Paris I, Sorbonne, 1999, 3 tomes, 1000 p.

[30] Fin décembre 1906. cf. L'Indépendant du 24 février au 27 mars 1907.

[31] Une des difficultés – quand la principale source d'information est la presse coloniale d'expression française – est la transcription des patronymes des musulmans. Notre démarche a été de rapporter fidèlement l'orthographe telle qu'elle figure dans le texte original et de proposer entre parenthèses ce que nous croyons être l'appellation correcte. C'est assez facile et simple quand il s'agit de lignées familiales plus ou moins connues. C'est un peu plus compliqué quand le lien est moins évident ; dans ce cas de figure, nous faisons confiance à l'intuition et un «habitus» par rapport à certaines sonorités. Par contre, quand les quotidiens se contentent du prénom, l'opération est pratiquement impossible. Cela renseigne sur le mode de perception des autochtones par les Européens. Ils seraient simplement des Ali, Mustapha, Amar, etc., sans filiation, en somme des êtres qui viennent de nulle part. Pour toutes ces questions voir les travaux de FaridBenramdane.

[32] D'après L'Indépendant du 23 mai 1907, « il [était] imbattable sur la distance ».

[33] Cf. Gérard, Bruant, Anthropologie du geste sportif. De la construction sociale de la course à pied, Paris, PUF, 1992, p.23.

[34] Honneur. Valeur dominante dans le système socioculturel traditionnel algérien. Ce dernier opère une distinction entre le Nif (sentiment de l’honneur) et la Hurma. Le premier ressortirait du registre de la respectabilité individuelle, alors que la seconde ferait appel à celle du groupe et son honneur.

«Ainsi s’attaquer au nif c’est défier un individu, par contre s’attaquer au Haram, à ce qui est sacré, c’est s’attaquer à ce qui constitue la clé de voûte de toute la société (rapt de femmes, atteinte au mausolée de la zaouïa, vol de bétail…). Enfin tous les actes qui peuvent atteindre à l’unité du groupe, essentiellement quand ils sont proférés des membres d’une autre tribu.» Souad, Mokdad, Domination Coloniale et Rupture Nationaliste, Alger, OPU, 1984. Toute atteinte à ce paradigme exige vengeance.

[35] Gérard, Bruant, Anthropologie du geste sportif. De la construction sociale de la course à pied op. cit.

[36] Cf. L'Indépendant du 22 février, 15 mars et 31 mars 1908, Le Républicain du 2 juin 1908.

[37] Le Républicain du 3 septembre 1907, notre hypothèse pencherait pour le Sporting Club Constantinois.

[38] Hamma Plaisance (Hamma Bouziane actuellement), petit village réputé pour ses cultures maraîchères et situé en contrebas de la ville de Constantine, sur la route de Skikda.

[39] Il parcourut les 84 Kms en onze (11) heures de temps, c’est-à-dire à une vitesse moyenne de 7,63 km/heure (Le Républicain du 3 avril 1908). En réalité, Constantine avec cette épreuve, n'était pas à son premier événement sportif de cette envergure. Déjà le 16 juillet 1892, le journal Le Républicain fut à l'origine de la fabrication du premier spectacle sportif populaire, autre que celui, plus classique et plus traditionnel (la course de chevaux), en organisant la première course à pieds sur le parcours mythique Constantine - Philippeville. Nous reviendrons à cet autre aspect du sport dans un texte à paraître, Une construction sociale de l'événement sportif : la course à pieds à Constantine.

[40] Cf. Le Républicain du 2 juin 1908. Il est remarquable de voir l’implication de certains membres du clergé de la ville dans des actions sociales ou socio culturelles. Ainsi en est- il du père Touche. Sur son initiative et celle de ses collaborateurs du Comité d’el-Kantara, fût créée la première société de promotion de l’habitat bon marché, sous l’appellation Les cités ouvrières Le Républicain du 06 juin 1895.

[41] Pour plus de détails sur l’ensemble des membres Voir L’Indépendant du 31 mars 1898.

[42] Cette liste est celle donnée par L'Indépendant du 03-01-1900 et concerne donc le bureau élu ou réélu pour 1899-1900. Une chose est sûre cependant, Bensouiki a gardé ces postes de 1897 jusqu’en 1909 au moins (L'Indépendant du 28-02-1908).

[43] Membre – au titre indigène – du conseil municipal de la ville de Constantine. La presse le présentait quelquefois sous le prénom de Mahmoud ou de Mohamed.

[44] Cf. notre article, L'émergence des sociétés hippiques en Algérie, op. cit.

[45] Le Républicain du 01-10-1901. Il n’est pas certain que ce notable musulman connaissait réellement l’origine de ces écoles du soir, destinées à la classe ouvrière. La création de cette institution était due à l’initiative d’anarchistes français et particulièrement le syndicaliste et secrétaire des Bourses du Travail en 1895 Fernand Pelloutier (1867-1901). Liée aux nouvelles tendances en matière d’éducation, l’Université populaire reposait presque exclusivement sur les anarchistes qui eurent le soutien et la coopération d’universitaires. Des cours du soir dans toutes les disciplines scientifiques étaient assurées, et les arts n’étaient pas oubliés. Beaucoup d’ouvriers y assistaient. Sur ce sujet, Cf. Goldman, Emma, L’épopée d’une anarchiste. New York 1886-Moscou 1920, Bruxelles-Paris, Complexe Hachette, 1979.

[46] L'Indépendant du 01-12-1907. Dans un avis publié par Le Républicain du 15 octobre 1909, il est toujours membre assesseur pour la saison 1909-1910.

[47] A l'exception de la courte expérience de Si Saîd à l'Espérance Constantinoise en 1887.

[48] Il semble, et compte tenu de l'état actuel de nos recherches, que le processus d'agression de la Médina, véritable «attentat topographique», s'est achevé en 1895 date, qui correspond à la construction du collège de jeunes filles, au bas de la rue Nationale ( Larbi Ben M’hidi), cf. L'Indépendant du 12-11-1908). Cette bâtisse existe toujours.

49 En 1887, pour une population de 42 028 dont 21 164 Musulmans, le personnel de la police de Constantine était composé de 64 hommes dont 19 «agents et auxiliaires indigènes» répartis comme suit : 4 au Commissariat central, 6 au 1er arrondissement, 4 au 2ème arrondissement, 4 au 3ème arrondissement et 1 au poste d'El Kantara, in L'Indépendant du 09-07-1887. Cette distribution géographique renseigne à elle seule des transformations urbaines en cours, mais surtout sur la formation d’espaces sociaux à consommation mixte. Pour plus de détails sur la distribution ethnique de la ville de Constantine vers la fin du XIXe S, cf. L'Indépendant du 11-06-1891.

[50] L'Indépendant du 20-11-1905.

[51] En consultant les statistiques de la Sûreté de Constantine publiées dans L'Indépendant du 20-01-1902, on peut avoir une idée de la rigueur de ce code et des transformations de la sociologie de la ville. Si en 1900, sur un total de 385 infractions, 171 ressortaient du Code de l'Indigénat, en 1901, sur 341 c'est 242 qui relevaient de ce texte infâme. Cf. Charles Robert, Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 2 tomes, Paris, PUF, 1968 et Mahfoud, Kaddache, Histoire du nationalisme algérien, Alger, SNED, 1980, tome 1.

[52] «Finejane» : petite tasse en porcelaine, symbole de tout un art de vivre citadin. Pour ce qui est des «cafés maures», Guy de Maupassant, lors de son passage en Algérie et en Tunisie en 1881, en rapporte une vision morne. Pour d'autres images sur ces «maisons de café», voir Gérard Georges Lemaire, Cafés d'autrefois, Paris, Flammarion, 2000.

[53] Un de ces cafés maures était situé à deux pas de la cathédrale (L'Indépendant du 5 novembre 1898).

[54] L’indépendant du 5-11-1898.

[55] Pour plus de détails sur ce décret, voir Le Républicain du 22-10-1901. Quant à la perception de ces lieux, voir L'Indépendant du 05/11/1898 et Le Républicain du 05-10-1903.

[56] La Medersa fut «instituée en même temps que celle de Blida et de Tlemcen, par le décret du 30-09-1850. Yvonne Turin, Les affrontements culturels, Ecoles, Médecine, Religion, Paris, Maspero, 1971. L'édifice actuel (rue Ben M'Hidi) fut inauguré le 24-04-1909. Au cours de la cérémonie, Mouloud, Benmouhoub prononça un discours très dur dans lequel il «fustigea le fanatisme et les sectaires», cf. L'Indépendant du 26-04-1909.

[57] Voir Le Républicain du 09/12/1908, L'Indépendant à partir de septembre 1908, et le Journal Officiel de la République française, 29 et 30 mai 1908, N° -147 (p. 3727), Déclaration du 8 Avril 1908.

[58] Il faut rappeler à cet égard qu’en quarante années de présence française en Algérie (de 1865 à 1905), seuls 1315 indigènes sur 4 millions s’étaient faits naturaliser soit, 33 par année et un sur mille, cf. Le Républicain du 24 novembre 1911.

[59] Avec la loi de 1905, le service militaire pour musulmans passait de 3 à 2 ans, et le décret du 17 juillet 1908 par lequel était établi le recensement des musulmans âgés de 18 ans.

[60] L'Indépendant du 19-12-1908.

[61] L'Indépendant du 07-02-1909.

[62] Premier journal fondé en 1850 à Alger.

[63] Cité par L'Indépendant du 29-09-1908.

[64] L'Indépendant du 15-05-1909.

[65] Idem. A titre indicatif, la même année (1909), en septembre, s'est tenu le Congrès islamique avec pour objet : le relèvement de l'Islam. Par rapport au sport, Bernadette Deville-Danthu, op.cit. a montré, pour le cas de l'Afrique de l'Ouest, les réticences des dépositaires de la légitimité religieuse face à ces libertés accordées au corps.

[66] C'est le cas de Allal Hamdane qui fut nommé directeur des cours de gymnastique à La Bravoure de Bougie, cf. La Dépêche de Constantine du 30-11-1912.

[67] Société sportive fondée entre 1899 et 1900. Son premier président, Mejdoub Khalifat, d'origine israélite, était professeur d'arabe. Elle fut au cœur de controverses politiques dans les années 1900 et 1901, liées au climat antisémite de l'époque. En janvier 1904, est élu un nouveau comité moins marqué politiquement.

[68] Journal fondé en 1908. Il constituera une de nos principales sources d'informations à partir de 1911.

[69] A.C.C. : Athletic Club Constantinois.

[70] Le local de cette société se situait à la rue Sidi-Lakhdar (voie de communication entre quartier judéo-européen et le quartier musulman «El Djezarine» (rue des bouchers). La Dépêche de Constantine du 11-11-1914 donne du moins cette adresse comme lieu de réunion de l'U.S.C.

[71] La Dépêche de Constantine du 23-03-1911.

[72] La question des sigles sera développée un peu plus loin.

[73] Cette hypothèse est d'autant plus plausible qu'à l'occasion de la fête orientale du 06 septembre 1913 organisée par Le Progrès Musulman, Alfred Durand (administrateur honoraire des colonies et professeur à l'Ecole des langues orientales) dans un courrier adressé au Comité, s'excusait de ne pouvoir répondre favorablement à l'invitation qui lui fut adressée, en raison de problèmes de santé, et se sentit obligé, et dans des termes fort élogieux, de rappeler la participation des «Turcos musulmans» au conflit de 1870. Pour plus de détails, cf. La Dépêche de Constantine du 04-09-1913.

[74] Ce qui n'empêche nullement le maintien de la suspicion. Exemple : à Aïn-Abid (20 km de Constantine), à l'occasion d'une fête patronale, un grand concours de tir au fusil de chasse est ouvert du 25 septembre au 9 octobre 1911. Son règlement précise que dans le cas «où un indigène serait déclaré vainqueur (…), il lui sera versé le montant : 40 fr pour le fusil, 35 fr pour la carabine (…)» in La Dépêche de Constantine du 27-12-1911. En dehors de la mobilisation militaire, «l'indigène» ne pouvait avoir droit de posséder une arme.

[75] Fondée à Constantine en 1897, La Dépêche de Constantine du 14-10-1911.

[76] La Dépêche de Constantine du 22-12-1911.

[77] Voir supra les premiers éléments de l'analyse des sigles et acronymes sportifs.

[78] Club musulman fondé en 1926. Il fera l'objet d'un texte à part dans la mesure où sa constitution inaugure une ère nouvelle pour l'associationnisme sportif musulman. Celle de l'inscription du sport musulman à Constantine dans la durée.

[79] Pour plus de détails et sur tout ce qui suit autour de cette société et de son président Louis, Blanc, cf. L'Indépendant du : 10-11-1912 ; 09-01-1914 ; 21-11-1915 ; 09-12-1915 ; 03-10-1916.

[80] Animateur essentiel d'une société Sportive Musulmane de Constantine dont il sera question un peu plus loin. On l'aura deviné, il s'agit de l'Etoile Club Musulman Constantinois.

[81] Nous reviendrons sur ce groupement dans un texte spécifique et dans d’autres publications, compte tenu du fait qu'il est au cœur de la polémique sportive entre le Club Sportif Constantinois et le Mouloudia Club d'Alger (MCA fondé en 1921).

[82] La Dépêche de Constantine du 12/12/1912. Au-delà de la rareté de documents sur le sport en situation coloniale (hormis la Presse), ceux qui existent, notamment les programmes des différentes compétitions organisées et les calendriers correspondants pour chaque saison sportive, ne font pas du tout référence à cette association. D'où la nécessité d'autres recherches ou d'autres sources d'informations. Les bibliothèques privées doivent receler des trésors qui ne demandent qu'à voir le jour une fois les tabous levés.

[83] La Dépêche de Constantine du 13/06/1913.

[84] Un des premiers clubs de la ville (la presse locale de l'époque le qualifiait de doyen des clubs de la ville) à développer les sports anglais comme le football à partir de 1907. Sur Sports et communautés européenne et israélite à Constantine, nous menons actuellement une recherche dont les résultats seront publiés prochainement. Cf. la Dépêche de Constantine 22-11-1913.

[85] Que ce soit au Cross National de France disputé sur l'aérodrome de Juvisy (La Dépêche de Constantine du 08-03-1914), ou à l'épreuve annuelle de course à pieds du 20 avril 1914 Nice-Monaco, épreuve fondée en 1905 sur une distance de 18km (La Dépêche de Constantine du 21/04/1914), émergeaient de jeunes champions musulmans comme Djebaïli et surtout Arbidi (Alim Mohamed) du Massilia Club de Marseille, vainqueur de cette même compétition en 1h 07mn et 50s. Cette irruption de l'émigration dans la constitution de l'espace des sports en France, trouvera sa consécration des années plus tard avec El Ouafi (1899-1959), vainqueur inattendu du marathon aux Jeux Olympiques d'Amsterdam en 1928 et à l'origine de la première médaille d'or de la France lors de ces confrontations mythiques entre les Nations. Cette participation des «Indigènes», toute relative qu'elle fut, à la construction de la gloire de la «mère patrie» reste mal assumée par l'historiographie officielle française quand elle n'est pas complètement occultée. Il faut dire que ces dernières années des chercheurs français tel Nicolas Bancel ont intégré à leur protocole de recherche le sport dominé.

[86] Salah, Benmohammed se distingua dans la course à pieds, Constantine-Philippeville-Constantine, le 8 mars 1914.

[87] Sur les conséquences de la Première Guerre mondiale en Algérie, la référence reste l'excellente thèse /ouvrage de Gilbert Meynier, L'Algérie révélée. Les enjeux de l’Algérie moderne, qui se dessinaient durant cette période cruciale, continuent aujourd'hui de travailler la société. 170.000 Algériens musulmans qui expérimentèrent la guerre de masse, cela laissa nécessairement des traces.

[88] Voir La Dépêche de Constantine du 02 et du 06 août 1914.

[89] «Plus que jamais les saines distractions de la vie au grand air, de l'éducation sportive, s'imposent à la jeunesse française, le football association est un des meilleurs moyens de développement physique». La Dépêche de Constantine du 09-12-1915).

[90] A l’exemple du Coudiat Club Constantinois, du Red Star de Constantine ou d'équipes constituées d'amis à partir de lieux de convivialité tel que "les bistrots du coin" comme ce fut le cas pour le «Coq Club Constantinois» (La Dépêche de Constantine du 23-09-1916). A moins que cela ne soit à partir d'une institution scolaire telle la Normale Sportive Constantinoise (déjà présente en 1913) ou à Bône (Annaba) l'Association Sportive du collège de Bône (La Dépêche de Constantine de décembre 1915). Mieux, pour entretenir la flamme sportive au front, une «Correspondance des sportsmen algériens aux armées» fut constituée. Enfin, pour écrire le livre d'or des sports en Algérie, La Roue d'Or Algéroise (R.O.A) lança un appel à tous les sportsmen d'Algérie pour la concrétisation de cette œuvre de renforcement des liens de camaraderie et d'hommage rendu aux combattants sportifs. Cf. La Dépêche de Constantine du 20-01-1916.

[91] La Dépêche de Constantine du 30-03-1916.

[92] Idem.

[93] L'essentiel des communiqués ou avis qui paraissent dans la presse locale sont le fait de membres actifs des sociétés gymniques ou sportives, dûment accrédités par le comité des dites associations. En général, la signature est celle du secrétaire général quand ce n'est pas le président lui-même qui juge nécessaire de le faire.

[94] A titre d'exemple de ces débats qui agitent les élites de cette époque, voir la controverse entre Hadj Smain Mokhtar, avocat à Chateaudun-du-Rhumel (Chelghoum Laïd) et président du comité de secours des indigènes -, Benbadis Mohamed et Bensouiki Mahmoud (Mustapha) parue entre le 20 et le 28 janvier 1914 dans La Dépêche de Constantine. D'autre part, l'E.C.M.C peut compter sur le soutien médiatique d'André Servier, rédacteur de la dite publication, secrétaire du Cercle Franco-Musulman et très proche des élites musulmanes.

[95] La Dépêche de Constantine du 12-10-1916.

[96] Idem.

[97] Voir La Dépêche de Constantine du 21-11-et du 02-12-1912.

[98] Ce tableau n'apparaît pas tel quel dans La Dépêche de Constantine du 17-09-1917. Sa construction a nécessité la consultation d'autres numéros et surtout la correction de l'orthographe des noms comme dans le cas de Chaâbane Mouloud (transcrit par le journal sous le nom de Azibane, ou le rajout du prénom pour éviter des amalgames d'autant plus que les profils politiques ne sont pas toujours les mêmes. C'est entre autres le cas des Benbadis.

[99] Bien sûr, ce loyalisme reste relatif. Il ne faut pas oublier les différentes formes de résistance musulmane à la conscription militaire. En même temps, au cinéma les films qui montraient les populations indigènes étaient censurés, cf. La Dépêche de Constantine du 19-04-1917.

[100] Né le 18 décembre 1870 à Oloron Sainte Marie (Basse Pyrénées). Auteur de la loi Bordes sur le sport et indigènes en 1928. Après des études de droit à Bordeaux, il fut chef de cabinet de plusieurs ministères avant d’être nommé secrétaire général des chemins de fer de l’Etat. Appelé par le gouverneur d’Algérie Lutaud, il devint son chef de cabinet et lui confie la direction de la sécurité générale, qu’il créa, et la direction des territoires du sud. Par la suite il occupa le poste de préfet de la Sarthe. En 1917, il revient en Algérie au lendemain des incidents de Batna, comme préfet de Constantine. Il mit fin aux commissions disciplinaires.

[101] L’indépendant du 16-03-1909

[102] L'ensemble des membres de cette société figure sur la liste que publie La Dépêche de Constantine du 29-01-1917.

[103] Cf. les critiques de Belaâbed sur le peu d'enthousiasme des musulmans pour le mutualisme.

[104] A notre sens, cette faiblesse dans l'affiliation sociétaire ne signifiait aucunement une absence d'esprit de solidarité. Tout simplement, les nouveaux lettrés oubliaient qu'en "terre d'Islam", le centre de toute médiation sociale passait par la mosquée et ses serviteurs légitimes.

[105] Cf. supra et La Dépêche de Constantine du 20-01-1914.

[106] Son bureau se situait passage Crémieux (ancien passage Bensouiki, actuellement Nezzal Ali ) cf. La Dépêche de Constantine du 14 -03-1925. D'autre part les lieux de réunion et de rencontre se partageaient entre le bureau du président, le café de la Médersa (appelé également café Nedjma et situé rue Nationale- Ben Mhidi-), ou bien la brasserie l'Etoile (place de la Brèche). Ce club était présent dans le championnat de football (catégorie 3ème série) pour la saison 1917-1918.

[107] Cf. La Dépêche de Constantine du 8-10-1916, le cas n’est pas isolé. Dans celui d'Alger siégeait en tant que trésorier Chetouti membre du Red Star d'Alger, cf. La Dépêche de Constantine du 14-05-1917. Ces incursions allaient au-delà de l'apprentissage de la gestion administrative de sociétés sportives et touchaient au difficile domaine technique de l'arbitrage. C'est le Sporting Club de Souk-Ahras qui innova à ce niveau. Entre les deux guerres, cette petite ville de l'Est algérien fit preuve d'un réel dynamisme sportif en se permettant d'abriter 3 sociétés sportives en même temps. Outre le S.C.S.A, il y avait l'Avant-garde de Souk-Ahras et le Rapid Club Musulman Souk-Ahrassien. Pour la petite histoire, Kacem Madi, son secrétaire, serait le premier arbitre officiel musulman de l'Est Algérien (Il est évident que cette hypothèse gagnerait à être infirmée ou confirmée par d'autres recherches). Il arbitra entre autres la demi-finale du championnat de football qui opposa le S.C.S.A au Gallia Club Guelmois.

[108] Outre Madi, il y avait Majid (goal), Lamri trésorier et jeune joueur «fin souricier, bien connu» La Dépêche de Constantine du 03-02-1918.

[109] Ce féru de sports ne nous est pas inconnu puisque, du temps où il était lieutenant de la compagnie des sapeurs-pompiers en 1898 à Jemmapes (Azzaba), il a fondé une «Société de gymnastique, d'escrime, de tir», avec comme secrétaire un musulman Amar; cf. Le Républicain du 9 mars et du 18 octobre 1898.

[110] Si Brahim el Amouchi, Mémoires d'un éducateur, op. cit. Pour ce qui est des deux essais : Hadj Slimane Beldjoudi, un texte dactylographié non publié, et Bouderbala, El Khodora, 1986 relatif au CSC.

[111] A titre d'exemple, le palmarès des élèves reçus aux divers examens (5 juillet 1914) fait ressortir dans les disciplines gymniques et sportives les noms de quelques grandes figures des débuts de ce que l'on peut qualifier de «Sport musulman à Constantine». En gymnastique : Hamlaoui Hassen, Boumalit Mohamed (futur 1er président du Club Sportif Constantinois, en 1926); Ahmed Raïs, Rahma Mohamed, Khodja Omar, Maïza Tahar, Bendjelloul Cherif, Merazga Hamana, El-Amouchi Abderrahmane (futur animateur sportif et initiateur de sociétés musicales, plus connu sous le nom de Si Brahim El-Amouchi), Belebdjaoui Hamada. En boxe : Benferhani Smaïn, Boumalit Mohamed, Hamlaoui Hassen, tous élèves de 5ème en 1914 . Cf. La Dépêche de Constantine du 06-07-1914.

[112] l’U.S.F.S.A., fondée en 1889 quant au Comité des sports de Constantine il sera fondé, lui, en mai 1907 avec pour premier président de Peretti.

[113] Pour le parcours sportif de cette association, revenir à La Dépêche de Constantine de 1916 à 1918.

[114] À savoir : l'Avenir Cirthéen (société de gymnastique centrée sur le faubourg d'El-Kantara), l'U.S. Lycée, le C.C.C, le F.C.C et enfin l'E.C.M.C,

[115] Où l'on retrouvait Proudon (vice-président de la Société), Chetouti trésorier du Comité Regional d'Alger, Cossa-Gentil directeur du journal Sportman, et enfin M. Bensalem dirigeant du Red Star.

[116] Il est utile de préciser pour les puristes que cette palme de champion est celle qui concernait, dans la hiérarchie sportive, la deuxième série, même si le commentateur de l'événement n'a pas cru bon de le préciser

[117] Il s'agit de l'Union Sportive Montpensier qui jouait dans le championnat algérois.

[118] A l'occasion de la grande fête sportive organisée le 30 septembre 1917 à la Pépinière par l'E.C.M.C. (autre innovation pour les sportsmen musulmans constantinois) et à laquelle une Société d'Alger devait prêter son concours, "M. le Préfet a bien voulu décerner à l'équipe victorieuse un bronze qui lui sera remis en même temps que le diplôme d'honneur attribué par le président du comité régional". La Dépêche de Constantine du 30 septembre 1917.

[119] Cf. La Dépêche de Constantine du 11-11-1917.

[120] Cette indication sur l'objet de l'association E.C.M.C prouve, s'il en est, qu'elle était agréée par le ministère de la guerre et bénéficiait par conséquent de subventions de la dite institution pour cette mission de préparation militaire. D'autre part, il ne faut pas se faire d'illusions. Tous les musulmans n'ouvraient pas droit aux différents diplômes de P.M qui accordaient des facilités comme le choix du corps d'armée, au moment de l'incorporation, ou le lieu d'accomplissement du service militaire. Seuls étaient autorisés à passer ces examens ceux qui remplissaient des conditions très particulières dont celle d'être de bonne moralité et d'avoir eu des conduites non contraires aux intérêts de la République.

[121] Bien sûr, d'autres lectures sont possibles. Le challenge organisé par la Société était ouvert à l'ensemble des sportsmen sans distinction ethnique, et le comité devait se conformer aux programmes habituels proposés par les sociétés sportives européennes.

[122] Il y avait une véritable résistance des Algériens à se défaire des signes vestimentaires propres à leur culture; question d’honneur. Ce denier aspect est rapporté dans la biographie du boxeur Keddad, Itinéraire d'un boxeur, Alger, Enal, 1991. Ce pugiliste des années 1940 rappelait justement, sous le mode de l’anecdote et de l’humour, que dans son parcours sportif ce qu’il avait du mal à «encaisser», pour rester dans les fondamentaux du noble art, ce n’était pas les coups mais l’obligation de se «dénuder». Se dévêtir, c’était quelque part perdre son honneur, et donc son âme. Il résolut le problème en se présentant sur le ring enveloppé d’un burnous. Faire l’histoire sociale des pratiques sportives, c’est aussi faire l’histoire de la transformation progressive? brutale? du rapport des Algériens à leur corps.

[123] Dans une des courses à pieds entre Philippeville (Skikda) et Constantine, Pallenc, un champion philippevillois rapporte qu'à son passage, "des indigènes criaient «Carnaval» , c’est dire les représentations du sport de l'époque.

[124] Les Sociétés sportives de l'époque comptaient en moyenne, selon leur importance, entre une quarantaine et une centaine de membres. Par rapport au chiffre avancé par Kadi Ali, deux hypothèses : une première, optimiste, tendrait à dire, si le chiffre est exact, que la logique affiliative sportive a bien fonctionné parmi les Musulmans. Une deuxième hypothèse, plus vraisemblable, tendrait à expliciter ce chiffre soit par une faute de frappe ; peut-être aussi «ce gonflement» sert-il de moyen pour conforter l'autorité coloniale dans la justesse de ses choix d'ouvrir le champ des pratiques corporelles à l'élément "indigène" "dans une sorte de "Potlach"des temps modernes.

[125] Cf. La Dépêche de Constantine du 21-09-1918. La recherche universitaire en Algérie est en retard dans la constitution de savoirs académiques sur l'histoire urbaine du pays.

[126] L'Habitat Bon Marché (HBM) dont l'idée est lancée à partir de 1894, va, à côté de l'immeuble colonial classique, comme type d'habitat nouveau dans la ville, contribuer à façonner quelques quartiers européens comme Bellevue (El Mandher el Jamil), le Faubourg Lamy (Emir Abdelkader) ou Sidi-Mabrouk.

[127] En plus du poids de l'exode rural, surtout à partir de 1920, sur le cadre bâti de la Médina ; la dépréciation de « l'habiter dans la vieille ville » à partie liée avec la domination des canons de l'urbanité coloniale. Il faut avoir à l'idée « la ruée » sur les quartiers européens au lendemain de l'indépendance pour mesurer les transformations des imaginaires de la ville que n'expliquent pas la seule crise du logement.

[128] En 1897, elle fut installée dans l'ancienne école primaire supérieure, rue Caraman, puis transférée à la rue Sauzai en 1901.

[129] Cette expérience nouvelle des points de contact entre communautés commence pour les rares privilégiés au lycée comme le rappelle Aïssa Kadri, même s’il s’agit d’un autre contexte historique, celui des années cinquante.

 « En entrant au lycée, j’ai eu l’impression de passer une frontière. J’étais le petit guebli qui arrivait dans un lycée qui n’était pas fait pour lui. Et pourtant au quotidien il n’y avait pas de véritable séparation. On travaillait ensemble, on faisait du sport ensemble, mais il était très rare de voir sur le même banc un pied-noir et un musulman. A la cantine, il y avait une table à part pour les musulmans, au fond de la salle. C’est seulement au foyer qu’on se retrouvait, entre demi-pensionnaires et internes, unis par la musique américaine comme Elvis Presley ou les Platters. Dans ces moments fugaces, nous devenions égaux par la magie de la musique ». Entretien à L’Express rapporté par Le Quotidien d’Oran du 28 avril 2005.

[130] Véritable source d'informations dans le sens où il y a une description, parfois succulente, de la population de ces lieux. Bien sûr, les précautions d'usage doivent être prises pour leur exploitation. Les Arabes, quand ils sont mis en scène (rarement d'ailleurs, ou comme éléments de décor) ne sortent pas de la typologie constituée par l'anthropologie coloniale dont Claude Vatin et Jean Lucas firent une critique acerbe dans L’Algérie des anthropologues, Paris, Maspéro, 1975

[131] Voir supra la loi sur les débits de boissons du 25 mars 1901 qui réprima surtout les cafés maures «qui sont trop souvent le refuge de malfaiteurs» Le Républicain du 05-10-1901.

[132] Cf. La Dépêche de Constantine du 24 -02-1918

[133] André, Nouschi, La naissance du nationalisme algérien 1914-1954, Paris, Minuit, 1962.

[134] Cf. l’ouvrage collectif, Omar, Carlier et Fanny, Colonna et Abdelkader, Djeghloul Mohamed, el-Korso, Lettrés, intellectuels, et militants en Algérie 1880-1950, Alger, OPU, avril 1988.

[135] Pour plus de développement sur cette question, cf. Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme, Tome I, Alger, 1980.

[136] Il faut savoir qu’à cette époque 2/5 des Musulmans d’Algérie vivaient dans le département de Constantine. Le conseil municipal de Constantine dans sa séance de Mai 1922 proposa la constitution d’un dépôt de miséreux semblable à celui d’Alger compte tenu de "l’afflux chaque année de mendiants et de gens misérables" in La Dépêche de Constantine du 12 Mai 1922. Cette misère dans la ville est déjà visible bien avant 1920 , in La Dépêche de Constantine de 1920.

[137] Nouvelles lois fixant les conditions d’acquisition de la nationalité française pour les «indigènes algériens». En fait très peu d’Algériens répondent aux critères fixés .

[138] Nous serons moins affirmatif que Hadj Meliani qui considère que « l'histoire sociale et politique de ces activités est assez connue...», in La salle de sport : espace de sociabilité, 20 août 1997 (texte dactylographié).

 

Appels à contribution

logo du crasc
insaniyat@ crasc.dz
C.R.A.S.C. B.P. 1955 El-M'Naouer Technopôle de l'USTO Bir El Djir 31000 Oran
+ 213 41 62 06 95
+ 213 41 62 07 03
+ 213 41 62 07 05
+ 213 41 62 07 11
+ 213 41 62 06 98
+ 213 41 62 07 04

Recherche