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Au croisement des expériences : illusions, déplacement et dépression. Les femmes âgées en banlieue parisienne

Insaniyat N°72-73 | 2016| Les personnes âgées entre les deux rives de le Méditerranée: quels devenirs| p.47-64| Texte intégral


At the intersection of experiences: illusions, migration and depression of aged women in Paris suburbs

The main idea consisted in studying trajectories of elderly women (in the suburbs of Paris), originated from what we can refer to as “traditional immigration” and the conditions in which their relationships with their own offspring were mingled.

Stuck to two distinct Worlds and distinguished in culture, because language proves not the only hindrance which intervenes between generations, aged women have to confront the changing concept of thought regarding elderly people, and specially towards aged women. How do these women live their time, how do those around them treat them, what is the place of fathers (see grandfathers)? These are some of the questions discussed in this article.

Keywords: aged women - immigration - emigration - social relationships - anthropology of the family.


Tassadit YACINE, Professeur, Laboratoire d'anthropologie sociale - LAS | EHESS, 75005, Paris, France.


Introduction

Avec l’émigration et la guerre d’indépendance, la société paysanne a connu une déstructuration profonde (dépossession suivie du morcellement des terres, partition entre frères etc.) qui a été à l’origine d’une individuation en raison de l’introduction d’une économie différente (prolétarisation, scolarisation, etc.) et d’une inversion des rapports de force et de sens entre les générations (Bourdieu et Sayad, 1964)[1]. Dans les années soixante, souvent, les enfants qui résidaient en ville, soit y emmenaient leurs parents vivre avec eux, soit leur versaient un petit pécule pour survivre au bled[2]. Progressivement, la tendance s’est inversée : les personnes âgées qui bénéficient d’une retraite arrivent à survivre tant bien que mal (à la campagne ou en ville) mais celles qui n’ont aucune source de revenu sont parfois délaissées. Les structures anciennes s’avèrent actuellement de plus en plus défaillantes, en fonction des catégories sociales, de la qualité des relations entre les membres de la famille ainsi que des liens avec le pays d’origine. Quant aux structures qui sont du ressort de l’État et de ses institutions (en Algérie, par exemple) elles sont peu représentatives car elles sont peu adaptées et accueillent des personnes âgées, seules, sans famille et sans ressources (trente-sept[3] foyers pour personnes âgées à l’échelle nationale). Celles et ceux qui sont contraints d’y avoir recours le vivent mal car nullement préparés à cette éventualité perçue comme une déchéance « tahat biya » (tombé bien bas).

Des personnes âgées ayant subi un changement radical de leur situation dans le sens d’une chute vertigineuse de leurs moyens d’existence (au niveau économique mais aussi relationnel et social) vivent des drames dont elles ne saisissent, culturellement parlant, pas toujours les causes.

J’ai tenté de suivre certaines d’entre elles pour aider à l’intelligibilité de ce phénomène qui concerne l’ensemble des sociétés « modernes » dans lesquelles s’inscrit, par la force des choses, la société algérienne sans qu’elle ait, au préalable, réfléchi au statut de fin de vie de ses membres.

Les personnes âgées, en général, jouissaient d’une considération importante dans leurs familles. C’était très mal vu, et ça l’est encore[4], de ne pas soutenir ses parents, pire de les abandonner. Outre un devoir filial qu’ils étaient censés accomplir, les enfants, autrefois, craignaient la malédiction divine (da’wessu) : le paradis ne se trouverait-il pas, selon certains, sous les pieds des mères ? L’on entend, aussi, souvent dire que quoi qu’on puisse faire, l’on n’arriverait jamais à témoigner suffisamment de reconnaissance à ses parents. « Ma mère, c’est sacré, affirmait un jeune dans les années 70 ». On retrouve ces mécanismes de protection dans beaucoup de familles, au point où la mère a parfois des conduites excessives avec ses belles-filles[5] sans que son ou ses fils ne réagissent justement par peur de la malédiction. Mais il est certain que différents facteurs jouent en défaveur de certaines personnes âgées en situation précaire.

Partant d’une observation participante, mon intérêt pour une catégorie de la société qui ira grandissante en raison de l’allongement de l’espérance de vie des individus (76 ans en Algérie, ONS, 2015), vient des mutations sociales et mentales que j’ai eu à constater au sein des familles immigrées, ce qui, par la suite, m’a conduite à chercher à comprendre quel était l’état des lieux dans la société d’origine. Pour une anthropologie de la famille, les personnes âgées constituent une formidable entrée, un indicateur des liens sociaux et des évolutions culturelles[6].

Exil, immigration et inversion des rapports de force

À partir d’une enquête pluri située, durant les années 2014 et 2015, dans la banlieue parisienne principalement : Montreuil, Bagnolet, Noisy-le-Sec, Bondy (le 93 et sa périphérie) et dans certains quartiers parisiens (dans les XIVe et XVe arrondissements)[7], l’idée principale a consisté à croiser des expériences : cas de femmes de statut et de régions différents (Kabylie du Djurdjura et de la région d’Akbou) à mettre en parallèle avec les expériences masculines (Tizi-Ouzou, en particulier) qui sont l’expression d’un profond désarroi, mais dont l’analyse est à l’état de projet.

Une autre question a surgi dans la foulée : celle qui porte sur les enfants et les familles de ces personnes. En effet, il me semble important pour appréhender les questions générationnelles de jeter un regard sur les attitudes et les comportements qu’adoptent ces descendants ou proches parents à l’égard de leurs ascendants et alliés.

Une quinzaine d’heures d’enregistrement a été décryptée. Mais, déjà, se dégagent, du dépouillement effectué, les premiers axes de recherche très importants pour notre analyse. Ceux-ci peuvent, soit rejoindre les hypothèses de départ ou les contredire, et lesquelles globalement paraissent accorder un rôle déterminant à l’exil dans l’approche du « vieillissement » et des relations avec l’entourage (la famille proche, enfants, petits enfants). La personne âgée est, peut-être, celle qui doit subir cette double, voire même cette triple peine parce que, désormais, jugée « non utile » au groupe dont elle est issue et au sein duquel plus aucune fonction ne lui est reconnue, du fait qu’elle serait porteuse d’une « mauvaise » culture et d’une histoire « indigne » d’être évoquée. Ce sont également les voies de la transmission qui lui sont, en quelque sorte, contestées si ce n’est interdites… À « pareille » personne, il est en fait suggéré de « mourir » symboliquement.

Alors qu’un autre versant est perçu dans d’autres milieux où la personne âgée accède à plus de considération et se fait une place de choix : détentrice de valeurs mémorielles, de la culture d’origine. Celle qui réconcilie les jeunes générations avec leur culture et leurs origines comme le montrent les travaux des autres membres du projet[8] : M. Mimouni ; B. Vialle ; N. Boukhobza ; B. Moutassem-Mimouni (2016)[9]. Ces deux versants se côtoient dans tous les milieux.

Une vie en construction

L’appartenance sociale n’est pas non plus étrangère à la vie des personnes âgées qu’elles soient hommes ou femmes. Celles qui en souffrent le plus, ce sont les plus défavorisées socialement et ce sont, d’ailleurs, ces dernières qui ont conservé la mémoire de l’exil :

  • - Les personnes âgées (au nombre de 10 en observation participante et plusieurs entretiens) sont presque toutes issues de milieux défavorisés (sauf une) et ont un rapport ancien à l’immigration. Elles ont toutes connu cette expérience par des parents (père, mari, frère) et elles ont donc « rêvé, imaginé » l’exil avant de le vivre concrètement. Si les premières années ont été, pour certaines, « dures » (selon leurs mots), en raison de l’éloignement du pays d’origine (les voyages longs ou très chers), d’une discrimination « plus forte qu’aujourd’hui » (on ne pouvait pas parler en kabyle dehors « on avait honte »), elles étaient néanmoins porteuses d’espoir. Cette première tranche de leur existence a été consacrée à la construction d’une vie, à l’éducation des enfants et à l’espoir d’un retour « digne » au pays, dignité que procurent l’argent et le nouveau statut dérivant de l’émigration qui favorise souvent une inversion des rapports sociaux. Au village, celles d’entre elles qui, avant leur départ, appartenaient à des groupes défavorisés économiquement, les plus démunies d’entre elles, reviennent « la tête haute »[10].

    Certaines ont décrit leur trajectoire dans le détail : arrivée, perception de la ville, environnement, langue, rapports de couple (avec la domination masculine sous-jacente), rapport au médecin, à l’assistante sociale, à l’institutrice.

    Il faut souligner aussi que la relation avec leurs enfants se complique, en particulier avec les problèmes sous-jacents de transmission culturelle et prend de l’acuité à l’adolescence au moment où les jeunes se posent des questions relatives à leur identité, à leur culture, leur langue, leurs croyances, la religion (ici l’islam).

En Algérie, soulignent-elles, « on ne se préoccupait pas de la dimension religieuse, ce n’était pas l’affaire des mères mais celle de la rue, de l’école, du village ». Au village, les enfants sont éduqués par tout le monde. Les mères n’assument pas, seules, ce rôle, car celui-ci est l’affaire de tous au sein de la famille et du village. Très jeunes, les enfants prennent pour modèles les hommes (ou les femmes) du groupe… « Ici, il n’en est rien… on n’est pas les autres et on ne veut pas que nos enfants nous échappent ». Les filles reprochent souvent à leurs mères de n’avoir pas joué l’ouverture, de ne pas avoir compris leurs besoins et, surtout, d’avoir donné raison au père de famille[11]. Il s’agit, en fait, d’une rupture totale et radicale avec le milieu d’origine que les filles mettent en avant, ce qui est de l’ordre de l’inadmissible pour les mères.

« J’en veux à ma mère d’être toujours dans les histoires du village, de ne pas en sortir… Regarde, elle ne reçoit que les gens de là-bas… qui passent des semaines, parfois, des mois. Moi, je ne les supporte pas et je ne supporte pas leurs mentalités… », rapporte une jeune femme. Cependant, il n’est pas rare, non plus, de rencontrer des cas où, à l’inverse, ce sont les mères qui prennent la défense de leurs filles (dans une proportion de 20 %). Malika a été sauvée par sa mère (de connivence avec une voisine), car son père avait décidé de l’emmener en vacances en Algérie afin qu’elle ne revienne jamais plus en France. Il avait pensé qu’il était préférable pour elle (et pour la famille) qu’elle prenne mari en Algérie. La mère ayant été informée s’arrangea, avec l’aide d’une voisine médecin, pour faire hospitaliser la jeune fille pendant trois jours suivis d’une convalescence d’un mois.

En fin de vie, la mère trouva refuge chez sa fille et le vieux père qui ne put se résigner au déracinement, dut s’en aller en Algérie pour construire une nouvelle vie. Cette solution est souvent celle qu’adoptent les hommes. C’est en fait une carte, une espèce de joker qu’ils se réservent d’abattre surtout lorsque ni leurs femmes, ni leurs enfants n’ont l’intention de retourner en Algérie.

Chronos, corporéité et place sociale

La question qui s’impose de manière lancinante concerne l’âge (et l’énergie) : « je suis morte, je n’ai plus de forces », et concerne le deuxième groupe observé. Les femmes observent leurs corps, leur manière d’être avec les yeux de la société d’accueil qui verse dans le « jeunisme ». Belles ou pas, ou plus, elles ne veulent pas (pour certaines encore attachées à la culture du pays d’origine) se « faire belles », parce que, au bled, cela ne se fait pas. Par ce regard décalé sur la beauté et sur l’âge, elles sont en rupture avec la culture d’origine (ce qui confirme notre idée de l’entre-deux, ni totalement ici, ni totalement là-bas) qui a muté entre temps, puisque maintenant en Algérie, les femmes âgées se préoccupent de leur beauté et investissent de l’argent (Spa, sport, hammam, centres de beauté, etc.)[12]. La force et la beauté du corps signifient pour elles continuer à servir, à valoir quelque chose. Elles développent un raisonnement selon lequel elles n’ont de valeur que tant qu’elles sont utiles à la société (qu’est-ce que je vaux ? je ne peux même pas préparer un café), tant qu’elles ne constituent pas « une charge » pour autrui et tant qu’elles « sont écoutées »… Ainsi, la question du corps est lancinante chez nombre d’entre elles. Conscientes qu’elles n’ont aucune force pour se reconstruire, elles se rendent compte qu’elles ne peuvent plus rien donner. Elles gardent parfois une mémoire, une intelligence vive mais le fait de dépendre de leurs filles, ou pire encore, de leurs belles-filles est l’ultime degré de l’humiliation ; une femme dira : « mon corps a subi la guerre 14-18, mon corps est un champ de bataille ». Elles s’estiment sacrifiées et leur avancement dans l’âge contribue à leur faire, progressivement, perdre de leur autorité (quand elles en avaient une). Ici, il n’y pas seulement les conflits des rapports traditionnels de belle-mère/ belle fille[13] mais, nous avons rencontré des cas où ce sont les propres enfants qui dépouillent leurs parents de leurs biens et les exploitent au maximum, le plus « cruel » est surtout lorsque le fils cède à son épouse le pouvoir de dépouiller sa mère.

Des parcours exemplaires

    Pour illustrer notre propos, nous allons présenter deux cas :

    a. Chama (née en 1932 dans la région de Sétif), est issue d’une famille de paysans (dépaysannés pour parler comme Bourdieu) en rupture avec la paysannerie même si cette famille a gardé des champs d’oliviers. Elle a vécu dans un village traditionnel avec un regard sur les valeurs citadines, le mode de vie des femmes (cuisine, tricot, pâtisseries, etc.) bien différents de ceux de la campagne. Les femmes sont perçues comme des « bêtes et mises à l’écart par le mari et sa famille (père, mère et frère) » (dira-t-elle, bien plus tard). Elle a une vision bien tranchée entre le monde de la ville et celui de la campagne surtout que son père va faire partie de ces premiers émigrés favorables à la modernité « occidentale », à l’instruction et à l’émancipation des femmes même s’il n’a pas pu changer le destin de ses propres filles. Il changera, en revanche, celui de ses petites-filles qui fréquenteront plus tard l’université : en Algérie et en France. Il est à noter que l’idée de changement, de rupture avec le monde traditionnel a été introduite dans la famille par le père de Chama, ancien émigré qui a appris à lire et à écrire tout seul.

    Chama, deuxième de ses filles, sera mariée, dans le village, avec un cousin très éloigné. Ce mariage est vécu par Chama comme un déclassement. De cette union naîtront deux filles (1950, 1953) et un garçon posthume (en 1956). Le mari de Chama, initialement un paysan, épousera, lui aussi, le destin de son propre beau-père en émigrant à son tour dans les années cinquante.

    En France, il se syndiquera et ne manquera pas de prendre des contacts avec les mouvements de libération d’autres régions du monde. Il retourne en Algérie en 1955 où il y rejoint le FLN. Il est arrêté en décembre, emprisonné, torturé puis exécuté. Chama est enceinte, elle accouche six mois après le décès de Lahcen. Le hameau dans lequel vivait Chama est incendié et vidé de sa population, il ne lui reste qu’à trouver refuge chez son frère (postier) sans enfants et chez lequel elle passera toute la durée de la guerre.

    Chama a vécu le décès de son mari comme une injustice, à elle faite, personnellement. Elle entre en dépression pendant de longues années.

    À l’indépendance, en 1962, elle retourne vivre chez ses parents. Elle a alors à peine 38 ans quand, en 1968, elle se remarie. De cette nouvelle union naissent deux filles et deux garçons. Son nouveau mari porte, aussi bizarrement que cela puisse paraître, le même prénom « Lahcen » que le mari défunt et il est également moudjahid. C’est aussi un cousin du côté paternel. Jaloux, colérique, paranoïaque, Chama aura à beaucoup souffrir de son comportement qu’exacerbe l’écart social qui existe entre les deux familles. Lahcen vit de façon insupportable le fait de passer pour quelqu’un d’« inférieur » socialement face à Chama dont la famille compte de nombreux fonctionnaires en son sein. Aussi, le lui fait-il chèrement payer.

    L’autre aspect qui va approfondir le fossé au sein du couple, c’est le comportement supposé « non conforme » des filles du premier lit de Chama et qui ont fréquenté le lycée et l’université en Algérie puis en France. Elles sortent seules, elles étudient et sont en totale rupture avec les valeurs du village. Lahcen établit un lien de causalité entre l’éducation dispensée par la mère et la conduite de ses filles (il reprend le dicton populaire « telle mère telles filles »), comme si Chama était responsable du « comportement » supposé irrespectueux de ses filles (en apparence « non religieuses » de surcroît) qui n’observent pas les mêmes attitudes que les autres filles du village.

    Chama supporte cette vie pendant de longues années (plus de vingt ans) et finit par divorcer alors qu’elle avait plus de soixante ans (autour des années 1990). Ce divorce offrira à Rquya (la plus jeune) l’opportunité de partir en France rejoindre ses demi-sœurs (dans ce pays depuis les années 80). Rquya a 20 ans, elle ne poursuit pas les études pour lesquelles elle avait traversé la mer mais veut plutôt faire du « trabendo ». Après moult tentatives, elle n’y parvient pas. Elle trouve alors de l’aide auprès d’une cousine (aujourd’hui islamiste se chargeant de l’islamisation de ses propres enfants et ceux de Rquya) qui travaille dans les marchés, qui la recrute et lui présente un jeune marocain.

    Rquya l’épouse sans consultation de ses parents. Elle vit d’expédients −avec son époux− et n’a d’autre objectif que de chercher à obtenir des aides sociales et ce, par tous les moyens… Son mari adepte de « la fête » (sorties, soirées, cabarets, etc.), Rquya, elle, se consacre à la combinaison de stratégies de plus en plus compliquées destinées à lui rapporter de l’argent. Elle persuade sa mère (veuve de chahid) de venir en France avec son frère handicapé pour empocher des aides de l’État dont elle les ferait bénéficier. Elle constitue donc deux dossiers : l’un, pour sa mère au vu de son âge (une pension vieillesse) et l’autre, pour son frère à titre d’handicapé (MDPH).

   Ces deux personnes lui permettront également de bénéficier d’un logement social de cinq pièces à Montreuil, qui lui revient très bon marché.

   Mère âgée et frère handicapé constituent une occasion pour être aide ménagère (environ 400 Euros/ mois). Elle finit par trouver une autre astuce : se déclarer femme seule pour disposer d’une aide comme mère élevant seule trois enfants à charge.

   Rquya travaille très peu mais elle totalise environ 3000 Euros/ mois, en partie, grâce à sa mère. Chama et son fils handicapé sont pris en otage par le couple − Rquya et son mari – dont ils sont la source essentielle de financement. Rquya tombe malade et souffre de cancer depuis plus de 10 ans. Son état s’aggrave : elle finit par se débarrasser de sa mère et de son frère tout en gardant leurs pensions et les envoie vivre chez une autre sœur sans soutien financier. Parfois, Rquya prive sa mère et son frère de leurs papiers (carte de séjour, carte vitale). Le cauchemar va continuer jusqu’à la mort de la jeune femme. La maladie de cette dernière a installé l’omerta ; personne n’a soufflé mot de cette sordide affaire. Les proches de Chama ont vécu dans la culpabilité, le fait d’avoir tu pareils agissements en même temps qu’ils ont été confrontés à la difficulté d’avoir à dénoncer une personne atteinte d’une maladie grave auprès des autorités françaises. Dans ce dilemme, c’est le silence qui l’a emporté. Il est, cependant, faux de croire que la chaîne des persécutions s’arrête aux enfants ; elle se prolonge avec les petits-enfants. Cette femme perd malheureusement son fils (né posthume en 1956) pendant les années de guerre en Algérie, lui-même père de deux enfants. Les petits-enfants considèrent, à leur tour, que la grand-mère devrait leur céder sa pension… C’est la pension de notre grand-père disent-ils (ils pensent que la pension est un héritage qui se transmet par la filiation paternelle).

Sujette à une dépression majeure, Chama vit, quant à elle, actuellement chez l’une de ses filles. Elle a perdu sa fille mais elle a gardé l’angoisse de se faire virer du pays d’accueil car, comme veuve de chahid, elle avait intériorisé le fait qu’elle ne devait rien accepter de la France que son mari avait combattue[14]. Sa fille et son gendre l’ont volée, dépouillée de son argent et porté sérieusement atteinte à sa dignité ; elle en est, certes, très affectée, mais elle se considère, pour sa part, fautive : elle a pour ainsi dire volé la France. Sa pension algérienne de veuve de chahid (environ 50.000 DA) elle n’en profite pas, mais elle a profité au couple qui, au fil des ans, a acheté un appartement, en Algérie. Chama, pour avoir l’affection – et la protection, croit-elle − de sa fille, a dû lui léguer non seulement ses biens mais aussi sa « vie ». Aujourd’hui, elle perd la raison, elle a peur d’être rejetée, peur de la police, de la France, de ses autres filles même si elles lui fournissent une véritable aide. Bref, elle vit, ici, dans un sentiment d’extrême étrangeté et d’extrême précarité comme elle craint aussi d’être renvoyée en Algérie et y être abandonnée à son sort.

Zineb (1939)

Elle est la belle-sœur de Chama (leurs maris sont frères). Elle appartient à une famille de paysans dans la région d’Ighil-Ali. Elle a perdu sa mère alors qu’elle était encore enfant. Elle est la cadette de deux sœurs et d’un frère. Elle a perdu son père, son frère et son mari pendant la guerre de libération.

Elle s’est mariée avec Lakhdar, son cousin paternel. Il était encore étudiant à Constantine quand éclate la guerre d’Algérie. Il apprend que son frère Lahcen a été exécuté par l’armée française, il gagne aussitôt le maquis et ne reviendra jamais. Lakhdar avait à peine 23 ans. Lorsqu’il « sort » au maquis, Zineb est enceinte et accouche d’une fille (en 1956).

À l’indépendance, Zineb épouse son beau-frère (émigré en France) en deuxièmes noces (elle a été « reprise » dans le langage populaire). Elle est la co-épouse de A., qui a déjà plusieurs enfants restée vivre au village.

Après quelques années (trois à quatre ans), elle est de nouveau mère d’une autre fille (O.)

Zineb tombe malade et le prétexte, pour elle, est tout trouvé pour aller vivre en France avec son mari. Sa co-épouse et les enfants de cette dernière ne lui pardonneront jamais cet écart à la tradition. Elle laissera sa fille (âgée de cinq ans) au pays comme otage. Il a fallu du temps pour que la petite fille, « O. », puisse rejoindre ses parents en France. Zineb passe pour une privilégiée, elle doit en principe partager sa pension (veuve de chahid) avec sa co-épouse, mais elle s’y refuse. De plus, le fait qu’elle vive en France, ne tarde pas à lui créer des ennemis. Ces écarts, Zineb aura à en subir les retombées : un de ses fils (M.) ayant « « enfreint » la loi, en France (aurait volé une babiole) s’est vu relégué au pays, séparé de sa mère, par la seule décision du père, alors qu’il n’avait que huit ans. Sa fille aînée (la fille de Lakhdar) n’a jamais pu venir vivre avec sa mère. Le mari de Zineb veut gérer la pension qui lui est dévolue. Il considère qu’elle doit lui revenir de droit parce que, « estime-t-il », « il a fallu que mon frère meure » et aussi, n’est-il pas le chef de famille ? Enfin, elle finit abandonnée par le mari qui rentre au pays prendre femme. Elle demeure seule vivant de ménages afin de nourrir sa famille (6 enfants). Une de ses filles s’est suicidée à l’âge de 37 ans après avoir fait de brillantes études. Zineb ne demande pas le divorce. Elle se sent coupable de n’avoir pas suivi son mari mais, dans ce cas, il aurait fallu sacrifier les enfants.

Le mari perd sa dernière épouse et revient à nouveau vivre avec elle (afin qu’elle s’occupe de lui) jusqu’à son décès. Zineb a gardé la maison familiale avec ses enfants. Elle a une petite retraite qui lui permet de survivre. Mais un des fils (M.), renvoyé au bled par son père, vivant en Algérie estime à son tour que la pension de veuve de chahid lui revient de facto parce que c’est un garçon. Ce dernier ne travaille pas et considère que ce qui appartient à sa mère lui appartient même la pension « héritée » d’un premier mariage. Il en est de même avec l’autre fils « S. » vivant avec elle, en France. Elle doit partager avec eux également la pension de réversion que lui verse l’État français (600 euros). Zineb jouit tout de même d’un bien (une petite maison dans la banlieue, 93) légué par son mari mais dont le seul héritier est un des fils. Il est vrai que ce dernier a remis en état la maison, les dépendances etc… il a laissé vivre sa mère pendant quelques années (cinq ou six ans) dans cette maison comme par devoir. Actuellement, il enjoint à sa mère de quitter les lieux pour mettre en vente la maison.

Ces deux cas sont exemplaires de femmes qui, après avoir travaillé leur vie durant, affronté les affres de la guerre d’Algérie et ses séquelles, se retrouvent au crépuscule de leur existence dépouillées (à des degrés différents) par leurs propres enfants.

Si ces deux précédents cas se réfèrent à des femmes illettrées, il convient toutefois de préciser qu’elles ne sont pas les seules à être la proie de ce genre de rapacité. Même des mères occupant des positions élevées ne sont pas à l’abri de ce type de comportement de la part de leurs enfants.

Il y a un effet générationnel qui n’est pas spécifique à l’immigration, il est également présent en Algérie.

Kabylie, village de T

La comparaison mérite d’être établie. Au village de T., plusieurs femmes se retrouvent également dépouillées de leurs revenus et biens par leurs enfants. La première (O., 82 ans, mari handicapé) a une pension en Euros. Elle est mère de cinq enfants : quatre fils et une fille. Ses enfants travaillent tous à l’exception du dernier (handicapé mental) que la mère aide un peu plus que les autres. Ils ont, de surcroît, des terrains qu’ils ont revendus à prix d’or, car situés sur la côte. Malgré tout cela, rien ne suffit à les satisfaire. Les enfants se partagent la pension de leur mère à prix égal comme si elle leur revenait de droit.

Il en est de même de R. (sœur de O.), qui, elle, n’a pas d’enfants et qui bénéficie d’une pension de veuve et d’un héritage de son mari. Sa fille adoptive qui, en principe, vit avec sa mère, gère ses biens mais à son profit exclusif. R., âgée de 84 ans ne dit rien car elle a peur de l’abandon. Elle doit, de plus, se rendre utile à la maison où elle s’occupe des enfants et du ménage pendant que sa fille est au travail.

D.(78 ans) a huit enfants et bénéficie de deux retraites de réversion (une française et une autre algérienne) : elle vit dans un stress permanent car elle est obligée de verser ses revenus à ses enfants, y compris ceux qui vivent en France. Elle est très mal à l’aise car elle ne peut ni refuser ni céder au chantage qui lui est fait. Aucune des belles-filles ne daigne s’occuper d’elle. Elle vit, en outre, avec sa fille aînée, encore célibataire, la cinquantaine passée.

Les femmes que nous avons connues et qui ont accepté de raconter leur vie disposent toutes de revenus et elles ont, en fait, les mêmes problèmes que celles qui n’en disposent pas. Le fait de posséder de l’argent et/ ou des biens permet de mieux étudier le comportement de leurs enfants qui ne cherchent même plus à dissimuler leur vouloir accaparer les biens de leur mère. Que s’est-il passé pour que des générations d’Algériens aient modifié à ce point le regard qu’elles portent sur leurs parents, leur culture ?

Ce qui était très mal perçu autrefois au sein du groupe, s’est en fait, aujourd’hui, banalisé pour les cas étudiés et semble être entré dans les mœurs, érigé en usage social.

Discussion des résultats

On pourrait multiplier les exemples… mais ce qui ressort des pratiques de certains jeunes issus de l’immigration ressemble fortement à ce que l’on constate auprès de jeunes Algériens du bled qui vivent, également, des revenus, plus précisément des ressources de leurs parents lorsqu’ils ne travaillent pas. Ce sont les pensions des vieux émigrés qui « font vivre » les jeunes désœuvrés de Kabylie (à Bouira, un homme de 80 ans s’est suicidé, il y a de cela quatre ans à cause de la « maudite » pension en Euros). Ce qui ressort davantage, c’est l’éclatement des repères culturels impactés par les écarts générationnels.

L’âge est un critère pour détenir un pouvoir et prétendre à la sagesse (tamusni en kabyle) et à la connaissance. Imgharen, ce sont les sages du village (en Kabylie) mais aussi les beaux-parents (belle-mère et beau-père) qui détiennent un pouvoir sur les biens et sur les personnes (la maisonnée pouvant regrouper plusieurs familles)[15]. Les relations avec les parents sont fondées sur l’affection, sur la crainte et sur la dépendance économique et sociale. Les enfants n’avaient, en principe, aucune autonomie financière du vivant de leurs parents. Cette situation est celle qui prévalait dans nombre de familles algériennes vivant dans les campagnes jusqu’à la veille de 1945 et surtout la guerre de libération. Les observations, réalisées dans cette étude, montrent que cette dépendance est toujours là, elle s’est même aggravée avec le chômage comme on le voit dans le cas des jeunes chômeurs en Algérie, mais aussi en France. Ce qui semble avoir changé, c’est le déplacement du pouvoir des personnes âgées vers leurs enfants plus instruits, moins enclins à se soumettre au pouvoir patriarcal traditionnel, ce qui augmente leur audace, en particulier pour les migrants compte tenu de la distension des liens avec la culture d’origine. Les filles/femmes qui passaient d’une tutelle à l’autre ont pris de l’ascendant et s’imposent quitte à le faire au détriment des valeurs nobles : respect, protection des parents âgés.

La perte d’autorité pour les femmes âgées nous paraît également en lien avec la séparation des enfants de leurs parents (à titre d’exemple, le mari de Zineb rentre en Algérie et la laisse avec six enfants ; en se remariant, elle a dû laisser sa fille en Algérie, etc.). Les travaux montrent que l’absence de l’un ou l’autre des parents (voir travaux sur les carences affectives, carences d’autorité –J. Bowlby[16] ; Boucebci[17] ; B. Moutassem-Mimouni[18], etc.), risque de distendre les liens d’attachement (ma yrabich el kebda), l’empathie et l’affection (ma yhenech lihoum) qui en découlent.

Enfin, les mères sont parfois disqualifiées, car elles restent fixées aux souvenirs « …toujours dans les histoires du village », elles n’ont pas su se déployer, s’adapter à leur nouveau milieu et ont, par la même, isolé leur enfants qui le leur reprochent.

Fragilisées par cette double absence et par l’âge, elles peuvent se trouver à la merci de leurs enfants qui s’arrogent le droit de les rançonner. Mais ces situations ne sont pas aussi tranchées : prenons le cas de Chama, elle a été dépouillée par une de ses filles (Rquya), mais ses autres filles s’en occupent bien. Ce qui est confirmé par les travaux des autres membres de l’équipe B. Vialle (2016) montre, de son côté, que les femmes âgées, venues du Haut Atlas (Maroc) et installées dans le Sud de la France, ont réussi à garder la place d’aïeules aimées, respectées et écoutées ; B. Moutassem-Mimouni et M. Mimouni, pour l’Algérie, constatent cette double orientation : grand respect et affection et violence patentes ou latente contre les parents.

Si les enfants sont les garants de la survie de leurs parents, les choses ont fortement changé du fait que les parents d’aujourd’hui sont souvent moins démunis que ceux d’hier : ils ont des pensions (retraite, épouse de chahid, RMI., des biens, etc.) alors que les enfants sont souvent dans la précarité et la dépendance vis-à-vis d’eux (qu’ils soient en France ou en Algérie). Une des mutations essentielle touche à la place du père, il est décrit comme silencieux, quasi absent B. Vialle[19], S. Maaroufi[20], V. Lepage[21], Hammouche[22] parle d’affaiblissement de l’autorité du père. La rupture principale est à ce niveau, ce qui a laissé les mères seules face à des enfants dans une société en contradiction avec leurs valeurs et leur code de transmission. Leurs enfants leur reprochent « leur autoritarisme » (et indirectement l’absence du père). Ils leur reprochent de rester fixées à leurs origines, leurs souvenirs, de les magnifier « je déteste leur mentalité » dit une des filles. Ces mères isolées n’avaient accès ni à la langue ni à la culture de l’autre qu’elles ont juste isolées, pour ne pas la laisser « contaminer » les origines. Ce comportement, ayant contribué fortement à distendre les liens avec les filles et surtout à creuser un fossé entre les générations.

Conclusion

Ces personnes âgées, fragilisées, sous chantage affectif direct ou indirect, vont chercher des explications de ce renversement des valeurs (le jeune commande et fait du chantage au vieux) qui est pour elles synonyme de sacrilège : lorsqu’elles sont émigrées, c’est de la faute « de la France, de sa culture ». On notera chez elles un retour (fuite ?) vers le passé (pour les hommes, c’est le militantisme, la guerre, le travail, les syndicats), pour les femmes (les veuves de guerre), ce sont les traumatismes dont elles étaient victimes qui reviennent dans l’expression…

Il s’agit souvent d’un triple trauma : celui d’être femme dominée, veuve et immigrée. Elles ressentent l’espace (la France) dans lequel elles vivent comme source de malaise (était-il logique se demandent-elles de vivre dans le pays qui a causé le drame de leur existence ?). Pour elles, ces trois étapes de leur vie consacrées à leurs enfants n’ont pas été reconnues.

Chez ces femmes, le fait d’être maltraitées par leurs propres enfants réactive les traumatismes et les souffrances de la guerre : elles ont peur de la police, de l’hôpital, de l’abandon, de l’expulsion à cause de l’engagement de leur mari (chahid), bref des poursuites liées à la guerre (Chérifa, 82 ans, Noisy-le-Sec) toujours en mémoire. « Ils vont venir me chercher, tout a commencé là-bas, ils vont m’interroger à cause de lui » (il s’agit du mari exécuté par l’armée). On peut considérer qu’il y a eu un double décalage au niveau de la réalité de leur existence mais aussi de la manière avec laquelle elles se sont représenté leur vieillesse. B. disait que « j’ai toujours voulu avoir plus de quarante ans[23] pour être libre… et voilà qu’en France, je ressemble à un animal en cage ».

Ces trajectoires de femmes, le plus souvent illettrées, (dans la langue de l’autre) illustrent une génération et une époque. Mais on ne peut s’arrêter à ce constat car le déplacement peut génèrer des troubles y compris chez les femmes appartenant à des catégories sociales élévées et même chez les intellectuelles et dépasse largement le cadre de la migration. Il s’agit, en fait, d’un phénomène qui pourrait dépasser largement le cadre algérien et maghrébin.

Cette recherche soulève de nombreux problèmes liés au phénomène de l’émigration-immigration mais les dépasse largement. Ce phénomène est, en réalité, une lunette grossissante qui permet de voir les différentes facettes des mutations sociales qui présentent une large palette : allant du plus clair au plus sombre, d’une place chargée d’affection, de respect et de considération, à une place empreinte de minorisation et d’âgisme. Il s’agit de femmes et de femmes âgées, illettrées hors de leur espace et de leur culture. Le rapport de forces est donc d’autant plus fort sans aucune protection culturelle. Ne pratiquant pas la langue dominante, elles n’ont aucun moyen de s’intégrer dans la culture de l’autre. Elles restent pour ainsi dire sur le seuil : ni dans « la France » ni « en dehors d’elle » dira une femme de 80 ans ; elles sont « suspendues » entre deux mondes, deux rapports de force tout aussi excluant l’un que l’autre. J. Barou[24] affirme : « l'isolement initial des femmes par rapport à la société d'accueil peut, s'il se prolonge, faire d'elles le principal lien à la société d'origine », mais elles ne sont pas en phase non plus avec la société d’origine qui a changé.

Fragilisées par cette double absence et par l’âge, elles peuvent se trouver à la merci de leurs enfants qui s’arrogent le droit de les rançonner. Mais ces situations ne sont pas aussi tranchées : prenons le cas de Chama, elle a été dépouillée par une de ses filles (Rquya), mais ses autres filles s’en occupent bien. Ce qui est confirmé par les travaux des autres membres de l’équipe B. Vialle (2016) montre de son côté que les femmes âgées, venues du Haut Atlas (Maroc) et installées dans le Sud de la France, ont réussi à garder la place d’aïeules aimées, respectées et écoutées ; B. Moutassem-Mimouni et M. Mimouni, pour l’Algérie, constatent cette double orientation : grand respect et affection et violence patentes ou latente contre les parents.

Le rapport à l’espace, au temps, au corps revêt une importance qui découle de la fonction, de l’âge et des statuts sociaux comme le montrent en particulier les travaux d’Abdelmalek Sayad, d’Abdelhafid Hammouche sur la famille et de Hasène Zehraoui… Il serait intéressant également de revenir sur la place (réelle et sur les représentations) des personnes âgées dans la société traditionnelle pour saisir les mutations dans toutes leurs nuances de la société algérienne (et maghrébine) et des défis qu’elle aura à affronter en termes de soutien et de prise en charge des personnes âgées dont le taux va en augmentant. La migration a contribué - dans certains cas - à changer la position des femmes dans la famille et dans la société : elles se sentent, pour certaines d’entre-elles, obligées d’user d’autoritarisme avec leurs enfants et surtout avec leurs filles, d’où cette rupture des liens, notamment à l’adolescence, situation qui va se dégradant lorsque les mères prennent de l’âge, ce qui préfigure d’une distension des relations entre les générations. Ces trajectoires font partie d’une enquête en cours et permettent de montrer certains invariants relatifs aux temporalités intergénérationnelles que l’on peut mieux saisir en ayant recours au comparatisme car la migration n’est qu’un moment qui permet de décrire l’évolution d’un fait social - perçu comme une image grossie - au moment même de son effectuation.

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Notes

[1] Bourdieu, P., Sayad, A. (1964), Le déracinement, Paris, Minuit, 1964.

[2] Un cadre originaire de Kabylie tenait à montrer son indépendance vis-à-vis de sa famille en venant vivre à Alger avec son épouse sans ses parents. Il tenait toutefois à préciser qu’en échange de cette « libération » du carcan familial il a versé une pension à ses parents jusqu’à leur décès. Comme dans toutes les campagnes en Méditerranée, les enfants sont les garants de la survie de leurs parents. La prise en charge des anciens par les plus jeunes est une obligation.

[3] Le ministère de la solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme dispose d’un réseau institutionnel composé de 37 établissements répartis sur 30 wilayas. (http://www.msnfcf.gov.dz/fr/)

[4] Moutassem-Mimouni, B. (2013), in Insaniyat.

[5] Bouziane, S.-N. (2010).

[6] Cf., Remi Lenoir, (2003), Généalogie de la morale familiale, Paris, Seuil.

[7] Le lieu où vivent ces personnes est indiqué à titre informatif, il n’est ni analysé, ni décrit dans ce travail car le lieu de résidence n’est pas abordé (à ce niveau de notre étude) dans la causalité des effets sur le devenir de ces personnes.

[8] Projet de recherche sur « Les personnes âgées entre les deux rives : regards croisés entre la France et l’Algérie ». Projet établissement CRASC 2014-2017, Chef de projet M. Mimouni.

[9] Journée internationale « Des marqueurs biologiques aux marqueurs psycho-socio-anthropologiques, les personnes âgées entre les deux rives », CRASC, 27 novembre 2016.

[10] Ces femmes ont réussi à faire des économies pour construire une grande maison qui reflète leur réussite économique et sociale.

[11] Il est également des mères qui prennent le parti de leur fille mais elles ne l’affichent pas facilement. Il faut mettre beaucoup de temps pour parvenir à faire parler les mères « solidaires » du choix de leurs filles, ce silence montre toutefois une culpabilité à l’égard des conventions collectives.

[12] Moutassem-Mimouni, B. (2016), « Les personnes âgées entre ayla et ousra » in journée internationale : Des marqueurs biologiques aux marqueurs anthropologiques :
les personnes âgées entre les deux rives
, Oran, CRASC, 27 novembre.

[13] Lacoste Dujardin, C. (1985), Des mères contre les femmes, Paris, la Découverte.

[14] Attias-Donfut, (1993).

[15] Boutefnouchet, M. (1982), La famille algérienne. Evolution et caractéristiques récentes, Alger, S.N.E.D.

[16] Bowlby, J. (1978), Attachement et perte, Paris, Livre de Poche.

[17] Boucebci, M. (1978), Psychiatrie, société et développement, Alger, ENAL.

[18] Mimouni, M. (2001), Naissances et abandons en Algérie, Paris, Karthala.

[19] Vialle B., (2016), « Les premières grands-mères de l'expérience migratoire amazigh en Ariège », in journée internationale : des marqueurs biologiques aux marqueurs anthropologiques : les personnes âgées entre les deux rives, Oran, CRASC, 27 nov.

[20] Maaroufi, S. (2013), « Le silence d’une génération à une autre : une étude psycho-éducative sur les immigrés et leurs enfants en France », Insaniyat, N° 59, p. 145-147.

[21] Lepage, V. (1996), « Familles en difficultés cherchent pères », Villes et Quartiers Rhône-Alpes, 12, février, p. 6-8.

[22] Hammouche A. (1997), « Famille relationnelle, autorité paternelle et puissance publique », Lien Social et Politiques -RIAC, printemps N° 37, p. 121-132.

[23] À rappeler que la quarantaine est supposée être l’âge de la ménopause au cours de laquelle serait censée s’opérer, culturellement parlant, la transmutation de la femme en « homme ».

[24] Barou, J., (1994), « Les femmes au sein de l’immigration étrangère en France », Ecarts d’identité, 68, mars, p. 2-4.

 

 

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