Sélectionnez votre langue

Les retraités : retraite ou retrait ? Repos ou esseulement ? Enquête auprès d’enseignants à Mostaganem


Insaniyat N°72-73| 2016 |Les personnes âgées entre les deux rives de la Méditerranée: quels devenirs ?| p. 95-113| Texte intégral


Retirees: retirement or withdrawal, rest or loneliness? Inquiry near teachers in Mostaganem

The aim of this article consists approaching the notion of retirement in the context of Algeria. Retirement is a relatively recent concept in Algeria compared to unemployment of Indigenous people during the colonial period. This situation was keenly depicted by P. Bourdieu and collaborators. Our work sought to shed light on the National Education and University teachers.

This is a qualitative study based primarily on interviews. Retirees do not constitute a monolithic block, and their situation is moderate following their life trajectory, depending on the choices they performed. The main results show that retirement is not withdrawal, it remains productive and open as possible. Retirement is not a professional abandonment since the majority of retirees do lucrative or benevolent activity projects.

Keywords: retirement - teachers - abandonment - project - Mostaganem.


Mostéfa MIMOUNI, Professeur, Université Abdelhamid Benbadis, 27 000, Mostaganem, Algérie.

Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle


 

Introduction

Cet article a pour objectif d’approcher la notion de retraite dans le contexte algérien. Il faut rappeler que peu d’Algériens avait une retraite durant les années soixante et soixante-dix après l’indépendance compte tenu du chômage des autochtones durant la période coloniale, même s’il existait des traditions syndicales[1]. Cette situation a été magistralement décrite par P. Bourdieu et collaborateurs[2] ; ils montrent dans leur ouvrage « Travail et travailleurs en Algérie », comment la colonisation a, en accélérant le déracinement[3] par les « regroupements » durant la Guerre de Libération Nationale, sorti les autochtones de leur « orbite », comment elle les a paupérisés. Nous dirons avec G. Tillion[4] « clochardisés », sans terre, sans subsides, sans instruction, leur chance de trouver un travail dans des entreprises modernes étaient quasi nulles, ce qui les a contraints à vivre de menus travaux sans avenirs ni retraite.

Ainsi, la majorité des personnes âgées n’avaient pas de pension de retraite, les rares retraités des années soixante et soixante-dix étaient perçus comme des nantis. « L’intriti » était perçu comme une personne « aisée », même si sa pension était très faible, elle avait le mérite d’exister.

Cet article a donc pour objectif d’approcher la notion de retraite auprès d’une population d’enseignants à Mostaganem. Comment est perçue, préparée et vécue la retraite ? Ce travail a porté essentiellement sur des retraités de l’éducation nationale et quelques universitaires. Nos observations et entretiens ont montré d’abord qu’il s’agit des premiers retraités de l’éducation nationale. Pendant la colonisation, peu d’indigènes ont été enseignants. Les enseignants de l’Algérie indépendante ont été choyés, ils ont joui d’un reclassement social et ont accédé à une classe moyenne fortement valorisée. Etre enseignant était considéré comme une des fonctions les plus nobles, ne dit-on pas que « l’enseignant a failli être prophète ». Ces enseignants, arrivés cette dernière décennie à la retraite, ont donc vécu dans des conditions privilégiées dans la mesure où l’accès à l’instruction a été fortement valorisé socialement jusqu’à la fin des années quatre-vingt. Les années quatre-vingt-dix apporteront leur lot de désorganisation et de déstructuration des métiers, de transformation des représentations sociales, déplaçant les «valeurs sociales » vers le religieux et décrétant tout savoir autre que religieux « impie », contraire à la « assala » et au « salef ».

Notre réflexion s’inscrit dans le cadre théorique de la notion de « déprise ». Cette notion est très récente et date d’à peine une vingtaine d’années dans le domaine du vieillissement. Elle vise à comprendre comment la personne âgée réagit, vit la perte de la « prise » sur son environnement[5]. Elle peut être comprise dans le cadre d’une théorie fonctionnaliste qui pense la personne dans ses rôles sociaux. Comment les retraités vont gérer, digérer cette déprise ? Déjà, bien avant l’arrivée de la notion de déprise, Robert Havighurst et Ruth Albrecht[6] proposent la théorie de l’activité ou de l’engagement ; ils constatent que l’arrêt de l’activité professionnelle n’exclut pas le bien-être chez les personnes âgées enquêtées ; ces dernières restent satisfaites en particulier quand elles gardent une activité (associative, sportive, loisir, politique, etc.). Donc, le désengagement fonctionne parfaitement en ce qui concerne le travail et la sortie en retraite, mais n’est pas désengagement de tout. Par contre, des facteurs peuvent accélérer le désengagement et précipiter la personne dans la dépendance : les conditions de santé, des conditions socioéconomiques trop faibles et la perte du conjoint ou des enfants.

Les approches sociologiques ne tiennent pas assez compte, à notre sens, des facteurs psychologiques qui peuvent favoriser ou détruire une estime de soi chez les séniors même du grand âge. Notre population va-t-elle garder sa confiance et son sentiment d’efficacité personnelle ? Quels sont les facteurs de protections et d’actions qui maintiennent cette confiance ?  

Notre objectif est de comprendre

Comment se fait cette déprise chez nos enquêtés. Les deux modes de déprise : professionnelle (retraite) et familiale (départ des enfants). Quelles sont les réaménagements, les réorganisations et les engagements à différents niveaux que nécessite l’après retraite ? Comment les retraités et préretraités perçoivent-ils leur situation ? Quelles sont leurs horizons temporels avant et après la retraite ? 

Sur le plan méthodologique 

Ce travail s’est basé sur des entretiens et des observations à l’aide de grilles d’entretiens. Les individus concernés par l’enquête sont des préretraités et retraités dans une ville moyenne du nord-ouest algérien : Mostaganem. Cette ville nous a servi d’espace d’enquête qualitative basée sur des entretiens et d’une courte exploration quantifiée pour donner quelques repères sur les représentations de la retraite chez des enseignants encore en poste. Notre population d’étude est essentiellement orientée vers les retraités enseignants : quarante pour l’étude des représentations de la retraite. Pour l’étude qualitative, dix issus de l’éducation nationale et quatre universitaires. Ces explorations sont renforcées par les études antérieures et par nos observations spontanées dans notre entourage familial large et dans notre entourage professionnel[7].

Avant d’entrer dans le vif du sujet, et dans un premier temps, nous avons fait un tour d’horizon sur les recherches concernant la situation des personnes âgées en Algérie tant sur la plan démographique que de santé et d’accompagnement. Dans un deuxième temps, nous avons abordé les personnes âgées dans la wilaya de Mostaganem. Après une brève incursion sur le plan démographique, vient la présentation d’une enquête qualitative basée sur huit questions auprès de 40 enseignants et enseignantes sur « comment ils/elles voient la retraite ? Pourquoi la retraite anticipée et ce qu’ils projettent de faire après la retraite ? ». Ensuite, vient la présentation d’études de cas qui viennent illustrer notre propos par des trajectoires différenciées.

Les personnes âgées en Algérie

     a.Une population en augmentation : pour M. Bedrouni[8], l’Algérie a vu sa population âgée, de 60 ans et plus entre 1966 et 2008, tripler, passant de 800.000 en 1966 à plus 2.550.000 en 2008. En 2015, cette population a donc quadruplé selon l’ONS (2015) puisqu’elle est passée à 3.484. 000 personnes, soit 8,7% de la population totale du pays.

     b.Une population fragilisée par des maladies et handicaps. Ainsi, selon le rapport EASF (Enquête Algérienne sur la Santé de la famille, 2002), 66% présentent au moins une maladie chronique. Ce qui implique que leur besoin en soins et médicaments sont importants. Toujours selon l’étude (EASF 2002), plus on avance en âge et plus la dépendance s’accroît passant de 14% à 65ans à 67% à l’âge de quatre-vingt ans et plus. Les femmes sont sensiblement plus dépendants (30,9%) que les hommes, avec une différence de 8 points.

    c.Une population partiellement paupérisée : l’enquête EASF montre que 52, 3% vivent essentiellement du revenu de leur retraite
et 27,8% reçoivent une aide de leurs enfants. La majorité des femmes, n’ayant pas travaillé, se retrouvent sans revenu quand l’époux n’avait pas de pension de retraite et sont dépendantes des enfants ou des proches.Les personnes vivant dans les foyers pour personnes âgées (FPA) sont majoritairement sans enfants et sans pension[9] .

Globalement, les séniors ont des difficultés sur le plan matériel : 

  • - La pension de retraite et des revenus relativement faibles, ainsi seuls 23,3% (EASF) des enquêtés déclarent leurs revenus suffisants.
  • - Absence de pension de retraite pour tous ceux qui n’ont pas occupé un poste de travail déclaré (paysan, journaliers, saisonniers, etc.)
  • - Faiblesse de la pension de solidarité versée par l’État

Quelques données juridiques sur la retraite en Algérie

La retraite en Algérie est actuellement régie par la loi 83-12 du 2 juillet 1983, entrée en application le 1er janvier 1984. Le modèle pratiqué est le régime des retraites par répartition, ce qui veut dire que ce sont les cotisations des actifs qui alimentent les caisses de retraites. Ce système est actuellement menacé. Selon Merouani & Hamouda[10] « le rythme de croissance de la population de 60 ans et plus est de 3% (ONU), il est plus élevé que la croissance de la population moyenne. Cette dernière évolue à un taux annuel de 2% (2006)[11] : […] ce qui donne toujours plus de retraités pour toujours moins de cotisants, mettant ainsi en péril tout type de système de retraite ».

La retraite anticipée, une revendication forte et un danger pour la CNA 

Cette mesure conjoncturelle, (instituée en 1997 était en lien avec les mesures de l’ajustement structurel pendant la période noire qu’a vécue l’Algérie, « elle a été imposée par le FMI »), devient une revendication des syndicats. En effet, quand l’État (2016) a voulu restreindre cette mesure voire, la supprimer, il y eut une levée de boucliers sans précédent. Selon le Ministre du Travail et de la Sécurité sociale, « la retraite anticipée a eu un effet négatif sur le système de retraite » et risque de mener la caisse nationale de retraite à la faillite. Les raisons de la résistance à ce changement de loi sont multiples :

     a. les travailleurs ayant commencé à travailler très jeunes, ayant atteint les 32 ans réglementaires pour accéder à la retraite veulent user de leur droit à la retraite anticipée pour pouvoir se reposer, en particulier les métiers pénibles (l’enseignement dans le primaire, etc.) ;

     b.une revendication clairement formulée était « pour aller investir d’autres activités ». Un des slogans de la grève contre l’arrêt de la retraite anticipée préconisée par l’État a été « laissez-nous aller travailler » (ailleurs), ainsi, de nombreux retraités prennent des postes dans des sociétés privées, quand ils ne créent pas leur propre entreprise familiale… ;

     c. les entretiens, que nous avons réalisés avec nos enquêtés, montrent d’abord le ras-le-bol de certains travailleurs des conditions de travail pénibles pour les uns, d’autres dénoncent des responsables « irresponsables » qui sont dans le népotisme et la hogra ;

     d. enfin, ceux qui estiment que le travail qu’ils occupent ne correspond pas à leurs compétences ;   

    e. les interviewés, hommes et femmes, pensent que la femme doit avoir une retraite anticipée, dès qu’elle la demande, car les femmes « ont besoin de temps pour s’occuper de leurs enfants » ;

     f. l’éducation nationale constate que de nombreux enseignants souffrent de troubles anxieux et de nervosité. Ce fait est signalé par de nombreuses études sur le corps enseignant à travers le monde. Un sondage réalisé en France[12] montre que soixante pour cent des enseignants présentent des troubles nerveux et de l’anxiété. Ces deux troubles ne sont pas négligeables dans l’enseignement puisqu’ils suscitent chez l’enseignant une intolérance au bruit, une difficulté à se concentrer et une moindre attention pour les élèves et leurs difficultés ;

    g. et un des arguments pour maintenir la retraite anticipée mettait en exergue la maladie, et les grandes difficultés qu’éprouvaient certain enseignants à accomplir leur tâche de façon optimum. Nos interviewés ont également mis l’accent sur ce point ;

     h. un argument, bien que rare dans les réponses des interviewés, a été que le travail prenait trop de temps et n’en laissait pas assez pour les pratiques religieuses : « l’enseignant a trop de travail, il ne peut accomplir ses devoirs religieux comme il faut » ;

     i. enfin, les enseignants actifs, très attachés à la profession, considèrent que la retraite anticipée est une fuite de la responsabilité, « ce sont les bras cassés qui veulent partir avant l’âge de la retraite règlementaire ».

     j. Ainsi, face à la grogne, l’État tranche pour le maintien de la retraite anticipée, pour les travailleurs ayant accompli les 32 ans minimum[13] avec des restrictions.

L’assurance maladie

Quand on examine la situation des personnes âgées en ce qui concerne l’assurance maladie, on constate une augmentation de près de dix points entre 2005 (51%) et 2011 (60%)[14]. Les hommes sont bien plus nombreux que les femmes. Cette différence s’explique : d’une part, les femmes sont moins nombreuses à avoir occupé un travail salarié et, d’autre part, elles sont dans les ayants droit pouvant bénéficier de l’assurance de leur époux.

Les retraités bénéficient de la carte chiffa[15] qui leur permet, entre autres, en cas de maladie chronique d’avoir les traitements gratuitement. En cas de maladie grave et d’incapacité, des visites sont assurées par des assistantes sociales et quand cela s’avère nécessaire, un service à domicile pour les démarches qu’ils ne peuvent plus réaliser eux-mêmes. Une cellule de proximité (dépendant des Direction de l’Action Sociale qui existe dans chaque wilaya) se charge des visites aux personnes âgées et répond à leur besoin quand elles sont isolées ou nécessiteuses.

Les appareillages sont pris en charge par la CNR. Il faut rappeler qu’une bonne partie des pensions n’excède pas le salaire national minimum interprofessionnel garanti (SNMIG).

En 2010, une loi visant la protection des personnes âgées[16] a été promulguée en Algérie et a été suivie de nombreuses autres affinant
et développant des textes juridiques de plus en plus précis pour permettre d’aider, de soutenir les familles ayant à charge une personne âgée dépendante. Il y a même eu une loi portant sanction contre les membres de la famille en cas d’abandon ou de maltraitance d’une personne âgée. 

Personnes âgées et genre 

Le temps de retraite peut être très long et peut englober entre trente et quarante ans compte tenu de l’espérance de vie (Caradec, 2013) qui est en Algérie de76 ans. Celle des femmes (77,7ans) est plus longue que pour les hommes (75,2ans). Les statistiques mondiales indiquent qu’en Algérie, elle est passée de 74,26 ans en 2010 à 76,59 en 2015, avec 77,7 ans pour les femmes et 75,2 ans pour les hommes (index mundi)[17]

Approche terrain 

Populations de l’étude 

Nous avons fait le choix de la population d’étude sur deux niveaux :

Étude auprès d’enseignants sur leur représentation de la retraite 

Cette étude a porté sur quarante enseignants encore en poste de tout âge :

  • - 10 Adultes jeunes 25% (jusqu’à trente ans) ;
  • - 15 adultes mûrs 37,5% (30-41) ;
  • - 15 adultes de plus de 41 ans 37,5%.

Hommes et femmes ont des positions contrastées; ainsi, quand on demande aux hommes comment ils caractérisent la retraite : un tiers des répondants disent « c’est le repos » et pensent aux divertissements (voyages, activités culturelles), alors que plus de la moitié des répondants (56,25%) se projettent dans d’autres activités. La retraite, pour eux, ce n’est pas la fin du travail, mais il s’agit de continuer à être actif. Un petit nombre reste indécis.  

Ceux qui veulent reprendre une activité (56,25%), se partagent comme suit : 31,25% pensent aller vers des activités d’enseignement (cours privés, école privée, etc.) alors que beaucoup critiquaient l’enseignement en lui reprochant d’être difficile, routinier. Mais quand on leur demande s’ils n’ont pas assez enseigné comme ça, ils répondent « ce n’est pas la même chose : je ne vais pas travailler tous les jours comme un forçat ; je vais faire quelques heures dans une école privée… ». Alors que d’autres disent « je vais travailler pour moi, j’ouvre ma propre école, j’ouvre une crèche », etc. Les 25% restant pensent à d’autres activités : un commerce (papeterie, librairie, ou épicerie) et comme Mostaganem est une wilaya agricole, certains vont travailler la terre car, souvent, ils disposent de lopins cultivables[18].

Les femmes face à la retraite 

Contrairement aux hommes, les femmes sont bien plus nombreuses à considérer la retraite comme une période de repos, soit 62,5%. Des entretiens montrent que les femmes se disent épuisées par la double vie : l’enseignement d’un côté et l’éducation de leurs enfants ainsi que la gestion de l’espace domestique. Elles ne sont que 37,5% à envisager une autre activité. Mais, les entretiens indiquent qu’elles considèrent comme du repos des activités telles que s’occuper de leurs enfants et petits-enfants, de faire les choses qu’elles ne pouvaient pas faire avant (du moins autant qu’elles l’auraient voulu) telles que faire des gâteaux, la cuisine. S’occuper de soi fait partie de leur projection (faire du sport, aller aux Spa de temps en temps) et surtout voyager, soit à l’étranger, soit en Algérie, aller voir la famille, renouer des liens tiédis par le manque de temps, la spiritualité (faire des Omra, El hadj, etc.)

Prendre sa retraite n’est pas un désengagement, chez ces jeunes retraités (es), mais semble être un réengagement vers d’autres objectifs. Tous se projettent dans un avenir actif mais avec moins de contraintes.

Étude qualitative auprès d’enseignants retraités 

Cette partie du travail aborde des cas individuels qui sont retraités ou en préretraite.

Ainsi, Hamid 56 ans (36 ans d’enseignement), en préretraite, a déjà ouvert une papeterie. « Je prépare ma retraite », dit-il très satisfait de lui. Il sort dans six mois, « je vais enfin travailler « chez moi » (3nd rouhi), personne pour me donner des ordres ». Cette revendication du travail autonome est constatée chez de nombreux préretraités et retraités ainsi que chez les jeunes. Elle fait partie de l’air du temps, alors que jusqu’à la fin des années quatre-vingt du siècle dernier, la tendance penchait plutôt en faveur du travail « chez l’État », ces dernières décennies, c’est le travail « autonome, chez soi » qui semble valorisé. Cette tendance est née de l’effondrement des entreprises de l’État durant les années quatre-vingt-dix et de leur démantèlement suite au programme d’ajustement structurel imposé par les institutions internationales (FMI, etc.).

Hadj Mohamed, 80 ans, bon pied bon œil, a pris sa retraite il y a à peine deux ans. Il revient à l’université et prend des vacations « pour ne pas étouffer dans la maison ». Le besoins de « garder le contact avec les collègues, les étudiants, ça maintient ». On voit combien la théorie de l’activité de Havighurst et Ruth E. Albrech reste d’actualité. 

Belarbi Abdelkader[19], dans sa thèse de doctorat en anthropologie, souligne chez une partie des préretraités des inquiétudes quant à leur devenir après la retraite. Ils se demandent ce qu’ils vont faire, comment ils vont vivre sans le travail, ce qui pose la question de la déprise, d’une part, et d’une autre part, ils sont inquiets devant la cherté de la vie et ses exigences. Il faut noter qu’avec le recul de l’âge au premier mariage, certains ont des enfants encore jeunes qui ont des exigences qu’ils s’inquiètent de ne pouvoir satisfaire. D’autres, par contre, ont déjà planifié leur départ en projetant de développer un commerce, de prendre un emploi dans le privé ou d’avoir leur propre école ou entreprise. Ce travail de Belarbi concernait une population d’enseignants et de travailleurs de l’éducation nationale de la région de Ammi Moussa (Relizane), où il constate une particularité : c’est une région agricole qui offre des possibilités de réinvestir le travail agraire, car beaucoup d’entre eux disposent de petits lopins de terre. Le jardinage constitue une occupation agréable et apporte un appoint financier non négligeable qui va adoucir la cherté de la vie.

Des études[20] ainsi que nos entretiens montrent que les activités spirituelles occupent également une place de choix dans leurs pratiques quotidiennes et semblent apporter sérénité et bien-être aux personnes âgées. 

Satisfaction des enseignants de leur retraite

Même si les retraités enseignants rouspètent et contestent leur retraite, ils sont dans l’ensemble satisfaits d’autant plus que nombre d’entre eux ont prévu un complément à leur pension (commerce, travail chez le privé, etc.) Ce constat nous montre que l’adage « travaille O ma jeunesse pour ma vieillesse et travaille O ma vieillesse pour mon salut dans l’au-delà » est toujours d’actualité. Nous verrons plus loin, que la deuxième partie de l’adage se concrétise aussi puisque nos entretiens montrent la grande place qu’occupe le spirituel dans leurs pratiques quotidiennes, c’est également confirmé par le travail de A. Belarbi[21].

Globalement, les universitaires ayant une retraite sont très rares, d’abord parce que la retraite peut être très tardive (voir cas de Hadj Mohamed), ensuite, les universitaires en âge de retraite sont rares. La majorité des universitaires algériens sont issus de l’école algérienne[22].   

Retraités entre deux rives : des situations contrastées

Parmi notre population, nous avons trouvé deux femmes (que nous appellerons Ratiba et Soumira) universitaires qui étaient parties en France durant les années quatre-vingt-dix. Elles avaient pris un détachement qui s’est finalement prolongé pour diverses raisons. Ce fut une période bien trouble en Algérie et beaucoup d’universitaires sont partis à l’étranger avec l’intention de revenir, mais plus le temps passait et moins ce retour devenait possible. Ratiba a travaillé peu d’années en France, n’ayant pas trouvé un poste à l’université, elle a été embauchée par une association. Elle n’a qu’une retraite de cinq cent euros en France et une retraite de 18.000DA en Algérie. Soumira a eu plus de chance puisqu’elle a été recrutée dans une université française, mais sa retraite est amputée des années pratiquées en Algérie. Elles (en particulier Ratiba) ne disposent pas assez de moyens pour rester en France et pas assez en Algérie pour vivre correctement. Elles restent écartelées entre les deux pays. En Algérie, Ratiba a une famille solidaire et aisée qui la soutient. Mais elle est restée trop longtemps de l’autre côté et elle a du mal à couper le cordon. Elle fait des va-et-vient et reste très ambivalente, indécise et incapable de choisir. Mais elle s’en veut de n’avoir pas su prévoir son avenir. Bien sûr, elle ne manque de rien, mais craint l’avenir, et surtout elle se compare à ses collègues qui ont fait une carrière d’un côté ou de l’autre, alors qu’elle n’a pas su s’organiser, soutenir sa thèse et accéder au statut qui lui « convient ». Elle n’a jamais accédé au statut qu’elle avait en Algérie, elle a le sentiment d’avoir été déclassée.   

Acquis symboliques 

Ces deux cas montrent que les représentations des uns et des autres sont souvent erronées comme le fait de penser que ceux qui sont partis sont mieux lotis que ceux qui sont restés en Algérie. En réalité, les choses sont bien plus complexes. Pour les universitaires qui se sont faits une situation de l’autre côté de la Méditerranée, au sein d’un centre de recherche ou dans une université, même si le même problème de pension se pose, ils ont gagné en capital symbolique :

  • - ils se sont faits connaître de l’autre côté de la Méditerranée : certains ont acquis une renommée internationale (publications, expertise, introduction dans des cercles spécialisés et fortement côtés, etc.) ;
  • cette reconnaissance est plus valorisante que celle qu’ils auraient eue en restant en Algérie ;
  • - ils ont eu une vie jugée « plus facile et plus riche » de l’autre côté.

Une amertume obscure

Lors de discussions avec ces universitaires, certains considèrent qu’ils ont été grugés d’une certaine manière et ils cherchent à se faire « dédommager » par l’Algérie. Ils ne comprennent pas pourquoi, après leur retraite à l’étranger, ils ne peuvent pas avoir des postes officiels en Algérie et acquérir les mêmes droits que leurs collègues ayant fait leur carrière en Algérie.

Lors d’une discussion, une collègue partie durant les années quatre-vingt-dix, et vivant en France reprochait à l’Algérie de « donner une pension de misère » aux universitaires. Le débat était très difficile et contre toute logique puisque ces personnes sont parties, elles ont fait un choix : peuvent-elles en vouloir à l’Algérie qui a été lésée par ce choix puisqu’elle a perdu des universitaires qu’elle a formés et a dépensé des sommes colossales pour leur formation ? D’autre part, les deux femmes citées sont parties avec un détachement de trois ans ; les deux occupaient des postes d’enseignantes. Ces postes ont été laissés vides, parfois sans possibilité de les remplacer de façon optimale, faisant subir un préjudice à l’université algérienne. Evidemment, la France ne peut leur compter leurs années d’ancienneté exercées en Algérie, ce qui réduit leur retraite en fonction du nombre d’années exercé en son territoire. Cette double absence restreint leurs finances que ce soit en France ou en Algérie et les laissent insatisfaits et frustrés, même si certains ont, quand même, construit et ont ouvert des commerces, etc...

Leurs frustrations sont bien réelles et méritent un approfondissement de la situation dans un autre projet de recherche.

Il y a une vie après la retraite

Les séniors sont de plus en plus conscients des nouvelles potentialités qui s’offrent à eux. On entend de moins en moins l’expression « il ne me reste que la mort » ou « j’attends la mort », au contraire les séniors considèrent que le temps qui leur reste ne doit pas être gaspillé mais pleinement vécu. De plus en plus d’études montrent que les séniors sont pleinement engagés et actifs en particulier les femmes[23].

Les séniors sont actifs, chacun à son rythme et selon ses particularités :

- les femmes participent quand ce n’est pas elles qui font tout le ménage et la cuisine. Les activités ménagères occupent l’essentiel de leur temps avec les courses dans le quartier. Certaines s’intègrent dans des associations ou en créent, d’autres jouissent de leur liberté :
« je m’occupe de moi, je vais à la piscine, je lis, je socialise (famille, mariage et autres occasions »). D’autres sont plus tournées vers le spirituel : vont à la mosquée, apprennent le Coran. D’autres gardent tous les jours ou à l’occasion leurs petits-enfants.

- les hommes sont, soit engagés dans des activités professionnelles, soit ils se consacrent à leurs hobbies : tel Zedine (70) ans est l’un des premiers instituteurs de l’indépendance, retraité de l’éducation nationale depuis dix ans. Il est très renfermé de nature, mais très autonome, il passe son temps à lire, à regarder la télé et à surfer sur Internet.

Certains enseignants reprennent des études universitaires : « je fais enfin quelque chose que je rêvais de faire depuis longtemps. J’ai arrêté mes études car il fallait travailler pour la famille ».

Retraite et qualité de vie

Durant les années deux mille s’est développée la notion de qualité de vie. Ce qui a donné naissance à de nombreux travaux cherchant à tester, mesurer et à améliorer cette qualité de vie[24]. L’OMS[25] a déterminé une liste d’indicateurs pour la qualité de vie qui comprend l’estime de soi, les moyens financiers, la sécurité et l’absence de douleur, souffrances, la maison occupe une place de choix… L’OMS a également publié en 2007 le « Guide mondial des villes amies des aînés ». Les séniors ont besoin de villes accessibles, comportant des commodités qui facilitent leur autonomie.

Toutes les personnes que nous avons approchées étaient satisfaites de leur vie, à au moins quatre-vingt pour cent. Ceux qui sont les moins satisfaits s’en veulent de s’être laissé emporter par des « idées de jeune», « je croyais que ma jeunesse allait durer toujours », nous dit Kamel en soupirant.

La qualité de vie pour les interviewés, qu’ils soient hommes ou femmes, est centrée sur les enfants et leur bien-être comme l’a montré B. Moutassem-Mimouni[26]. Ils sont tous heureux d’avoir leur maison, d’avoir un toit, d’être à l’abri ne serait-ce que de ce côté. Même ceux qui récriminent reconnaissent l’importance d’avoir sa maison.

Leur autonomie financière est très appréciée, « heureusement que j’ai ma retraite, heureusement que j’ai construit les magasins, heureusement… ». Tous aident leurs enfants régulièrement ou à l’occasion. L’image des enfants prenant en charge leurs vieux parents démunis se vérifie en partie seulement, car beaucoup de parents, même ceux qui n’ont que leur pension, aident à l’occasion leurs enfants : « vous savez, la vie est chère et ils ont des enfants qui ont beaucoup de besoins, alors que nous, nos besoins sont limités ». Ceux qui ont les moyens contribuent largement au confort de leurs enfants, les aidant à se marier, à acquérir leur logement ou leur voiture, etc.

La santé : une préoccupation essentielle (kadd essaha kadd el 3mor)

La santé est leur préoccupation essentielle : la plupart ont des problèmes comme nous l’avons vu plus haut. Nos enquêtés se disent contents qu’il y ait des médicaments qui sont fournis par l’État puisqu’ils disposent de la carte chiffa et qu’ils sont pris en charge à cent pour cent. Mais la peur de la perte d’autonomie transparait clairement dans cette prière « mon Dieu, faites que ma vie s’arrête avec ma santé » (kadd essaha kadd el 3mor).

Comment passer le temps

Le temps comme l’a si bien caractérisé Jacques Brel dans la chanson « Les vieux » : « la pendule au salon qui dit oui qui dit non, qui dit je vous attends » (Brel : les vieux, 1963), le temps est là, pesant, rappelant la mort, et surtout se rappelant au retraité désœuvré, qui n’a plus de temps et qui en a trop. « Que faire de tout ce temps !? » se demandent certains, « comment le passer !? ». Ce sentiment va grandissant avec l’âge et avec les problèmes qui s’accumulent, la dépendance qui s’installe.

Pour l’instant, l’Algérie a du mal à faire une prospective des besoins de cette population en terme de loisirs et d’activités et de maintien.

     a. Les espaces publics, lieux d’activités et de socialité

Les séniors disposant des moyens et de la culture des loisirs se débrouillent pour faire une activité physique (sport en salle, piscine, marche, etc.), ceux qui n’ont pas acquis les mécanismes ou qui n’ont pas les moyens restent parfois enfermés, ou se dirigent vers les jardins publics quand il y en a à proximité, vers les cafés ou simplement la rue où ils sont assis sur des trottoirs étroits, poussiéreux et regardent passer les voitures. Dans sa thèse Belarbi (2017) constate que le temps des inactifs se passe essentiellement dans l’espace public : les jardins publics, les cafés, la rue.

Nos observations de ces lieux de sociabilité montrent qu’ils apportent un espace de stimulation et de maintien des liens avec ceux de la même génération. On les voit souvent discuter, se chamailler, débattre de politique ou simplement regarder ensemble le mouvement des enfants, des jeunes. De notre enfance, ces groupes de séniors assis sur les places publiques qui jouent aux dames, aux échecs, aux boules, ont progressivement disparu. Cela devient exceptionnel de retrouver ce type de loisir. Les interdits, la fermeture islamiste, l’autocensure sont venus à bout de ces pratiques. Les parties de rounda, de belote et autres jeux de cartes n’ont plus cours. C’est la fin d’un temps, tous ces jeux semblent frappés d’interdit, seules les pratiques religieuses sont valorisées « pour les vieux ». Ces jeux ne seraient-ils pas bénéfiques pour l’esprit, le corps et la socialité ?

     b. Les pratiques religieuses remplissent le temps

Les pratiques religieuses remplissent le temps, le scandent et lui donnent consistance. Les heures de prières sont des repères qui marquent la journée et lui donnent sens. Ces pratiques rituelles, socialement valorisées (renforcées par le grand nombre de mosquées, ainsi que par les émissions télévisuelles) sont complétées par le dhikr qui remplit une autre partie de ce temps si lourd à porter. Ceux qui peuvent sortir vont faire deux ou trois ou toutes les prières à la mosquée, ceux qui ont des difficultés ou si la mosquée est un peu loin, ils la font à la maison. Pour ceux qui se déplacent à la mosquée cela leur fait faire de l’exercice, ils rencontrent des personnes qu’ils connaissent et font parfois connaissance avec d’autres, ils socialisent. Certains font des Omra (visite à la Mecque) et tous espèrent obtenir le passeport pour le Hadj.

     c. La télévision meilleure amie des retraités

Les villes se transforment en ghetto fermés où il n’y a de place pour les retraités qu’en de rares endroits. Pas de squares propres avec des bancs dans le quartier en dehors de quelques rares coins jeux pour les enfants qui sont envahis par des garçons qui accaparent l’espace et en laissent peu aux séniors. Ces derniers, quand ils peuvent, marchent (quand les trottoirs ne sont pas trop défoncés ou chargés de matériaux de constructions ou servant de parking aux voitures), sinon ils restent à la maison et zappent à longueur de journée. Même les mosquées ne sont ouvertes qu’aux heures de prières. Les places publiques où se rencontraient des séniors (ils jouaient aux cartes, aux dominos, etc.) ont perdu leur attrait, soit parce qu’envahis par des kiosques, soit parce que ces jeux ont été frappés d’anathèmes : « au lieu de prier, ils jouent ».

     d. Les petits enfants ‘rayons de soleil’

La plupart des grands-parents rencontrés consacrent un temps à leurs petits-enfants quand ils ne résident pas loin d’eux. Les femmes encore plus que les hommes car elles les gardent pendant le travail de leurs filles et parfois de leurs belles-filles. Différentes études en Europe montrent que les grands-parents sont une ressource supplémentaire car les séniors apportent souvent leur aide à leurs enfants en s’occupant de leurs petits-enfants[27].

Pour synthétiser ce travail, l’on peut dire que les retraités ne constituent pas un groupe homogène non seulement sur le plan de l’âge, mais aussi des moyens physiques et mentaux ainsi que des moyens financiers et du lien social. Comme nous l’avons montré plus haut, les enseignants prévoient des activités lucratives après leur retraite, d’autant plus qu’il s’agit pour la plupart de ceux qu’on qualifie de « jeunes vieux ». Deux grandes catégories pourraient d’ores et déjà être distinguées : ceux qui sont satisfaits de leur vie et ceux qui ne le sont pas. Ainsi, quatre sur dix se plaignent de l’insuffisance de leur pension de retraite qui n’est pas en rapport avec « les efforts fournis » et surtout en comparaison avec leur salaire des années soixante-dix et quatre-vingt (1970-1990) du siècle dernier. Ceux qui ont des enfants encore jeunes se plaignent plus. Deux se plaignent un peu, mais à d’autres moments on les entend dire « Hamdoullah ! Sans la pension, je mourrai de faim, ce n’est pas les enfants qui vont m’aider, ils ont assez de leurs problèmes ». Quatre autres aident leurs enfants qui travaillent mais qui n’arrivent pas à s’en sortir pour les choses importantes (loyer, achat de voiture ou d’électroménager, etc.).

Erik Erikson[28] considère que cette dernière étape de développement est marquée par une dernière crise qui met l’individu face au continuum de sa vie « intégrité versus désespoir » constitue la dernière crise. Pour Erikson, l’homme se pose la question ultime « ai-je vécu une vie bien remplie ou ai-je raté le coche ? ». C’est une question qui transparait en filigrane chez nos interviewés et « hamdoulah » cette expression, louant Dieu, est souvent exprimée pour relativiser leurs plaintes. Elle sera suivie par une appréciation de sa vie familiale « Hamdoullah j’ai fait le nécessaire pour mes enfants chacun a sa place, chacun s’occupe de sa famille » ! », de sa vie professionnelle « hamdoullah j’ai fait mon travail comme il faut » ; etc., « finalement j’ai fait ce qu’il fallait ! » dira Mohamed retraité de l’Éducation nationale et qui a eu six enfants, tous universitaires. D’autres, qui voient leurs enfants se débattre dans des difficultés insurmontables, se sentent en faute et remettent en question leur éducation, leur façon de faire. Certains ont tout le confort matériel mais n’ont pas la tranquillité d’esprit et ont un sentiment de frustration : j’ai tout fait pour mes enfants, mais je n’ai rien fait pour moi » dira l’un, « j’ai trimé comme un bourricot et c’est tout ».

La question, qui se pose en fait, est plus de l’ordre de l’intime, des sentiments profonds d’avoir fait quelque chose pour sa famille mais aussi pour soi ; ces personnes sont satisfaites de leur vie. Celles qui ont tout fait pour les autres se sentent flouées, comme trompées par le conformisme social qui ne leur a pas appris à prendre leur part de « bonheur », « les enfants partis, tu es tout seul ! » ; dans ce cas, la déprise familiale est traumatisante. Alors que ceux dont la déprise familiale « départ des enfants » est vécue comme un soulagement et une fierté « tous mes enfants sont bien installés chez eux », « j’ai du temps pour moi », je vais les voir quand j’en ai envie. Dans ce cas, la déprise est libératrice. Ainsi, ceux qui sont satisfaits, avec peu ou beaucoup, avancent avec optimisme, positivent et jouent leurs rôles de :

  • - Ciment entre les membres de la famille ; ils font tout pour consolider les liens entre les membres de la famille et en particulier entre leurs enfants et petits-enfants ;
  • - De passeurs de savoirs et transmetteurs d’expériences ; nous avons rencontré beaucoup de grands-parents jouant leur rôle pour la transmission de traditions, de conduites à leurs petits-enfants. Ils organisent régulièrement des rencontres où tous les enfants et petits-enfants sont réunis : en weekend, pendant les vacances. Certains organisent des sorties pour les petits-enfants au jardin, au zoo ou à des pizzerias ou à la forêt. L’objectif est de se regrouper pour que les petits-enfants se connaissent et s’attachent les uns aux autres (« yarabou elkebda ‘ala ba’dhhoum »). Les grands-parents font leur possible pour transmettre à leurs petits-enfants les valeurs de respect, d’entre-aide et l’esprit de famille ;
  • - de prévention et de protection de sa santé ; au lieu de ressasser, ils agissent, font ce qu’ils peuvent pour se maintenir et maintenir la cohésion de leur famille.

Conclusion

Si nous devons faire une seule proposition nous dirons que l’âge n’est pas une maladie, et que les personnes âgées ont des besoins aussi importants en affection, en activité, en loisirs pour préserver leur santé physique et mentale, pour maintenir leur sociabilité et leur sentiment d’efficacité et de là, leur confiance en soi. Un sénior qui se détériore est non seulement une perte de savoirs, de savoir-faire, mais également d’affection pour ses enfants et petits-enfants. Cette détérioration a un coût très important en termes de souffrance des séniors, de leur entourage d’une part, et d’autre part, le manque de soins et d’activité va coûter extrêmement cher à l’État en soins, en personnels et en traitements onéreux. S’occuper des séniors c’est faire de la prévention une priorité pour maintenir leur santé physique, mentale et sociale et préserver le capital symbolique qu’ils représentent.

Bibliographie

Attias-Donfut, C. (2011). « Au-delà de la vieillesse », in Jacques Barou, De l’Afrique à la France, Paris, Armand Colin.

Bedrouni, M. (2011), « Caractéristiques et conditions de prise en charge sociale, in vieillissement pays du Sud », (http://www.ceped.org/cdrom/meknes/)

Boumadjene, S., Benalia, O., « Quelle place accorder aux personnes âgées en perte d’autonomie ? A propos d’une approche anthropologique comparative de la vie quotidienne des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer vivant à domicile (Montpellier/Alger). »

Bourdieu, P., Dardel A., Rivet J.-P., Seibel, C. (1963), Travail et travailleurs en Algérie, Paris, La Haye, Mouton.

Bourdieu, P., Sayad, A. (1964), Le déracinement, la crise de l'agriculture traditionnelle en Algérie, Les Éditions de Minuit.

Caradec, V. (2008). « Vieillir au grand âge », Recherche en soins infirmiers, 94, (3), doi:10.3917/rsi.094.0028.

Charpentier, M., Quéniart, A. (2007), « Au–delà de la vieillesse : Pratiques et sens de l'engagement de femmes aînées au Québec ». Gérontologie et société, Vol. 30 / 120, (1), 187-202. doi:10.3917/gs.120.0187.

Erikson, E. (1959), Enfance et société, Réédité 1994, Actualités pédagogiques et psychologiques, Neuchâtel et Nestlé.

Fugier, P. (2006), « Pierre Bourdieu, travail et travailleurs en Algérie » Revue Interrogation N° 2.

Golaz, V., Nowik L. Sajoux M. (2012), « L’Afrique, un continent jeune face au défi du vieillissement », Population et Sociétés, N° 491, juillet-août.

Kadri, A. (2007), Histoire du système d’enseignement colonial en Algérie. Lyon, ENS Éditions,

Merouani, W., Hammouda, N. (2014), « Démographie et système algérien de retraite », Les Cahiers du Créad.

Mohammedi, S.-M. (2013), « Les personnes âgées en Algérie et au Japon » Insaniyat N° 59-2013.

Moutassem-Mimouni, B. (2013), « Les personnes âgées en Algérie et au Maghreb : enjeux de leur prise en charge » Insaniyat n° 59, Oran, Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, janvier- mars, p. 11-32.

Pierard, A. (2017), « La place des grands-parents auprès de leurs petits-enfants » in. http://www.ufapec.be/nos-analyses/3213-grd-parents.html(consulté le 22 aout, 2017.

Sari, D. (2016), « L’état des lieux de la population vieillissante en Algérie », in actes du colloque, Vieillissement pays du Sud, Meknès (2011) http://www.ceped.org/cdrom/meknes/.

Tiliouine, H. (2014), Quality of Life and Wellbeing in North Africa – Algeria, Egypt, 4 Libya, Morocco and Tunisia, Global Handbook, PDF.

Tillion, G. (1962), Le harem et les cousins, Paris, Seuil.

Système de retraite : http://cnr-dz.com/systeme-de-retraite/), (consulté juillet 2016)

Espérance de vie à la naissance :http://www.indexmundi.com/fr/algerie/esperance_de_vie_a_la_naissance.html (consulté 20 oct., 2016)

Les enseignants et leurs maladies. Le 12/9/2012. http://forumdesdemocrates.over-blog.com/article-les-enseignants-et-leurs-maladies-109999927.html ((consulté oct., 2016)

Loi n° 10-12 du 29 décembre 2010 relative à la protection des personnes âgées.

بلعربي، عبد القادر (2017)، الشيخوخة والتقاعد لدى عمال التربية: الزمن المعاش حسب الجندر دراسة أنثروبولوجية بمنطقة عمي موسى ولاية غليزان، رسالة دكتوراه ف ي الأنثروبولوجيا. جامعة وهران 2.

بن شعيبي، محمد (2010)، الشيخوخة بمركز المسنين بتلمسان،.رسالة ماجستير في الأنثروبولوجيا. جامعة تلمسان.


Notes

[1] L’Union Syndicale des Travailleurs Algériens (USTA) a été créée en 1956 par le Mouvement national algérien (MNA). Le Front de Libération National (FLN), lui créera la même année l’UGTA qui va évincer l’USTA. Les travailleurs sont essentiellement des ouvriers, mineurs, etc. (cf. https://bataillesocialiste.wordpress.com/2007/04/06/lusta-une-experience-syndicale-en-pleine-guerre-d%E2%80%99algerie/)

[2] Bourdieu, P., Dardel, A., Rivet, J.-P., Seibel, C. (1963), Travail et travailleurs en Algérie, Paris, La Haye, Mouton

[3] Bourdieu, P., Sayad, A. (1964), Le déracinement, la crise de l'agriculture traditionnelle en Algérie, Les Editions de Minuit.

[4] Tillion, G. (1962), Le harem et les cousins, Paris, éd. Seuil.

[5] Caradec, V. (2008), « Vieillir au grand âge », Recherche en soins infirmiers, 94, (3), p. 28-41.

[6] Havighurst, R.-J., Albrecht, R.-E. (1953), Older people, Longmans, Green.

[7] Cette étude ne prétend nullement à l’exhaustivité mais est plutôt une approche exploratoire de cette notion et de son vécu par des personnes singulières ayant leur histoire personnelle, leur trajectoire professionnelle, et leur appréhension intime de cette situation. Comment ces personnes conçoivent la retraite, la préparent, la vivent ?

[8] Bedrouni, M. (2016), « Caractéristiques et conditions de prise en charge sociale », in vieillissement pays du Sud, 2011, Meknes, (mis en ligne 2016) : http://www.ceped.org/cdrom/meknes/

[9] Moutassem-Mimouni, B. (2013), « Les personnes âgées en Algérie et au Maghreb : enjeux de leur prise en charge » in Insaniyat n° 59, Oran, Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle, janvier- mars, p. 11-32.

بن شعيبي، محمد (2010)، الشيخوخة بمركز المسنين بتلمسان،.رسالة ماجستير في الانثروبولوجيا. جامعة تلمسان.

[10] Merouani, W., Hammouda, N.-E. (2014), « Démographie et système Algérien de retraite », Les Cahiers du Créad, p. 107-108.

[11] Depuis 2010, le taux de natalité est plus élevé.

[12] « Les enseignants et leurs maladies », consulté le 12/9/2012 sur le site : http://forumdesdemocrates.over-blog.com/article-les-enseignants-et-leurs-maladies-109999927.html

[13] http://www.radioalgerie.dz/news/fr/article/20170114/100163.html date de consultation

[14] Merouani, W., Hammouda, N. (2014), « démographie et système algérien de retraite », Les Cahiers du Créad, p. 107-108.

[15] Équivalent de la carte vitale en France.

[16] Loi n° 10-12 du 29 décembre 2010 relative à la protection des personnes âgées.

[17] http://www.indexmundi.com/fr/algerie/esperance_de_vie_a_la_naissance.html - Ces chiffres sont confirmés par l’ONS (les hommes 76,4 ans, les femmes 77,8 ans, cf. démographie n°740). (Consulté sept 2016).

[18] Ce fait a également été constaté par Belarbi Abdelkader (2017) (voir plus loin) dans son enquête dans la région de Relizane (Wilaya proxémique avec celle de Mostaganem).

 [19]بلعربي، عبد القادر (2017)، الشيخوخة والتقاعد لدى عمال التربية: الزمن المعاش حسب الجندر دراسة أنثروبولوجية بمنطقة عمي موسى ولاية غليزان، رسالة دكتوراه في الأنثروبولوجيا. جامعة وهران 2.

[20] Moutassem-Mimouni, B., Belarbi, A. op.cit.

[21] Belarbi, A., op.cit.

[22] Il faut rappeler qu’il n’existait qu’une seule université en Algérie, celle d’Alger. Pour plus d’informations, voir : Kadri, A. (2007), Histoire du système d’enseignement colonial en Algérie, Lyon, ENS Éditions.

[23] Charpentier, M., Quéniart, A. (2007), « Au–delà de la vieillesse : Pratiques et sens de l'engagement de femmes aînées au Québec », Gérontologie et société, Vol. 30 / 120, (1), 187-202. doi:10.3917/gs.120.0187.

[24] Tiliouine, H. “Quality of Life and Wellbeing in North Africa – Algeria, Egypt, 4 Libya, Morocco and Tunisia”, Global Handbook, PDF (consulté 10 sept. 2017).

[25] www.who.int/mediacentre/news/releases/2007/pr53/fr (consulté 12 sept. 2017)

[26] Moutassem-Mimouni, B. (2013), « Les personnes âgées en Algérie et au Maghreb : enjeux de leur prise en charge » Insaniyat n° 59, Oran, Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, janvier- mars, p. 11-32.

[27] Pierard, A., « La place des grands-parents auprès de leurs petits-enfants »  in http://www.ufapec.be/nos-analyses/3213-grd-parents.html (consulté le 22 août, 2017)

[28] Erikson, E. (1959), Enfance et société, Réédité 1994 in actualités pédagogiques et psychologiques, Neuchâtel et Nestlé.

 

logo du crasc
insaniyat@ crasc.dz
C.R.A.S.C. B.P. 1955 El-M'Naouer Technopôle de l'USTO Bir El Djir 31000 Oran
+ 213 41 62 06 95
+ 213 41 62 07 03
+ 213 41 62 07 05
+ 213 41 62 07 11
+ 213 41 62 06 98
+ 213 41 62 07 04

Recherche