Présentation

Saliha SENOUCI (Author)
9 – 11
Patrimoine musical et arts de pratiques en Algérie
N° 106 — Vol. 28 — 31/12/2024

Ce numéro d’Insaniyat s'attache à mettre en lumière le patrimoine musical et les arts de la performance en Algérie, expressions artistiques spécifiques. Ces manifestations incarnent non seulement un héritage culturel et identitaire, mais aussi un ensemble de traditions orales et corporelles qui traduisent l'esprit, les valeurs et les croyances d'une société. À travers les événements sociaux et culturels, elles perpétuent une mémoire collective en constante évolution.

La musique, en tant qu'élément fondamental de ce patrimoine, joue un rôle central dans la transmission des savoirs et des pratiques. Elle constitue un vecteur de communication culturelle
et un pont entre les générations et les civilisations. Son importance réside dans sa capacité à maintenir vivantes les traditions, tout en s'inscrivant dans des dynamiques de renouveau et d'innovation. En ce sens, le champ musical représente un espace fertile pour la recherche scientifique, notamment en anthropologie culturelle, qui interroge les pratiques humaines dans toutes leurs dimensions : sociales, culturelles et religieuses.

Les chercheurs algériens se sont intéressés à ce domaine sous divers angles. Parmi eux, nous citons, en particulier Hadj Miliani, qui a consacré plusieurs travaux à l'étude de la formation du patrimoine musical algérien, dans ses articles publiés dans Insaniyat, où il a analysé l'évolution des chants algériens au cours du siècle dernier et les processus d'hybridation entre les traditions locales et les influences internationales. Ses recherches ont porté également sur les processus de classification des genres musicaux, révélant la richesse et la complexité du paysage sonore algérien.

Ce numéro vise à valoriser la diversité des expressions musicales et à analyser les transformations socio-culturelles, qui ont marqué les arts musicaux, tant dans leur contenu que dans leurs modes d'exécution. Il explore aussi les interactions qu'entretient ce patrimoine musical avec d'autres cultures, favorisant ainsi le dialogue des civilisations.

Quatre articles de fond composent ce dossier, chacun apportant un éclairage particulier sur la richesse et la complexité du patrimoine musical algérien. Ils retracent en particulier les brassages entre les traditions musicales arabes, africaines
et amazighes, illustrant la position de l'Algérie, en tant que carrefour culturel. Cette dynamique a engendrée un art musical distinctif, marqué par un dialogue constant entre les différents héritages qui le composent.

Deux grandes influences structurent ce numéro : l'héritage andalou et l'héritage africain. La musique andalouse, dans ses multiples formes, constitue un modèle exemplaire d'interpénétration entre traditions arabes et occidentales, perceptible à travers l'usage des maqâms traditionnels
et l'intégration d'instruments modernes. Abdelkader Salim
El Hassar
explore, à travers son article, Analyse historisante du thésaurus Sana’a-Gharnata, la continuité musicale et littéraire qui unit ces deux villes. L’auteur met en exergue l'héritage du
Sana’a-Gharnata, remontant à la figure mythique de Ziryab et à l'âge d'or andalou. Son analyse révèle comment, après la chute de l'Andalousie, Tlemcen a su maintenir et enrichir un répertoire musical, qui témoigne d'une créativité renouvelée.

Dans la même perspective, Jonathan Glasser examine, dans son texte, Repenser le patrimoine à travers le problème de la thésaurisation, le phénomène du monopole exercé par certains cercles sur la musique andalouse, une pratique qui a conduit à la perte de certains éléments du répertoire musical. Il met en avant la nécessité de préserver cet héritage, tout en reconnaissant son caractère en perpétuelle transformation. Son approche met en évidence la manière dont les mutations culturelles influencent la production musicale et favorisent l'émergence de nouvelles formes d'expression.

D'autre part, ce numéro s'intéresse également aux musiques d'origine africaine, telle que la musique Diwân, aussi appelée Gnawi. Cette tradition incarne une synthèse entre les arts expressifs africains, arabes et amazighs. Saliha Senouci analyse cette musique à travers son article intitulé La musique Diwân en Algérie : d'une nécessité à un art. Elle met en lumière les pratiques qui l'accompagnent et son ancrage historique. Son étude, basée sur des entretiens et des enquêtes de terrain, dévoile les transformations successives qui ont fait évoluer cette musique d'une fonction rituelle vers un rôle essentiellement artistique.

Mustapha Amer Djeradi, quant à lui, se penche à travers sa contribution Rituel de laïlat Gnawi, entre le patent et le latent, sur un rite complexe mêlant musique, danse, transe et communication spirituelle. Son analyse, fondée sur des observations ethnographiques menées dans la région de Taghit, explore la dimension initiatique de ce rituel, qui s'inscrit dans un cadre plus large de pratiques mystiques et symboliques.

Ce numéro propose également deux contributions. La première porte sur la fête de Yennayer, par Hocine Taoutaou à travers des études historiques et archéologiques. La seconde s’intéresse à la commémoration de la Guerre de libération nationale, analysée par Karim Salhi, à partir de matériaux ethnographiques recueillis en Kabylie.

Enfin, l’entretien, réalisé par Insaniyat, avec Abdelhamid Bourayou, spécialiste du patrimoine populaire algérien, permet d'aborder les défis de la transmission du patrimoine et les enjeux de la recherche universitaire dans ce domaine.

Ce numéro se conclut par des enrichissements scientifiques.

Nous espérons que cette publication favorisera un dialogue fructueux entre chercheurs et enrichira la réflexion sur la diversité et l'évolution des arts musicaux en Algérie.

Cite this article

SENOUCI, S. (2024). Présentation. Insaniyat - Algerian Journal of Anthropology and Social Sciences, 28(106), 9–11. https://insaniyat.crasc.dz/en/article/presentation-patrimoine-musical-et-arts-de-pratiques-en-algerie