Badra MOUTASSEM-MIMOUNI, (2018). La kafala au Maghreb et en contexte migratoire, parenté, parentalité et société. Alger : OPU,181p.


 Insaniyat N°s83-84| 2019 |La délinquance juvénile: réalités et prises en charge|p.197 -199 | Texte intégral



L’ouvrage se présente comme un travail scientifique surla kafala au Maghreb et en contexte migratoire. Résultat de plusieurs années de recherches sur les enfants privés de famille (2001, 2006, 2012, etc.), Moutassem-Mimouni précise : « il ne s’agit pas d’un travail théorique, mais un travail basé sur des observations sur des années, voire des décennies ».

Cet ouvrage apporte un éclairage important sur des éléments psycho-sociaux et juridiques liés à la kafala au Maghreb et plus particulièrement en Algérie,en s’appuyant sur des exemples et des cas concrets qui ont fait l’objet d’études.L’auteur donne un aperçu sur de nombreux travaux menés autour de l’adoption en Europe et constate le peu d’études et de publications sur cette question au Maghreb. Faut-il préciser que cette carence en production scientifique dans le domaine de la kafala est liée à la nature du sujet, du fait qu’il soit lié aux enfants nés hors mariage, aux enfants dit « illégitimes » et touche par là le contrôle social de la sexualité et de la procréation. L’auteure affirme que historiquement les enfants ont souvent fait l’objet de circulation entre les individus et les familles que ce soit suite à la perte de leurs parents ou faisant l’objet de dons au profit des proches souffrant d’infertilité. Sur le plan historique, dans les cas de naissances hors mariage, la réprobation et le rejet était la règle mais la société maghrébine s’accommodait du subterfuge de « la théorie de l’enfant endormi » pour justifier les naissances survenues chez les femmes veuves ou divorcées ou chez les épouses dont les maris étaient absents pour une longue durée.Ces croyances n’ont plus cours aujourd’hui. Les enfants nés de jeunes filles célibataires sont en grande majorité abandonnés dans les pouponnières et foyers de l’enfance assistée. Jusqu’à l’indépendance de l’Algérie (1962),ces enfants étaient adoption par des familles selon la législation française, adoption plénière qui garantit les droits de l’enfant à l’instar des enfants légitimes. Cependant à l’indépendance, l’adoption fut abrogée et il a fallu attendre le code de la famille de 1984 pour que soit instituée la kafala qui signifie« recueil légal » qui se fait devant le juge. Cette loi est une construction juridique des législateurs algériens, elle n’est pas considérée comme une adoption, puisqu’elle exclut la filiation aux kafils, tout en autorisant la concordance de nom. Elle s’apparente plus à une tutelle. Moutassem-Mimouni souligne les avantages de cette loi qui a permis à des milliers d’enfants d’êtres recueillis et élevés dans des familles, mais relève son inconsistance en raison du vide juridique sur l’avenir de l’enfant en cas de décès ou du divorce du parent « kafil». Elle mentionne aussi ses insuffisances du fait qu’elle soit révocable, puisque le kafil peut à tout moment se désister de sa responsabilité de parent et restituer l’enfant à l’institution d’accueil des enfants privés de familles, en l’occurrence la Direction de l’action sociale (DAS). Ce qui par conséquent accentue la vulnérabilité de ces enfants et hypothèque leur développement psychique et social. En comparant les lois relatives à la kafala aux trois pays du Maghreb, l’auteure souligne que seule la Tunisie a autorisé, dès son indépendance,l’adoption, contrairement au Maroc et à l’Algérie qui l’ont interdite. Ces différences dans la législation démontrent comment le religieux, « la charia », est malléab le quand le politique et le juridique sont en concordance ou non avec les attentes sociales (Moutassem-Mimouni : 40). L’ouvrage est réparti en trois chapitres, le premier traite de la question de l’adoption d’enfants et de la kafala dans sa dimension sociale, anthropologique,historique, juridique et sa traduction dans la pratique en Algérie et en France où elle est autorisée, mais les candidats sont soumis à rude épreuve à travers des procédures compliquées et variant d’une région à une autre. Le chapitre souligne le caractère universel de la circulation des enfants dans les sociétés, et plus particulièrement au Maghreb. Le deuxième chapitre examine les rapports entre la kafala et la société à travers les notions de parenté et parentalité dont l’un de ses constituants actuels est la maternité célibataire. Il met en exergue le poids du célibat et l’émergence de la kafala chez les femmes célibataires que les démographes désignent par célibat définitif, à savoir les femmes jamais mariées, âgées de 49 ans et plus comme une nouvelle dimension de la parentalité. Le troisième chapitre aborde la problématique de la kafala à la lumière de ses « effets, bienfait et méfaits » qui sont au départ de l’ordre psychologique et social et insiste sur l’importance des soins et attentions nécessaires à l’équilibre de l’enfant et met en garde contre les séquelles des carences affectives qui marquent à vie le devenir des enfants élevés en institution. L’auteure retrace également les péripéties et les difficultés rencontrés par les parents kafils, l’impact de la mise en œuvre de la procédure dans ses aspects juridiques sur les rapports parents et enfants en situation de kafala. L’analyse est étayée par des statistiques et des exemples puisés des entretiens recueillis et des cas étudiés. En conclusion, Moutassem-Mimouni souligne l’apport de la kafala comme institution juridique offrant un cadre familial et social d’épanouissement de l’enfant privé de famille et les limites induites par cette procédure dans la préservation et la garantie des droits des parents adoptants (kafils) et des enfants adoptés (makfoul).L’ouvrage contient une riche bibliographie, un glossaire,une explication des acronymes, des articles relatifs à la kafala, etc. Il constitue un outil didactique important pour les enseignants, les étudiants
et travailleurs sociaux et comble un vide en la matière.

Yamina RAHOU

Bibliographie

Moutassem-Mimounin,B.(2001).Naissance et abandons en Algérie. Paris : Karthala.

Moutassem-Mimounin,B.(2006).Les foyers pour enfants assistés. Alger : OPU, UNICEF/MDCFCF.

Moutassem-Mimounin,B.(2012). Les célibataires-mères au secours des mères-célibataires.. Dans Kniebieler Y. &Arena F., Métamorphoses et permanences de la maternité dans l’aire méditerranéennePresses de l’EHESP.

Moutassem-Mimouni Badra (dir.),(2014), Les enfants en garde judiciaire en Algérie : prise en charge pédagogique, psychologique et juridique PNR. Oran : Éditions CRASC.

 

 

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