Insaniyat N° 13 | 2001 | Recherches urbaines | p.95-104 | Texte intégral
Fifty years of peripheral enlargement in Oran, some urban experiences (1948-1998) Abstract: In this article we try to put forward the main periods of peri–urban space extension in Oran, through some experiences in urban policy from 1948 – 1998. |
Saddek BENKADA : Sociologue, Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie
A trop vouloir faire l'historique de la périphérie d'Oran, je risque de faire l'histoire de l'urbanisme oranais. Car la périphérie d'Oran est née des successives volontés politiques de desserrement des quartiers centraux par des projets urbanistiques (habitat, infrastructures de base, assainissement etc.), qui ont assuré à la ville une transformation importante de son espace péri-urbain, en modifiant notamment configuration spatiale, structure sociale et redistribution démographique. Aussi, me limiterai-je dans cette communication à mettre essentiellement en évidence les grandes phases d'extension de la zone périphérique de la métropole de l'Ouest algérien, au cours de ces cinquante dernières années, à travers quelques exemples d'urbanisation. Il y a lieu de préciser toutefois que le choix de la période n'est pas fortuit, il marque en effet, un moment charnière, placé entre l'après-guerre et la période post-indépendance.
La périphérie dans l'entre deux-guerre : Rappel historique
Au lendemain de la Première guerre, la loi de 1919 sur l'urbanisme, rendue applicable à l'Algérie en 1922, était arrivée à point nommé pour mettre de l'ordre dans les modalités de financement des projets urbanistiques et du coup éviter à la ville de faire les frais d'une collusion entre promoteurs privés sans scrupules et élus locaux peu soucieux de l'intérêt général, comme cela c'était vu par le passé (scandale Cayla, 1892) [1]. Dès 1924, la nécessité de mettre de l'ordre dans les zones extra-muros devenait de plus en plus pressante. C'est l'époque où se développent les faubourgs selon un processus de diffusion radiale par taches de lotissements (ensembles HBM (Maraval), coopératives ouvrières (Ruches PTT, Foyer oranais, cité Petit), remplaçant les fermes viticoles situées pour la plupart le long des grands axes routiers (routes de Tlemcen, de Mascara, de Mostaganem, de la Sénia).
Mais aussi à partir de 1918, commencent à apparaître les premiers bidonvilles en zone périphérique, Robert Tinthoin parle même d'une «ceinture de bidonvilles établie par les Musulmans»[2]. La crise de 1930 aidant, le phénomène ne fera que prendre de l'ampleur; le même observateur ne manque pas de remarquer que, «depuis 1930, de nouveaux faubourgs bourgeonnent en périphérie, le long de la route de Tlemcen et gagnent au delà des Halles, au détriment de vignes. De même ils s'étalent le long des routes de la Sénia, de Mostaganem et de Sidi Chami. Des Musulmans s'installent sur les routes de Mascara et de Tlemcen».[3]
Mais il a fallu cependant attendre 1931 pour que la ville décide de se doter d'un instrument d'aménagement , en faisant élaborer tout d'abord un plan topographique de la ville par la Société des plans régulateurs des villes, Danger Frères de Paris.
Sur la base de ce plan sera lancé en 1936 sous la municipalité de l'abbé Lambert un plan d'extension, d'aménagement et d'embellissement dont une partie de la conception a été confiée à la même société parisienne. Ce plan prévoyait, en outre, le raccordement entre eux des divers lotissements privés créés dans la zone périphérique, avec création de places, grandes voies de circulation et espaces verts, rendus possibles grâce au déclassement en 1933 après de longues et ardues tractations, de la place d'Oran. Ce déclassement avait permis à la ville d'acquérir les terrains militaires sur lesquels se trouvaient le mur d'enceinte de 1866 et le chemin de ceinture. Dès lors, la municipalité lancera, dans le cadre des chantiers de chômage, les opérations de démolition des remparts et l'ouverture tout autour de l'ancienne ville de la première grande voie circulaire de 3 kms, appelée 1er boulevard périphérique, qui va aussitôt opérer la soudure entre les quartiers intra-muros et les grands faubourgs de la zone péri-urbaine (Lamur, Victor Hugo, Saint Eugène, Eckmühl, Gambetta, etc...) et marque pratiquement la limite Sud de l'espace urbanisé. Mais les changements intervenus dans la vie politique locale et le déclenchement de la guerre firent ajourner tous ces projets urbanistiques. Il fallut cependant attendre 1942 pour que soit, sous la pression de la Délégation spéciale vichyste, décidée par le Gouvernement général l'approbation du plan d'extension de 1936. Peine perdue, puisque la ville à court de ressources financières du fait de la guerre ne pouvait le mettre à exécution.[4]
Les extensions de la périphérie de l'après-guerre à l'Indépendance (1948-1962)
En effet, la période d'après-guerre est marquée par la reprise de quelques projets urbanistiques de la veille, notamment le projet de création en 1945 d'un quartier industriel à Saint Hubert dans le cadre d'un plan régional de développement présenté par deux architectes-urbanistes oranais, Wolff et Rouch. Quelque temps auparavant, fut institué en 1943 par le Gouvernement général le groupement d'Oran constitué par quelques communes de la grande banlieue d'Oran : Aïn-El-Turk, Mers-El-kébir, la Sénia, Arcole, Valmy et Sidi Chami. La municipalité soucieuse avant tout d'éradiquer les nombreuses poches de misère aussi bien dans les faubourgs de la périphérie que dans les quartiers pauvres de l'ancienne ville, lança une série d'enquêtes socio-sanitaires[5], visiblement inspirées par les enquêtes de géographie et de sociologie urbaines menées à la même époque que se soit par Robert Montagne pour les villes marocaines en général [6] ou par André Adam à Casablanca[7].
Il faudra attendre cependant la première municipalité du maire gaulliste Henri Fouques-Duparc en 1948, pour constater l'effort qui sera mis dans la poursuite, dans un premier temps du moins, du programme urbanistique des municipalités précédentes. A commencer par la mise en œuvre à partir de 1951 d'un modeste programme de logements collectifs dans la zone périphérique (HLM de Gambetta) et l'acquisition des vastes terrains Maraval-Berthoin au sud de la périphérie. En 1953, un pas de plus fut franchi dans la réalisation de son programme, en entreprenant l'éradication des bidonvilles[8], la construction de deux cités de recasement, la promotion de l'habitat musulman, la construction des ensembles Type HLM et habitat pavillonnaire pour les Européens ainsi que le commencement des travaux du 2ème boulevard périphérique.
En 1954 fut repris le plan régional de développement proposé en 1945 par Wolff et Rouch ; mais revu à la lumière du nouveau code d'urbanisme français qui venait d'être promulgué. Selon Michel Coquery, le plan de 1954 a pour effet, entre autres, de multiplier dans la zone périphérique,«des cités de type HLM avec îlots collectifs (Gambetta, Boulanger, Maraval...) de type individuel en pavillons ordonnés ou éparpillés (cités Castors de l'Arsenal et CFA, Gai-logis, Saint Hubert, les Palmiers, etc...)».[9]
En 1958, en pleine poursuite de son programme urbanistique municipal, fut décidé le Plan de Constantine, vaste programme de développement économique lancé à l'initiative du Général de Gaulle pour contrecarrer la Guerre de libération nationale. La ville d'Oran bénéficia en 1959 dans le cadre de ce Plan, d'un Plan d'urbanisme directeur dont fut inscrit à son programme les grandes lignes d'extension de la périphérie; notamment l'extension vers la zone Sud (Maraval) et vers la zone Est (Saint Eugène, Dar El Beida) avec la création d'une ZUP-Est, préfiguration de la ZHUN-Est des années 80.
Il va sans dire que l'extraordinaire fièvre de construction qui s'était emparée de la ville de 1954 à 1962, a eu pour résultat immédiat la spéculation, qui a obligé à faire construire dans les quartiers centraux à population exclusivement européenne des immeubles de plus en plus hauts, les "buildings"; ce qui a contraint les promoteurs de constructions économiques d'opter pour les zones périphériques. Ceci n'est pas allé cependant sans entraîner dans ces zones l'accélération du processus de densification et d'extension des formes d'habitat pavillonnaire (Maraval, Saint Hubert, les Palmiers, Protin, Point du jour, etc.), que B. Semmoud appelle les extensions bourgeoises coloniales.[10]
Parallèlement, les populations rurales algériennes tard venues, repliées sur la ville à cause de la guerre, sont exclues des opérations de relogement dans les deux cités de recasement et de la promotion de l'habitat musulman (habitat collectif de Diar El Hana, Dar El Hayat ; cité Giraud etc.) ; tendent à s'agripper désespérément aux pentes arides du Djebel Murdjadjo, gonflant ainsi donc la population déjà en surnombre des faubourgs marginalisés des Planteurs et de Raz-El-Aïn ; et en construisant leurs bidonvilles sur les terrains restés encore libres autour des faubourgs à prédominance musulmane (El Hamri-Médioni, Sanchidrian, Victor Hugo, Zeïtoun, Petit Lac). C'est ainsi comme le note B. Semmoud, que «les bidonvilles classiques se développent presqu'exclusivement à la périphérie d'Oran [...] La carte d'Oran que dresse M. Coquery en 1961 montre qu'ils se sont multipliés dans une zone spécifique : celle des daïat, zone mal asséchée, côtoyant la décharge publique ».[11]
La période de ralentissement des extensions (1962-1975)
Au lendemain de l'indépendance, la ville donnait l'apparence d'un immense chantier en arrêt. De nombreux projets sont restés inachevés. Des opérations d'achèvement seront initiées par les nouvelles autorités locales, en particulier les travaux du 2èm boulevard périphérique, la construction de certains projets d'habitat collectif et individuel, dites opérations "carcasses" et la rénovation des Planteurs.
L'immobilisme des extensions de la périphérie durant la période 1962-1975, est principalement dû au fait qu' Oran ait été considérée comme une ville privilégiée en matière d'habitat; ce qui a fait que pendant toute cette période ; aucune construction nouvelle n'était venue s'ajouter à son parc logement hérité de la période coloniale. Il faudrait noter toutefois que Le parc logement laissé vacant par les Européens, semble avoir provisoirement mis en suspens le processus de bidonvillisation de l'espace péri-urbain. Cependant, ce parc logement vacant tous types d'habitat confondus, commence à partir du début de la décennie 70 à donner les premiers signes de saturation et, concomitamment réapparaissent avec avec lui les bidonvilles, qu'on appelle désormais par euphémisme, habitat précaire.
Il faudrait cependant attendre la mise en œuvre du 2ème plan quadriennal (1974-1977), pour voir Oran dotée d'un Plan d'urbanisme directeur (PUD) approuvé en 1977. Ce PUD avait tracé les grandes lignes du futur développement urbain et les principales options de l'extension spatiale. Un Plan d'occupation des sols proposé dans le cadre du PUD et suivant les orientations de la procédure des ZHUN, un nouvel instrument de planification spatiale rendu obligatoire dès 1975 ; orientait l'extension vers les zones périphériques ,destinées à la réalisation des grands projets d'habitat et d'équipement ; notamment les zones Nord-Est (Université des sciences et de la technologie d'Oran (USTO), ZHUN-USTO, ZHUN-Seddikia, ZHUN-Hai Khémisti ) et Est (ZHUN-Dar El Beida). Il faudrait cependant faire remarquer que cette dernière option fut retenue malgré l'opposition des services de l'agriculture qui considéraient que l'extension vers ces zones se ferait immanquablement au détriment des terres agricoles. Dans le cadre de ce Plan, Oran avait bénéficié d'un programme de construction de logements, dont une infime partie fut livrée à la fin de 1978, répartis à travers les différentes ZHUN en cours de constitution; ce qui avait permis de satisfaire en urgence une partie des besoins.
Saturation et débordement des périphéries sur les communes avoisinantes (1979-1988)
La politique d'industrialisation suivie dans le cadre de l'économie socialiste planifiée avait relégué au second plan les investissements en équipements sociaux, particulièrement la construction de logements. Cependant, avec le changement de cap en 1979, la nouvelle politique d'ouverture économique, soucieuse en premier lieu de rattraper le retard en matière de besoins sociaux, le logement notamment, initia un important programme national de réalisation de logements, dont la wilaya d'Oran bénéficia d'une tranche assez appréciable.
Trois types d'habitat se sont particulièrement développés durant cette période :
Le 1er type : Les grands ensembles collectifs construits dans les Zones d'habitat urbain nouveau (ZHUN) sur des terrains libres ou à proximité des grands ensembles construits avant l'indépendance (cité des Oliviers, HLM Gambetta, Les Amandiers).
Ces ZHUN au nombre de cinq : USTO (201 ha),Seddikia (90 ha), Maraval-Yaghmoracen (252 ha), Haï Khémisti (112 ha), Dar El Beida (147,5 ha).
Le 2ème type : L'habitat individuel de type pavillonnaire qui s'est particulièrement développé dans le cadre des coopératives immobilières, apanage des nouvelles classes aisées et moyennes privilégiées, «est aussi un fait marquant de cette période[...] ces maisons sont souvent regroupées en lotissements et marquent le paysage urbain de la périphérie».[12]
- A) Les coopératives immobilières qui ont bénéficié des réserves foncières communales dégagées à partir des terrains héritées de la période coloniale, constituant de ce fait dans la zone de l'ancienne périphérie, une sorte d'extension des anciens quartiers résidentiels de type pavillonnaire datant de la période coloniale (Saint Hubert, cité Protin, les Palmiers, Point du jour).
- B) L'habitat individuel de type pavillonnaire réalisé dans le cadre des mêmes coopératives immobilières qui, faute de disponibilité foncière à l'intérieur de la zone périphérique oranaise, ont dû se rabattre sur les bourgades environnantes, qui, il y a quelques années à peine, constituaient de paisibles lieux de villégiature où de résidences secondaires, a fait qu'elles constituent aujourd'hui le portefeuille foncier d'Oran, pour Bir-El-Djir par exemple, on ne s' était pas contenté de lui ravir la station balnéaire de Canastel au profit de la commune d'Oran, mais aussi de la pousser à céder sous l'avancée inexorable du béton, ses forêts de pins maritimes et ses meilleurs vergers situés dans les hameaux de Haï Khémisti (Fernandville) et émir Abdelkader (Bernalville). Il en est de même de la commune d' Es-Senia (stade LOFA, Beaulieu dit aussi "Tlemçaniyin", domaines chahid Bahi Amar I et II, lotissement militaire Chérif Yahia). Ces deux communes présentent l'avantage de ne pas être très éloignées de l'agglomération oranaise, et de contenir aussi et surtout, de grands équipements de service (universités, instituts universitaires, centres de recherche, aéroport, nouvel hôpital etc.).
Le 3ème type : Les extensions informelles qui sont de deux catégories.
- A) C'est l'habitat précaire dont sont constitués les quartiers spontanés, ou bidonvilles qui sont venus s'ajouter aux marges taudifiées déjà existantes; Douar Cheklaoua, par exemple est une extension de l'ancien "bidonville-camp" du terrain Ardil, adossé à la colline du cimetière militaire Anglo-américain, qui englobait déjà en 1960, selon M. Coquery, 1400 âmes[13]. Il constitue aujourd'hui une « véritable lèpre urbaine, qui n'est pas sans défigurer l'image de la ville d'Oran »[14], ou ceux qui se sont accrochées aux pentes Sud du djebel Murdjadjo, le long de la route de Tlemcen ( Haï Louz, douars Bouakeul, Haï Coca, douar Tiartia, El Hassi (20.000 habitants en 1998), Pont Albin baptisé Haï Bouamama (17.673 habitants en 1995). A eux seuls, ces deux derniers quartiers spontanés forment une véritable «ville dans la ville»; prolongeant ainsi les anciens quartiers excentrés et sous-intégrés des Planteurs et de Raz El Aïn dont la population a été estimée à 80.000 habitants en 1993 (11.000 familles en 1996, selon le résultat d'une enquête), 150.000 en 1998, selon les habitants eux-mêmes[15] ; ce qui donne à penser qu'il s'agît en effet du «plus grand bidonville du pays»[16].
- B) Les "quartiers-villages" et l'habitat illicite.
Les quartiers spontanés sont perçus avec une très grande appréhension par les pouvoirs publics qui, à plusieurs reprises avaient tenté sans succès d'enrayer leur développement; mais, en procédant dans la hâte, privilégiant souvent les solutions de conjoncture sans portée réelle. Ils en sont arrivés en fin de compte, après maintes tentatives, à une solution d'urgence, consistant à encourager l'installation des demandeurs de logements et des relogés dans le cadre des opérations d'éradication des bidonvilles ou des sinistrés ( glissement de terrains, écroulement de maisons vétustes notamment dans la zone des vieux quartiers (Sidi El Houari, Calère, Derb etc.) et quartiers centraux (Saint Pierre) etc.; sur les territoires des communes avoisinantes, par l'attribution d'un terrain accompagnée d'une aide financière. C'est la formule de l'auto-construction; mais sans plan de lotissement ni réalisation d'infrastructures urbaines ( voiries, assainissement, eau potable, électricité etc.). Ces constructions illicites, très vite popularisées par le nom bien évocateur de leur origine, les fameux "B'ni ou skout" (Construit et tais-toi), ont formé en moins d'une décennie une véritable auréole de "quartiers-villages" (B. Semmoud, 1986), autour de l'agglomération d'Oran. Ils sont le plus souvent implantés à proximité de villages ou de douars déjà existants, que se soit sur les bosses laissées en friche des douars Sidi El Bachir (22.336 habitants en 1995), Bendaoud et Boudjemmaâ, relevant de la commune de Bir-El-Djir; les douars de Sidi El Khiar à Aïn-El-Beïda, Ouled Adda (commune d'Es-Sénia), Nedjma-Chtaïbo, les anciens hameaux coloniaux émir Abdelkader et Bouamama (commune de Sidi Chahmi). Il importe de souligner cependant, que cette extension, comme le fait remarquer B. Semmoud, «n'est certes pas du type bidonville ou gourbiville, mais elle s'opère dans les mêmes conditions de sous-équipement technique et socio-culturel qu'à Si Salah [ Planteurs ] ou Fellaoucène [ Sanchidrian] ».[17]
Le constat de la difficulté de gestion urbaine de la périphérie (1988-1998)
Nous assistons, ces dernières années à processus de détérioration du mode de vie communautaire urbaine aussi bien sur le plan socio-économique que sur le plan urbanistique. Les conditions de vie des populations des zones urbaines les plus défavorisées ont été frappées de plein fouet par la crise multidimensionnelle qui frappe tout le pays depuis le début des années quatre-vingt-dix, avec notamment comme le fait judicieusement remarquer B. Semmoud, « le début sévère d'application du Plan d'ajustement structurel imposé par le FMI mais mis en place et accepté par un pouvoir désormais uniformément représentatif des classes économiquement dominantes malgré les divergences qui le traversent quant au mode de gestion de la société : pseudo-laïque, islamiste s'approfondit la tendance à la tertiarisation de l'économie fondée cette fois-ci sur l'activité de commerce et de services et la généralisation de l'activité informelle qui acquiert progressivement une fonction de sauvegarde pour ne pas dire de sauvetage d'un niveau de vie excessivement et brutalement érodé et de survie pour des pans entiers de la société urbaine qui ont brusquement basculé dans la pauvreté après avoir longtemps vécu dans l' "exclusion". En moins de quatre ans, les niveaux de vie des salariés ont pu baisser de quatre fois ».[18]
Sur le plan urbanistique, principalement marqué par un sentiment d'insécurité très largement partagé par l'ensemble des couches de la population; qui est dû en premier lieu à l'absence quasi-totale, dans certaines zones urbaines des symboles de l'autorité publique. Même les ZHUN, qui sont pourtant de récente date et mieux pourvues en équipements de service, la présence de l'État est réduite à sa plus simple expression connaissent déjà les méfaits de la petite délinquance (vol de voitures, vol par effraction de logements etc.), et un manque flagrant de respect des règles d'urbanisme, la presse parle même de ville défigurée par des "pratiques anti-urbaines", « cités-dortoirs ou cités-dépotoirs, dans tous les cas la promiscuité est ravageuse dans ces carrés de béton où la vie active n'a jamais eu droit de cité. Les quelques fonds de commerce furtivement ouverts dans des endroits peu enclins à ce genre d'activité ont forcé la légalité. Ces pratiques, ont fait tâche d'huile à travers les cités de la périphérie»[19]
Mais le moins maîtrisable et le plus préoccupant dans la conjoncture actuelle, est le développement anarchique et sans garde-fous, principalement des grandes zones d'habitat spontané, marginalisé et sous-intégré qui a eu pour effet immédiat et direct l'apparition aux franges de ville, de vastes zones d'exclusion sociale, de non droit et de violences de toutes natures qui, s'est traduit par un net recul, sinon par l'absence totale de la citoyenneté. Leurs populations composées en majorité de jeunes, exclus du système éducatif, désœuvrés, devant les inégalités de plus en plus criantes et l'enrichissement à vue d'œil des membres de l'ancienne et de la nouvelle nomenclatura aussi bien politique que techno-bureaucratique enrichies entre autres, par des spéculations foncières éhontées accumulent à l'égard de ces derniers, la rancœur et se laissent facilement guidés sur le chemin de la contestation violente et de l'extrémisme politique. Ces zones déjà surdensifiées et surpeuplées, voient en plus, leur population se gonfler, particulièrement durant ces cinq dernières années par le repli de populations rurales fuyant l'insécurité des campagnes.
Les événements qui se sont succédés sur la scène régionale en général et dans la périphérie d'Oran durant le mois de Ramadhan (janvier 1998) en particulier, ont montré que même la périphérie d'une grande ville n'est pas à l'abri des incursions des bandes terroristes. Aussitôt la population péri-urbaine s'étant trouvée à la portée des menaces terroristes, a été amenée à faire pression sur les pouvoirs publics pour l'aider à organiser son d'auto-défense, par la mise en place, comme dans les campagnes de groupes de légitime défense (GLD).
Notes
[1] Benkada, S. : Oran 1936 : Groupe de pression local et aménagement urbain.- El Watan, 30 mars 1996.
[2] Tinthoin, Robert : Oran, ville aux cent visages.- Algeria, n°26, mars-avril 1952
[3] Idem.
[4] Benkada, S. et alii. : Oran, Passé, Présent et Perspectives.- Conférence internationale sur le futur de la ville méditerranéenne - Tradition et Futur urbain.- Venise, CNUEH-Union Européenne. 11,12, 13 janvier 1996. Publié sous la direction de Anna Marson : Tradizione e futuro urbano. La città mediterranea di fronte alla sfida Habitat. L'Harmattan, Turin, 1996.- p.p. 95-105.
[5] Dr Weiller, H. : Prolétariat musulman et problèmes sociaux à Oran.- Oran, 1945.- 37 p. dactyl.
[6] Montagne, Robert : Naissance du prolétariat marocain.- Paris, 1949.
[7] Adam, André : Le bidonville de Ben-Msik à Casablanca.- Alger, Annales de l'Institut d'Études Orientales de l'Université d'Alger, t.VIII, 1949-1950.- p.p. 61-199.
[8] Tinthoin, Robert : Le peuplement musulman d'Oran.- Oran, Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran, 1954.- p.p.5-72.
[9] Coquery, Michel : Quartiers périphériques et mutations urbaines : le cas d'Oran (Algérie).- Méditerranée, n°4, 1965.- p.p.285-298.
[10] Semmoud, Bouziane : Industrialisation et espace régional en Algérie : le cas de l'Oranie littorale.- Alger, OPU, T. II, 1986.- p.664.
[11] Idem.- p. 453.
[12] Mutin, G. : Aménagement et développement d'Alger.- Oran, Bulletin de la Société languedocienne de Géographie. N° 2-3, avril-septembre 1986.- p. 313.
[13] Coquery, M. : Extensions récentes des quartiers musulmans d'Oran.- Bulletin de l'Association des géographes français, n°307-308, 1962, p.182.
[14] Ouest-Tribune du 5 mai 1998.
[15] Quotidien d'Oran du 21 mai 1998.
[16] El Moudjahid 8 mars 1993. Cité par Soufi (Fouad). "Une ville dans la crise : Oran". Oran, CRASC, 1997.- p.13.
[17] Semmoud, B. : Op. Cité.- p.664
[18] Semmoud, B. : Croissance urbaine, mobilité et changement social dans l'agglomération oranaise (Algérie). Cahiers du GREMAMO n°12, 1995.- p. 62.
[19] Lotfi, C. : Vieux bâti : Oran dans la tourmente. El Watan du 13. 4.1998.