Amina SBOUI : Corps requalifié(s)


Insaniyat N° 74|2016| Femmes dans les pays arabes: changements sociaux et politiques | p. 87-104| Texte intégral


Body (ies) reexamined

The article discusses the process of politicization and the inconvenience initiated by Amina Sboui, a young Tunisian who published topless photos of her body (naked breast) on social networks. Based on Amina Sbiou’s autobiography, a corpus of written and audio-visual press, materials issued from social networks and judicial elements, following which thisarticle aims at tracing back the events which took place between March and August 2013. The analysis of the temporalities of these events (politicization, mediatization, and judiciarization) reveals much more than the context of politicaltransition in Tunisia; it is the revolutionary process, in itself, that this body bears and prolongs. The (con) fusion between Amina’s individual body and the social body in “revolution”, in other words the emergence of the political body, attests a similar process: the (political) requalification of the body.

Keywords: body - gender - feminism - politicization - revolution - Tunisia.


Jallal MESBAH, Université d'Angers (TEMOS), France.


Introduction

Amina Sboui, une Tunisienne de 18 ans, publie deux photographies de son corps, seins nus, sur les réseaux sociaux en mars 2013. La jeune femme revendique l’utilisation politique de son corps, sur lequel elle écrit d’ailleurs des slogans. Elle prolonge et réactive une histoire politique du corps, enjeu central dans les luttes féministes depuis le XXe siècle (lutte contre les violences physiques et symboliques, autonomie de la vie sexuelle, etc.). Son initiative déclenche la controverse dans l’espace public[1].  

Pourtant, le geste d’Amina Sboui est un acte isolé[2]. De plus, l’espace des réseaux sociaux est virtuel, la matérialisation du « fait politique » reste incertaine en comparaison avec une mobilisation dans l’espace physique. Enfin, l’hypermédiatisation rend le geste suspicieux, classifié « objet visibilisé » par le médiatique plutôt que définit comme un acte politique. Comment la politisation a eu (trouvé) lieu ? Et comment définir, sinon saisir les étapes, de cette politisation ?

Le corps politique dans les études de genre[3] sert à décrire le double corps en référence aux « Deux Corps du roi »[4]. Le corps individuel du monarque symbolise le corps social. La métaphore s’est imposée dans l’histoire des féminismes en raison des rapports sociaux de genre : montrer l’oppression sociale et politique en faisant état des violences contre les corps féminins. De la même manière, faire avancer les droits des femmes permet de faire progresser toute la société (mixité, sexualité, etc.). Le corps devient, à la fois miroir social, et « curseur » politique.

La politisation des corps, en l’occurrence genrés, diffère lorsque les femmes sont actrices de celle-ci et lorsqu’elles ne le sont pas. Autrement dit, parler de politisation des corps, suggère deux processus : l’utilisation politique du corps par les actrices elles-mêmes d’une part, et d’autre part, l’instrumentalisation politique ou médiatique. La confusion résulte justement de la possible articulation de ces deux phénomènes. Le corps, parce qu’il est un territoire politique, est le lieu que l’individu peut utiliser pour agir sur le monde, mais l’inverse est tout aussi vrai : le monde peut investir politiquement ce corps. C’est le cas d’Amina Sboui.

 La Tunisie est en pleine transition politique, un processus « révolutionnaire » est engagé depuis 2011[5]. Les espaces de débats et de confrontations sont aussi l’occasion d’une redéfinition, sinon d’un « arrangement », des rapports de genre[6]. Le corps d’Amina Sboui devient miroir d’un contexte, qu’elle perturbe en imposant sa problématisation du genre dans le débat.

Selon les deux repères du politique, à savoir la montée en généralité et l’existence d’un conflit[7], il s’agit de montrer dans une première partie, le processus de politisation d’Amina Sboui et de son corps. En affirmant sa souveraineté, le corps d’Amina Sboui se dédouble, le corps se divise pour se requalifier. Dans une seconde partie, il apparait que l’événement grandit dans l’espace public rejoignant des lectures politiques conflictuelles, qui investissent ce corps. Nous verrons, de manière transversale que si le corps est politique car il perturbe, l’enjeu est bien la construction de la légitimité de l’existence même de cette « interférence »[8].

« Mon corps m’appartient » : émergence du souverain

Amina Sboui a choisi comme lieu d’engagement son corps, affirmant sa souveraineté. Le corps est ainsi un discours politique dont il s’agit aussi de rappeler les soubassements biographiques. C’est dans les fragments d’histoire et la construction d’une conscience politique qu’Amina puise les ressources de son dédoublement : du corps individuel se constitue le corps politique.

Le corps engagé

Amina Sboui publie des photographies seins nus sur les réseaux sociaux, et s’inspire de militantes indiennes et de l’organisation féministe Femen[9]. Né en 2008, en Ukraine, le mouvement des Femen lutte « contre la prostitution, le patriarcat et la religion », et a la particularité de protester seins nus[10]. Amina considère que « le corps de la femme, si souvent bafoué, utilisé, manipulé, violenté, devenait un étendard » décide de prendre contact avec le groupe en 2012[11] : « quand j’ai vu la photo des Femen, je me suis dit, c’est ça que je cherche »[12]. Les discussions s’enchaînent avec des militantes Femen, en exil en France[13].

Amina veut agir. L’assassinat d’un leader politique de gauche (Chokri Belaïd) le 6 février 2013 est un choc pour cette dernière [14]. Parmi diverses suggestions, il lui est proposé de prendre une simple photographie. Depuis son internat, dans un lycée de Zaghouan, la nouvelle recrue choisit son slogan, « Fuck your moral ! », afin de dénoncer les injonctions : « Tu ne dois pas rester seule avec un garçon, tu dois rester vierge, tu ne dois pas dire de gros mots »[15]. Au mois de février 2013, elle publie un premier cliché, le slogan s’étale sur son torse. Elle porte un jean et fait un geste trivial. Elle sourit malicieusement, avec un soupçon d’insouciance. Pourtant, très rapidement, le téléphone commence à sonner et les réactions se multiplient sur sa page Facebook. De 1 200 ami-e-s au départ, sa page atteint 3 500[16]. Des soutiens et des insultes se déversent en continu[17].

Amina publie une seconde photographie, à l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Un photographe professionnel lui propose ses services et réalise ce cliché sensiblement différent. Le visage est clair mais sévère, le regard percutant, Amina est légèrement maquillée. Elle se tient les mains, les bras sont posés sur ses jambes, un pansement recouvre son poignet. Le fond noir fait ressortir avec plus de force le slogan sur son corps, que le regard ne peut éviter. Cette fois-ci, il est écrit en arabe : « Mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de personne »[18]. Ce cliché tranche avec le premier : ni vulgaire, ni personnel, il semble s’adresser à tou.te.s et à personne. Cette photographie revendique la souveraineté. Ces trois éléments symboliques – la mise en scène artistique de la photo, le slogan en langue arabe sur le torse nu et, enfin, l’énonciation souveraine – vont contribuer à sa large diffusion. Cette image est constamment reprise par les médias, contrairement au premier cliché[19].

La photographie provoque la polémique. Les médias s’emparent du phénomène. Amina se réfugie chez un ami et contacte des avocates. Les messages la menaçant affluent : « on va te tuer », « on va te jeter de l’acide »[20]. D’autres, plus enthousiastes, la félicitent pour son courage. La séquence dure quelques jours et l’événement grandit. Elle est invitée sur le plateau de télévision de Labes, célèbre émission tunisienne.

Face au présentateur, elle défend son geste et réaffirme l’utilisation politique de son corps[21]. La contre-offensive s’organise également. Adel Halimi, président de l’Association modérée de la sensibilisation et de la réforme[22] appelle à sa lapidation[23]. La famille d’Amina décide de l’enlever Amina alors qu’elle se trouve sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis. Elle est emmenée à Kairouan : « Ma famille voulait me protéger, des foudres des religieux mais aussi de moi-même, de cet instinct rebelle, de mes pulsions à commettre des actes répréhensibles, provocateurs à leur yeux »[24]. C’est dans son histoire personnelle qu’Amina Sboui puise sa contestation.

Une conscience féministe

Dans son enfance, Amina Sboui se bat dans les cours de récréation. Elle est qualifiée d’insolente par ces professeures[25]. Elle fait l’expérience des contraintes que les jeunes filles se doivent de respecter et s’indigne de cette injonction constante qui accompagne un genre de discours : « Ne ris pas trop fort », « Ne souris pas trop », « Ne t’ébahis pas », « Ne parle pas trop », « Porte une jupe », « Mets des boucles d’oreilles ». Elle constate l’espace accordé aux hommes : « J’ai vite compris qu’il y avait des différences importantes entre moi et mes cousins […] je ne pouvais pas jouer aux mêmes jeux qu’eux, au ballon par exemple. Je n’avais pas le droit de grimper sur les toits ni sortir le soir »[26].

À partir de quatre ans, Amina est violée à plusieurs reprises par son voisin âgé d’une vingtaine d’années : « Je ne connaissais pas le nom du « jeu » qu’il me proposait et, à vrai dire, je ne me posais pas la question »[27].

À neuf ans, ses parents s’installent en Arabie Saoudite. Elle découvre alors la ségrégation spatiale et les contraintes à l’égard des femmes. À 11 ans, pendant la prière du vendredi, elle investit, en compagnie de ces voisines, la piscine réservée aux hommes[28]. Elles sont punies le soir même.

Adolescente, elle confie à sa mère les agressions sexuelles qu’elle a subies, mais celle-ci refuse de la croire. Elle se réfugie dans la littérature, comme le roman autobiographique de Nawal El-Saadawi, médecin psychiatre et féministe égyptienne[29] : « Avec des mots simples et justes, elle déculpabilisait ces femmes brisées qui atterrissaient dans son cabinet. Ça a été un vrai déclic pour moi »[30]. Amina cherche à transformer son fardeau en énergie de contestation politique.

En quête de rébellion

Amina se définit comme apolitique[31]. Mais dès le plus jeune âge, son intérêt pour la politique lui a été transmis par son grand-père, ancien député de l’ère Bourguiba[32]. Elle se politise et se passionne pour le débat. Elle rejoint des activistes luttant contre la dictature. Au départ, il s’agit de simples réunions au cours desquelles il est question des prisonniers politiques et de l’injustice sociale dans le pays. L’époque est pourtant marquée par un syndrome autoritaire et les régimes politiques successifs renforcent le système répressif de l’État[33]. La société civile tunisienne est verrouillée par « une mafia à la tête de l’État » : le clan des Ben Ali et la famille de son épouse[34]. En 2010, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux et dénoncent les richesses amassées par la famille du Président[35].

Lorsque les soulèvements de décembre 2010 et janvier 2011 surviennent, Amina Sboui est âgée de 16 ans. Elle fait partie de cette jeune génération de Tunisiennes qui s’y jettent corps et âme pour réclamer leurs droits, sociaux et politiques, et mettre fin à l’autoritarisme. Elle se joint aux manifestantes au sein de son lycée, dans le quartier de l’Ariana : « On s’est retrouvés dans un coin de la cour, déterminés à agir et à mettre le lycée en grève. Ça a commencé par des sifflets, des slogans qu’on lançait pour rassembler tout le monde […] au début, nous étions une dizaine à crier, à applaudir »[36].

Les jours se succèdent et malgré les pressions de l’établissement, les rangs grossissent. Des policiers en civil surveillent les lieux tandis que des étudiantes sont renvoyées par la direction. Un événement se produit le 7 janvier. L’un des lycéens exclus, Ayoub, s’immole dans le couloir du lycée[37] : « Ce "sacrifice" a créé un électrochoc chez les élèves encore réticents à entrer en grève et a renforcé notre détermination à nous, les meneurs »[38]. Le 11 janvier, Amina est arrêtée sur la place du rassemblement organisé par le principal syndicat de Tunisie, l’UGTT (l’Union générale tunisienne du travail). Elle est interrogée et violentée par les policiers[39]. Une constante semble ressortir dans les récits du parcours d’Amina.

Qu’elle soit dans le cadre familial, scolaire ou politique, Amina conteste ou défie l’autorité : à la maison, « j’avais une grande gueule » et à l’école, « on me sortait toujours de la classe ». Elle trouve le moyen de provoquer sinon de jauger le pouvoir de l’autorité (parents, enseignants, Etat). Elle se qualifie « d’impulsive », et se définit volontiers de « diable », tout en faisant preuve de réflexivité, « comment est-ce que j’ai l’idée de faire toutes ces bêtises ? ». En signalant être, à la fois, une « enfant intelligente » qui avait des bonnes notes, mais qui ne « s’assiéra jamais au premier rang », elle symbolise un double processus, agréger de la connaissance et se distancier de l’autorité.

L’« invention démocratique » : l’histoire d’une folie ?

Dans un moment d’enthousiasme, faire l’énonciation de sa souveraineté nécessite une certaine exagération. Le processus relève même d’une quasi tautologie : « mon corps mappartient »[40]. En langue arabe, et française, il y a un dédoublement du pronom : « mon » est accompagné d’un pronom à la forme élidée, « m’ ». Comme si « mon corps » pouvait ne pas « m’appartenir » [41] ? Une parole qui se dédouble, un langage sur lui-même, un « pli du parlé », c’est en quelque sorte de la folie[42].

À mesure qu’Amina revendique la dimension politique de son acte, son corps s’en trouve dépossédé. L’argument psychologique est d’abord relayé par les médias, au moment de sa disparition et de sa réapparition au mois de mars, lorsque ses parents dévoilent l’histoire d’une adolescente suivie par des psychologues, certificats médicaux à l’appui. Il s’agit de préparer la défense devant l’opinion publique et d’étouffer l’affaire au plus vite. Les photos publiées deviennent, ainsi, le simple geste de folie d’une adolescente perturbée. Lors de son passage à la télévision, le présentateur de l’émission Labes questionne Amina sur l’intérêt qu’elle porte aux protestations des Femen :

                   Amina :

                  J’ai aimé parce que c’est un message radical et c’est la première fois que je voyais des femmes nues sans que ça soit du porno […] dans le sens que ce n’est pas un message sexuel.

            […]

                  Amina :

                 Je ne suis pas la première Tunisienne à être nue, il y a des Tunisiennes dans les sites pornos, tu comprends, tu comprends bien sûr...

C’est d’abord la dimension radicale et la nouveauté du répertoire d’action qui attire Amina. Elle adhère ensuite à ce militantisme en raison d’une nudité qui se définit autrement. Amina indique que la nudité est présente sur Internet, dans la pornographie, en Tunisie sans choquer les gens. Le présentateur est d’abord gêné, il réfléchit et finalement refuse la comparaison. Il déplace le débat :

                 Présentateur :

                C’est commercial, c’est autre chose, un autre sujet. Pour toi, il n’y a pas d’autres méthodes pour faire passer ton message que cette méthode-là ?

                  Amina :

               Excuse-moi, mais, par exemple, si je mets ma photo [sur des sites pornos] et que j’écris mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de personne, est-ce que ça va faire le buzz comme ça l’a fait ? Ce n’est pas possible...

                  Présentateur :

                  Mais toi Amina, au final tu ne cherches pas à faire le buzz, mais…

                   Amina :

                   Quoi… ?

                  Présentateur :

                  Tu cherches à convaincre les gens avec un message ?

                   Amina :

                  Je veux que le message soit lu comme ça par tous les gens.

Une première distinction est opérée par le présentateur qui suggère une autre méthode, lorsque pour Amina le message et le support se confondent. Son corps est le message, le médium. Deuxièmement, Amina indique, à nouveau, la re-signification des seins nus en faisant une comparaison avec la pornographie. Elle donne un autre sens à la poitrine dénudée, une autre fonction que sexuelle. Amina opère une requalification au sens lagroyen, pour qui « de sociaux, ou culturels, ou religieux, et ainsi de suite, ils [les objectifs assignés] « deviennent » politiques, dans une sorte de reconversion des finalités qui leur sont assignées »[43]. La requalification d’Amina est niée, le droit est mobilisé à plusieurs reprises :

                   Présentateur :

                En Tunisie, c’est 6 mois de prison, ça s’appelle « atteinte aux bonnes mœurs » […] En Tunisie, on a des valeurs, des traditions.

                   Amina :

                   Non, non, non…

                   Présentateur :

                  Toi, aujourd’hui, tu as violé la loi […] En France, c’est interdit de faire ça, en France, c’est interdit de se mettre nu dans la rue. […] Peut-être que tu as pris ça à la légère, c’est une infraction, tu peux être emprisonnée.

                  Amina :

                  Là, c’est un peu dur pour qu’on puisse se mettre d’accord […] les femmes sont maltraitées en Tunisie. Partout dans le monde […] agressions sexuelles, harcèlements sexuels, les filles qui se font violer deviennent des coupables parce qu’elles portent un short trop court ou parce qu’elles sont dehors la nuit. Tout le temps, la femme est en tort, la femme ne peut pas être payée comme un homme, la femme ne peut pas travailler comme un homme […] On est encore à discuter de débats que normalement on a déjà débattus et refermés.

          […]

                Présentateur :

              Je reviens au droit, ce que tu as fait sur Facebook, le droit tunisien l’interdit. Excuse-moi, mais demain, si la police veut venir chez toi et t’arrêter, c’est 6 mois de prison dans le droit tunisien pour « atteinte à la pudeur ».

                Amina :

                Ça ne me dérange pas. Je sors de prison et je ferai d’autres activités par la suite.

                    [Silence]

                Amina :

                Vraiment, soit sûr [de ce que je dis]

                Présentateur :

                Tu n’as pas pensé à aller voir un psychologue, parce que tu serais peut-être stressée ou triste…

                 Amina :

                Sur Dieu, je suis allée.

Les arguments mobilisés pour ramener Amina à la raison sont nombreux : la tradition, le droit, l’universalité d’une pratique condamnée partout, l’utilisation classique de la culpabilité, elle serait responsable, par son geste, de la délégitimation des féministes et des activités féministes. Mais une simple phrase provoque la rupture. La politisation grandit tant, que cela déclenche le mécanisme ultime de la dépolitisation : la folie. Ayant énoncé tous ces arguments, le présentateur trace la frontière entre raison et déraison. Selon Michel Foucault, la folie c'est justement le « langage exclu »[44].

En affirmant « ça ne me dérange pas d’aller en prison », en sombrant dans un anéantissement de soi, c’est tout le dispositif coercitif qu’Amina Sboui neutralise. Dans cette phrase réside la transgression, que le corps a engendrée, et que les mots ne font que prolonger, à savoir, le rejet des règles du jeu, tout en restant dans le jeu[45].

Amina souhaite discuter de cette requalification que le présentateur ignore. Elle persiste en listant les violences à l’égard des femmes.  Finalement, Amina prend acte que le dialogue devient compliqué avec le présentateur : « c’est un peu dur pour qu’on puisse se mettre d’accord ». En (se) requalifiant, le corps provoque la mésentente.

La Mésentente

Ce grandissement du corps est suivi ou emmené par le conflit. Le processus de politisation se poursuit. Le corps individuel se jette dans le corps social, ou l’inverse. Il est difficile de trancher tant le corps est un liant entre le crépitement de la manifestation du corps et le bourdonnement de l’Evènement révolutionnaire. Le corps est clivé, clivant, débattu et détourné. Le corps devient le lieu du débat, les interprétations se multiplient et s’opposent. Les clivages traditionnels se reproduisent, voire se renforcent. Pourtant, dans la Mésentente, il faut quelque chose qui relève de l’invention politique[46].

Protestations dans l’espace physique

Le contexte révolutionnaire tunisien est à la libération et à la circulation de toutes les opinions. La sphère politique cherche à se recomposer au lendemain du 14 janvier 2011[47]. La Troïka, un gouvernement de coalition, est composée de diverses tendances politiques. L’Assemblée nationale constituante (ANC), chargée de rédiger la nouvelle constitution, élue depuis 2011, s’éternise et des nœuds se cristallisent[48]. Par exemple, les débats sur l’article 28 de la future constitution qui stipule la complémentarité entre femmes et hommes plutôt que l’égalité, provoque la polémique[49]. L’assassinat de deux leaders politiques (Chokri Belaïd, le 6 févier et Mohamed Brahmi le 25 juillet) témoigne du climat de tension au premier semestre de l’année 2013.

Au mois de mai, une confusion s’instaure quant à l’organisation du congrès annuel d’Ansar Al-Charia, l’organisation salafiste montante depuis le début de la transition politique en Tunisie[50]. La page Facebook de l’organisation affirmait que l’événement aurait bien lieu, tandis que le ministère de l’Intérieur déclarait son interdiction. Le 19 mai, Amina décide de se rendre à Kairouan où se déroule le congrès[51]. La ville est encerclée par les forces de l’ordre et les contrôles se multiplient. Amina, accompagnée de deux journalistes, prévoit de déployer une banderole sur laquelle est écrit « la Tunisie est un état civil, ses femmes sont libres »[52]. Elle décide d’agir autrement :

                           « Aux alentours de la mosquée, je suis passée inaperçue avec mon foulard sur la tête. Mais au bout d’un moment – était-ce l’atmosphère si particulière, la présence policière, la nuée de photographes, de caméras… les quelques intégristes qui arrivaient ? ou juste une provocation gratuite, irraisonnée ? –, j’ai eu envie de signaler ma présence. J’ai enlevé le foulard et mes lunettes de soleil, et j’ai tagué FEMEN sur le mur du cimetière, juste à côté de la grande mosquée... »[53].

Des citoyens s’interposent, Amina est arrêtée par des policiers et emmenée au commissariat. Elle reste en détention en raison de la présence d’une bombe lacrymogène dans son sac.

À l’extérieur, des avocat.e.s des droits de l’homme et des associations féministes prennent sa défense : Souheib Bahri, Mokhtar Jannen, et Hayet Jazzar, laquelle est envoyée par l’ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates). Elle reçoit également la visite et l’appui de plusieurs avocates et féministes : Bochra Belhaj Hmida, Radhia Nasraoui, Leila Ben Debba et Henda Chennaoui. Si un comité de soutien se constitue, la mobilisation reste limitée à un cercle restreint de militantes[54].

Le 30 mai, Amina doit être présentée devant le juge, mais un événement se produit la vieille, perturbant le déroulement de l’histoire. Trois militantes Femen – deux Françaises et une Allemande – se rendent en Tunisie. Mercredi 29 mai, en fin de matinée, les trois activistes descendent d’un taxi, rue « Bab Bnât » (Porte des filles), et se dirigent vers le Palais de justice de Tunis. Des journalistes sont sur place, prévenues par les militantes Femen[55]. Les activistes retirent leur manteaux et protestent seins nus devant les grilles du Palais, elles demandent la libération d’Amina[56]. La couverture médiatique va s’intensifier, le corps provoque, à nouveau, le conflit[57].

Réactions paroxystiques dans « l’espace public » 

Islamisme et contre islamisme

Le lendemain, jeudi 30 mai, Amina est conduite devant le juge : « Des policiers encerclaient tout le tribunal car des islamistes étaient venus pour manifester contre moi »[58]. La réaction d’acteurs islamistes n’est pas inédite. Dès la publication des photographies d’Amina, les menaces se sont multipliées à son égard. À son procès, plusieurs associations islamistes sont représentées par des avocats qui requièrent l’ajout d’un autre chef d’accusation, suite à l’intervention des militantes Femen. Aux côtés d’Amina, se trouve plusieurs avocats réclamant à l’inverse, sa libération et son droit à s’exprimer[59].

Les comités de soutien se constituent autour d’Amina au nom de la liberté d’expression – sinon de la liberté tout court. Le monde artistique lui rend hommage lors du forum d’art AnouARTounès du 8 au 22 juin. Ainsi, trois hommes écrivent sur leur torse « Free Amina », « Break Feed Revolution » et défilent dans les rues. Parmi eux, l’artiste Mahmoud Chalbi (Alias Mach)[60].

Le mouvement des Femen se manifeste au niveau international, les militantes avaient déjà mobilisé lors du Topless Jihad Day « contre l’islamisme » et en soutien à Amina[61]. A l’inverse des Tunisiennes dénoncent le message de Femen et son ingérence en Tunisie par une campagne « mère du sefsari ». Elles célèbrent leur attachement à « l’authenticité de la femme tunisienne » en portant le long voile blanc traditionnel tunisien (Al-Fajr, 16/04/13).

Le corps d’Amina devient davantage métonymique lors d’un rassemblement de soutien au syndicat des journalistes, au nom de la liberté d’expression. Ceci provoque des distensions parmi les journalistes. Une contre-mobilisation s’organise devant le siège du syndicat. Al Fajr rapporte cet événement et accuse la présidente : « le syndicat de Najiba Hamrouni prend en charge la défense des filles Femen » (Al-Fajr, 05/07/13). A l’inverse, le journal de tendance de gauche, Al-Maghreb, titre « les seins nus défient le gouvernement d’Ennahda » (Al-Maghreb, 31/05/13). Ce corps est perçu comme une « arme » contre l’islamisme, de part et d’autre.

Révolution et restauration

Dans le journal de tendance islamiste, Al Fajr, ce corps nu relève de l’« obscénité » (faḫaš) et est interprété dans le même sens, à savoir un outil destiné à combattre l’islamisme. : « La culture de la nudité a commencé au début des années 1990 dans le cadre d’une confrontation générale contre les islamistes. Cette culture a commencé avec les intellectuels et les cinéastes de Ben Ali qui sont actuellement à la tête de la contre-révolution » (al-ṯaūra al-mūḍāda), (Al-Fajr, 05/04/13)[62].

Ce corps nu symbolise la marchandisation du corps des femmes que le cinéma de l’ancien régime a favorisé au détriment de sa participation à l’indépendance de la Tunisie : « la Tunisienne a été humiliée et dépossédée de son histoire dans la lutte nationale » (Al-Fajr, 05/04/13). La nudité fait référence, non pas à la « dignité » des femmes seulement, mais bien à l’ensemble du corps social « humilié » par l’ancien régime. Le corps des femmes devient garant de l’histoire légitime que le processus révolutionnaire à réenclenché. Cette nudité signalerait ainsi le retour de l’ancien régime et des tentatives de contre-révolution.

Dans son éditorial, le rédacteur en chef du journal Al-Maghreb, renverse l’argumentation et considère que l’emprisonnement ou la condamnation des activistes Femen est aussi un retour vers la dictature : « il faut que les personnes qui sont au pouvoir n’oublient pas combien ils ont souffert à cause du non-respect des droits de l’homme. Il faut qu’ils sachent que toute attaque contre les droits de l’homme - quelle qu’en soit l’excuse – n’est qu’un début vers la dictature et une atteinte à l’égard des droits du pays et des êtres » (Al-Maghreb, 14/06/13). Le corps est investi par les clivages traditionnels, et il devient un lieu de lecture du monde pour les acteurs politiques.

Corps heuristique, corps alibi

Les commentateurs exploitent la dimension heuristique du corps. Il devient symptôme de tel ou tel phénome[63]. Le père d’Amina l’interprète, en ce sens, lors d’une conférence de presse. Il dénonce une jeunesse à l’abandon et un « tissu social en échec » (namaṭ mûğtām’ fašl). Il qualifie sa fille de « victime » et la compare à ces jeunes gens qui vont s’engager dans « le djihad en Syrie » (Al-Chourouk, 25/05/13). Un avocat accentue le trait et déclare que le résultat de l’extrémisme c’est l’extrémisme (Al Maghreb, 31/05/13). L’auteur qualifie l’incident des Femen d’inacceptable, mais considère qu’il s’agit de la réaction d’un extrême à un autre, à savoir une réaction face à l’« extrémisme religieux » (taṭarūf dīnī).

Les extrêmes sont mis en miroir et s’auto-alimentent. Les corps genrés éclairent la situation politique actuelle. Un autre corps fait justement polémique au même moment : l’incident autour de l’interdiction du niqab à l’université de Sousse[64]. Al-Chourouk interroge ces corps qui perdent la raison. L’article s’étend sur le « lavage de cerveau » (ġasal damāġ) des jeunes par les idéologies : « Du niqab au Femen. Nos élèves sont menacées de schizophrénie » (Al-Chourouk, 14/04/13). Ces corps perdent la raison en se dédoublant en quelque sorte. Ces deux corps antagonistes, mobilisés dans le cadre d’une vision politique ou de sa critique, deviennent alors des « objets politiques », mais des objets de-subjectivés.

La médiatisation, en accentuant le phénomène, renforce le corps-objet. C’est ce qui apparaît dans les réactions des internautes sur le réseau social Facebook que la presse relaye. Le journal Al-Chourouk rapporte qu’un « activiste de gauche » considère que « le vrai objectif de cette ‘‘scène débile’’ (‘ard ṣāġif), c’est de détourner l’attention des vraies affaires » (Al-Chourouk, 30/05/13). Le corps est un alibi. Le corps n’est plus politique, tout en l’étant, puisqu’il est au service d’une cause secondaire. Le corps peine à se défaire du lien entre le sens que l’individu lui donne et les intentions dont il est chargé politiquement.

Le corps à corps judiciaire

Le 30 mai, Amina est condamnée à 300 dinars (150 euros) d’amende pour le port d’une bombe lacrymogène. Elle est relaxée pour les autres chefs d’accusation, suite à l’action des autres militantes Femen : « profanation de cimetière », « atteinte aux bonnes mœurs » et « association de malfaiteurs ». Les trois militantes européennes sont condamnées pour « atteinte à la pudeur » (article 226 du Code pénal) passible de six mois de prison ferme et « atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique » (art. 226 bis) passible de six mois de prison ferme[65]. Á la gestion politique et médiatique s’ajoute le traitement judiciaire. Le passage à la sphère judiciaire signale une décharge du politique vers le juge.

Trois éléments sont nécessaires pour constater une « atteinte à la pudeur » : moral, légal et matériel[66]. Autrement dit, il faut l’existence d’un acte physique, que cela rentre dans le cadre public, et que l’acte commis soit « indécent » ou sape la « modestie ». Or, ce qui fait débat parmi les juristes tunisiens porte sur la preuve de « l’intentionnalité »[67]. Comment prouver que les accusées ont pour intentionnalité (et finalité) le déclenchement de l’embarras du public, plus encore, comment définir de manière univoque l’embarras suscité chez un public culturellement, socialement et politiquement hétérogène ?

Tout au long des procès, la défense des militantes porte sur la dimension protestataire de cette nudité, à savoir le sens. L’action est d’abord destinée à défendre Amina Sboui suite à son arrestation et à sa détention. Les militantes ont « nié vouloir dans leur intention provoquer les sentiments (ressentiments) chez les Tunisiennes et elles ont affirmé à ce propos que manifester seins nus est l’expression d’une protestation » (As-sabah, 22/06/13). Les débats, au tribunal, se cristallisent donc sur les motivations.

Le juge se préoccupe de la notion de « l’intentionnalité », et va se baser sur le choix du lieu de l’action et la planification de l’opération du 29 mai. La justice signale dans son jugement que :

                  « Les accusées ont fait acte de nudité devant le symbole de la justice de Tunisie et ne correspond pas à l’innocence, à la spontanéité et à la liberté d’expression. Le lieu a été choisi pour son symbolisme et sa sacralité […] ce qui en fait une démarche, basée sur une approche spécifique destinée à offenser le symbole de la justice, insulter la morale et la moralité publique, ce qui rend clair l’angle de l’intentionnalité » (Assabah, 21/06/13).

Ainsi, les militantes ont prémédité l’acte, en ayant l’intention d’offenser la justice, lorsque les principales concernées affirment qu’il s’agissait d’attirer l’attention sur l’emprisonnement d’Amina. Le corps se retrouve dans un « lieu » où la question du sens est, a priori, évacuée ou ne compte pas. La nudité politique n’existe pas en droit, la nudité étant naturalisé dans le corpus juridique[68]. C’est précisément parce que ce corps, en cours de requalification, est incompté qu’il y a « Mésentente » ; autrement dit, ce que les militantes « présupposent ne l’est pas »[69].

Et, c’est bien pour cette raison que tout processus de politisation et de requalification nécessite un « intense travail de légitimation ou de justification »[70]. Pour neutraliser la requalification, le corpus juridique étant insuffisant, le juge mobilise son propre corps. En considérant que « l’offense » à l’égard du symbole de la justice est la preuve de l’intentionnalité, le glissement signale un dédoublement : le juge se déclare juge et partie. En impliquant son propre corps dans l’affaire, en étant à la fois à l’extérieur et à l’intérieur, le juge est, en quelque sorte, aussi, en situation de folie.

Conclusion

Le corps politique, se (re)constitue en requalifiant l’autorité. C’est ce qui permet de pouvoir autant confondre ces deux corps, Amina et le corps révolutionnaire. Les deux ont explicitement remis en question la légitimité en cours en interrogeant : qui fait autorité sur ce corps ? La perturbation, ou la transgression, qui émane du dédoublement, sortir mon corps d’un premier corps, rend compte du processus politique qui est à l’œuvre : « séparer une condition d’elle-même », interrompant l’ordre établi[71].

C’est aussi le message de la protestation « Manich labssetha » (« je ne la porterai pas ») de lycéennes de Bizerte qui refusent, en décembre 2017, de porter le tablier scolaire imposé aux jeunes filles seulement. Parmi les initiatrices du mouvement, Siwar Tebourbi, 18 ans, formule aussi une requalification, non pas d’un corps au sens biologique, mais bien du traitement (éminemment politique) du corps.

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Notes

[1] Lemieux, C. (2007), « À quoi sert l’analyse des controverses ? », in Mil neuf cent, n° 25, Paris, Société d’études soréliennes, p. 191-212. La controverse est « une occasion pour les acteurs sociaux de remettre en question certains rapports de force et certaines croyances jusqu’alors institués, de redistribuer entre eux « grandeurs » et positions de pouvoir, et d’inventer de nouveaux dispositifs organisationnels et techniques appelés à contraindre différemment leurs futures relations », p. 192.

[2] Boltanski, L., Darré, Y., Schiltz, M.-A. (1984), « La dénonciation », in Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 51, mars, p. 3-40. Les auteures de la dénonciation prennent justement le contrepied de la distinction entre l'action individuelle et l'action collective dans la sociologie et l'histoire sociale, lesquelles « rejettent hors de leur univers de compétence les manifestations de révolte ou les doléances dont les auteurs agissent seuls et sans que l'on puisse rattacher leur action à une série présentant des caractères répétitifs ou encore les relier à des régularités économiques », p. 4.

[3] Lamoureux, D. (2007), « Corps politique », Dictionnaire du corps, Marzano, M. (dir.), Paris, PUF, p. 248-252.

[4] Kantorowicz, Ernst, (1989), [1957], Les deux corps du Roi, Paris, Gallimard.

[5] En décembre 2010, Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant de 26 ans est contrôlé et violenté car il refuse de payer un bakchich. Il est emmené au commissariat et son matériel de travail est confisqué. Il s’immole par le feu le 17 décembre. Les Tunisiennes de sa région, Sidi Bouzid, manifestent dans les rues et sont progressivement rejoints par les grandes zones urbaines du pays. Le Président Ben Ali fuyant, le soulèvement se propage à l’ensemble des pays arabes.

[6] Kréfa, A. (2016), « Les rapports de genre au cœur de la révolution », in Pouvoirs, n° 156, Paris, Seuil, p. 119-136.

[7] Leca, J. (1973), « Le repérage du politique », Projet, n° 71, p. 11-17.

[8] Leca, J., Duchesne, S., Haegel, F. (2001), « Entretien avec Jean Leca : le politique comme fondation », Espaces Temps, p. 31.

[9] A la suite du viol et du meurtre de Thangjam Manorama par des militaires, en 2004.

[10] Ackerman, G. (2013), Femen, Paris, éd. Calman Levy.

[11] Sboui, A., Gloria, C. (2014), « Mon corps m’appartient », Paris, éd. Plon, p. 16.

[12] Entretien Amina Sboui, 10/05/2018, Tunis.

[13] Au même moment, le mouvement, basé à Kiev et Paris, évolue vers une dynamique internationale.

[14] Entretien Amina Sboui, 10/05/2018, Tunis.

[15] Sboui, op.cit., p. 21.

[16] Ibid., p. 22.

[17] Entretien Amina Sboui, 10/05/2018, Tunis.

[18] Jasadî melkî, layssa šaraf ḥad.

[19]Les deux photographies sont disponibles sur RFI Afrique, 30/05/13, (http://www.rfi.fr/afrique/20130530-tunisie-amina-militante-femen-reste-prison)

[20] Sboui, op.cit., p. 15 à 38.

[21] L’émission est disponible (https://www.youtube.com/watch?v=6017GVoquPQ).

[22] Avant 2012, celle-ci se nommait « Association de la promotion de la vertu et de la prévention du vice ».

[23] Al-Arabiya English, 23/03/13, (http://english.alarabiya.net/en/2013/03/23/-Quarantine-her-Top-Tunisian-Islamist-says-topless-girl-needs-stoning.html).

[24] Sboui, op.cit., p. 32.

[25] Sboui, op.cit., p. 43.

[26] Ibid., p. 41 à 48.

[27] Viol dont elle est presque obligée de parler sur le plateau de télévision de El-hiwar Ettounsi, le 02/10/16 (https://www.youtube.com/watch?v=j3DmrfnfbBM).

[28] Entretien Amina Sboui, 10/05/2018, Tunis.

[29] Memoirs of a woman doctor, (1958) et Femmes égyptiennes : tradition et modernité, (1991).

[30] Sboui, op.cit., p. 52.

[31] Entretien Amina Sboui, 10/05/2018, Tunis.

[32] Habib Bourguiba, président de la République de 1957 à 1987.

[33] Camau M., Geisser, V. (2003), Le syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Paris, Presses de Sciences Po.

[34] Dakhlia, J. (2011), Tunisie, le pays sans bruit, Paris, Actes Sud.

[35] Début décembre 2011, la presse publie un télégramme diplomatique américain, dévoilé par Wikileaks, qui décrit la corruption du régime et du clan des Ben Ali. « Wikileaks : Corruption en Tunisie, ce qui est à vous est à moi » (Le Monde, 15/01/2011).

[36] Sboui, op.cit., p. 77.

[37]Cette immolation est également rapportée dans le magazine Le Point, 20/01/2011 (http://www.lepoint.fr/monde/tunisie-an-1-20-01-2011-130556_24.php)

[38] Sboui, op.cit., p. 81.

[39] Ibid., p. 84.

[40] « Jasadî melikî ».

[41] Cela montre le lien essentiel entre « Gouvernement, idée et langage ».

[42] Foucault, M. (1994), « La folie, c’est l’absence d’œuvre », Texte n°25, Dits et écrits, 1954-1969, Tome 1, Gallimard, p.417.

[43] Lagroye, J. (2003), « Le processus de politisation », La politisation, Paris, éd. Belin, p. 367.

[44] Foucault, ibid, p. 417.

[45] Le philosophe grec Socrate (Vᵉ siècle av. J.-C.) se présente à la justice alors qu’il est condamné à mort, il refuse de fuir. Il accepte la sentence car la dernière façon de pouvoir dire (de rester fidèle à) sa vérité, c’est de montrer qu’elle n’a de fin que face à l’exercice de la violence qui, elle, s’expose au grand jour. Mohammed Bouazizi s’est immolé devant la violence qu’il a subie, un symbole de l’Etat : la préfecture.

[46] Rancière, J. (1995), La mésentente, Paris, éd. Galilée.

[47] Jour de fuite vers l’Arabie Saoudite de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali.

[48] Ennadha (dirigé par Rached Gannouchi), parti politique issu du courant de l’islam politique est arrivé en tête (37% des sièges).

[49] Charrad Mounira, Zarruhg Amina (2014), « Equal or complementary ? Women in the new Tunisian Constitution after the Arab Spring », in Khalil A., (Dir.), Gender, Women and the Arab Spring, New-York, Routeldge.

[50] Voir l’entretien de Fabio Merone, « Salafisme in Tunisia : an Interview with a Member of Ansar al-Sharia », 11/04/2013, Jadaliyya, en ligne. (http://www.jadaliyya.com/Details/28428/Salafism-in-Tunisia-An-Interview-with-a Member-of-Ansar-al-Sharia)

[51] Entretien Amina Sboui, Tunis, 10/05/2018.

[52] Entretien Amina Sboui, 10/05/2018, Tunis.

[53] Sboui, op.cit., p. 120.

[54] Entretien, Henda Chennaoui, militante féministe, 03/06/18, Tunis.

[55] Entretien, Lilia Blaise, journaliste, 21/10/2017, Tunis.

[56] Entretien Marguerite Stern, militante, 22/04/2018, Marseille.

[57] L’analyse de la couverture médiatique et sa dimension transnationale (France/Tunisie) fera l’objet d’un article ultérieur. Le corpus de presse mobilisé ici, dans une dimension qualitative, a été constitué à partir de quatre sources : les deux principaux quotidiens arabophones Al-Chourouk et As-sabah, ainsi que le journal de tendance islamiste Al-Fajr et enfin le journal de « gauche intellectuelle » Al-Maghreb.

[58] Sboui, op.cit., p. 140.

[59] Entretien Hayet Jazzar, avocate ATFD, 02/06/2018, Tunis.

[60] https://www.takriz.org/2017/12/31/les-20-ans-des-revoltes-par-mahmoud-chalbi/

[61]De Paris à Berlin, les actions des Femen pour la journée du « djihad topless », jolpress.com, 04/04/13, (http://www.jolpress.com/femen-amina-tyler-djihad-topless-seins-nus-article-818618.html).

[62] La dénonciation de l’usage des thématiques sexuelles par le pouvoir autoritaire pour distraire le peuple est explicite dans le film Tunis by night, (2017).

[63] Fraisse, G. (2014), Les excès du genre : concept, image, nudité, éd. Lignes, p. 66.

[64] Le Pape, Loïc, « Le choix du port du niqab dans les universités tunisiennes », 25/05/13. (https://politicsofreligion.hypotheses.org/627)

[65] Elles sont d’abord condamnées à 4 mois et un jour de prison ferme en première instance, condamnation transformée en sursis en appel en juin 2013.

[66] Cour de cassation de Tunisie, arrêt 288 du 18 août 1976.

[67] Entretien, Halim Meddeb, avocat, 17/05/2018, Tunis.

[68] Également en France où plusieurs militantes ont été condamnées pour « exhibition sexuelle ». Les procédures judiciaires sont toujours en cours.

[69] Rancière, op.cit., p. 82.

[70] Lagroye, op.cit., p. 371.

[71] Rancière, op.cit., p. 188.

 

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