Revue EchoGéo, n° 44, avril /juin 2018


Insaniyat N°85-86 | 2019 |Les graffiti en Afrique du Nord : les voix de l'underground| p. 217-221 | Texte intégral



Revue EchoGéo, n° 44, avril /juin 2018

La revue EchoGéo se penche sur la thématique du Street art dans son numéro 44/2018 en se donnant pour objectif d’examiner cette pratique artistique comme une nouvelle dynamique de mutation urbaine et un vecteur de promotion touristique. Les articles contenus dans le dossier thématique Sur le champ dirigé par S. Jacquot, C. Kullmann et P. Guinard, sont le fruit d’une série d’enquêtes et d’entretiens avec différents acteurs de l’espace public dans quelques métropoles européennes. Ce dossier se propose d’interroger les articulations entre le street art et l’espace urbain. Pour ce faire, les différents contributeurs à ce numéro, ont abordé, à partir de cette forme d’art typiquement urbain, des thèmes sur la ville, la mise en patrimoine et les politiques urbaines. Ce thème central est enrichi par la rubrique Sur le métier qui se penche sur les métiers de la territorialisation du street art.

Dans sa contribution intitulée « Les espaces du graffiti dans les capitales touristiques : l’exemple de Paris et Berlin », Julie Vaslin met en exergue le dynamisme culturel et touristique axé sur le street art à Paris et Berlin. Deux grandes capitales européennes qui se montrent aussi semblables que concurrentes malgré le retard enregistré par la première par rapport à la seconde, en la matière. Dans les deux villes, il y a répression et promotion du graffiti. S’appuyant sur la sociologie de l’action publique, l’enquête montre le processus par lequel, les autorités effacent ou promeuvent les graffiti en tant que street art, autrement dit, comme répondant ou non à leurs politiques d’esthétisation de l’espace public. Le constat en est que le street art intervient, essentiellement, dans des espaces périphériques mais tout en gardant, parfois, son caractère éphémère, notamment dans des sites destinés à être détruits pour rénovation.

Clotilde Kulmann revient dans sa contribution, intitulée « Temporalité du street art et image des territoires en mutation, Production et valorisation du street art dans la Zone d’Aménagement Concerté Paris Rive Gauche » sur le rôle que joue le street art dans une démarche attractive visant à tirer les Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) à Paris Rive gauche de leur isolement et les ancrer symboliquement dans Paris. Elle s’intéresse aussi à la manière par laquelle le street art s’alimente des caractéristiques des territoires en mutation urbaine pour en nourrir l’image et l’attractivité. Mais le street art, constate-t-elle, glisse graduellement de l’éphémère au pérenne grâce au nouveau contexte, à savoir la diminution considérable des endroits en mutation et l’évanouissement de leur caractère surprenant avec le temps. La patrimonialisation des supports architecturaux en est donc devenue une finalité.

Christine Salomone adopte, dans sa contribution intitulée « Le street art à Naples, entre pratiques informelles et instrumentalisation de l’art urbain : discours et stratégies d’acteurs », une approche pratique du street art en s’appuyant sur des enquêtes de terrain couronnées par des entretiens avec les acteurs opérant à Naples. Cette ville italienne qu’elle qualifie d’industrialisée du sud pauvre, ne manque pas de patrimoine culturel qui lui est propre et distinct. Elle voit naître une activité intense du street art tant contestataire que culturelle. Elle constate qu’à l’opposé de beaucoup de métropoles européennes où le street art est institutionnalisé, à Naples, il mobilise les acteurs sociaux et vise l’appropriation de l’espace public et la libération de la ville en se faisant reconnaître tant par sa valeur esthétique que par sa légitimité sociale. 

La contribution d’Alexandre Grondeau et Flourance Pondaveu, intitulée « Le street art, outil de valorisation territoriale et touristique : L’exemple de la Galeria de Arte Urbana de Lisbonne », trace tout d’abord l’histoire de la pratique artistique dans l’espace public au Portugal en se focalisant sur le centre historique où a été créée la Galeria de Arte Urbana en sa qualité de patrimoine culturel mondial recensé par l’UNESCO. La culture est considérée comme levier de développement urbain à Lisbonne, révèle l’enquête, d’où un intérêt particulier à réhabiliter ce centre historique par la création de la Galeria de Arte Urbana en 2008. L’attention est portée aux rapports éventuels avec une logique spatiale et sociodémographique qui justifierait l’implantation de ces fresques. L’étude montre que les fresques de la Galeria se concentrent au sein de Fregesias, un endroit marqué par un niveau de vie et d’instruction élevé. Quant aux périphéries, le réaménagement des friches urbaines vise l’inclusion sociale. L’accent dans cette contribution est mis sur le financement de la Galeria et la réception de cette œuvre monumentale par les street artistes et les graffeurs locaux, dont une partie en dénonce les conditions d’institutionnalisation qu’ils voient contradictoires avec la vocation même du street art, la libre pensée.

La contribution de Sophie Blanchard et Romain Talamoni, intitulée « Street art et mise en tourisme de la métropole parisienne, des festivals aux street art tours » se veut réflexive en interrogeant les liens entre les artistes, le public et les transformations de la métropole. L’accent est mis sur l’évolution du street art dans la métropole parisienne à partir de 2014, notamment dans des endroits ayant connu des projets de renouvellement urbain d’envergure. La démarche vise à intégrer un public jeune issu de classes populaires dans la programmation culturelle de la ville.

L’attention est portée sur le sreet art tours, un acte qui consiste en la programmation de visites touristiques aux quartiers périphériques gentrifiés dans la cadre de la banlieue créative, notamment à l’occasion de l’Euro 2016. L’enquête révèle le processus de domestication du Hip-hop et son intégration en marketing urbain banlieusard, mais le constat en est que cette démarche est mal perçue tant par les artistes qui s’en trouvent écartés que par les habitants qui y voient une incursion dans leur intimité. Les street art tours proposent donc un tourisme hors sentiers battus et ciblent des jeunes banlieusards, tandis que les festivals visent à attirer un public de connaisseurs, révèle l’étude.

Aude Le Gallou examine dans sa contribution intitulée « Le street art entre valorisation informelle du territoire et logiques d’institutionnalisation ; Le cas du projet des Oides à Saint-Nazaire », les dynamiques du street art et le rôle prépondérant que jouent les pratiques artistiques off dans les rapports des usagers à la ville. En analysant le cas du projet des Oides à Saint-Nazaire, il relève le paradoxe qui touche à la conformité à la norme et met en évidence les difficultés inhérentes à la légitimation et l’institutionnalisation malgré la tolérance. 

La contribution de Léa Sallenave, intitulée « Déjouer la ville créative ; Façonnements urbains autour du Grenoble street art Fest’ et du graffiti grenoblois », projette la lumière sur le street art Fest’ à Grenoble.  Ce festival de grande envergure se veut harmonieux aussi bien avec l’histoire de la ville qu’avec sa composition sociale et sa situation financière. La co-construction des projets citadins avec les citoyens en est l’objectif. L’intervalle est ainsi ouvert au in comme au off et l’appel est fait aux graffeurs afin que les façades soient égayées à moindres frais. La cohésion sociale en est aussi un objectif par la mise en place de stratégies de visibilité à partir de tous les axes de circulation. Elles consistent à faire des citoyens eux-mêmes des touristes découvrant leur propre ville. Mais cette ouverture sur le off semble ne pas faire l’unanimité, des critiques réprobatrices lui sont réservées quant à sa valeur esthétique et culturelle. Entre valorisations et critiques, Grenoble garde toujours un rapport affectif entre elle et ses graffeurs, une affection que la répression et la surveillance n’ont pas pu atténuer. Ces graffeurs maintiennent, malgré les critiques et le rejet institutionnel, leur emprise sur l’espace urbain grenoblois en le façonnant à leur manière.

La contribution de Constance Ananos, intitulée « Les magasins généraux : de spot à vandales à spot publicitaire », esquisse le processus par lequel le graffiti et le street art, en tant que culture du off, sont passés au in après une phase d’hybridation entre le in et le off. Le cas d’illustration en est le bâtiment des magasins généraux sis à Pantin à l’Est de Paris. L’auteure revient tout d’abord sur l’historique du bâtiment qui est devenu, au fil des temps, une friche urbaine, et par conséquent, propice à ce genre d’activité culturelle. Et vite fait, le lieu est investi par des groupes de graffeurs qui y voient un terrain de prédilection. L’équation alors du off dans un lieu off est bien établie. Les évènements s’accélèrent et le bâtiment est inscrit désormais, grâce à son emplacement, dans une optique de renouvellement urbain. Dès lors, des œuvres sur commande y sont réalisées et deviennent même marchandes. On assiste donc à une hybridation du in et du off grâce à la réhabilitation du bâtiment. Suite à une transaction, l’entreprise de publicité BETC Paris loue le bâtiment et s’y installe. Du coup, la pratique du street art est devenue in. Les façades des magasins généraux sont ornées d’œuvres monumentales avec, en outre, des spots publicitaires qui attirent touristes et consommateurs quotidiennement. 

Damien Darcis fait le point dans de sa contribution, intitulée « Des images qui dénoncent; Dans la jungle de Calais, Bansky et les cœurs en carton », sur l’attention particulière que porte les représentants de l’ordre au street art alors qu’une partie de ce street art les rejette et met à nu leur politique. En analysant certains cas concrets tels que les œuvres de Calais de et de Tannerie, l’auteur montre comment des responsables connus par leur farouche opposition aux migrants, valorisent voire même institutionnalisent des œuvres qui dénoncent leur orientation, surtout lorsqu’elles sont réalisées par des artistes célèbres tels que Bansky. Tandis que les œuvres réalisées par des anonymes sont délibérément effacées. Il s’agit donc d’une démarche d’institutionnalisation sélective qui trace une certaine frontière entre ce que l’acteur appelle art et non art ou vandalisme.

En projetant l’approche de l’art développée par Jacques Rancière sur la situation des migrants à Calais, l’auteur se focalise sur la notion du partage hiérarchisé des places, des rôles et des fonctions par les individus. Il montre comment ces migrants ont été astreints à un espace qualifié de jungle (le ghuto) par la fabrique d’une image qui justifie leur exclusion. En illustrant la situation par certaines œuvres de Bansky dont une montrant Steve Jobs est réalisée à l’entrée de cette jungle, l’auteur montre comment l’œuvre s’est faite authentifiée aussi bien de par sa valeur esthétique que de par sa symbolisation du potentiel qui existerait chez ces mêmes migrants et qu’incarne Steve Jobs, issu de l’émigration, mais symbole de la puissance économique des états unis.

Youcef TEKOUK

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