Nassima DRIS (dir.), (2016), Espace(s) public(s) en Méditerranée. Mobilisations, médiations et citoyenneté. Les Cahiers d’EMAM, (2e éd., 28). Alger : Editions Houma, 69 p.


Insaniyat N°90 | 2020 |Participation citoyenne aux projets de développement |p. - | Texte intégral


 


Cette livraison des Cahiers de l’EMAM, coordonnée par Nassima Dris, aborde le thème de « l’espace public dans son interférence avec les mouvements sociaux en vue de repenser cet espace à l’aune des transformations sociales contemporaines » (p. 7-17). Elle expose les arguments et objectifs afin de saisir le concept étudié compte tenu des ambiguïtés qu’il recouvre, les problématiques nombreuses et la complexité des rapports sociaux qui s’y déploient. Limitée à la région méditerranéenne, la question de l’espace public se diversifie en fonction des contextes culturel et politique développés ici à travers 8 contributions dont 5 explorent la situation des sociétés majoritairement arabes. La présence féminine, dans ce milieu traditionnellement réservé aux hommes, apparaît alors au centre des observations de l’émergence de nouveaux comportements. La problématique fluctue avec les angles de vue et les approches où se distinguent « le fait politique » et les « réalités socio-anthropologiques singulières ». Globalement, interroger de nouveau l’espace public, est une posture qui en analyse les évolutions à l’interface de celles des modes de communication, des points de vue urbanistique, philosophique et social. Notamment, le renouveau des pratiques de l’espace public en lien avec ses multiples usages, invoque le concept d’intérêt commun dans les formes d’expression de la communication, l’appropriation et les représentations.

S’agissant des femmes en rapport à l’espace public, deux situations extrêmes retiennent l’attention : l’une, rapportée par Hasna Hussein se distingue par son originalité montrant comment elles se sont emparées de la télévision pour débattre de sujets sensibles quelquefois tabous. L’autre, décrite par Brahim Benlakhlef et Pierre Bergel, où à aucun moment, la femme n’y est évoquée. Dans le premier cas, l’élargissement du paysage audiovisuel arabe donne à la visibilité des femmes une dimension planétaire inédite. Mais au-delà de cet aspect et ainsi que le signale Bertrand Ginet (2005, p. 3) « Leur présence est liée aux luttes pour promouvoir de nouveaux rôles dans la vie sociale et politique de la société ». Le deuxième cas, qui se déroule dans la ville nouvelle d’Ali Mendjeli (Constantine, Algérie), l’espace public est configuré comme étant une zone de conflits, de rivalités et de violence, laissant entendre qu’il est exclusivement masculin.

En tout état de cause, l’existence de frontières entre homme et femme dans l’espace public est un signe quasi commun, alors même que des évolutions sont discernables de différentes manières. En Tunisie notamment, Chiara Sebastiani et Sami Yassine Turki relèvent que le fait des mutations observées, se rattache à celle de la sphère politique, conduisant les femmes à s’engager dans « la participation à la vie locale ». Au Maroc, Tarik Haroud constate dans la fréquentation des malls, « la présence remarquable des jeunes et des femmes en particulier. Qu’elle soit jeune ou âgée, mariée ou célibataire, seule ou accompagnée, la femme constitue, en effet, la figure principale du paysage social de ces univers marchands dont l’offre commerciale s’adapte parfaitement à ses attentes ». Autrement signalée par Elise Billiard, la ségrégation dans l’espace public à Malte, est régie par des habitus et des dispositions d’appropriation, qu’elle associe à l’existence tacite de « règles d’utilisation de l’espace ».

Sur le plan du « fait politique » en lien avec le niveau des libertés démocratiques, Bartolomeo Conti, analysant l’histoire des mosquées et de la visibilité de l’islam dans les villes en Italie, focalise son hypothèse sur les menaces et les enjeux environnementaux de la « fragmentation de l’espace public ». Egalement, « Assurer la plus grande visibilité possible » est la stratégie développée par Mohamed Naïmi, qui anime le « Mouvement du 20 février » au Maroc. Malgré les risques encourus par les manifestants, la « mise en visibilité d’une action collective...est aussi...la meilleure occasion de réaliser son auto-évaluation ». Dans ce même registre, la question des « mouvements de masse » qui figure au centre de la réflexion de Jan Spurk, est abordée du point de vue des finalités à atteindre. Il s’interroge sur leurs « possibilités et leurs capacités de créer des contre-espaces publics ».

Au terme de cette lecture sur différents sujets centrés autour de la problématique de l’espace public, on aura relevé la récurrence de la composante « visibilité ». En admettant qu’elle soit sélective, de manière consciente ou non, on peut se demander ce qu’il en est de la pauvreté.  Bien que de plus en plus flagrante, elle est à peine invoquée derrière les mots des sans-abri (Élise Billiard) ou les mendiants (Tarik Harroud), discriminés et chassés puisque indésirables dans l’espace public. Ils n’en sont pas moins visibles pour autant.

Ammara BEKKOUCHE

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