Le sociotoponyme urbain en Algérie : caractéristiques et lectures identitaires. Le cas des villes de Sidi Bel Abbès et d’Aïn Témouchent

Insaniyat n° 97, juillet-septembre 2022, p. 57-72

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Hadjer MERBOUH: Université Aïn Témouchent, Belhadj Bouchaib, Faculté des lettres, des langues et des sciences sociales, Département des lettres et langue française, 46 000, Aïn Témouchent, Algérie.


Le sociotoponyme est « plus qu’un toponyme » (Boyer, 2008, p. 10). Cette exception dénominative ne réside pas dans l’acte social de l’attribution/usage du sociotoponyme. En effet, ce phénomène onomastique (et l’allonymie toponymique de façon générale) est international et n’est pas limité au territoire algérien : « l’attribution de [sociotoponymes] … est un phénomène courant, banal même, mais intéressant à plus d’un titre » (Steffens, 2007, p. 1).

La présente réflexion interroge les particularités des sociotoponymes en usage dans deux villes algériennes de l’Oranie (Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent). L’objectif étant double, catégoriser ces formes dénominatives, selon une approche linguistique plurielle ; et suggérer une lecture interprétative de ces références socio-spatio-linguistiques. Mais d’abord qu’est-ce qu’un sociotoponyme?

Le sociotoponyme, plus qu’un toponyme

Sociotoponyme, toponyme officieux, populaire, non standard, toponyme d’usage, surnom toponymique (comme en anthroponymie). Ces appellations renvoient au nom d’une entité géographique attribué par une population, une société donnée (qui entretient des rapports avec cet espace qu’elle dénomme).

Il s’agit d’une forme dénominative non officielle (informelle) de l’espace, qui s’oppose au toponyme officiel (dit nom normalisé, standardisé ou polytonyme) tel que défini par le Glossaire de la terminologie toponymique du GENUNG[1] : « nom de lieu approuvé par une autorité toponymique officielle et qui ressortit au territoire sur lequel elle exerce sa juridiction » (Kadmon[2], 1997). 

Dans ce glossaire, on retrouve l’entrée « nom régional »[3], définie en tant que « toponyme utilisé dans une langue et une forme propres à une région et sans reconnaissance officielle » (Kadmon, 1997).

Compte tenu de la langue du socio-toponyme, ce nom peut être appelé « argotoponyme », « tout toponyme différent de la forme officielle et pouvant comporter plusieurs niveaux d’argotisation compte tenu de ses diverses utilisations en situation » (Podhorná, 2004, p. 289). Cette acception limite le toponyme populaire à l’usage argotique, ce qui ne correspond pas à la réalité algérienne, comme on le verra plus loin dans ce texte[4] ; alors que le « néotoponyme » serait toute référence dénominative qui est créée par la voix publique, et qui n’est pas encore intégrée en tant que toponyme officiel. L’appellation néotoponymie fait défaut, par son préfixe « néo-» (du latin « néos » signifiant « nouveau »), laissant entendre que le toponyme populaire est principalement un nom nouvellement attribué, ce qui n’est pas toujours vrai[5].

L’expression « toponyme populaire » renvoie mieux au caractère social de ce type de noms propres ; cependant, le qualificatif « populaire » connote le folklorique et suppose que ce nom soit forcément partagé par une population donnée, ce qui ne peut être possible, « le qualificatif ‘populaire’ ne signifie pas nécessairement qu’un nom est connu de la population locale entière. La connaissance (ou l’ignorance) d’un toponyme donné est souvent fonction de l’âge de la personne, de son origine géographique et sociale, du quartier de son domicile, de la durée de sa domiciliation, [etc.] » (Steffens, 2007, p. 3).

Cette forme dénominative de l’espace est également dite « toponymie parallèle » ou « spontanée » ; le premier qualificatif (parallèle) suppose qu’une toponymie d’usage est en co-présence avec une autre (plutôt officielle), ce qui ne correspond pas, par exemple, au cas de l’Algérie où la « dénomination spontanée [semble être] un palliatif à la non-dénomination » explique Yermech (2018, p. 394). Soulignons que la spontanéité de l’attribution de ces surnoms n’est « jamais de manière totalement arbitraire » (Yermeche, 2018, p. 395).

Quant au terme socio-toponyme[6], qui me semble plus approprié, il est d’usage depuis la formation du terme par Gerrin en 1998 : « nom d’une entité géographique (lieu habité) attribué par une société donnée (qui a des rapports avec cet espace qu’elle dénomme) […] ; il est né d’un accord tacite entre les habitants d’un lieu » (Bouvier et Guillon, 2001, p. 10).

En dehors des nuances de sens entre ces différentes dénominations, elles partagent le caractère non officiel sociotoponyme (non reconnaissance du statut du nom, et de sa/ses langue(s)), oral, authentique et social). Parce que plus ancrée socialement, l’étude des sociotoponymes constitue une double « quête de nature identitaire » (Cheriguen, 2013, p.14). Ces noms « sont ressentis comme plus authentiques, parce qu’enracinés dans un vécu commun et une mentalité collective. Par conséquent, connaître et analyser cette nomenclature ‘parallèle’ permet de mieux rendre compte du vécu et de la mentalité d’une population locale et de mieux les comprendre » (Steffens, 2007, p. 2).

Ainsi, les surnoms toponymiques seraient plus que des toponymes, plus qu’un désignateur géo-référentiel, « ces noms contribuent à l’orientation et au positionnement du locuteur non seulement dans l’espace géographique, mais également dans l’espace social et culturel qui est le sien » (Steffens, 2007, p. 1).

Le présent texte propose une réflexion sur la toponymie d’usage en Algérie : qu’est-ce qui caractérise les sociotoponymes algériens ? Quelles lectures peut-on en faire ? Pour répondre à ce questionnement, je propose une analyse des sociotoponymes collectés dans deux villes de l’Oranie, à savoir Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent. Ces villes limitrophes connaissent une certaine homogénéité[7] socio-historique constituant une entité territoriale.

Repères contextuels : villes et toponymie urbaine

Connues comme nouvelles villes de « création[8] coloniale », ces cités sont millénaires, comme en témoigne l’architecture arabo-berbère des mausolées « Sidi Bel Abbès »[9] et « Sidi Said » ou encore le nom Aïn Témouchent[10] (« Aïn » de l’arabe signifiant « source » et du berbère « (t)ouchent » : « femelle du chacal »). En reconstruisant[11] ces « villes »[12], une toponyme coloniale (désormais TC) a été attribuée aux nouveaux lieux urbains, « une nouvelle dénomination étrangère à la culture du pays […] [visant à] rattacher l’espace algérien ‘terminologiquement’ et ‘étymologiquement’ à une nouvelle aire linguistique, française, latine et chrétienne » (Atoui, 2005, p. 27-29).

Au lendemain de son indépendance en 1962, l’Algérie se lança dans une opération de « décolonisation toponymique » dit Atoui ; une opération légitime de débaptisation-rebaptisation des précédents noms coloniaux, « dans une logique de récupération, de reconquête, de restitution de l’histoire, de l’identité, de la langue » (Atoui, 2005, p. 39).

Les principales caractéristiques de cette nationalisation des toponymes sont le rattachement à la référence arabo-musulmane (dans le sillon de la politique d’arabisation, 1963), et la mémorisation des grandeurs de la libération nationale, comme le synthétise Moussaoui : « glorification de la puissance militaire, affirmation de l’enracinement culturel dans le monde arabo-musulman et stigmatisation de la colonisation, telles sont les principales valeurs » (2004, p. 80).

Je distingue, dans cette toponymie de la postindépendance, que j’appelle ici « toponymes algériens » (abrégés par TA), deux formes : les noms qui remplacent les TC, et les noms attribués aux lieux construits après l’indépendance[13] (et n’ayant pas reçu de TC). Cependant, une  subdivision des TA n’a pas à avoir lieu quand on sait que la politique dénominative postindépendance n’a pas été renouvelée de 1963 à 2014 : « la priorité est accordée, dans les propositions de baptisation ou de débaptisation, à tout ce qui a trait à la résistance populaire, au mouvement national et à la Révolution de libération nationale, ses symboles et événements » (Décret n° 14-01 du 05.01.2014, Article 9).

L’algérianisation des toponymes est évidemment légitime[14] tout comme ses principes. Toutefois, cette vision dénominative ne devrait plus se « limiter[15] » à l’Histoire récente de l’Algérie millénaire et plurilingue au passé berbéro-arabe qui foisonne d’évènements, de dates, de grandes femmes et hommes, etc., « comme si le commencement de l’histoire de l’Algérie avait comme point de départ le 03 juillet 1830. Le passé ancien est totalement absent du paysage toponymique locale » (Atoui, 2005, p. 41).

Pour récapituler, il existe à Sidi Bel Abbès-ville comme à Aïn Témouchent, une seule toponymie officielle, la toponymie nationale (TA) de la postindépendance (en langue arabe). Une autre couche[16] toponymique ex-officielle en langue française[17] (TC) est encore présente dans les usages des habitants, comme l’avaient démontré de nombreuses recherches et travaux universitaires : la coprésence des TA et des TC dans la dénomination des lieux urbains est une pratique ordinaire des habitants des villes algériennes.

Une pluralité toponymique

Les chiffres présentés, dans le tableau 1 en conclusion, exposent les résultats d’enquêtes menées dans le cadre de notre recherche doctorale[18]. Ces enquêtes (réalisées entre 2011 et 2014) avaient pour objectif de collecter des mises en mots sur les villes de Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent. Les discours collectés par le biais de ces enquêtes (il s’agit de six entretiens semi-directifs menés avec trois jeunes Bélabésiens et trois jeunes Témouchentois)[19] portaient, entre autres, sur les dénominations des lieux urbains.

Dans les discours des interviewés, la dénomination des lieux urbains était spontanée ; dans le contexte de leur mise en mots, pour décrire un lieu, un évènement, les enquêtés nommaient des lieux. Ainsi, j’ai collecté 127 noms à Sidi Bel Abbès-ville et 116 à Aïn Témouchent. Les usages onomastiques (Tableau 1) en pourcentage arrondi montrent une pluralité toponymique marquée par la coexistence (supra) des deux formes dénominatives précédemment décrites : les TA et TC[20]. Ce qui est remarquable dans les résultats de cette enquête est l’importance des sociotoponymes dont le chiffre dépasse la moyenne des usages toponymiques dans chacune des villes en question (65% à Aïn Témouchent et moyen à Sidi Bel Abbès avec 49%).

Peut-on parler de trois formes dénominatives de l’espace urbain à Sidi Bel Abbès et à Aïn Témouchent ? Non, si on se réfère aux précédentes acceptions du toponyme populaire. Dans ce cas, la TC, toponymie coloniale ex-officielle, serait officieuse et se définirait comme sociotoponymie. Cette donne m’amène à redessiner un tableau 2, qui laisse clairement voir la prépondérance de l’usage des noms populaires à Sidi Bel Abbès comme à Aïn Témouchent (79 % et 78%).  Mais qu’est-ce qui caractérise cette sociotoponymie urbaine ?

Sociotoponymie urbaine : typologie et caractéristiques

Dans cette section, je propose une classification des sociotoponymes collectés (entretiens : supra) dans les deux villes-objets de cette réflexion. Je présente également une analyse plurielle (analyse phonétique, analyse contrastive et lexico-sémantique) de ces dénominations. La première forme officieuse à distinguer est la toponymie coloniale.

Les toponymes coloniaux (TC) en langue française

La TC qui n’est plus reconnue politiquement depuis 1963 est encore présente dans les usages  des habitants. Les informateurs citent constamment les noms « Rousseau », « les Castor », « Hoche », « Saint Roch », « Place Verdun », « Thiers » (à Aïn Témouchent), et « Rue Calle del Sol », « Fénelon », « rue Mogador », « Place Carnot », « la Huche », « Ronsard » (à Sidi Bel Abbès). Les quelques adaptations phonétiques (adaptation au système linguistique de la derja, langue maternelle des villes en question, comme [mogadoR] pour Mogador) ne sont pas très accentuées et j’estime que les TC n’ont pas connu des « altérations » profondes de leurs formes.

Les toponymes coloniaux altérés linguistiquement

Ce sont les TC qui ont connu un ensemble d’opérations linguistiques en contact avec la derja[21], ce qui a rendu ces substrats toponymiques de langue française difficilement reconnaissables. À Sidi Bel Abbès, les sociotoponymes ci-dessous ont reçu cette « derjisation »[22], une adaptation au système linguistique (phonétique notamment) de la derja :

  • « LGarliʈa »[23]: en français « gare de l’état », prononcé en derja [garli:ʈa].
  • « Kajaʂun »[24]: en derja [kajasᴐ:n] de l’espagnol «Calle del Sol».
  • « Filâʒ Thiers » : « village » en derja dit [fi:la:ʒ] (en optant pour le son [f] pour remplacer le [v] qui n’est pas d’usage [vilaʒ]) + TC-anthroponyme « Thiers » prononcé [tj:ar].
  • « Filâʒ Bira » : « village » en derja dit [fi:la:ʒ] (remplacement des sons /f,v/ par /f,ʒ /) + une altération du TC-anthroponyme « Perrin » : de [peRɛ̃] à [bi:ra] avec remplacement du phonème [p] par [b] comme le premier n’appartient pas au système phonétique de la derja.
  • « LKampo » : en derja [lkampᴐ], du français « camps ».
  • « Àl Castors » (à Aïn Témouchent), TC adapté au système derja avec l’ajout du déterminant « àl ».

Cette forme de sociotoponymie inclut les TC mi-traduits[25], qui ont connu une traduction des choronymes accompagnant les noms. C’est le cas, à Sidi Bel Abbès de « Ʈrig l’Article » avec traduction du choronyme « rue » vers la derja [ʈri:g] (dérivé de l’arabe [ʈari:q] en ôtant le son [a] et en modifiant le son [q] par [g] de la derja de la ville) + TC « l’Article » prononcé avec /r/, /lartikl/. À Aïn Témouchent, je cite les sociotoponymes :

  • « Nahʒ Saint Rock » : choronyme en arabe (« Nahʒ » signifiant « boulevard ») + « Saint Rock »  (TC).
  • « Ħaj Place Verdun » : choronyme en derja-arabe (« Ħaj », « quartier ») + TC « Place Verdun » (et son choronyme français).

Les toponymes algériens altérés linguistiquement

Ce sont des nouveaux toponymes officiels qui ont connu une traduction en français de leurs formes en langue arabe (traduction entière ou partielle du nom ou du choronyme l’accompagnant). À Sidi Bel Abbès :

  • « Rocher » : traduction française du TA « ﺍﻠﺼﺨﺮﻩ ». ;
  • « Bâtiment taʢ les (Z) Oiseaux » : en français « bâtiment » + « taʢ » particule derja signifiant « de » + traduction française du TA (« ﺍﻠﻌﺼﺍﻓﯿﺮ ») ;
  • « Àl Quatre Cent » : traduction française du TA[26] « أربع مئة» précédé du déterminant « àl » ;
  • « La Cité Police » : choronyme en français « la cité » + traduction française du TA (« حي الشرطه») précédé du déterminant « àl » ;
  • « Trois Cent Soixante Logements » : traduction française du AT « ثلاث مئة وستون مسكن» ;
  • « Vingt Quatre Février » : traduction française du TA « أربعة وعشرون فيفري» ; 
  • « Plaʂiʈa taʢ lWiàam » : traduction du choronyme arabe « ﺴﺍﺤﺔ» au français « placette » adapté à la derja /plasiʈa/ + particule « taʢ » de la derja signifiant « de » + TA ;
  • « Rue Bumlik » : traduction du choronyme « شارع» en français « rue » + NT-anthroponyme ;
  • « Agence Àl ɣalmi » : tarduction du choronyme « محطه » en français « agence » + NT- anthroponyme ;
  • « Frères Amérouche », « Aspirant Saâdane » et « Palestine » (traductions des TA en langue arabe « الاخوه عمروش», «المرشح سعدان», et « فلسطين».

De même, À Aïn Témouchent, on compte :

  • la traduction française des TA-chiffres « Les Mille » et « les Mille Logements », « Quatre Cent Onze », « Cent Vingt et Un », « Trois Cent Douze », « Ilot Dix » ;
  • la traduction française des TA-dates commémoratives « Premier Mai », « Premier Novembre » ;
  • la traduction des noms et de leurs choronymes « Cité des Cadres », « Cité Police » ou la traduction des choronymes dans le cas des TA-anthroponymiques « Cité ʢumar Bnu Àlxaʈʈb », « Cité Mulaj Muʂʈafa », « Bâtiments lBaraka », « Cité Barrwajan », « La Rue Budiaf », « La Rue Xmisti », « Rue Maɣni ».

Le sociotoponyme « La Makʈa » (Sidi Bel Abbès) constitue un cas isolé qui retient l’attention. Il s’agit d’une francisation de ce toponyme algérien prononcé [lamakʈa], avec une suppression du son derja /ʕ/ ([makʈaʕ], « المقطع »), et adaptation à la règle de détermination des noms français, par l’ajout de l’article féminin « la ».

Le glissement sémantique

Certains choronymes sont utilisés en tant que toponymes, comme « Tunnel », « Plaʂeʈa » (de placette ou de l’espagnol « placita »[27]) qui désignent un tunnel et une placette particuliers à Sidi Bel Abbès ; ou le sociotoponyme « la Ville » dit également en derja « lblad » (d’origine arabe « àl bilâd »), qui renvoie au « Centre-Ville » (à Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent). C’est également le cas, à Aïn Témouchent :

  • « Àlaɣe » : du français « arrêt » précédé par l’article de définition de la derja-arabe « àl » ;
  • « Ál Rond Point » : du français « rond-point » précédé de l’article de définition de la derja « àl » ;
  • « Àl Boulevard » : glissement sémantique du choronyme « boulevard » (devenu toponyme d’un seul lieu en ville) adapté au système derja à l’aide du déterminant « àl » ;
  • « Ħaj taʢ Àl Faubourg » : choronyme derja « cité/quartier » + particule « taʢ » de la derja « de » + en français « Faubourg » avec glissement sémantique (le terme renvoie à un toponyme) et adaptation au système arabe-derja avec le déterminant « àl ».

Le néologisme toponymique

Ces toponymes parallèles sont plus créatifs dans leurs formations. Ils ne sont pas construits, comme les deux premières formes, par référence à d’autres toponymes. Ce sont des formations lexicales principalement motivées par référence au lieu dénommé, soit par référence aux noms du propriétaire (anthroponyme) du lieu, comme à Aïn Témouchent :

  • « Qahwt Balɣaba (Café de Balɣaba), « Qahwa taʢ Álmunsi » (Café de Álmunsi), Qahwt Kâlâʃ (Café de Kâlâʃ) : créations toponymiques en derja « café » + un anthroponyme (Balɣaba, Álmunsi, Kâlâʃ) ;
  • Bâtiments taʢ Áttunsi : en français « des bâtiments » + la particule derja « taʢ » (« de ») + un anthroponyme « Attunsi » ;

soit par référence au lieu en question (une caractéristique ou une description), on nomme à Sidi Bel Abbès, en derja, « ʈrig ‘lafʢa » (rue du serpent, de sa forme serpentée) ;« ʈrig lxarub » et « Ʈrig Àzzitûn » (« rue des Caroubiers », et « rue des oliviers », il existait au long de ces lieux des caroubiers, et des oliviers) ; « ʈrig lɣozlan » (rue des Gazelles, on dit qu’un habitant de ce lieu possédait une ou deux Gazelles)[28] ; « ÀƮaħʈaħa » (foire nommée par la forme plane de l’espace) ; « Sariʒ Àlħut » (parce qu’un « bassin de poisson » était jadis installé dans ce lieu). Par rapport à la nouveauté des lieux, on retrouve le « ʂʈad[29] Àʒdid » (« nouveau stade », à Sidi Bel Abbès) et « l’Hôpital Àʒdid » (« le nouvel Hôpital » à Aïn Témouchent), ces noms sont formés par les choronymes français (stade et hôpital) auxquels s’ajoute l’adjectif derja « Àʒdid » (nouveau). Dans les deux villes, on trouve nommé, en derja, le lieu « Grâba » (ancien quartier[30], où était cantonnée, jadis, la population locale, dite indigène).

À Aïn Témouchent, on dénomme des lieux en derja, en français et dans le contact de ces deux langues, « Waʂʈ lMdina » (« Centre-ville ») ; « Petites Villas » ; « Àl Mizan » (« la balance », désignant un quartier dans lequel on trouvait l’édifice d’une balance) ; « Waħad Fug Waħad » (décrivant la forme du bâtis, deux maisons superposées « un sur un ») ; « Ál Baʈimât[31] Ássufur » (les bâtiments jaunes, par leurs couleurs) et « Ál Baʈimât taʢ Zigzag » (« les bâtiments des zigzags », inclinées).

Une autre forme de néotoponymie est construite, cette fois, par métaphore ou par métonymie où la pratique sociale mêle critique et ironie, c’est l’exemple d’un Rond-point[32] (Sidi Bel Abbès) dénommé « Dubay » (par la forme exagérée du jet d’eau qui s’y trouve) ; les « filaʒ lkarʈun »[33] (village du carton[34]) et « filaʒ américain » (village américain[35]), désignent par dérision des quartiers défavorisés ; tout comme le « Sheraton » un nom plus que parlant, attribué à la prison de la ville de Sidi Bel Abbès. À Aïn Témouchent, le quartier défavorisé « M6 » (Àam Six) s’est vu attribué le nom de la chaîne française, mal réputé, par les Algériens) ; et deux cafés accueillants des supporteurs d’équipes espagnoles sont surnommés « Àl Qahwa taʢ Lbarʂa » (« café du Barça ») et « café Real ».

Lecture interprétative : pourquoi ces sociotoponymes ?

Une pluralité dénominative caractérise les lieux des villes Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent où coexistent l’usage des toponymes officiels (TA) et d’une sociotoponymie multiforme. On dénombre cinq types de surnoms toponymiques : les toponymes ex-officiels (TC) qui résistent dans l’usage oral, les formes TC et TA retravaillées sociolinguistiquement (avec profondes transformations lexicales ou traduction totale ou partielle des noms), des noms formés par glissement sémantiques et enfin par des créations lexicales subtiles (innovations toponymiques).

Autrement dit, des opérations linguistiques et des choix sociolinguistiques dictent la formation de la sociotoponymie des villes en question. Les langues de ces surnoms sont la derja, le français et les contacts derja-français, sans oublier de mentionner l’étroit rapport linguistique entre la derja et la langue arabe (un de ses substrats).

Mais comment peut-on expliquer la formation/usage de ces toponymes populaires ? J’en suggère la lecture interprétative suivante :

Une réappropriation socio-spatiale des lieux urbains (anciennes parties des villes en question), ceux construits et réservés[36] aux Européens, ex-habitants de la ville durant l’époque coloniale ; ces lieux qui avaient reçu des toponymes français (TC), et qui sont aujourd’hui redénommés (TA). Les habitants, pour accentuer leur réappropriation des espaces urbains décolonisés, marquent ces lieux haussmanniens[37] par le réemploi libre, délibéré de la TC, tout en remodelant les noms, comme une réappropriation[38], de marquage à la fois territoriale et sociolinguistique. Les noms français sont mi-traduits en derja, ou parfois pétris à la derja, afin de bien fusionner ce « substrat » français onomastique.

Mieux, la réappropriation  territoriale passe par l’emploi d’une néotoponymie, par la création de noms, loin des noms officiels, les usagés des lieux ont leurs propres noms, pratiques parce qu’ils sont représentatifs de leurs rapports à l’espace qu’ils s’approprient. En effet, « toute forme d’appropriation de l’espace passe par la production (et/ou la destruction) de signes » (Veschambre, 2004, p. 73-74).

  • Une consolidation de l’épaisseur mémorielle, à travers l’usage des TC, les habitants s’efforcent de rappeler/se rappeler, au quotidien, la mémoire de leurs villes marquées[39] à jamais par cette Histoire coloniale algérienne. Ce passé révolutionnaire est restitué grâce à ces anciens noms, sociotoponymes aujourd’hui. Ces derniers contribueraient, ainsi, à rafraîchir la mémoire collective et à soutenir l’identité sociale.
  • Des stratégies de refus, affirmation/revendication identitaires ; il s’agit d’une stratégie[40] de refus-rejet des toponymes de la post-indépendance(TA)[41], qui est exprimée par le recours à une nouvelle dénomination (la néologie toponymique) et à la « rectification » linguistique où le contact des langues et l’usage de la derja sont les normes. Le remodelage toponymique (altérations des TA) et le passage d’une langue à une autre (traduction et contact des langues) pour dénommer, parfois, ironiquement un lieu, pointent les déficiences et les imperfections des politiques toponymiques (ci-dessus) qui ne sont autres que le reflet d’une politique urbaine et linguistique imposées « d’en haut » sans prêter l’oreille à la société (à la réalité dénominative des lieux habités, entre autres).

Les altérations TC et TA forment des toponymes hybrides entre l’officiel et l’officieux, des noms entre langues statuées (nationale et étrangère : l’arabe et le français), et langue non statuée mais norme sociolinguistique et identitaire de Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent (la derja). Ainsi, détruire les formes (lexico-sémantiques) et les frontières politiques (frontières toponymiques et frontières linguistiques[42]) seraient à la fois une forme d’expression et de revendication identitaires.

  • La norme des villes qui se lit dans l’usage des surnoms des lieux urbains se définit à travers :
  • une norme sociale qui se démarque par son refus de suivre « la norme » (toponymie officielle, politique linguistique, normes des langues[43], etc.) ;
  • une diversité reconnue, assumée qui ne rejette pas ses strates sociohistoriques, partie prenante de l’épaisseur mémorielle et identitaire des villes ;
  • un plurilinguisme affiché qui ne dissimule pas ses origines linguistiques et où le français et l’arabe se mêlent à la derja ;
  • la derja marqueur sociolinguistio-urbain des villes ;
  • l’oralité contenant de l’identité urbaine ;
  • les néologies et vivacité sociolinguistiques.

Conclusion

Les suggestions de lecture de la formation-usage des sociotoponymes convergent vers la lecture de la naissance d’un nouveau rapport à l’espace des villes Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent.

Ce nouveau rapport dénonce, d’un côté, un certain déséquilibre socio-spatio-linguistique, en effet, « la néotoponymie révèle […] les déséquilibres, les tensions, les conflits » (Lajarge et Moïse, 2008, p. 89). De l’autre, les dénominations sociales seraient la voie/voix d’un renouvellement et d’une réappropriation urbains qui témoignent de l’évolution-changement socio-spatiaux, puisque « l’émergence d’un néologisme [toponymique, dans ce cas] est là pour traduire une nouvelle manière d’identifier les éléments de l’environnement, ce qui correspond à une mutation de l’univers représentationnel » (Mannoni, 2010, p. 59).

C’est donc une question de représentations sociales (spatiales et sociolinguistiques, entre autres) qui pourrait expliquer, davantage, ces comportements sociolinguistique : la sociotoponymie.

Ainsi, l’étude des sociotoponymes ne peut s’accomplir que dans la transdisciplinarité où doit intervenir, en plus de l’onomastique, la sociolinguistique, la sociologie, la psychologie sociale, la géographie, etc. Cette forme dénominative de l’espace algérien doit être mise en avant[44] par des chercheurs pluridisciplinaires, afin d’attirer l’attention de la communauté des « décideurs » de l’importance du sociotoponyme : baromètre social et prisme identitaire.

Peut-être assisterions-nous à l’officialisation d’un sociotoponyme. Mais dans ce cas, ce toponyme ne serait plus populaire ! Et de nouveau, la société exprimerait ce besoin naturel de dire à sa manière son espace, un espace mouvant de la mouvance identitaire...et de nouveaux sociotoponymes s’inventeraient.

Il serait, plutôt, recommandé d’orner les plaques toponymiques[45] de noms officiels (de la post-indépendance), des anciennes[46] dénominations (ex-officiels, les toponymes coloniaux), et des sociotoponymes afin de faciliter les repérages spatio-culturels et mémoriels, aux habitants et aux étrangers des villes algériennes.

Tableau 1 : Pluralité dénominative dans les villes

 

Sidi Bel Abbès

Aïn Témouchent

TA

21%

22%

TC

30%

13%

Autre (sociotoponymes)

49% (62/127)

65% (76/116)

Source : Merbouh (2016).

Tableau 2 : Redistribution du Tableau 1

 

Sidi Bel Abbès

Aïn Témouchent

TA (toponymie officielle)

21%

22%

Sociotoponymes

79%

78%

Source : Adapté du Tableau 1 (ci-dessus).

Bibliographie

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Notes 

[1] GENUNG : Groupe d’experts des Nations unies pour les noms géographiques.

[2] Document pdf en ligne, sans pagination (cf. Références bibliographiques).

[3] Les formes toponyme/nom populaire, spontané, ou sociotoponyme n’y figurent pas.

[4] Les sociotoponymes des villes-objets de cette recherche sont en derja, en français et en contact derja (arabe)-français.

[5] Le cas du toponyme populaire « Graba » (présent dans nombre des villes algériennes) existait avant même l’attribution des toponymes coloniaux.

[6] Ne figurant pas dans les terminologies toponymiques des CNT (Commission Nationale de Toponymie) et le GENUNG.

[7] Le terme ne doit pas voiler les quelques particularités de chaque ville, sur les plans socio-historique, sociolinguistique ou culturel.

[8] Le terme adéquat serait « construction » ou « reconstruction » à l’européenne, par la politique coloniale du début du XIXème siècle qui insistait sur une « création ex-nihilo » de ces deux villes.

[9] Lire à ce propos les intéressants textes d’Ainad Tabet sur Sidi Bel Abbès (cf. Bibliographie).

[10] Cité apparentée à « Albulae », « citadelle et grande ville romaine du IVème siècle » (Moussa-Boudjemaa, 2009, p. 112).

[11] Au point de devenir, « [Sidi Bel Abbès] la troisième grande ville d’Oranie, la plus européenne » (Gandini, 1998, p. 5) ; et Aïn Témouchent, le « ‘modèle’ de la colonisation française en Algérie » (Ouldennebia, 2005).

[12] Créées officiellement par ordonnance royale datant de 1847 (Sidi Bel Abbès) ; et par décret du 26 décembre 1851, pour Aïn Témouchent (dans la subdivision de Sidi Bel Abbès, province d’Oran).

[13] Même si, comme l’évoque Yermeche (2019, p. 392), nombre de ces lieux souffrent du « no man’s land toponymique » !

[14] De la légitimité naturelle de dénommer un lieu que nous possédons.

[15]  Entre guillemets, l’emploi de ce verbe ne peut nullement violer les grandeurs de la Révolution algérienne et de ses Femmes et Hommes.

[16] Notons que les grandes villes (Alger, Canstantine, Oran, etc.) possèdent en plus de cette double toponymisation, une couche ancienne berbère, arabe, truque et/ou espagnole.

[17] Quelques TC sont en espagnol, ou en arabe (transcrits en lettres latines).

[18] (Merbouh, 2016), cette recherche était inscrite en sociolinguistique urbaine et s’intéressait aux discours sur les villes Sidi Bel Abbès et Aïn Témouchent (discours sur les lieux, discours sur les habitants, discours dénominatifs des lieux, discours sur les langues des/dans les villes, etc.).

[19] Une partie de cette mise en mots, des six entretiens, intéresse la présente réflexion (il s’agit d’isoler des toponymes urbains, 127 noms collectés dans les discours des interviewés Bélabésiens, et 116 toponymes collectés des discours des enquêtés Témouchentois) ; ainsi, je m’abstiens d’alourdir la lecture de ce texte par des données méthodologiques (âge, origine, lieu de résidence ; entretien avec guide semi-élaboré, codage des discours, translittération, traduction, etc.) qui n’apporteraient rien à l’analyse toponymiques quantitative et qualitative proposée dans les pages qui suivent.

[20] Je ne discuterai pas ici les différences des valeurs entres villes.

[21] Variété d’arabe algérien. Employée dans ce contexte, elle désigne soit la derja de la ville de Sidi Bel Abbès soit celle de Aïn Témouchent (notant que ces deux derjas oraniennes se ressemblent étroitement).

[22] Entre guillemets, l’expression est de nous (construite comme « francisation »).

[23] Le code de translittération est composé de graphèmes latins et autres signes de la norme ISO de romanisation (Norme ISO 233-2 : 1993) et de l’API.

[24] TC en espagnol.

[25] Il s’agit d’une traduction incomplète accompagnée d’une translittération, une sorte d’altération linguistique sans  passage explicite d’une langue à une autre.

[26] Tous les TA-chiffres cités par les interviewés ont été énoncés en français (traduits), « Cité Quatre Cent », « Àl Cinq Cent », « Quatre Vingt Logements », « Mille cinq cents » (Sidi Bel Abbès) ; à Aïn Témouchent, « Trois Cent Vingt », « Quarante Huit », etc.

[27] La ville de Sidi Bel Abbès a accueilli, au temps de la colonisation française, une importante population venant d’Espagne (Ainad Tabet, 1998).

[28] Ces significations ont été racontées par les interviewés Bélabéseins.

[29] « Stade » adapté à la derja ([t] transformé en [ʈ]).

[30] Composé de gourbis, à l’époque coloniale.

[31] En français « bâtiments » adapté au système phonétique et morphosyntaxique derja : ajout du déterminant « àl », de [bɑtimɑ̃] à [ˁlbɑʈima:t] (pluriel).

[32] Il désigne également aujourd’hui le quartier limitrophe à ce rond-point.

[33] « Filâʒ l Karʈun » : « village » en derja dit [fi:la:ʒ] (en optant pour le son [f] comme le [v] n’est pas d’usage [vilaʒ]) + en derja [karʈun] du français carton [kaRtɔ̃] (remplacement des /Rt/ par /rʈ/).

[34] Comme si les maisons (de l’intérieur et de l’extérieur) dans ces lieux étaient en carton, signe de précarité.

[35] Où pauvreté est antonyme à « américain ».

[36] Les Algériens dits « indigènes » étaient exclus de cet espace de la ville.

[37] Ou majoritairement de style haussmanniens.

[38] S’agit-il d’une forme de « correction » ?

[39] Le marquage le plus exhibant, de ces lieux de guerre et de résistance dans les villes en question, est celui de l’architecture européenne.

[40] Camilleri C. & al. (2013). Stratégies identitaires, Paris : PUF.

[41] Un refus-rejet non catégorique puisque (voir Tableau 1) nombre de TA sont présents à l’usage.

[42] Les altérations phonétiques et les contacts de langues.

[43] Contact des langues qui transgressent les règles linguistiques.

[44] « Alors qu’elle est omniprésente, la toponymie populaire urbaine n’a guère suscité l’intérêt des chercheurs » (Steffens, 2007, p. 2).

[45] Par exemple, en suivant ce modèle Bruxellois, « dans le quartier populaire des Marolles, à Bruxelles-Ville, les autorités communales ont fait placer, ces dernières années, à côté des plaques de rues portant les noms officiels des plaques avec les anciens noms ou les surnoms populaires ».

[46] Et autres noms attribués avant la colonisation française, dans le cas des villes anciennes algériennes.

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