Soraya MOULOUDJI et Djilali EL MESTARI, (2022). Société(s) et Pandémie . Oran : CRASC, 408 p.


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L’ouvrage rend compte des actes du Colloque international organisé par le Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle (Crasc) et l'Association en Anthropologie et en Sciences Sociales et Humaines, Faailoone. Le colloque, qui a eu lieu en juin 2020, a permis aux chercheurs du Crasc de poursuivre leurs activités de recherche malgré les restrictions liées à la pandémie. Cette capacité à continuer à échanger et à produire des connaissances face aux défis rencontrés, informe sur la résilience et la détermination de la communauté scientifique.

Cet ouvrage collectif constitue une ressource importante pour comprendre les défis posés par cette crise et les mesures de confinement mises en place pour y faire face.

Les contributions des chercheurs issus de l’Algérie, du Liban, du Yémen, de Irak et de Espagne, apportent une perspective pertinente sur la manière dont la pandémie du Covid-19 a affecté ces pays.

Pandémie du Covid-19 : quel bilan et quels enseignements?

L'Algérie a certes connu des crises internes par le passé, mais la situation inédite que le pays a vécue en raison de la pandémie du Covid-19 a eu des conséquences sans précédent sur tous les aspects de la vie de la société (politique, économique, psychologique et social). La mise en quarantaine a été une expérience nouvelle pour la population algérienne, qui n'était pas préparée à vivre une telle situation. Cette expérience a eu des conséquences complexes sur la vie familiale, sociale et économique de la population. Les différentes émotions ressenties par les personnes, durant cette période, telles que la peur, l'anxiété, l'angoisse, l'ennui et la crainte de la mort, ont impacté leur santé mentale et physique.

Sur le plan institutionnel, l’affirmation que la pandémie avait été prise au sérieux par les autorités publiques (A. Mahiou), est globalement exacte. En effet, l'Algérie a pris des mesures drastiques pour lutter contre les effets de la pandémie, notamment la mise en place de l'état d'urgence sanitaire, la fermeture des frontières, la suspension des vols internationaux, la quarantaine obligatoire et l'instauration d'un couvre-feu nocturne. Cependant, il convient de souligner que ces mesures n'ont pas été sans difficulté, et que certaines d'entre-elles ont été contestées par une partie de la population.

Par ailleurs, ces dispositions ont fragilisé une partie de la population. Les populations les plus défavorisées ont été les plus durement touchées par la précarité économique et sociale engendrée par la pandémie. Cet état a accentué les disparités sociales en matière de santé. De plus, la pandémie a mis en lumière les limites du système de santé et de gestion de crise en Algérie.

Pour Y. Rahou et L. Houti, l'annulation des décennies de progrès dans la lutte contre la pauvreté et les maladies a eu un impact économique considérable et a affecté de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables. Cela soulève des questions importantes sur les dispositifs de santé existants et sur les politiques mises en place pour faire face à la crise. De plus, comme le suggèrent-elles, il est devenu crucial de renforcer l'État social afin de garantir une meilleure protection aux populations les plus vulnérables. Les politiques sociales peuvent jouer ainsi un rôle crucial dans la prévention de la pauvreté et dans la protection des populations les plus fragilisées face aux crises.

La pandémie a eu également des répercussions majeures sur le secteur éducatif, provoquant une suspension des cours en présentiel. Les établissements scolaires (M. Medjahdi) et universitaires (B. Mimouni et D. Meslem), ont été pris de court par la rapidité de la propagation de l'épidémie, contraignant les enseignants à se tourner vers les technologies de l'information et de la communication pour poursuivre leur mission pédagogique.

En effet, l'utilisation accrue du numérique pendant la pandémie, a mis en lumière l'importance et la nécessité de cette technologie, notamment pour les activités de télé-travail, les visioconférences et l'enseignement à distance. Cependant, l'exploitation de ces technologies a également révélé des disparités liées à la fracture numérique, qui doivent être prises en compte pour développer une véritable politique numérique dans les établissements scolaires et universitaires. Cette politique doit être inclusive et adaptée aux besoins de tous les apprenants, afin de garantir la continuité pédagogique, quelles que soient les circonstances.

Il est donc crucial de réfléchir à des stratégies pour améliorer l'accès à l'informatique, tant sur le plan logistique que cognitif, pour l'ensemble des étudiants et des élèves. Cela implique également de repenser les modes de formation universitaire et scolaire, en encourageant l'autonomie des apprenants, pour qu'ils puissent mieux utiliser les outils numériques dans leur apprentissage.

La pandémie du Covid-19 a mis en exergue l'importance capitale des espaces verts, en tant que déterminants environnementaux pour la santé. Véritables poumons des villes, ils constituent des éléments essentiels pour la qualité de vie urbaine, offrant des opportunités de détente, d'exercice physique et de réduction du stress. Ils contribuent également à l'amélioration de la qualité de l'air et à la lutte contre les îlots de chaleur urbains.

Cependant, il est crucial de noter que les espaces verts ne sauraient être uniquement considérés comme une simple ressource pour la ville, mais bien comme une nécessité vitale pour les populations qui y vivent. En Algérie, comme le souligne justement A. Bekkouche, la faible présence d'espaces verts peut avoir des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des citoyens. Ces espaces offrent un havre de paix et de ressourcement précieux, particulièrement dans les zones urbaines denses où les risques de propagation de maladies infectieuses sont accrus.

En conséquence, la mise en place de projets de recherche spécifiques sur les questions d'urbanisme écologique, en lien avec la santé publique s'avère indispensable. Ces recherches permettront de développer des stratégies pour améliorer la qualité de vie en ville et de répondre aux défis de santé publique actuels et à venir. Il est important de souligner que les solutions proposées doivent être inclusives et prendre en compte les populations les plus vulnérables, qui sont souvent les plus exposées aux problèmes de santé environnementale.

La crise a également mis en lumière les différentes dimensions du lien social, notamment la famille et le quartier, qui ont été durement affectées, par la pandémie. Les inégalités économiques et sociales entre les différents groupes de la population se sont accrues pendant la crise, soulignant la nécessité de renforcer les systèmes de protection sociale et de santé publique. Les populations les plus vulnérables, telles que les travailleurs informels et les personnes vivant dans des conditions précaires, ont été particulièrement touchés (M. Safar-Zitoun).

Dès lors, il est crucial de poursuivre les efforts visant à améliorer l'accès aux ressources et aux opportunités pour tous, tout en renforçant la résilience des villes et des communautés face aux défis futurs. Cela implique de faire de l'aménagement urbain et des politiques de développement durable des piliers centraux des politiques publiques, en collaboration, avec tous les acteurs concernés. Ces politiques doivent être inclusives et prendre en compte les besoins et les perspectives des populations les plus vulnérables. La promotion de l'égalité des genres, des droits de l'Homme, la lutte contre la pauvreté et d'autres facteurs clés doivent également être intégrés pour garantir un développement durable et inclusif.

Il est important de souligner que les auteurs cités dans l'ouvrage abordent également des points cruciaux liés aux défis de la gouvernance et de la gestion du transport pendant la crise du Covid-19, ainsi que les conséquences socio-économiques des mesures de confinement. En effet, la crise sanitaire a eu des incidences sérieuses sur la mobilité et les échanges économiques. Les réflexions proposées par ces auteurs constituent des contributions précieuses pour améliorer la situation.

Concernant la promotion de l'économie solidaire et du bénévolat (N. Mihoubi), il est crucial de noter que ces initiatives peuvent effectivement jouer un rôle important dans la promotion du développement économique et social durable. Cependant, leur succès dépend du contexte et de la manière dont elles sont mises en œuvre. L'économie solidaire et le bénévolat ne sauraient être des solutions universelles et doivent être adaptés aux réalités locales et aux besoins spécifiques de chaque société.

En outre, il est important de souligner que la promotion de l'économie solidaire et du bénévolat doit être considérés comme une composante intégrante d'une approche plus large pour promouvoir le développement économique et social durable.

Il est primordial également de souligner que la vie culturelle a été durement touchée, la réduction de l'activité culturelle et artistique étant en grande partie due aux restrictions de distanciation sociale, mises en place pour limiter la propagation du virus. Il ne s'agit donc pas d'un choix délibéré de la part des artistes ou d'un manque d'inspiration, mais plutôt d'une réponse nécessaire à la crise sanitaire. Les festivals, les spectacles et les expositions ont été annulés ou reportés, les salles de cinéma et de théâtre ont fermé, et de nombreux artistes ont perdu des contrats et des revenus.

Cependant, il est vrai que certains artistes ont continué à produire malgré ces restrictions, et que la poésie en particulier a été un moyen d'expression important pour décrire les souffrances de la société pendant la pandémie (L. Fardheb).

Dans un autre registre, la pandémie a donné lieu à diverses théories du complot (H. Al Hashemi), les maladies et les pandémies étant souvent interprétées de différentes manières dans la culture populaire. Toutefois, il est important de ne pas confondre les faits scientifiques avec les croyances populaires ou les théories du complot. Les origines de la pandémie sont bien documentées et les scientifiques ont travaillé d'arrache-pied pour comprendre et traiter la maladie.

La crise sanitaire a eu un impact sur la langue (A. Belhadj Hacen), comme en témoigne l'émergence de nouveaux termes et expressions liés à la pandémie du Covid-19. En ce qui concerne l'impact de la pandémie sur la vie religieuse (D. Mestari), il est vrai que les consignes-barrières ont conduit à de nouvelles pratiques religieuses individuelles. Les pratiques religieuses collectives ont été suspendues en raison des restrictions de distanciation sociale, afin de limiter la propagation du virus.

Enfin, il est important de noter que la pandémie a eu un impact sur de nombreux autres aspects de la vie, en plus de la langue et de la religion. Les conséquences économiques, sociales et psychologiques de la crise ont été considérables et ont touché tous les aspects de la vie quotidienne.

La pandémie du Covid-19 a eu un impact profond sur la société algérienne, à l'instar du reste du monde. Cette situation inédite a mis à rude épreuve le système de santé, économique et social du pays, en révélant des vulnérabilités et des inégalités préexistantes, particulièrement dans les zones isolées. Il est néanmoins crucial de souligner les efforts considérables déployés par le Gouvernement et les citoyens pour faire face à cette pandémie, en adaptant rapidement leurs modes de vie et de travail, et en trouvant des solutions efficaces pour limiter la propagation du virus.

Cette crise sanitaire est une occasion de prendre conscience de notre rapport au corps, à la santé et à la mort, ainsi qu'à notre responsabilité individuelle et collective. Elle nous incite à réfléchir sur la manière dont nous pouvons favoriser la résilience pour surmonter les attitudes négatives et nous adapter aux changements. En effet, même si les conséquences de la pandémie continuent d'affecter tous les aspects de notre vie quotidienne, nous pouvons y trouver des leçons pour améliorer notre résilience, notre solidarité et notre préparation face à d'autres défis à venir. Comme l'a écrit F. Z. Sbaa, « les crises sont des moments de vérité, qui permettent de transformer les fragilités en forces ».

Khedidja MOKEDDEM

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