L'interlangue dans les caricatures de Slim : le phénomène Bouzid

Insaniyat N°7 | 1999 | Paysans Algériens ? | p. 91-113 | Texte intégral


Sidi Mohamed LAKHDAR BARKA : Institut des langues Etrangères, Université d'Oran, 31 000, Oran, Algérie


De toutes les formes d'expression qui caractérisent la production culturelle dans l'Algérie des années soixante dix, le phénomène «Bouzid» en tant que produit de l'imaginaire suscite la curiosité. Ce personnage semble remporter l'adhésion spontanées de l'opinion publique, toutes catégories sociales confondues.

Dés sa parution dans le quotidien régional d'Oran La République de 1971 à 1973, sous forme d'une aventure feuilleton Comic Strip [1]- trois à quatre vignettes par jour - Bouzid déride, provoque, émeut, entraîne l'engouement et fait l'unanimité; «il plaît». Le succès du «héros» se confirme, la comic strîp change de statut, elle apparaît en bande dessinée, et le nombre de rééditions [2] qu'elle a connues depuis atteste réellement d'un phénomène de culture objet de cette étude.

Notre perplexité s'accentue encore plus quand on sait l'importance du paradoxe sur lequel reposent ces observations. Qu'est ce qui fait que dans un milieu social ayant développé une longue tradition littéraire et affûté des genres aussi riches et variés que la poésie, la poésie lyrique, le conte et l'épopée -même dans des formes pré-théâtrales - ce soit une expression nouvelle, relativement récente à l'échelle du inonde même[3] qui propose un modèle réussi de représentation et d'adhésion à l'imaginaire collectif?

On peut avancer des éléments de réponse qui paraissent évidents :

Pour la première fois de son histoire l'algérien découvre un personnage de B.D qui a le premier rôle dans le scénario, et auquel il s'identifie. Dans la B.D comme au cinéma l'existence de l'arabe comme celle du noir d'ailleurs, se limitait à quelques clichés où la fonction sociale justifiait le portrait (quand il était fait ) les deux étant liés à leur origine culturelle ou même raciale. L'un était servant, eunuque, gardien, palefrenier, l'autre «petit nègre » y a bon banania, portefaix, cireur, danseur ou esclave. S'il devait intervenir dans la trame du récit, dans le meilleur des cas il se caractérisait par sa docilité domestique, sinon il devait être fourbe, lâche, méchant, etc.

L'arabe et le noir, ainsi que tous les personnages indigènes des bandes d'aventure n'ont jamais débordé le cadre des stéréotypes que leur avait façonné l'imaginaire occidental, car sans cela, ils étaient dépouillés de l'apparat d'exotisme qui « dynamisait» l'aventure. Dans son analyse des pays de l'Est dans l'imaginaire de la B.D européenne Philippe VIDELIER note :

«La police secrète d'Arakistan plus orientale, porte le Fès rouge avec les mêmes imperméables bleus (ce qui n'était pas de très bon goût). La police est le principal soutien du régime, elle entretient partout des mouchards et il faut parler à voix basse faire attention au téléphone aux micros cachés dans les lustres... et aux... garçons d'étage ! » [4]

Il faut rappeler que le corpus sur lequel s'appuie généralement la réflexion sur la B.D., a sélectionné au préalable les meilleures, celles considérées comme éducatives. Il y aurait toute une typologie de ces personnages à faire, pour déterminer tous les fantasmes qu'ils induisent dans l'imaginaire de l'Occident.

Les Algériens, quant a eux, consommaient les sous-produits, ersatz de B.D. «Blek le Roc », «Miki le Ranger » et autres dont la médiocrité n'avait d'égal que leur mépris des « autres cultures ».

Dans ce paysage, arrive Bouzid. Il désintègre le carcan des stéréotypes, explose en gros plan, s'impose comme personnage pivot et dirige l'action jusqu'au dénouement.

Le degré de « franc parlé» ou de «vérités dites» sont les qualités essentielles de Bouzid.

D'une part, elles s'accommodent habilement du médium La Républipue, journal imprimé en français. En effet, cette franchise qui pousse à l'insolence (surtout quand elle s'adresse aux institutions officielles du pays), est proportionnelle au créneau de «liberté d'expression » tolérée dans ce journal de par son statut régional Oran - euphémisme pour provincial / non-officiel - par opposition implicite à El Moudiahid « organe central d'information » [5].

D'autre part cette aptitude à mettre le pied dans le plat reste positivement déterminée par le préjugé défavorable dont jouissait encore la B.D. (pas seulement à l'intérieur de nos frontières [6] alors qu'on ne soupçonnait pas encore ses potentialités didactiques comme c'est le cas aujourd'hui.[7]

L'étendue du lectorat, aussi bien à travers les âges que les couches sociales, qu'offre l'audience d'un journal de par la modicité de son prix et son efficacité d'utilité publique.

Ces éléments ne peuvent à eux seuls expliquer une telle passion pour ce personnage. Hypothétique toujours, mais beaucoup plus crédible à notre avis, reste l'approche qui impliquerait la prise en compte des deux techniques essentielles de composition du récit. En effet, l'ironie dans l'inter-texte et l'ironie dans l'inter-signe induiront la naissance d'un discours Bouzidien et d'une iconographie Bouzidienne.

L'inter-texte résulte de l'intervention de la pictographie (image) sur la graphie (texte), et vice-versa, l'inter-signe procède de l'introduction de la graphie dans la pictographie afin de produire des effets de narration.

Si Bouzid suscite tant de curiosité et ne laisse jamais le «décodeur» indifférent, c'est qu'il est fait de provocation / agression et de tendresse / générosité. Il semblerait que ce dosage subtil d'antagonismes et de contradictions dépende sa gloire et par la même l'habileté créatrice de l'auteur.

Son monde est manichéen, la dynamique de ses aventures est accélérée par l'articulation des constantes humaines selon des binômes antinomiques:

Tendresse VS Dureté

Générosité VS Cupidité

Candeur VS Ruse

Bravoure VS Lâcheté

Engagement VS Réaction

Altruisme VS Individualisme

Ruralité VS Citadinité

Ces traits sont systématiquement exagérés et c'est le principe de la caricature. De ce fait les quatre dominantes de la psychologie Bouzidienne: la tendresse, la générosité, la candeur et l'engagement qui transparaissent par le texte sont antinomiques de sa représentation pictographique. Quatre appendices de sa personnalité déterminent le portrait physique de Bouzid:

Le « Kenbouche » turban autour de la tête.

Les bacchantes en travers du visage.

La « 'abaya » et le «saroual 'arbi » rayé habit qui donne un effet péquenot.

Le « matrag» canne multifonctionnelle.

Ces quatre symboles empruntés à la paysannerie traditionnelle concourent simultanément à confirmer par la répétition une série de valeurs connexes qui définissent la «redjla », le macho dans l'imaginaire algérien soit respectivement.

Le « Kenbouche» : le rustre

Les bacchantes : la virilité.

La « 'abaya » et le «saroual 'arbi » l'anachronisme de l'inculte et l'inadapté (sous-entendu à la ville).

Le « matrag»: prolongement du pouvoir physique (violent).

Sous le couvert d'un rural rustre et épais graduellement émerge par son comportement un intellectuel doux et raffiné. Le dessin infirme la graphie, l'image dépouille les mots de leur charge sémantique courante, et à leur tour ces mots déstabilisent ces archétypes visuels: du paradoxe naît la dérision.

Aussi bien au premier degré (pictural) qu'au second degré (le discours) les lecteurs y trouvent une harmonie de référents, habile alliance de la ville et de la campagne, qui lui confère le statut de porte-parole largement reconnu de la communauté.

Ces procédés trans-sémiotiques de narration ont élargi considérablement le champ de consommation de ce type de production. L'éventail des décodeurs (lecteur qui comprend) peut aller jusqu'à la limite de l'analphabète, au moins dans la période bouzidienne de SLIM, sans provoquer de décodage aberrant[8].

Le texte ne fonctionne pas encore sur des niveaux de connotation élaborés. L'allusion primaire, s'inspirant de la quotidienneté vécue reste une qualité sensible qui assure la simplicité de l'énoncé et la transmission du sens.

Pour illustrer notre propos, il convient de s'appuyer sur des cas types concrets, et à cet effet s'est posé le problème du choix des vignettes. Dans les neuf aventures, ( on retiendra ce terme ) qui constituent les volumes I, II et III [9] de la collection consacrée à Bouzid, il n'y a pas moins de 1578 vignettes à compiler. Il est certain que toute sélection dans ces conditions est à priori arbitraire, puisqu'elle ne reproduira pas nécessairement les qualités du feuilleton dans son ensemble, étant entendu que là n'est pas notre objectif.

a) Pour relativiser la partialité de la vision parcellaire des vignettes retenues pour l'illustration, on a établi un choix fondé sur les critères suivants Toutes les "unités signifiantes iconicolinguistiques" [10] composant les planches de références appartiennent à deux aventures complètes : Oued Side Story et Il était une fois dans l'oued. On constate d'ailleurs que dans cette édition la page ne constitue pas une unité narrative, car la compilation des Comic Strips en album implique des contraintes de composition autres que celles d'un quotidien. Par conséquent, ce découpage est opéré ainsi pour des raisons de cohérence et de contextualisation des éléments de sens internes à la planche analysée.

b) Dans la chronologie bouzidienne ces deux histoires correspondent à la partie «pure et dure» de la production de ce personnage l97l-l973 [11]et sont reliées dans le volume I.

c) Douze planches regroupant plusieurs vignettes fournissent le support de cette étude. Chacune d'elle mettra en relief un procédé de fonctionnement et de relation inter- texte/Intersigne.

PLANCHE N°1**

Bouzid s'adresse au lecteur.

Le personnage éclate le cadre conventionnel de la fiction pour interpeller le public. En parallèle, le dessin déborde le cadre pictographique de la fiction, celui de la vignette. Les lettres (graphie y se mettait en mouvement, celui qu'elles signifient.

Des phylactères rectangulaires, formes qui se distinguait du reste des bulles, contiennent des commentaires de style sur l'action

Ces directives comme les bavures hors du cadre de l'écriture iconique constituent un para-texte[12] qui perturbe le rapport fiction / réel. L'alternance fiction / réel permet à l'auteur de se glisser entre l'espace de la fiction et le lecteur dans ces moments d'intensité dramatique, pour mettre en relief l'effet de scène, la technique de style plutôt que l'émotion contenue dans le texte.

Le signifiant déviait signifié alors que le signifié initial (texte) perd son importance pour devenir un support facultatif de cette inversion des fonctions, forme / fond, graphie plus pictographie / sens du récit, résulte l'inter-texte, distance ironique qui permet une dédramatisation nécessaire pour rétablir l'ordre dés priorités, celui du rire sur l'angoisse.

PLANCHE N02

 La photo en positif de l'auteur apparaît dans ces vignettes.

SLIM apostrophe Bouzid. Un dialogue s'instaure entre les deux «acteurs». SLIM rappelle que la suite de l'aventure dépend de son pouvoir, celui de l'imagination de l'auteur, et perturbe son déroulement. Ce pouvoir de vie ou de mort sur la fiction est remis en cause par Bouzid.

Un débat sur le dénouement de l'histoire déconstruit la structure de l'action. Encore une fois le chevauchement réel / fiction crée un troisième espace indéfini, atemporel.

Cet inter-texte induit le lecteur à questionner les rapports qu'entretiennent ces deux catégories du temps. Pierre FRESNAULT- DERUELLE affirme que souvent : "les auteurs éprouvent le besoin de dénoncer les codes qu'ils utilisent (une bonne part de l'humour des B.D. table sur ce procédé)" [1]

[1] FRESNAULT- DERUELLE, Pierre .- Op.Cité.- p.21.

"En tant qu'organisme graphique, i.e. en tant qu'entité formelle, la planche de comics est parfois lieu d'une interrogation sur la nature du lien qu'on s'acharne à tisser entre narration et profondeur de champ, plus précisément sur 'la vertu fabulatrice' de la perspective".

PLANCHE N03

Les pléonasmes en phylactère rectangulaires et tautologies sont utilisés anime éléments de dérision.

- Ton Bouzid dialek »

- «Ma Zina diali»

Le possessif est réitéré en arabe dialectal dans une transcription en lettres latines, la répétition se fait d'une langue à l'autre. La commutation (Code switching) une des caractéristiques de la langue parlée en Algérie ainsi que les pléonasmes en français sont assumés, officialisés et érigés en techniques de production esthétique, l'ironie étant une de ses catégories.

Cette pratique inter-langagière implique une particularité linguistique, elle requière du lecteur et de l'auteur que leurs répertoires culturels respectifs se recoupait. Dans ce cas, ils doivent avoir en commun les mêmes connaissances du français et de l'arabe parlé localement

Le dialecte arabe retrouve donc un statut de langue égal au français écrit, il exprime un réel. Bouzid a évacué le complexe de son expression populaire, celui de tous les algériens aussi, il communique.

On constate là, l'apport d'une langue à une autre pour enrichir le texte, en même temps que l'on établit les prémisses d'une réflexion linguistique qui semble confirmer la prédominance de la langue parlée par rapport à la lourdeur académique de la langue écrite, emprunte de pseudo-classicisme oriental. Les allusions à ce débat d'actualité reviennent souvent dans le discours de l'auteur.

PLANCHE N0 4

On a là plusieurs exemples de calembour

in prasentia, ou antanaclase.

  • Cadilyak I Cadillac.
  • Petit chèque Hachèque.
  • Ahdar / KhIadar ( paronomase)

On remarque ainsi qu'il se forme d'un même signifiant, qui repris dans deux contextes expriment deux valeurs sémantiques distinctes.

On note que ces signifiants sont homophones (se prononcent de la même manière ou presque) mais non homographes (ils ne s'écrivent pas de la même façon).

L'homophonie ainsi que l'homographie se jouent entre deux langues, l'Arabe parlé et le Français.

A aucun moment la transition d'une langue à l'autre ne provoque l'ambiguïté sémantique, bien au contraire, parfois elle révèle un second niveau d'ironie. «Hachèque » est une formule de courtoisie qui exprime le mépris pour un objet, dans ce cas elle contredit singulièrement la vénération du "Taleb" homme de loi et de Dieu, pour l'argent.

Dans la même catégorie, on pourra ajouter tous les noms propres des personnages construit sur le principe du signifiant homophone.

Signifiant Signifié 1 Signifié 2

Side es sadik Sadique Prénom

Bentrust Trust Nom

Abdul Reform El agrari Réforme Agraire Nom

Abdelhimmler  Himmler Nom

 

PLANCHE N05

Le calembour dans cette strie se construit sur l'ambiguïté, l'équivoque ou le paradoxe translinguistique.

PAYSAN / PAYSANS : Un signifiant véhicule deux signifiés discernés dans la graphie par le S, parce que complètement homophones.

Le personnage prend sa raison sociale pour une insulte alors que les étudiants s'y référent en tant que qualité professionnelle.

On voit donc émerger deux signifiés sélectionnés dans deux isotopies différentes dont l'implicite:

Ville = Qualité, Campagne = Tare.

Ce petit jeu de mots illustre bien l'état d'esprit des campagnes algériennes au profit d'une surpopulation des villes.

Dans les vignettes suivantes, le calembour se fait sur:

  • Une homophonie arabe, les mots en arabe sont phonétiquement transcrits par lettres latines associées à un mot français, relation qui met en relief l'incongruité de l'expression.

 Signifiant : Jih Club

Premier signifié: Jib = Apporte/ Amène.

Second signifié : Jib = Poche.

On peut donc lire: «Club amène ta poche n.

Une association homophonique:

 Signifiant : Matai XVO:

Premier signifié: "Alaoui" = Danse de la région de Sidi Bel Abbés.

Second signifié: (Soupière) Louis XVI.

La distance sémantique entre les deux signifiés provoque l'absurdité, la dérision de la combinaison homophonique.

PLANCHE N°6

 " Dielna" revient souvent en gros plan, et sous forme de sigle indiquant tarie institution des véhicules ou biens publics.

En Arabe " Dielna" signifie " qui nous appartient ".

L'équivoque nous / peuple ici, accentue la confusion qui a caractérisé la mise en pratique de certains slogans tels que «la terre à ceux qui la travaillent / les acquis de la révolution», qui ont fait les beaux jours du socialisme en Algérie et de bien des opportunistes en particulier.

  • Signifiant : " Dielna" (Nous).
  • Signifiés: (collectivité / peuple) = moi

L'ambiguïté stigmatise l'appropriation dés biens publics et de l'Etat non pas au nom de la justice sociale (le peuple) première isotopie, mais à des fins personnelles, deuxième isotopie.

PLANCHE N07

 On observera dans ces vignettes un procédé dit de "Calembour in Absentia". L'auteur reprend des expressions françaises qui sont passées dans le parlé quotidien au-delà des frontières. Leur charge sémantique fait qu'elles en sont presque devenues des axiomes dans le langage courant de par une surmédiatisation.

L'homophonie entre deux mots, un en arabe, l'autre en français ou la substitution de un ou plusieurs mots à d'autres, toujours de l'Arabe au Français crée un champ lexical nouveau entraînant deux sémèmes ( unité sémantique ) culturels, celui delà consacré en français référé in absentia et le second nouveau à interpréter dans le paysage culturel algérien.

* "A l'oued gentille à l'oued": Sémème consacré, comptine française «Mouette gentille alouette, je te plumerai la tête».

Homophonie : Alouette…. A l'oued: lit de la rivière.

La tête…..babek : ton père.

Sémème nouveau : je te réglerai ton compte.

«Oued» ( vallée ) est sémantiquement surchargé dans la tradition populaire algérienne. C'est le lieu d'où l'on va chercher l'eau, source de vie. Espace de rencontre et donc de convivialité dans certaines situations, il peut se transformer en lieu de règlement de compte, car la configuration géographique du lieu, habituellement encaissé et isolé, s'y prête.

Ainsi une comptine pour enfant est métamorphosée en chant de guerre.

  • « Tout le monde il est BAO, tout le monde il est gentil »:

Sémème français : titre d'un film, lui-même transculturel puisqu'il est formulé en «petit nègre».

Homophonie : Bon……. B.A.O ceux sont les initiales de la Brasserie Algérienne d'Oran, le nom d'une bière produite dans cette ville. [1]

Nouveau sémème: la bière rend la vie joyeuse.

PLANCHE N07 (bis)

* " Le dernier tango à Annaba":

Sémème français : titre d'un film " Dernier tango à Paris", célèbre parce que deux acteurs y étaient montrés faisant l'amour (sodomisation) avec du beurre.

Substitution de Paris pour Annaba.

Le pays traversant plusieurs sortes de pénuries notamment celle du beurre.[1]

Sémème nouveau : voilà pourquoi le peuple « affamé» demande du beurre.

L'intention ici est bien de provoquer, puisque le référent choque quand on connaît la pudeur, pour ne pas dire le puritanisme, qui entoure ce sujet quand il est abordé dans la vie courante des algériens.

* "Je t'aime...moi non plus"

Sémème français: chanson érotique.

Sémème nouveau: la formulation de la passion véhiculée par le titre d'un «tube» à l'avant-garde des moins de quinze ans, des années soixante dix, est mise dans la bouche d'un couple traditionnel et arriéré pictographique: Bouzid (rural) / Zina voilée (non émancipée).

Cet anachronisme entre l'être et le paraître fait que le discours dévalue l'image et la dérision s'accomplit dans L'inter-texte.

PLANCHE N08

Certaines vignettes ne présentent pas un intérêt immédiat pour la dynamique des faits qui construisant le récit. Elles ne s'intègrent pas dans un rapport de causalité, de suite logique ou mécanique avec ce qui précède ou ce qui suit, soit parce qu'elles marquent un temps mort avant un rebondissement de l'action ou parce quelles se situent an fin de niveau [1]. Dans ce cas, leur intérêt est rehaussé par de petits motifs qui interviennent dans nue relation paradigmatique avec le sous thème contextuel. Ces motifs agrémentent le fil de la narration, même s'ils décentralisent l'attention du lecteur par rapport au dénouement, ou au suspens. Ainsi, la pictographie seule, ou en relation avec la graphie véhicule l'essentiel du sens. En effet, dans ces trois illustrations, l'auteur joue et se joue des deux moyens d'expression qu'il fusionne et manipule comme nouveau langage iconico-linguistique.

Ce jeu consiste à les combiner selon : «Un rapport de contiguïté sémiotique et de redondance sémantique. Deux signifiants pour un signifié.

Signifiant                                  Signifiant                                      Signifié

Graphie                                     Pictographie                   Sens

Je vois                                       Un œil                                           Voyante

"Fakou"                                     Main de Fatma                               Dieu me protège

 

* Ce "gatt" ( Chat en arabe ) repère de la trame que l'on retrouve souvent dans la B.D. de témoigne avec l'auteur de l'évidence plate des répliques de la vignette. On s'attend à la déclaration d'amour du méchant Sid Essedik, comme il est logique que la fidèle Zina ne se laisse pas faire, ceci sous l'œil du chat complice du lecteur.

 

PLANCHE 8 (bis)

* Rapport d'analogie par "collocation inhabituelle" (unusual collocation) [1]

Collocation Inhabituelle                               Collocation habituelle

Nous acceptons les Chèques                                         Je n'accepte pas les chèques

Issue de secours                                                           Sortie de secours

Officiel                                                                            Occulte

Administration                                                                Voyante

 L'effet de dérision naît de la disproportion de l'implicite par rapport à l'énoncé. Ici, les institutions sont mises en rapport antagonique, l'ironie devient satire.

 

PLANCHE N0 9

 Dans ces vignettes, les fonctions du texte et du dessin sont inversées, selon deux procédés utilisés dans un rapport de substitution ou d'association.

I. Le signifiant graphique se transforme en signifié pictographique. On assiste donc à une "iconiciation" [1] du verbal.

* Conta CT: ces deux lettres sont rejetées au début de la ligue suivante dans le phylactère. Inscrites sur les plaques d'immatriculation des véhicules, elles indiquaient le statut des cadres scientifiques étrangers en coopération en Algérie, dans les années soixante dix. Ainsi, elles définissent par association le statut du "taleb".

Homme de savoir, jadis, dans l'imaginaire populaire, aujourd'hui le taleb est devenu une sorte de sorcier, docteur de la foi et du corps, souvent consulté pour la concoction de charmes et autres amulettes. Imprimées en caractères gras, elles entraînent, par juxtaposition, l'association de deux statuts antinomiques: charlatan / scientifique.

* Tiers-MONDE : la différence dans la taille des lettres entre les deux mots, tiers par rapport à monde, signifie la politesse du tiers-monde car tiers défini monde, par transcription de "Tiers" avec de petits caractères.

* Le point du point d'interrogation représente la tête du chat que l'on entend miauler (en phylactère) prisonnier dans la cave. Par association, la ponctuation signifie le chat: ou est le chat.

PLANCHE N09 (bis)

1. Le signifiant pictural traduit ici un signifié graphique.

* La terre à ceux qui l' (quatre cœurs dessinés).

Le signifié «aiment» est substitué à «travaillent» qui en est la collocation habituelle dans ce slogan qui a chanté la révolution agraire.

* Dans une bulle, Zina ailée est représentée en train de voler. On remarquera le principe de la transcription pictographique littérale de l'expression figurée «elle s'est envolée» = signifié.

On constate dans ces deux cas un glissement graduel du pictogramme vers l'idéogramme. Cette technique revient fréquemment dans le trait de SUM, au point où l'on pourrait parler d'une "idéographie bouzidienne"

PLANCHE N0 10

 Graphie

 

Signifiant

Signifie

a) Politique de l'autruche

Expression figurée

b) Avion détourné

Expression figurée

c) 33 bien fraîche.

Se dit d'une bière

Pictographie

Signifiant

Signifie

a) Zina la tête dans le sable

Absurde

b) Avion plié en   U

Absurde

c) Chapelet compté (c.a.d. 33)

Alcool interdit : dérision

Le phylactère rectangulaire caractérise ce rapport trans-sémiotique qui fonctionne selon la technique suivante reproduction pictographique littérale de l'expression figurée. On obtient donc deux signifiants et deux signifiés, dont l'un est conventionnel et l'autre qui confine à l'absurde, voire la dérision comme dans le troisième exemple où le sacré est satirisé par le blasphème.

L'impact résidant dans l'absurdité, le sens dominant est pictographique, le texte n'étant qu un support "aspectuel" [1] c'est à dire qu'il ne s'insère pas dans le récit de l'action, un méta-discours sur discours narratif.

PLANCHE N011

 Cette série d'exemples illustre l'importance de la graphie et la secondarité du pictogramme. Le texte porte la signification dominante. Il s'agit pour l'auteur de démystifier, désamplifier les lieux de tension culturelle, et en Algérie, leur terrain privilégié c'est la langue.

La transcription phonétique en lettres latines de certains mots donne une lecture dialectale berbère.

* Cette prononciation est marquée par une nasalisation accentuée de certaines voyelles.

  • «Bian» au lieu de bien,
  • «Baban)) au lieu de baba.

* En avion, la commande d'un repas en est une reproduction typique et aussi pittoresque des gargotes d'Alger.

  • En utilisant la technique de la commutation linguistique, l'auteur produit deux vers caractérisés par la voyelle "A" et rimés en "A".

Petit clin d'œil à la tradition orale, il reprend une expression consacrée «Bla bik ma nebra» (sans toi je ne peux guérir) de la poésie lyrique populaire (shi'r El Melhoun) et que l'on retrouve dans beaucoup de chansons. L'utilisation de la paronomase (rapprochement des mots mais aux sens indépendants) accentue la prosodie de la déclaration.

L'émotion induite par le lyrisme (signifiant) de ces vers est antinomique du sens (signifié), puisqu'elle détermine «Bagra», vache en arabe.

PLANCHE N°11 (bis)

 "Elles n'ont qu'à rester à la maison". L'ironie fonctionne au premier degré et au second degré. Ce type de répliques a souvent été pris au premier niveau, ce qui a fréquemment contribué à l'appréciation du discours bouzidien dans l'ambiguïté, aussi paradoxalement que cela puisse paraître. Mais il est un fait établi que «l'ambiguïté est proprement constitutive de l'ironie».[1]

  • Le patron et son chauffeur, deux portraits antinomiques, dont la relation se définit par le dialogue.

"Wa kla" signifie «oui» en dialectal marocain, mais il est encore plus connoté dans sa collocation syntaxique habituelle «Wa n'a Sidi» = «oui, maître».

Bn effet, ce discours met en relief la docilité réputée et le dévouement humble de la catégorie des travailleurs marocains assurant des petits métiers.

Par opposition, l'algérien a sa «fierté», il refuse toutes sortes d'ordres, même quand il s'agit de travail. On remarquera dans la planche N°6, dans la même situation, le chauffeur de taxi répondre «si j'ai envie». Ces deux types d'observations sociolinguistiques singularisent mutuellement deux attitudes culturelles. Mais en rapport de contiguïté, ces deux comportements s'annulait par leur excès inverse.

  • «Tunnel des difficultés», au lieu de "tunnel des facultés" qui passe sous la faculté centrale d'Alger. L'exploitation du double sens ici rappelle les conditions pénibles, et perturbations que connut la vie estudiantine à l'époque. C'était la période assez agitée de l'U.N.E.A. L'a faculté était souvent fermée et occupée par la police, ces troubles ne cesseront qu'avec la dissolution de ce syndicat d'étudiants, que l'on disait «gauchistes». L'université a toujours été le lieu de l'ambition, institution à la fonction noble par l'implicite (collocation habituelle), elle se transforme en établissement «péntentiaire».

PLANCHE N0 12

 L'un des problèmes les plus délicats auxquels SLIM a eu à faire est sans nul doute celui de la censure. On sait que ce qui nourrit l'ironie est la satire plus particulièrement sur les institutions qui gèrent la société. La gouaille populaire cible systématiquement celles qui se portent garantes de «l'ordre établi» ou "imposé". Dés lors, on comprendra l'absence quasi totale de ses représentations, l'uniforme en l'occurrence la police, la gendarmerie et l'armée.

Cette absence est signalée (s'il fallait) par le biais des formules de remerciements consacrées en fin de récit, techniques de prétérition où l'on annonce ce que l'on ne doit pas dire.

  • La référence aux autorités civiles et militaires pour leur aide parait anodine au premier degré. SLIM savait qu'il ne fallait pas toucher aux symboles de la souveraineté du pays. Tolérée, l'absence s'érige en aide.
  • La trilogie que chante Bouzid en refrain, Socialisme / police / gendarmerie par association centre­-nature - identifie une idéologie à deux instruments du pouvoir.
  • L'auteur ne manque pas d'autocritique puisque les félicitations à la direction du journal «La république» s'adresse indirectement à lui pour avoir réaliser des prouesses autocensure[1].

Avec deux décennies de recul, on constate aujourd'hui que Bouzid est rentré dans la légende de l'univers de l'expression pictographique en Algérie. Les qualités didactiques du personnage se sont vues confirmées, car il est fait appel à son «franc parler de plus en plus, pour faire passer des messages publicitaires chocs, dans les campagnes d'utilité publique, hygiène, prévention routière, etc..

Bouzid a indéniablement généré un discours bouzidien qui lui-même induit un comportement « bouzidien » frondeur, troublion et généreux.

On peut extrapoler, sans trop craindre de sombrer dans l'exagération, et affirmer que les slogans des enfants de quatre vingt huit n'étaient autres que les cris de guerre de Bouzid contre l'injustice sociale, la corruption et les déviations de tous genres qui minent la société algérienne depuis l'indépendance.

De façon générale, on peut avancer que Bouzid prend une bonne revanche, celle des laissés-pour-compte du système. Bouzid décharge, décompresse l'overdose de stress quotidien. En effet, il est bien le porte-parole du conscient collectif non exprimé et/ou non exprimable, conscient collectif déguisé qui emprunte les jeux de l'ambiguïté, les atouts du divertissement enfantin, les méandres de la connotation et toutes ses variantes, pour échapper au quadrillage de la pensée par le discours au pouvoir.

La satire, l'ironie ainsi que tous ses subsides s'érigent en « contre langue ». Langue rebelle hors l'institution sociale elle s'instaure institution elle-même; mais, institution légitime car elle découle du bon sens populaire.

Dans une situation de confiscation de la langue puisque le dialectal est marginalisé dans la périphérie de «l'officiel», elle se développe en «contre­discours». Ainsi, devant la quasi saisie du monopole de la «vérité» par une idéologie, elle devient menace car ce qui s'y exprime «Ce ne sont pas des sentiments, mais, le bien et le nécessaire en soi en général.. » [1], Bouzid ou la chronique du socialisme beat.

Elle puise toujours sa force dans une histoire, elle a donc une tradition, même si la forme de son expression est récente, moderne. Il n'y a pas de culture totalement dénuée d'humour ou d'ironie.

Convention naturelle, acceptée de tous, praxis établie, elle génère ses références, ses valeurs, son code de fonctionnement. Dans ce cas, le discours repose sur une modalité d'expression tridimensionnelle Arabe / Français / Pictographique. L'écriture n'est plus syntagmatique mais paradigmatique puisqu'elle quitte le domaine de la linéarité narrative pour rentrer dans celui de la signification plurielle qui liait des différents rapports qu'entretiennent les trois catégories de signes suivants la graphie/la pictographie/les idéogrammes.

Empiriquement, la langue de la dérision se pare d'une « qualité» d'incohérence, c'est le « discours du bouffon», sa fonction évidente est ludique, c'est le domaine de la plaisanterie. C'est la langue du rire, de la gouaille et elle doit être décodée en tant que telle car c'est justement ce qui la distingue du mensonge et de la vérité à la fois: «ironiser, c 'est dire le contraire de ce que l'on veut faire entendre et non dire le contraire de ce que l'on pense»[2]


Notes

[1]- Telle que la définit Pierre Fresnuault-Deruelle «par Comic strip » nous entendons ces bandes "tripa» de 3 ou 4 vignettes (unité de publication) paraissant jour après jour dans les grands quotidiens d'information, qu'elles soient humoristiques, comme leur nom l'indique ou non.» «Du linéaire au tabulaire» in Communication, N° 24.

[2]- Zid ya Bouzid a été publié:

  • 1980:Tome l: 30.000 exemplaires.
  • 1981: Tome II: 30.000 exemplaires.
  • 1986 Tome III : 20.000 exemplaires.
  • 1986: Réédition des Tomes I et Il en 20.000 exemplaires.
  • 1997: REPORTERS SANS FRONTIERES: Slim Retour d'Ahuristan, Ed. Seuil, Paris. (dédié à B.Guerouî et M Dhorban « Dessinateurs sauvagement assassinés»).

On peut rappeler que ces éditions interviennent après la parution de cette bande dans différents quotidiens et hebdomadaires sous forme de feuilleton de type satirique. Si ces chiffres sont à relativiser, ils restent très importants pour la consommation du marché local. Procéder à une évaluation de ce que pourrait donner sa distribution sur le marché international serrait préjuger du comportement des lecteurs non algériens, compte tenu des erreurs de décodage transculturel potentielles.

Néanmoins, on peut avancer de façon certaine à l'échelle du Maghreb que le succès serait le même. En effet, on a constaté la vente d'ouvrages dans des librairies à Casablanca (Maroc), ceux-ci ayant sûrement transité au-delà des frontières par des circuits commerciaux occultes connus en Algérie sous le nom de trabendo.

[3]- Pour Umberto Eco : " Le personnage des bandes dessinées naît au contraire, dans la civilisation du roman. Le récit en vogue dans les civilisations anciennes était presque toujours le récit de quelque chose qui était arrivée et que le public connaissait…; Le public n'exigeait pas de connaître quelque chose d'entièrement nouveau, mais désirait plutôt entendre conter un mythe d'une manière agréable et se complaire à retrouver le déroulement connu plus riche et intense" "Le mythe de Superman" in Communication, N° 24.- p.25.

[4]- VIDELIER, Philippe.- La guerre froide racontée aux enfants" in Le Monde diplomatique.- Août 1990.- p.p. 14 et 15.

[5]- A ce propos, il faut souligner que Bouzid n'est pas la seule expérience dans ce journal, même si c'est la plus réussie. En effet, d'autres B.D. apparaissent irrégulièrement :

  • "Alerte en Papouasie"
  • " Les chlomos attaquent" : scénario de Mohammedi Mustapha, Dessin de Arab (Juillet 1970)
  • "Kaddour Boud'biza" : Arab et Benouali (Janvier 1970). Ce personnage porte le saroual avec bretelles, la calotte (taguia) et la canne.
  • " Les avatars de Beshes" par B. Allel (Janvier 1970).

[6] - GROENSTEEN, Thierry.- La bande dessinée depuis 1975.- In : Le français dans le monde, Hachette, Larousse, Avril 1986, "La critique de la bande dessinée est née bien après le genre lui-même, longtemps tenu pour un divertissement infantile, sinon malsain, La B.D. se lisait naguère en cachette, et il ne serait venu à l'idée d'aucune personne "sérieuse" de coucher par écrit quelques réflexions à son sujet".

[7]- En dépit des preuves qu'elle a données, il reste encore des espaces jalousement clos à cette forme d'expression. Il suffit de voir les réactions passionnées (quand elles ne furent pas fanatiques) et dérisoires que provoquent les tentatives de pénétration de la B.D. dans les champs du sacré. On se rappelle pour mémoire la polémique dont a été victime l'auteur tunisien qui a transcrit le Coran en bande dessinée, et le peu de succès qu'a rencontré la Bible dans la même forme d'expression. Même si l'église lui reconnaît son impact, voici ce qu'en dit le Cardinal Roger Etchegaray.

[8]- Eco, Umberto.- Le problème de la réception.- in Critique sociologique et critique psychanalytique.- Edition de l'Institut de Sociologie, Université Libre de Bruxelles, 1970.

[9]- Il faut rappeler que dans ce volume, il n'y a que deux histoires consacrées à Bouzid, le reste p.p. 31 à 51 étant une compilation des pages hebdomadaires publiées dans Algérie Actualités.

[10]- TOUSSAINT, Bernard.- Idéographie et bande dessinée.- in Communication N° 24.- p.83.

[11]- La dernière aventure de Bouzid apparaît en 1980 Une loubia pour un martien naïf.

** Mise en forme technique réalisée au CRASC par Melles Nabila HASSAINE et Nadéra MEROUANE.

[12]- On considère comme para-texte dans ce cas un champ sémantique dans lequel des techniques narratives extérieures au temps et à l'espace de la fiction interviennent pour modifier ou créer des effets thématiques afin de produire du sens nouveau greffé sur ou englobant le premier champs.

[13] FRESNAULT- DERUELLE, Pierre .- Op.Cité.- p.21.

"En tant qu'organisme graphique, i.e. en tant qu'entité formelle, la planche de comics est parfois lieu d'une interrogation sur la nature du lien qu'on s'acharne à tisser entre narration et profondeur de champ, plus précisément sur 'la vertu fabulatrice' de la perspective".

[14]- Un petit coup de pied en passant dans le sac des croyances et préjugés des faux dévots.

Sans être irrévérencieux, ces allusions satiriques à l'intention de l'institution religieuse traduisent souvent la vision qu'en a le bon sens populaire.

[15] Cette pénurie avait provoqué un mécontentement tel que dans l'un de ses discours, le Président Boumediene avait eu un mot que l'opinion publique avait trouvé méprisant : "ceux qui n'arrivent pas à vivre sans beurre n'ont qu'à quitter le pays".

[16] Terme technique pour indiquer la ligne dans la terminologie usitée dans la B.D.

[17]- La collaboration est une relation observable entre deux items dans leur arrangement dans un texte, parlé ou écrit. Chaque fois que l'on utilise l'un des deux items du vocabulaire, l'autre est implicite dans l'occurrence. Ex : ciel bleu. Michael Mc CARTHY : Vocabulary.- London. Candlin C.N.F Widdowson H.G. Ed., O.U.P., 1990.

[18] Lettres dessinées" concept de P. FRESNAULT-DERUEUE.- Op.cité.-p.23.

[19]- FRESNAULT- DERUELLE, Pierre .- Op.Cité.- p.13.

"Par aspectuel, nous entendions les modalités de l'action (multiplication des ambiances, cadrages, etc.) telle qu'elle nous est offerte à travers la prolifération des attitudes (voire leur décomposition) et l'épellation intimiste des aventures contées".

[20]- KERBRAT-ORRECCHIONI, C..- La connotation.- Lyon, P.U.F.

[21]- Cette communication a été présentée devant SLIM lors du premier Salon Maghrébin de la B.D. et de la caricature organisé par le Musée Ahmed Zabana à Oran, Juin 1990. Alors que se fait la saisie de cet article dans une interview in L'hebdo libéré, N°102, du 09 au 15 Mars 1993, SLIM reconnaît le pouvoir de cette autocensure :

"J'ai été feinté", parce que je suis le caricaturiste du parti unique. Je dis cela entre guillemets. J'étais pratiquement le seul. S'il y avait une relève et il n'y avait rien. Les gens avaient peur. Ils me disaient tu es fou, fais attention ! Et moi, je trouvais que le métier de dessinateur, c'était aussi de prendre des risques très calculés, il est vrai, et puis aussi, l'autocensure que j'ai pratiqué dans la tête pendant très longtemps, d'une part".

[22]- HEGEL.- L'Esthétique (Vol.2ème).-p.253.

[23]- KERBRAT-ORRECHIONI, C..- Op.cité.- p.134.

[24]- Ibid.- p.137.

[25]- Ce personnage se retrouve dans tous les contes des pays arabes, et chacun d'eux en revendique la paternité. Les premiers auteurs à avoir transcrit ses "frasques" sous forme d'un chapelet d'aventures racontées en prose, sont égyptiens ; ADES A; et JOSIPOVICI A., Le livre de Goha le simple.- Paris,, Calman-Lévy, 1919-1969.

[26]- "Depuis le karakôz a fait son chemin dans tout le bassin méditerranéen, se coloriant de différentes teintes, s'accommodant de différences mentalités et, surtout, quittant son esprit mystique d'origine pour une veine satirique endiablée. Cet esprit satirique qui était, en plus, entaché de licence extrême (notamment dans la pièce comme du "Hammam" ou celle, acide, du "jeu des citrons" amena plusieurs fois, l'interdiction du tréâtre d'ombre (notamment en 1843 en Algérie). Mohammed AZIZA, Le théâtre et l'Islam.- Alger, SNED, S.D..-p.41.

Mais l'histoire (contextualisation sociale et temporelle) et l'analyse de ses modalités de ses fonctions nous montrent quelles répondent à des lois. En fait, c'est une forme de discours cohérent et qui s'articule dans un ou plusieurs systèmes de signification, comme le formule Kerbrat-Orrechioni C.

«Le décodage de l'ironie met en œuvre outre leur compétence linguistique, les compétences culturelles et idéologiques des partenaires de l'allocution (c'est à dire l'ensemble de leurs connaissances et systèmes d'interprétation du référent qui peuvent diverger) »[3].

Si elle a une histoire, de toute évidence son produit doit avoir une histoire et Bouzid chroniqueur, un ancêtre, au moins de la fonction. Bouzid, bouffon de l'Algérie contemporaine. Djeha [4] et bien avant ce dernier le Karakôz [5] ont tour à tour nourrit l'imaginaire traditionnel algérien, en particulier dans les moments d'oppression, silences des peuples quand ils se taisent.

Si le génie du peuple se voit obliger de créer des créneaux d'expression qui échappent au pouvoir, les symboles qui le véhicule deviennent des mythes et entrent dans l'histoire. Bouzid apprend à transcender le temps et l'individu nous semble t-il pour accéder à l'universalité comme ses prédécesseurs, statut obligatoire pour faire partie du patrimoine culturel éternel de la communauté.

 

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