L’intervention institutionnelle et son impact sur la pratique historiographique en Algérie : la politique « d’Ecriture et de Réécriture de l’histoire », tendances et contre-tendances

Insaniyat N°19-20 | 2003 | Historiographie maghrébine : champs et pratiques | p.7-40 | Texte intégral


Establishment intervention and its impact on historiographic practice in Algeria. The policy : "writing and re-writing history". Tendency and counter trend

Abstract: Since Algeria’s independence and especially since 1970 the State among its priorities puts the necessity of “Writing” and “ Re-writing” national history, so that everything which had been produced on this subject during the colonial period could be reconsidered, because it was supposed to have been modified by an ideological venture to falsify.
Our purpose here is to give a general outline of this policy and what it presupposes, in so much as political trend and view point setting in motion establishment means to this end, to its impact on real historiographic out put (magazine articles, university research, school text-books, and other published work).

Key words : Colonial history – National Historiographic Establishment history – Writing and Re-writing – National constant (Thawabit) – Legitimate history.


Hassan REMAOUN : Enseignant-chercheur, Université d’Oran, 31 000, Oran, Algérie
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie


Nous nous proposons dans cette contribution de présenter une esquisse (faute d’un tableau exhaustif), portant sur les principaux centres d’intérêt et les tendances dominantes qui caractérisent la pratique historiographique dans l’Algérie contemporaine, et notamment depuis l’indépendance du pays en 1962.

A partir de cette date mais surtout depuis les années 1970, l’Etat va avoir pour crédo en la matière, la nécessité de «l’Ecriture et Réécriture de l’histoire». La Réécriture viserait à rectifier tout ce qui aurait été «falsifié» par les historiens coloniaux, et ceci en continuité avec la production des historiens nationalistes, tandis que l’Ecriture devra cibler l’Evénement fondateur par excellence de l’Etat national, autrement dit la Guerre de libération nationale[1].

En fait la politique de Réécriture tâchera comme on essaiera de le vérifier, de valoriser une identité algérienne ayant pour racines les «thawabit» ou «constantes» héritées d’un passé qu’on tend à réduire au caractère arabo-islamique[2], et dont la flamme aurait été perpétuée jusqu’en pleine période coloniale, grâce l’irrédentisme insurrectionnel et à l’action des leaders du réformisme religieux (Islah). Le mot d’ordre d’Ecriture visera quant à lui, la légitimation ultime de l‘Etat indépendant et bien entendu des équipes qui contrôlent le pouvoir politique, et ce, au nom de la participation à la Guerre de libération nationale, qui donne droit au titre de Moudjahid.

L’intervention institutionnelle devra cependant dans sa mise en oeuvre être confrontée à l’existence de résistances et de contre-tendances que nous ciblerons aussi pour en déterminer les impacts et présupposés.

L’objet de la présente étude nous poussera donc à aborder la pratique historiographique en l’entendant au sens large incluant les institutions en activité ainsi que la politique et les thèmes de recherche, l’édition et même l’enseignement de la discipline.

Nous nous appuierons cependant beaucoup plus sur la production ayant pour support les revues à vocation historique, ceci parce que selon leurs durées de vie, elles peuvent nous permettre de déterminer des tendances en oeuvre sur une assez longue période et faciliter ainsi une tentative de décryptage des présupposés de la production historiographique algérienne.

I. Les supports de la recherche historiographique

Nous ne pouvons traiter du fonctionnement de la recherche historiographique sans faire un point quant aux supports institutionnels qui sont les siens. Nous nous intéresserons ici à la politique des archives nationales puis aux universités et centres de recherche et enfin à l’état des lieux concernant les revues spécialisées ou accordant un intérêt particulier à la discipline.

1°/ La politique des archives nationales

La question des sources et des archives est essentielle à poser pour permettre le travail de l’historien. Leur préservation semble relever d’organismes tels la Bibliothèque nationale, le Centre de documentation algérien, et surtout les Fonds des Archives nationales. C’est ainsi que ce dernier institué en Juin 1971, s’est vu pourvu dans les années 1980 d’un Centre des Archives Nationales, édifice impressionnant et fonctionnel construit à Alger (en même temps que le nouveau siège de la Bibliothèque nationale), et qui bénéficie d’annexes au niveau des 48 wilayate qui structurent administrativement le pays.

Des stages et séminaires périodiques sont organisés pour recycler le personnel chargé de l’archivage au niveau des différentes administrations, tandis qu’une formation spécifique est dispensée dans les instituts de bibliothéconomie des principales universités du pays.

Des relations ont même été établies avec des institutions chargées de la conservation des archives dans les pays étrangers et un «Colloque international sur les Archives concernant l’histoire de l’Algérie et conservées à l’étranger», a pu même se tenir à Alger (du 16 au 19 février 1998). Selon les organisateurs, «L’idéal serait en fait grâce à ce colloque de collecter des reproductions de fonds ou collections d’Archives, notamment les reproductions de Traités, Accords et Pactes internationaux signés par l’Algérie, des correspondances émanant des autorités algériennes des époques les plus lointaines, par exemple celle des dignitaires des Royaumes berbères du Moyen-âge musulman, des Deys et des Beys qui se sont succédés au niveau central et provincial durant la période moderne (XVIe-XIXe siècle), des chefs politiques et militaires de la Résistance algérienne à l’invasion coloniale, des dirigeants du Mouvement national (1919-1954), et de la Guerre de libération nationale, ainsi que des rapports et correspondances des représentations diplomatiques et des chancelleries étrangères accréditées en Algérie depuis le XVe siècle»[3].

Il s’agirait en quelque sorte de déceler des traces attestant l’existence d’une continuité historique et étatique remontant au moins au Moyen-âge. On peut supposer par ailleurs que si la période antique n’est pas explicitement signalée, c’est sans doute moins par souci de faire l’impasse sur le passé berbère, punique et romain et plus généralement de la période pré-islamique (puisqu’il est fait référence aux Royaumes berbères du Moyen-âge musulman) que par une prise en compte de la rareté des archives non encore traitées par l’historien et datant de l’antiquité. Ceci nous donne cependant un panorama des centres d’intérêts vers lesquels l’Etat veut orienter l’historiographie algérienne, mais nous y reviendrons.

En tout état de cause, ce sont les archives datant de la période coloniale qui semblent constituer l’enjeu le plus important, autant pour des raisons de légitimation de l’Etat national (qui succède directement à l’ère coloniale), que par la quantité impressionnante des documents datant de cette période et retenus par l’Etat français. Quelques 600 tonnes d’archives concernant l’Algérie, seraient ainsi entreposées au Fonds des Archives d’Outre-Mer à Aix en Provence. Cependant, 20 % seulement de ces documents auraient un caractère politique, le reste traitant de domaines tels ceux de la santé, du tourisme, du cadastre, de l’Etat-civil, de l’hydraulique etc[4]. Il existe cependant en France d’autres fonds d’archives concernant l’Algérie. C’est le cas à Nantes pour l’Etat-civil, à Toulon pour une partie des archives de la Marine française, au Fort d’Ivry pour les archives audiovisuelles, et surtout au Château de Vincennes ou sont entreposées les Archives militaires françaises. Ainsi l’Algérie est concernée par 5000 cartons d’archives disponibles au Service historique de l’Armée de terre (SHAT), 2120 cartons au Service historique de l’Armée de l’Air (SHAA), et 1225 cartons au Service historique de la Marine (S.H.M). Par ailleurs et toujours à Vincennes sont entreposés quelque 160.000 photos, 180 films documentaires et 595 bandes d’actualité[5]. Nous pouvons considérer que la majorité de ces archives sont maintenant accessibles au public, même si la loi française du 3 Juillet 1979 prévoit des délais (de communications) allant de 30 à 150 ans (selon la nature des documents). On notera enfin que le plus grand nombre de documents archivés concerne les périodes les plus récentes. C’est ainsi que 80 % des archives entreposées au Shat, portent sur la période allant de 1945 à 1962.

2°/ Les universités et centres de recherche

La recherche historiographique est bien entendu présente au sein de l’institution universitaire. Il existe notamment des instituts d’histoire dans les principales universités du pays, c’est le cas notamment pour Alger, Oran et Constantine.

La recherche y est menée par des étudiants préparant des thèses de magister (3ème cycle) ou de doctorat, ainsi que par des enseignants-chercheurs intervenant dans des séminaires ou au sein d’équipes de recherche. L’intérêt pour tout ce qui a rapport au passé et à l’historiographie au sens large ne se cantonne cependant pas aux instituts d’histoire, mais touche aussi d’autres formations universitaires : Archéologie, sciences politiques, droit et sciences économiques, sociologie, lettres, culture populaire (Tlemcen et Tizi-Ouzou), civilisation islamique (notamment dans le cadre de l’université des sciences islamiques de Constantine), et même en administration (Ecole nationale d’administration).

Parmi les centres de recherche qui s’intéressent à la discipline, on peut citer pour Alger, le cas du Centre national des études historiques (C.N.E.H) créé en 1971 et rattaché d’abord à la Présidence du Conseil, puis au Ministère de la Culture. Le C.N.E.H va d’ailleurs en 1984 intégrer en son sein les missions du Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques (C.R.A.P.E. fondé en 1964 pour remplacer le C.A.R.A.P.E. qui avait été créé en 1955), puis céder la place en 1993 à un Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (C.N.R.P.A.H). En 1995, il a par ailleurs été institué un Centre national des études et recherches sur le Mouvement national et la Révolution du Premier Novembre 1954 (C.N.E.R.M.N.R.54), dépendant du Ministère des Moudjahidine.

Paradoxalement le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, dont dépendent les universités et de nombreux centres de recherche, n’a sous sa tutelle aucun centre spécifiquement orienté vers la recherche historiographique. Certaines de ses institutions (en plus des universités) accordent cependant un intérêt à l’histoire, et c’est le cas pour le Centre de recherche en économie appliquée et développement (C.R.E.A.D), et pour le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (C.R.A.S.C). L’office national de la Recherche scientifique (O.N.R.S), dissous en 1984) à vocation pluridisciplinaire, s’était en son temps ouvert aussi à l’historiographie.

3°/ Les revues traitant de l’historiographie

Les revues éditées par des universités, centres de recherche ou d’autres institutions, associations et sociétés savantes, ont foisonné à certains moments en Algérie (et c’est le cas aussi ces deux ou trois dernières années), mais ce qui les caractérise en général, c’est l’irrégularité dans la périodicité sinon leur faible durée de vie[6]. Sur une vingtaine de revues historiographiques ou s’intéressant en partie à la discipline et parues entre les années 1960 et les années 1990, quelques unes seulement ont fait preuve d’une certaine continuité. On pourra citer notamment les cas de la Revue d’histoire et de civilisation du Maghreb (R.H.C.M) éditée par la société historique algérienne (13 Numéros parus entre 1966 et 1976), la Revue des Archives nationales (10 numéros publiés entre 1973 e 1981), Majellat Dirassat Tarikhia (9 numéros publiés entre 1986 et 1995 par l’institut d’histoire de l’Université d’Alger), et enfin Majellat et-tarikh (25 numéros édités par le CNEH entre 1975 et 1992).

On pourra citer aussi comme périodiques s’intéressant à l’histoire, la Revue des sciences juridiques, économiques et politiques (Revue algérienne ou R.A.S.J.E.P), assez régulièrement publiée par la Faculté, puis l’Institut de Droit d’Alger et qui continue une tradition de publication de périodiques, remontant à 1877[7], le Bulletin d’archéologie algérienne (une dizaine de numéros publiés par le Ministère de la Culture), la revue Naqd qui à ce jour a sorti une quinzaine de numéros en 2002, la revue EL Açala éditée entre 1971 et 1981 par le Ministère des affaires religieuses, et en dehors d’Alger la revue Cirta qui sortait épisodiquement (Université de Constantine), et Insaniyat éditée récemment par le CRASC (Oran, 18 numéros disponibles en juin 2002). Nous noterons enfin que si la centenaire Revue africaine (publiée depuis 1856 par la Société historique algérienne) a cessé de paraître à la veille de l’indépendance du pays, le Bulletin de la Société de géographie et d’archéologie d’Oran publié depuis 1878 a sorti des numéros jusqu’en 1988 tandis que la revue Libyca, datant de 1953 a vu sa publication continuée par le CRAPE, puis le CNEH, jusqu’en 1986[8].

II. La recherche historiographique à travers les revues

Nous nous proposons ici d’analyser les sommaires de quelques revues qui nous paraissent refléter les tendances et contre-tendances qui traversent la pratique historiographique. Nous nous appuierons sur des revues d’histoire, ou s’intéressant en partie à la discipline, ceci en essayant de détecter la place qu’elles consacrent dans leurs livraisons aux périodes suivantes : Préhistoire, Antiquité, Moyen âge maghrébin et musulman, période ottomane et enfin période coloniale ainsi que la répartition des différents articles selon la langue de travail utilisée (arabe ou français). Nous ciblerons ensuite la dernière période citée pour tenter une répartition des articles suivant qu’ils traitent notamment de la société et de la politique coloniales, des mouvements insurrectionnels et de résistance à la colonisation, du Mouvement national sous sa forme moderne (aspects politiques ou culturels), et enfin de la Guerre de libération.

L’approche comparée entre les différentes revues devrait ainsi nous permettre d’esquisser une explication susceptible de rendre compte des préoccupations dominantes en historiographie, ce qui nous ouvrira la possibilité d’aborder dans le chapitre suivant les présupposés et enjeux de la politique d’Ecriture et de Réécriture de l’histoire.

1°/ Analyse des sommaires de la R.H.C.M et de Majellat Et-tarikh

Nous aborderons ici le cas de deux revues historiographiques : La Revue d’histoire et de civilisation du Maghreb (R.H.C.M) et Majallat et-tarikh.

Ce choix est dicté par les raisons suivantes :

- Elles ont toutes les deux des prétentions académiques ou savantes, puisqu’ animées par des universitaires, même si elles peuvent rester ouvertes à des auteurs venant d’autre horizons.

- Elles ont fait chacune preuve d’une certaine périodicité, puisque la première éditée par la Société historique algérienne (S.H.A) a pu paraître durant une dizaine d’années entre 1966 et 1975 (avec 13 livraisons en tout), et la seconde éditée par le CNEH, entre 1975 et 1992 (25 livraisons en tout).

- Par ailleurs le CNEH a eu dès sa création mission officielle de dominer (sinon monopoliser) la recherche historiographique au moins en ce qui concerne les orientations et a donc intégré «de facto» la S.H.A[9], Majallat at-tarikh pouvant apparaître ainsi comme le successeur de la R.H.C.M. D’ailleurs 3 membres sur 4 (tous universitaires) du comité de rédaction de la R.H.C.M[10], vont se retrouver au comité de Majellat et-tarikh (qui comprend 10 membres).

En tous les cas l’analyse de ces deux revues devrait nous aider à décrypter l’évolution de la pratique historiographique en Algérie, durant un quart de siècle (de 1966 à 1992).

Nous noterons enfin que si les deux revues sont à vocation historiographique, elles publient parfois aussi des articles et documents relevant d’autres domaines.

a) Le décompte des articles selon les périodes traitées dans les deux revues :

a1) La R.H.C.M.

Nous avons étudié la production historiographique au sens large (c’est à dire intégrant ce qui est préhistoire, archéologie, civilisation...), de 12 numéros de la R.H.C.M. sur 13 publiés, et en nous appuyant sur les tables des articles des 10 premiers numéros, telles que reprises dans le numéro 11 de la revue et en nous reportant directement aux sommaires des numéros 11 et 13 (nous n’avons donc pas analysé le sommaire du numéro 12). En regroupant les articles par périodes abordées et selon qu’ils soient écrits en arabe ou en français, nous sommes parvenus au classement suivant :

Périodes

Nombre d’articles en arabe

Nombre d’articles en français

totaux et pourcentages

Préhistoire maghrébine

0

4

4

3,57%

Antiquité maghrébine

1

9

10

8,92%

Moyen âge (Maghrébin et musulman

10

36

46

Période ottomane

(Algérie)

9

11

20

17,85%

Période coloniale

(Algérie)

6

24

30

27,67%

Articles à caractère général

0

2

2

1,78%

Totaux et

pourcentages

26

23,21%

86

76,78%

112

100%

a2) Majallat et-tarikh

Nous avons traité les sommaires de 24 livraisons de Majallat et-tarikh sur 25 existantes. Nous nous sommes appuyé pour cela sur le catalogue général édité en 1996 par CNRPAH (qui a succédé au CNEH en juin 1993). Nous n’avons pu traiter le sommaire du numéro 15 de la revue parce que non reproduit dans le catalogue.

En opérant la même classification que pour la R.H.C.M, nous avons abouti sur les résultats :

Période

Nombre d’article en arabe

Nombre d’articles en français

totaux et pourcentages

Préhistoire maghrébine

2

1

3

1,29%

Antiquité maghrébine

8

6

14

6,03%

Moyen âge Maghrébin et musulman

34

20

54

23,38%

Période ottomane

(Algérie)

24 (+ une dizaine de documents non comptabilisés)

9

33

14,22

Période coloniale

(Algérie)

54

47

101

43,53%

Articles à caractère général

20

7

27

11,63

Totaux et

pourcentages

142

61,20%

90

38,80%

232

100%

b) Premiers commentaires portant sur les 2 tableaux

La lecture des deux tableaux nous permet de déceler deux changements tendanciels intervenus après le passage de la RHCM à Majallat et-tarikh.

En premier lieu et alors que la période médiévale est dominante dans le premier tableau (avec 41,07% de l’ensemble), et que le passé islamique (période médiévale + période ottomane) est même majoritaire (avec près de 59% de l’ensemble), elle redescend à 23,28 % dans le second tableau et à 37,50 % si on y ajoute la période ottomane. Ce recul semble s’opérer au profit de la période coloniale avec une progression qui la fait passer de 27,67 % à 43,53 % du total.

Ceci est d’autant plus frappant qu’une seconde tendance semble accompagner la première puisque nous avons un renversement dans les pourcentages des articles écrits en arabe et en français, les premiers grimpant de 23,21 % à 61,20 % de l’ensemble, les seconds régressant de 76,78 % à 38,80%. Faudrait-il considérer que le recul de l’intérêt porté aux périodes médiévale et ottomane au bénéfice de la période coloniale serait lié à la  progression de l’arabisation dans le pays ? Le nombre majoritaire d’articles écrits en français portant dans le premier tableau sur les périodes médiévale et ottomane pourrait le laisser penser. Ceci d’autant plus qu’une troisième tendance n’est pas directement décelable à la lecture de ces tableaux, puisque nous assistons à un recul allant jusqu’à la presque quasi-disparition dans la seconde revue d’historiens et chercheurs français qui écrivaient dans la R.H.C.M. Cette dernière était en effet publiée par la Société historique algérienne (SHA), fondée en 1856 et ayant déjà publié durant plus de cent ans la Revue africaine (dernier numéro paru en 1961). Or cette revue après avoir durant le XIXème siècle privilégié l’archéologie et l’histoire ancienne (plus de 50% des articles) va progressivement diversifier ses centres d’intérêt, intégrant de plus en plus d’articles d’arabisants et de spécialistes de la culture arabe et musulmane[11].

Le problème qui se pose à nous est que justement l’arabisation depuis l’indépendance du système d’enseignement et notamment des études en histoire, devrait pousser au contraire à un développement de l’intérêt historiographique pour tout ce qui relève du passé arabo-musulman. D’ailleurs en chiffres absolus, le nombre d’articles portant sur Moyen-âge maghrébin et musulman et l’Algérie ottomane, s’est développé, puisque ces deux périodes passent respectivement de 46 et 20 à 54 et 33 articles, dont 34 et 24 en langue arabe (contre 10 et 9 dans la RHCM)[12]. D’ailleurs si nous prenons pour témoin une troisième revue, Majellat ed-dirassat at-tarikhia (publiée par l’institut d’histoire de l’université d’Alger), et qui, à une ou deux exceptions près par numéro, ne publie que des articles en langue arabe, nous constaterons que pour un échantillon de trois numéros (sur un total de 9 livraisons opérées entre 1986 et 1995) nous avons plus de 50% des articles qui traitent des périodes médiévale et ottomane.

La langue de travail utilisée ne semble donc pas intervenir comme élément directement déterminant dans le passage du profil de la RHCM, à celui de Majallat at-tarikh. Nous retiendrons cependant, que si la RHCM est loin de se comporter en simple continuatrice de la Revue africaine, il en est de même pour Majellat et-tarikh vis à vis de la RHCM. L’intérêt particulier porté par la revue du CNEH pour la période coloniale, mérite qu’on s’y attarde, et tout d’abord à travers les thèmes mis en valeur.

2°/ Les thèmes ciblés pour la période coloniale

Les deux revues présentées ici se sont donc intéressées dans des proportions différentes à la période coloniale. Une comparaison des thèmes ciblés par l’une et par l’autre pourrait sans doute nous en apprendre plus.

a) La répartition des articles traitant de la période coloniale

Nous avons essayé dans les tableaux suivants de répartir les articles traitant de la période coloniale selon quatre rubriques déjà citées :

La R.H.C.M

Thèmes

Articles en arabe

Articles en français

totaux et pourcentages

Société et politique coloniale

1

15

16

53,33%

Résistance armée et soulèvements

2

2

4

13,33%

Le Mouvement

national (politique et culturel)

3

6

9

30%

Guerre de libération

0

1

1

3,33%

Totaux et

pourcentages

6

20%

24

80%

30

100%

Majellat et-tarikh

Thèmes

Articles en arabe

Articles en français

Totaux et pourcentages

Société et politique coloniale

10

8

18

17,82%

Résistance armée et soulèvements

16

18

34

33,66%

Le Mouvement

national

16

8

24

23,76%

Guerre de libération

12

13

25

24,75%

Totaux

54

53,46%

47

46,54%

101

100%

b) Commentaires portant sur les deux tableaux

A la lecture du tableau concernant la RHCM, il se confirme que l’intérêt historiographique porté à la période coloniale ne peut être directement imputé à l’usage de la langue arabe, ceci dans la mesure ou 80% des articles traitant de la question sont rédigés en Français. La prédominance relative de l’usage de l’arabe en ce qui concerne Majellat et-tarikh (53,46% du nombre des articles contre 46,54% pour le français), ne peut être apparemment liée qu’aux progrès de l’arabisation dans le pays, d’ailleurs plus précoce en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire. On remarquera aussi que le taux des articles en français concernant la période qui nous intéresse ici, est supérieur au taux enregistré à propos de l’ensemble des périodes traitées par Majallat et-tarikh (46,54% des articles en français traitant de la période coloniale, contre 38,80% pour l’ensemble des périodes confondues. Voir II,1,a).

La lecture des deux tableaux traitant de la période coloniale nous indique aussi que si pour la RHCM et au vu du nombre d’articles, la rubrique « Société et politique coloniale » vient en tête (avec 53,33% de l’ensemble), suivie par la rubrique «Mouvement national» (30%), et loin derrière par la rubrique «Résistance armée et soulèvement» (13,33%) et encore la rubrique «Guerre de libération» (3,33%), la tendance connaît un bouleversement radical dans Majellat et-tarikh. En effet dans cette dernière la rubrique «Résistance armée et soulèvements» passe en tête (avec 33,66% des articles), suivie de la rubrique «Guerre de libération» (avec 24,75% de l’ensemble), et de la rubrique «Mouvement national (23,76%), tandis que la rubrique «Société et politique coloniale» termine en fin de liste (17,82%, alors qu’elle était tête de liste dans la RHCM).

Les phases de lutte armée (Résistance armée et soulèvements + Guerre de libération), qui totalisaient 16,66% des articles dans le premier tableau, passent à plus de 58% dans le second. Nous nous devons de préciser cependant ici que la rubrique «Résistance armée et soulèvement», est dominée par la personnalité de l’Emir Abdelkader qui totalise près des 2/3 des articles (22 sur 34), le numéro 14 de Majallat et-tarikh lui étant par ailleurs complètement consacré (à l’occasion du centenaire de sa mort). Si la rubrique «Mouvement national» semble encore assez bien classée (avec 23,76% du total), c’est parce que nous y avons intégré deux articles traitant des Evénements du 8 mai 1945 (qui auraient pu aussi bien être intégrés avec les soulèvements), l’activité intellectuelle et culturelle en général, et l’Association des Ulama (Islah) en particulier y étant par ailleurs très bien représentées, puisque 7 articles traitent du seul Tewfik el Madani (dans le n° 18 de la revue, qui lui est dédié).

Dans quelle mesure les tendances dégagées à la lecture de nos deux revues sont elles représentatives des changements globaux qui interviennent dans l’intérêt porté à l’historiographie entre les années 1960 et les années 1980, au moins ?

Le traitement rapide de deux autres revues qui ne sont pas à dominantes historiographiques, mais qui accordent dans leurs livraisons un espace à la discipline, pourrait nous aider à répondre à la question.

3°/ Les préoccupations historiographiques à travers la lecture de la R.A.S.J.E.P et d’El Açala

La Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques (R.A.S.J.E.P) et El Açala n’ont pas la même vocation. Alors que la première est académique? puisque publiée par l’institut de Droit de l’université d’Alger, et continuatrice d’une lignée de périodiques remontant à 1877, la seconde a des objectifs plus idéologiques et « missionnaires », puisque éditée par le Ministère des affaires religieuses. Malgré leur différence de statut, elles vont cependant toutes deux accorder un intérêt à l’historiographie.

a) La Revue algérienne (R.A.S.J.E.P)

En feuilletant l’index des articles parus dans la Revue algérienne (trimestrielle), pour la période 1964-1994[13], nous pouvons remarquer que des articles ayant un lien avec l’historiographie sont parfois publiés à partir de préoccupations de juristes, d’économistes, de politologues ... et même d’historiens. En fait nous avons dénombré 49 articles (sur un ensemble de 702), ayant une relation avec la discipline (soit 6,98 % de l’ensemble des articles publiés). Pour ce qui est de la langue utilisée, 47 le sont en français, et deux seulement en arabe. Les articles traitant de la période médiévale sont au nombre de 6 (dont les deux seuls écrits en arabe), de la période moderne (ou ottomane) au nombre de 3, et de la période contemporaine (ou coloniale) au nombre de 40, soit plus de 80% de l’ensemble considéré. Si les articles traitant de la période médiévale ou ottomane sont surtout à portée générale et théorique (Pensée d’Ibn Khaldoun, ou formation sociale pré-coloniale), ceux qui abordent la période coloniale sont centrés sur l’histoire sociale et politique. Ils se répartissent comme suit :

Généralités

Société et culture

Politique coloniale

Résistance et insurrections

Mouvement national

Total

4

11

3

1

21

40

10%

27,5%

7,5%

2,5%

52,5%

100%

b) El Açala

La revue El Açala a été publiée entre 1971 et 1981, soit un total de 91 numéros, avec cependant des numéros doubles et même tripes ou quadruples rédigés en arabe et plus rarement en français. Selon Luc-Willy Deheuvels, 30% des numéros porteraient sur l’histoire[14], la quasi totalité des articles traitant de l’Algérie, (sauf quelques cas qui ont trait à la Palestine ou à la Révolution islamique en Iran).

Le décompte des articles apparaît comme suit :

Période pré-islamique

Période médiévale

Période ottomane

XIXè siècle

XXè siècle

6%

26%

12%

20%

28%

Quelques 38% des articles traiteraient donc du passé islamique (périodes médiévale et ottomane), et 48% de la période coloniale, le XIXème siècle étant dominé par les différentes révoltes et résistances à l’activité missionnaire chrétienne et le XXème siècle par l’Association des Ulama (Islah), et la Guerre de libération nationale (thawra), ces deux dernières rubriques, occupant chacune le tiers de l’espace réservé à ce siècle.

En fait une répartition plus détaillée des articles traitant de la période coloniale nous est proposée dans les Actes d’un colloque maghrébin organisé en décembre 1992 par l’institut d’histoire de l’université d’Alger[15]. Nous en extrayons le tableau suivant :

 

Culture histoire civilisation

Résistance armée (avant 1954)

Révolution de Novembre 1954

Domination politique française

La Nahda

Militantisme

Mouvement National

Economie

Total

Nombres d’articles

48

33

29

18

17

2

1

1

149

Pourcentage

38,21%

22,14%

19,45%

12,08%

11,40%

1,34%

0,67%

0,67%

100%

c) Commentaires

Des informations ainsi rassemblées à propos de ces deux revues, il se dégage que la RASJEP publie surtout en français, et s’intéresse en premier lieu au Mouvement national (52,5% de l’ensemble des articles d’histoire), tandis que EL Açala accorde la priorité au Mouvement réformiste et de résistance culturelle (38,21% + 11,40% = 50% des articles), aux périodes de résistance armée (22,14% des articles), et enfin à la Guerre de libération nationale (19,45% de l’ensemble), les formes de luttes violentes totalisant donc près de 42 % des articles (22,14% + 19,45%). Tandis que le Mouvement national est abordé dans la RASJEP dans toute sa diversité (PPA-MTLD, Elus et UDMA, Communistes, Ulama, AML ...), il est réduit dans EL Açala à l’action des islahistes, une place importance étant comme on l’a vu, accordée aux formes violentes de lutte. On pourra par ailleurs remarquer que le profil global de la RASJEP, semble, malgré la différence de périodes ciblées, se rapprocher beaucoup plus de celui de la RHCM, tandis qu’El Açala a des ressemblances marquées avec le profil de Majallat et-tarikh. Près des 2/3 des articles d’histoire publiés par la RASJEP datent des années 1970 (32 sur 49), contre 10 seulement pou les années 1980 et 2 pour la période 1990-1994. Par ailleurs c’est en 1975 que la RHCM va céder la place à Majallat et-tarikh.

Souvenons nous aussi que le CNEH et le Fonds des archives nationales datent de 1971. La pratique historiographique semble donc connaître des changements importants à partir des années 1970. Quels en sont les présupposés ?

III. Les Présupposés de la pratique historiographique

Le traitement des sommaires des différentes revues que nous avons cité, donne à penser que des changements importants interviennent à partir des années 1970 dans la pratique historiographique. Trois tendances ont pu être décelées :

  • La première d’entre elles indique une incontestable avancée de la langue arabe qui devient dominante par rapport au français dans la production d’articles.
  • La deuxième indique une nette progression du nombre des contributions traitant de la période coloniale, et qui finissent même par l’emporter par rapport au nombre d’articles ciblant la période médiévale et plus généralement tout le passé islamique (total des articles traitant du Moyen âge et de l’époque ottomane).
  • La troisième et dernière tendance qui concerne en particulier cette période coloniale, indique enfin une progression évidente dans l’intérêt porté aux actions de résistance et de soulèvements armés contre la colonisation, ainsi que l’émergence en force de la rubrique portant sur la Guerre de libération (les deux thématiques totalisant la majorité des articles traitant de la période coloniale).

Ce mouvement s’opère au détriment des rubriques «sociétés et politique coloniale», ainsi que «Mouvement national» (qui pour l’essentiel s’intéresse à l’action des partis politiques), alors que les articles portant sur cette dernière thématique semblent eux-mêmes dominés par l’action de l’Islah (Ulama réformistes).

Si la première de ces tendances peut être liée à la progression de l’arabisation dans le système scolaire et universitaire, laquelle touche plus précocement l’histoire (et la philosophie!), les deuxième et troisième tendances sont plus nettement marquées par des préoccupations de légitimation du politique.

1°/ La question de la légitimité historique

Pour citer Marc Ferro: «A travers les temps et les cultures domine le foyer de l’histoire institutionnelle, parce qu’elle incarne et légitime un régime par l’histoire que ce foyer produit»[16]. En ce qui concerne l’Algérie contemporaine, la question de la légitimation s’est en fait posée dès la période coloniale.

a) Histoire coloniale et histoire nationale.

La colonisation a très tôt usé de l’histoire pour légitimer sa présence et son action en Algérie, et ce par le choix des périodes auxquelles elle s’intéressait et les questionnements-réponses qu’elle déployait[17] . C’est en réaction à son discours tel qu’élaboré par ce qu’il était convenu d’appeler l’Ecole d’Alger, que les Algériens vont se mettre à l’historie nationale dans l’entre deux Guerres, soit en pleine maturation du Mouvement national sous sa forme moderne, et avec notamment des islahistes tels que Moubarek El-Mili et Tewfik El Madani. Ces derniers vont tenter d’écrire une histoire qui tout en intégrant la totalité des périodes allant de l’Antiquité Punico – Berbère à l’époque contemporaine, vont privilégier l’ancrage moyen-oriental et le caractère arabo- musulman de l’Algérie, ceci en réaction à l’idéologie coloniale[18]. Cette dernière on le sait, essayait de puiser des raisons à la présence française en mettant en valeur l’Antiquité romaine avec ses caractères latin et chrétien, et au détriment des périodes berbéro- arabe et ottomane présentées comme autant de « siècles obscurs » (E.F. Gautier), d’anarchie et de régression despotique. L’histoire nationaliste en langue arabe allait quant à elle, selon Mustapha Haddab, prendre la forme « d’une contre-idéologie dont la composante historique ne pouvait être efficace que si elle épousait la forme moderne d’écriture de l’historie »[19].

Les préoccupations d’histoire nationaliste ne demeureront cependant pas l’apanage des islahistes et des arabisants, puisque des historiens ayant milité dans le PPA – MLTD, puis le FLN, vont écrire en français à partir des années 1940 et 1950.

b) La pratique historiographique aux débuts de l’indépendance du pays (les années 1960)

Parmi ces derniers historiens on pourra citer les noms de Mostefa Lacheraf, Mohammed – Cherif Sahli et Mahiedine Djender qui, avant comme après l’indépendance, mèneront le combat contre «la falsification» de l’histoire par l’Ecole coloniale, décriée par la Charte d’Alger[20]. Leurs approches influencées par la démarche marxisante, ne peuvent cependant être réduites à une simple commande du politique, et ils sont parfois d’abord édités en France[21].

Par ailleurs l’historiographie française portant sur l’Algérie ne peut être en bloc assimilée au discours pro-colonialiste et des coopérants français historiens ou politologues continueront jusque dans les années 1970 à former des étudiants et à publier dans des revues telles la RHCM ou la RASJEP[22].

Le mouvement islahiste qui s’investit dans les institutions culturelles et éducatives va, quant à lui, tirer profit des débuts de la politique d’arabisation dans l’enseignement primaire et secondaire pour imprégner de ses conceptions identitaires et religieuses l’enseignement de l’histoire, en s’alliant de fait à la première vague de coopérants issus des pays du Moyen-Orient[23].

En réalité, malgré l’instauration du parti unique, l’Etat indépendant ne s’est pas encore fondé les moyens institutionnels pour intervenir efficacement dans le domaine historiographique. Le mouvement d’ensemble est cependant marqué par des préoccupations d’histoire nationale, avec comme moments privilégiés les périodes islamiques (médiévale et ottomane); vue sous l’angle civilisationnel, ainsi que la période coloniale sous ses aspects socio-économique, culturel et politique.

Le «Mythe de la table rase» (Mohammed Harbi), C’est à dire la négation – dévalorisation de toutes les luttes politiques menées avant 1954, n’a pas encore vraiment pris dans les années 1960. Le président Houari Boumédiène va cependant marquer son impatience en déclarant en Mai 1968: «Les écrits concernant la Révolution algérienne par les étrangers ne reflètent nullement la réalité de notre Révolution. Les intellectuels algériens n’ont pas joué le rôle attendu dans ce domaine»[24].

2°/ L’historiographie institutionnelle (à partir des années 1970)

Nous avions décelé trois grandes tendances dans la pratique historiographique qui prend forme dans les années 1970 (cf. introduction à ce chapitre III). A quels déterminants obéissent-elles?

a) Tentative d’explicitation des mouvements tendanciels

C’est dans les années 1970 que la première tendance (nette progression de l’arabisation) va commencer à s’affirmer avec force, et tous les enseignements d’histoire du primaire à l’Université sont déjà arabisés. Nous ne nous étonnerons donc pas que les positions se réclamant de la tradition de l’Islah, deviennent hégémoniques dans l’étude des périodes ayant un rapport  à la civilisation et l’identité arabo-islamique. Ce sera le cas pour le Moyen - âge et l’époque ottomane, mais aussi pour l’approche du Mouvement national qui a tendance à être dominé par l’action des Ulama réformistes (même si ce dernier aspect est plus poussé dans El-Açala que dans Majallat et–tarikh).

La deuxième tendance est caractérisée par une nette progression dans Majallat et–tarikh (mais aussi dans la RASJEP), de l’espace réservé à la période coloniale en général.

Alors que les articles traitant de la question représentaient 27,67 % de l’ensemble histoire nationale dans la RHCM, ils passent à 43,53 % dans Majallat et–tarikh, en fait aux environs de 50 % de l’ensemble, si on ne tenait pas compte la rubrique «article à caractère général» représentée par 11,63 % des textes (contre 1,78 % dans la RHCM). Ceci peut avoir deux explications complémentaires.

Tout d’abord la masse des archives disponibles pour cette période qui a duré 132 ans, est, comme nous avons eu à le voir (cf.ch.I), nettement supérieure à tout ce qui a existé pour toutes les périodes antérieures confondues. De plus l’historien peut faire appel à des témoins encore en vie, d’autant plus que le legs de la période coloniale est décisif pour comprendre le fonctionnement de l’Etat indépendant, auquel s’intéressent aussi d’autres sciences sociales[25]. Ensuite pour des raisons de légitimation de l’Etat national qui a besoin de montrer son originalité par rapport à l’ordre colonial.

La troisième tendance enfin marque pour la période coloniale l’émergence en force de la rubrique «Résistance armée et soulèvements» qui de 13,33 % des articles de la RHCM, passe à 34,33 % de ceux de Majallat et-tarikh (le pourcentage est donc multiplié par 2,5), et de la rubrique «Guerre de libération», qui de 3,33% des articles de la RHCM, passe à 24,75 % de ceux Majallat et-tarikh (Le pourcentage est ainsi, multiplié par 7,5 tandis que le nombre des articles passe de 1 à 25).

L’ensemble des deux rubriques qui totalise dans la première revue 16,33 % des articles (sont 13,33 % + 3,3 %), passe à plus de 59 % dans la seconde (34,33 % + 24,75%).

En organisant autrement la distribution des articles, nous aurions pu même atteindre un pourcentage qui dépasserait largement 60% (ceci en classant par exemple tout ce qui touchait aux événements du 8 Mai 1945 dans la rubrique «Résistance armée et soulèvement» plutôt que dans celle ayant pour objet le Mouvement national).

En tout état de cause l’approche de l’histoire de la période coloniale (ou contemporaine), semble désormais subir une véritable hégémonie des manifestations de luttes violentes de la société algérienne contre le système colonial, et ce au détriment des aspects socio-économiques et d’organisation de l’ordre colonial (rubrique «société et politique coloniale»), et des luttes prenant un caractère politique non violent (rubrique «Mouvement national»).

Nous arrivons ainsi au cœur de la politique «d’Ecriture et Réécriture de l’histoire» mise en œuvre par l’Etat national.

3°/ La politique d’Ecriture et de Réécriture de l’histoire

La pratique historiographique mise en œuvre par l’Etat national aura pour objectif «l’Ecriture et la Réécriture de l’histoire nationale» que nous avons déjà abordée (dans l’introduction générale de l’article), et dont le mot d’ordre tend à devenir redondant dans les déclarations officielles. Ces deux opérations ont chacune sa fonction dans les efforts d’auto-légitimation entrepris par l’Etat national. La Réécriture a pour objectif de détecter dans les différentes périodes du passé (antérieures à la Guerre de libération), les traces d’une pérennité de la Nation algérienne, et ce, en rectifiant les falsifications censées avoir été opérées par l’histoire coloniale. L’Ecriture qui, elle, concerne la Guerre de libération apparaît cependant comme un lieu particulièrement sensible, au point de fonctionner dés les années 1970 comme une action prioritaire. En fait l’interprétation à donner au déroulement de la période révolutionnaire a un impact beaucoup plus direct sur les enjeux de pouvoir qui caractérisent, l’Etat indépendant, et cette phase est considérée comme un couronnement, en fait le terme consacré au sens téléologique et hégélien d’une histoire nationale désormais résumée et finalisée par cet événement majeur.

a) Le Mythe de la table rase et ses origines

Le mythe de la table rase[26] vise à considérer le 1er Novembre 1954 comme un commencement absolu dans le processus d’émergence de l’Etat indépendant, et ce en niant ou dévalorisant tout ce qui avait été fait auparavant, dans le cadre notamment du Mouvement national. Il valorise par-là même la violence appréhendée comme seule «accoucheuse» de l’histoire contemporaine de l’Algérie, et implique tout au plus une sorte de pré- ou protohistoire, caractérisée par les seuls actes de résistance et d’insurrections armées qui ont jalonné l’ère coloniale depuis 1830 et la tentative de l’Emir Abdelkader.

L’importance accordée à ces insurrections ne doit cependant pas être surestimée, même si elles représentent 33,66% du total des articles de Majallat et-tarikh, face à 24,75% seulement pour la Guerre de libération nationale.

Le passage de la RHCM à Majallat et–tarikh indique comme nous l’avons déjà vu que le pourcentage du nombre de contributions portant sur la première thématique a été multiplié par 2,5, alors que celui portant sur la seconde a été multiplié par prés de 7,5, le mouvement tendanciel devant selon l’optique officielle se poursuivre dans l’avenir[27]. La prééminence du 1er Novembre comme événement fondateur ne fait d’ailleurs aucun doute pour eux, et c’est le président Boumédienne qui déclarait le 8 Mai 1974 (date anniversaire du 8 Mai 1945) : «Cette génération (de 1954) n’a pas uniquement combattu le colonialisme, mais a eu l’insigne honneur de réaliser la victoire. C’est là où réside la différence entre nous et nos ancêtres»[28].

La pré ou proto-histoire de la Révolution, elle même dominée par les figures de l’Emir Abdelkader, Cheikh el – Haddad, Mokrani, Bouamama et autres, ainsi remise à sa place, il ne reste qu’un seul mythe capable de rivaliser avec celui du 1er Novembre 1954, c’est celui de l’émergence de l’Islam et de sa diffusion au Maghreb. Les héritiers (ou présentés comme tels) des Ulama réformistes très présents dans la sphère éducative et culturelle, vont s’y engouffrer en s’alliant souvent avec des composantes de la coopération culturelle venue de l’Orient arabe, celles notamment férues de fondamentalisme islamique ou de nationalisme arabe. De même alors que toutes les autres sensibilités constitutives du Mouvement national, tendent à être marginalisées, au sein de la mémoire collective, ils parviennent à faire occuper par l’Islah et l’Association des Ulama , l’espace d’avant 1954, apparaissant même dans des écrits très répandus, comme le chaînon obligatoire, en fait «la prothèse historiographique»[29] pouvant relier le passé arabo-islamique à la Guerre de libération nationale.

En attendant sans doute des jours encore plus heureux, ils évitent de heurter de front le pouvoir politique, et de contester la primauté de la Guerre de libération nationale par rapport à toutes les autres phases de l’historie nationale (pour ce qui est de la période contemporaine notamment) ; la valorisation de la phrase révolutionnaire est par ailleurs, somme toute normale, au vu du processus de légitimation de l’Etat indépendant. Cette primauté doit cependant être mise en relation avec un certain nombre de facteurs, et remonte tout d’abord à la volonté des insurgés de la Toussaint, d’apparaître comme un groupe véritablement dirigeant, en se libérant de la tutelle des partis et personnalités pré-existants, en premier lieu Messali Hadj, qui jusqu’en 1954 apparaissait comme le véritable leader charismatique du Mouvement nationaliste, opérant ainsi une véritable « Révolte contre le père »[30]. Il faudra ajouter à cela l’impact des luttes menées durant la Guerre au sein du FLN pour la direction du Mouvement, ou après l’indépendance, celles qui avaient pour objet le contrôle du pouvoir politique[31] , ainsi que la nationalisation en 1971 des mines et surtout des hydrocarbures, qui allaient provoquer de nouvelles crises avec le cartel du pétrole et l’ancienne puissance coloniale.

La survalorisation de la figure du Moudjahid (Combattant de la Guerre de libération), et l’usage souvent exagéré ou même abusif du titre et de la fonction doivent d’ailleurs être liés aussi à des enjeux de justice distributive, et qu’allaient désormais permettre les revenus provenant d’une rente pétrolière en pleine croissance.

b) L’historiographie dans le dispositif institutionnel

C’est à cette politique d’Ecriture de l’histoire que nous devons la mise sur pied d’un dispositif constitué entre autres par le CNEH et le Fonds des Archives nationales (cf. ch.I), auquel il faudra ajouter le Musée du Djihad et quelques autres institutions. L’Organisation nationale des Moudjahidine qui, avec le Ministère des Moudjahidine, gère toute l’activité orientée vers les combattants et leurs ayants droits, va lors de ses différents congrès (notamment les IVé et Véme tenus en 1973 et 1978), se fixer la tâche « de mobiliser les moyens nécessaires pour écrire l’histoire de la Révolution algérienne». Une multitude de séminaires et rencontres vont désormais se tenir à l’échelle de tout le territoire national, et des milliers de témoignages vont être rassemblés et classés, tandis que la question de la récupération des archives retenues en France, est plus que jamais à l’ordre du jour.

Si des universitaires ont tendance à participer à ce mouvement d’ensemble, l’université comme institution semble pourtant traîner le pas. L’Etat va réagir à l’occasion du lancement du projet de Carte universitaire de 1982, en tentant de fermer les départements d’histoire existant dans les universités, et ce pour leur substituer un institut national unique dont le siège serait à Alger, (La même mesure était envisagée pour la philosophie). La résistance (ou force d’inertie?) de la communauté universitaire fera capoter le projet.

4°/ A propos de la recherche universitaire

La lecture des sommaires des 3 premiers numéros (sur un total de 9 publiés entre 1986 et 1995) de Majallat ed-dirassat at-tarikhia, publiée par l’Institut d’histoire de l’Université d’Alger, nous a permis de constater que plus de 50 % des articles traitent des périodes médiévale et ottomane, et que la RASJEP publiée par l’Institut de Droit de la même université, et qui s’intéresse à l’histoire surtout du point de vue de la  politologie, privilégie l’étude des différentes composantes du Mouvement national, et ce dans leur diversité. Contrairement au profil de Madjallat et–tarikh, les actions de résistance armée et de soulèvement contre la colonisation, et encore plus la Guerre de libération, ne sont pour ainsi dire pas abordées. Un tableau récapitulatif des thèses le doctorat de 3éme cycle et de Magister soutenues en histoire entre 1968 et 1990 à l’Université d’Alger nous donne par ailleurs les indications suivantes[32]:

Pré-histoire

Antiquité

MoyenAge

Période ottomane

Période Coloniale

Pays autres que le Maghreb ancien et médiéval ou que l’Algérie moderne et contemporaine

Total

1

5

12

7

2

4

31

Sur un total de 31 thèses soutenues, 19 traitent du Moyen – Age et de la période ottomane (ce qui nous donne un taux de 61, 29 %), et aucune n’aborde la période de la Guerre de libération, même si les 2 mémoires qui ont pour objet la période coloniale traitent des actions de résistance et de soulèvements armés. Nous n’avons pas de données chiffrées pour les Universités d’Oran et de Constantine où les soutenances de thèses d’histoire ont commencé plus tardivement, mais on peut supposer que la structure du tableau présenté ci-dessus reste pour l’essentiel représentative.

Le tableau de l’ensemble des thèses d’histoire portant sur l’Algérie et soutenues durant la période coloniale dans l’ensemble des universités françaises (y compris celle d’Alger), nous donne par ailleurs pour la période allant de 1870 à 1962, les indications suivantes[33].

Préhistoire

Antiquité (Période romaine)

Période Islamique (Médiévale +

Ottomane)

Période Coloniale

Total

3

22

16

23

64

La comparaison des deux tableaux peut indiquer que dans la  lignée des premiers historiens nationalistes, la période islamique continue à être privilégiée après l’indépendance de l’Algérie, et ce contrairement à l’historiographie coloniale qui mettait l’accent sur les périodes romaine et française. La lecture des deux tableaux ne peut cependant être schématique, et on peut supposer aussi que l’Université algérienne continue une tendance déjà perceptible à l’époque coloniale avec une percée progressive de la période islamique[34], le phénomène étant ici accéléré par la présence d’un nombre plus important de chercheurs arabisants (et donc ayant accès aux documents et archives en langue arabe). Les sujets de soutenance de mémoires de diplômes d’études approfondies (D.E.A.), peuvent par ailleurs nous permettre d’envisager une évolution de ce qui se fera dans les thèses, à moyen et long terme[35]. Or nous disposons de la liste des mémoires de D.E.A. soutenus à Alger entre 1963 et 1985 (le D.E.A sera supprimé par la suite). La classification des mémoires soutenus nous donne le tableau suivant[36]:

 

Antiquité

Moyen-Age

Période ottomane

Période Coloniale

Totaux

Mémoire concernant l’Algérie moderne et contemporaine ou le Maghreb ancien et médiéval

8

15

4

13

40

Mémoire traitant d’autres aires et pays

0

9

2

7

18

Totaux

8

24

6

20

58

Nous pouvons envisager à la lecture de ce tableau que comparativement au tableau portant sur les thèses, la tendance devrait aller vers plus d’équilibre entre les différentes périodes traitées, puisque si la période islamique (médiévale et ottomane) se maintient à 19 mémoires soutenus, l’antiquité passe de 5 à 8 et la période coloniale de 2 à 13 une analyse de la structure des travaux concernant cette dernière rubrique nous donne le tableau suivant:

Société et politique coloniale

Résistance et soulèvements

Mouvement national

Guerre de libération

Total

5

2

5

1

13

Les deux tableaux concernant les mémoires soutenus en D.E.A. nous renvoient à un profil de répartition des rubriques, plus proche de la RHCM que de celui de Majallat et-tarikh. L’université obéit-elle pour autant à une logique d’autonomie qui lui permet de résister aux pressions institutionnelles venues de la sphère du politique? Il y a certainement un peu de cela, mais nous pouvons supposer aussi que le passage du profil RHCM à celui de Madjallat et-tarikh est irrémédiable, sauf qu’il est appelé a être décalé dans le temps.

Nous ne disposons pas de données chiffrées exploitables reflétant l’évolution durant cette dernière décennie (les années 1990), mais quelques informations indiquent que la période contemporaine prend une place plus importante que par le passé, tandis que des diplômes de magisters traitant de la Guerre de libération nationale sont ouverts dans les différentes universités du pays. Est-ce là une percée due à une plus grande disponibilité des archives dont l’historien a besoin pour travailler, ou tout simplement à un redéploiement de la pression institutionnelle, avec une intervention plus efficace menée par l’organisation nationale des Moudjahidine (ONM) et le ministère de même nom, qui semblent disposer de ressources et de prérogatives plus importantes encore que par le passé?

En fait de même que celle exercée sur la pratique historiographique, la pression idéologique exercée par l’Etat national sur l’université, date elle-même du début des années 1970, même si ce fut avec des résultats plus mitigés, et toutes les réformes du système universitaire qui vont s’ensuivre (celles notamment de 1971 et de 1982), vont pousser vers une restructuration – instrumentalisation du champ de ce qui fait office de savoir savant. Les sciences sociales en particulier, vont tendre à fonctionner selon deux paradigmes idéologico-institutionnels. Le premier dominé par l’économie regroupe des disciplines censées avoir pour finalité le développement, tel que pensé par les composantes technocratiques du pouvoir politique (on y retrouverait avec l’économie, la sociologie, la démographie, la psychologie du travail, le Droit positif, les langues étrangères…). Le second paradigme dominé par l’histoire est censé répondre aux préoccupations identitaires et de légitimation politique des factions populistes (il y aurait ici l’histoire, mais aussi la philosophie, la théologie, la langue arabe, le Droit d’inspiration religieuse, la psychologie «de l’éducation»…)[37].

Les changements politiques intervenus dans le pays à la fin des années 1980 et dans les années 1990 vont cependant perturber le fonctionnement de ce second paradigme. Nous y reviendrons après avoir esquissé les contre– tendances qui s’affirment en historiographie durant cette dernière période, avec pour révélateurs l’enseignement et l’édition.

IV. Tendances et contre-tendances : l’évolution dans les années 1990

Au vu de l’information actuellement disponible, nous ne pouvions, à propos de l’université, qu’énoncer quelques questionnements et avancer des hypothèses qui restent à vérifier. Il est par contre possible de constater que des tendances nouvelles semblent se profiler dans la pratique historiographique des années 1990, et ce, à travers l’analyse des contenus des manuels d’enseignements de l’histoire et celle de la production des maisons d’édition.

Contrairement à l’université où des velléités tardives pour substituer un modèle Majallat et-tarikh au modèle R.H.C.M ne sont pas tout à fait à écarter, les deux cas esquissés dans ce chapitre indiqueraient les prémisses d’une évolution allant plutôt en sens inverse.

1°/ Le cas des manuels d’enseignement de l’histoire

Nous avons eu par le passé à rédiger un certain nombre de contributions traitant de la question [38]. Nous nous contenterons de résumer ici les conclusions auxquelles nous sommes parvenus.

Dans les manuels antérieurs à la décennie 1990, l’histoire nationale est essentiellement représentée par des leçons portant sur un ancrage identitaire, centré sur le Moyen-Orient, et des leçons portant sur la Guerre de libération nationale et sa protohistoire réduite aux actes de résistance   et de soulèvements armés contre la colonisation. Le Mouvement national sous sa forme politique et culturelle est généralement réduit à l’action de l’Association des Ulama (les Islahistes) et de ses principaux leaders qui implicitement apparaissent comme le chaînon assurant une continuité entre l’âge idyllique arabo-islamique et pré-colonial, et la Guerre de libération qui est présentée comme étant l’Evénement fondateur par excellence de l’Etat-nation contemporain. Nous avons là, une approche dominée par la politique officielle d’Ecriture et de Réécriture de l’histoire et qui se rapproche assez du modèle déployé dans Majallat et-tarikh et El Açala. Or de nouveaux manuels édités après 1990, ceux notamment des classes de 7ème A.F. et 9ème A.F (7ème et 9ème année fondamentale, traitant des périodes ancienne et moderne et contemporaine) mis en circulation à la rentrée universitaire 1992-1993, vont tendre à rompre avec l’approche mythique jusque là dominante. Le manuel de 7ème A.F. en usage jusqu’en 1992 avait par exemple tendance à sémitiser à l’excès les Berbères, en en faisant pratiquement des proto-arabes, et ceci selon les canons du Nationalisme arabe ! On peut y lire ainsi : « Les Amazigh (ou Berbères) ont émigré de la Mésopotamie (Irak), traversant l’Egypte où ils se sont quelques temps installés, avant de continuer leur marche vers le Maghreb arabe... » ; et ceci avec à l’appui une carte indiquant l’itinéraire censé avoir été emprunté ... On relèvera aussi la référence anachronique au Maghreb arabe ...

Le nouveau manuel va tout au contraire tendre à autonomiser plus le Maghreb ancien par rapport au Moyen-Orient, et à opérer une lecture plus favorable à un nationalisme typiquement algérien en mettant en valeur l’histoire de la Numidie avec ses souverains et héros traditionnels (Syphax, Massinissa, Jughurtha, Tacfarinas ...). Il va dans la même optique s’attarder positivement sur des personnalités telles Juba II, Apulée de Madaure, Saint Augustin, ainsi que les donatistes et le Mouvement des circoncellions. Le nouveau manuel de 9ème A.F. innovera quant à lui en valorisant l’activité politique menée avant 1954, réhabilitant ainsi l’action de personnalités comme Messali Hadj, et Ferhat Abbas, et en abordant la Guerre de libération nationale avec une volonté de moins occulter les faits et censurer le rôle des différents acteurs. Pour la première fois par exemple les élèves algériens ont droit à une illustration photographique représentant les membres de la délégation du FLN aux négociations d’Evian. Le nouveau manuel de 8ème A.F. traitant de la période médiévale est cependant moins novateur et sa lecture indique des difficultés certaines à spécifier l’originalité maghrébine par rapport au Moyen-Orient.

En ce qui concerne les autres classes de l’Enseignement fondamental et secondaire, des efforts ont été fournis pour l’élaboration de programmes rénovés, mais paradoxalement, il n’y a pas eu de nouveaux manuels et lors des dernières rentrées scolaires, les élèves continuent à s’appuyer sur des ouvrages reflétant la vision dominante des années 1970 et 1980.

2°/ Le cas de l’Edition

Jusqu’à la fin des années 1980, l’édition fonctionne en Algérie de manière assez paradoxale. Officiellement elle relève du monopole de l’Etat, mais des maisons privées sont tolérées[39]. Selon une recension opérée pour la période 1962-1980, près de 10% des livres édités en Algérie touchent à l’historiographie, soit selon nos estimations 167 ouvrages sur un total de 1844 déposés à la Bibliothèque nationale d’Alger [40]. En fait, l’historiographie est ici concernée autant par des ouvrages scientifiques ou de vulgarisation, et même littéraires, que de brochures à titres commémoratives et de propagande.

Une classification de ces ouvrages par centres d’intérêt ou par périodes abordées, nous donnerait le tableau suivant :

 

 

Divers et Général

Préhistoire

Antiquité

Moyen-âge

Période ottomane

Période coloniale

totaux

En arabe

37

0

3

8

7

32

87

En français

35

8

11

5

3

18

80

Totaux

72

8

14

13

10

50

167

Si on ne tenait compte que des rubriques ciblant une période précise, on remarquera l’importance numérique des publications traitant de la période coloniale, 50 en tout dont 32 en arabe (pour 18 en français). On remarquera aussi qu’en arabe la période islamique (Moyen-âge + période ottomane) qui totalise 15 ouvrages, l’emporte par le nombre sur la période pré-islamique (préhistoire, antiquité) qui n’en comprend que 3, et ce à l’inverse de ce qui est écrit en Français où le même rapport devient de 8 contre 19. Nous pouvons tout aussi bien considérer que cette répartition est due à la prééminence des sources et travaux traditionnels en arabe pour ce qui est de la période islamique, et en latin et français pour la préhistoire et l’antiquité, que supposer avoir affaire à travers cette différence à l’expression de choix et référents identitaires différents chez les écrivants (arabité d’un côte, berbérité de l’autre). Pour en savoir plus il faudrait en fait procéder à l’analyse de contenu de ces ouvrages, ce qui ne relève pas de notre propos ici, et sans doute regarder de plus près ce que nous avons classé dans la rubrique «divers et général», qui contient le plus grand nombre d’ouvrages (72 en tout), et qui regroupe tout ce qui est approche d’ensemble, histoire de villes, méthodologie, préoccupations civilisationnelles... et dont l’objet ne recoupe pas la périodisation traditionnelle. Le poids relatif de la rubrique «colonisation» (32 Ouvrages en arabe et 18 en français), mérite qu’on s’y arrête.

La répartition des ouvrages classés dans cette rubrique se présente ainsi :

 

Divers et généralités

Société et politique coloniale

Résistance et soulèvements

Mouvement national

Guerre de libération

Totaux

En arabe

2

0

8

10 (dont 6 sur l’Islah)

9

29

En français

5

2

2

3 (dont 1 sur l’islah)

9

21

Totaux

7

2

10

13

18

50

La prééminence numérique de la thématique «Guerre de libération» (9 livres dans chaque langue), et encore plus de la triptyque thématique «Résistance et soulèvements + Islah + Guerre de libération», surtout pour ce qui est de la langue arabe, pourrait laisser penser à une production des maisons d’édition qui se rapprocherait du modèle «Majallat et-tarikh». Il s’agira cependant d’introduire ici quelques nuances. Dans les chiffres concernant la Guerre de libération nous avons introduit aussi des brochures officielles (commémoration et propagande), et en fait le nombre d’écrits réellement historiographiques ou de témoignage, devrait être revu à la baisse.

D’autres informations traitant de la production en arabe et concernant la période 1830-1962 en Algérie[41], nous annoncent qu’un total de 123 ouvrages[42] ont été publiés avant 1962, ou durant la période 1962-1989 (71 écrits par des algériens et 52 par des étrangers qui ont écrit directement en arabe, ou dont les livres ont été traduits en Algérie ou à l’étranger). On remarquera que sur l’ensemble, seuls 6 ouvrages sont répertoriés comme traitant de la Guerre de libération, les oeuvres concernant des actions de résistance et de soulèvements armés, et de la Nahda-islah, étant par ailleurs aux nombres respectifs de 30 et de 16 (encore que l’islah ne soit pas seulement abordé dans la rubrique Nahda). En fait jusqu’à la fin de la décennie 1980, l’édition aura beaucoup plus tendance à participer à la politique de Réécriture de l’histoire (c’est à dire de tout ce qui est antérieur à 1954), qu’à la politique d’Ecriture de l’histoire (Guerre de libération), mettant plus l’accent sur les questions identitaires et civilisationnelles, que de légitimation du pouvoir politique, ceci renvoyant à une certaine similitude avec la pratique en cours à l’université (d’ailleurs de nombreuses thèses sont éditées).

Pour l’édition, comme pour l’université, on peut se poser la question de savoir si la cause en est le non accès à des archives fiables, ou tout simplement si ceci relève de l’autocensure dans le cadre d’un terrain considéré comme périlleux et placé sous haute surveillance ?

Il faudra néanmoins noter que les années 1980 vont voir publier, en français notamment, quelques études et témoignages concernant le Mouvement national et la Guerre de libération, qui ne relèvent pas tous du conformisme dominant [43]. La véritable éclaircie apparaît cependant dans les années 1990, avec un foisonnement de maisons d’édition relevant du secteur privé et qui vont faire sauter nombre de tabous en procédant notamment à l’édition de nouveaux ouvrages et encore à plus à la réédition de livres jusque là publiés à l’étranger (en France notamment) et introuvables en Algérie. Désormais le public algérien peut avoir accès en librairie à des dizaines d’ouvrages jusque là inaccessibles, aussi bien par exemple ceux de Yves Courrière et des porteurs de valise, que ceux de Mohammed Harbi ou Benjamin Stora (dont une traduction en arabe de la biographie de Messali Hadj disponible sur le marché).

Par ailleurs des personnalités ayant joué un rôle au sein du Mouvement national ou dans le cadre de la Guerre de libération, sont plus nombreuses à publier et à témoigner librement à propos d’événements majeurs.

Comme pour les aménagements intervenus au niveau des programmes d’enseignement de l’histoire, ceci n’a été rendu possible que par les changements politiques qui ont suivi les Evénements d’octobre 1988.

3°/ La pratique historiographique depuis octobre 1988 : Les nouvelles demandes (en guise de conclusion)

Les émeutes d’octobre 1988 vont ébranler le système politique qui avait cours depuis 1962. Désormais l’Algérie va passer du monopartisme incarné par le FLN, au pluralisme politique. En réalité, l’effondrement de 1986 du cours des hydrocarbures, principale ressource du pays allait mettre le régime le dos au mur et permettre l’expression de nouvelles exigences portées par la société.

La paupérisation de larges couches sociales, due notamment au rétrécissement de la rente pétrolière, mettra en crise le discours dominant et poussera à la recherche de nouvelles sources de légitimation du politique. Le paradigme histoire qui servait de faire-valoir à l’idéologie populiste va être concurrencé par le référent théologique (et théocratique), longtemps contenu mais désormais enfourché par des candidats au pouvoir, novices ou recyclés de l’ancien système et qui cherchent à submerger la scène socio-politique en proposant une nouvelle répartition des richesses, des carrières et des honneurs (sans évidemment rompre avec le crédo populiste).

On sait la suite des événements et la crise profonde dans laquelle le pays allait sombrer des année durant. La pratique historiographique officielle ne s’en sortira pas indemne et devra s’accommoder de nouveaux équilibres. Le fondamentalisme islamiste, lui-même trop compromis dans la violence terroriste n’a cependant plus le même ascendant sur les foules, et certaines de ses fractions ont même tendance à tempérer leur programme, en guettant des compromis fût-ce avec des aspirations démocratiques qui cherchent encore leur chemin dans la société, mais en s’avérant de plus en plus incontournables.

Ces facteurs semblent avoir favorisé un vent de liberté porteur d’une conception plus critique de la fonction historiographique, d’où les effets que nous avons cru avoir décelés au niveau de l’enseignement et de l’édition, avec peut être des retombées décalées sur la recherche.

En fait si l’Etat algérien aura toujours besoin d’une histoire nationale pour se légitimer, et si celle-ci ne pourra se passer de référents puisés dans l’arabo-islamisme et la Guerre de libération, il apparaît de plus en plus que la pression sociale exige aussi la prise en charge de la dimension berbère[44] ainsi que de tous les autres éléments qui participent à l’originalité de l’identité algérienne, même si elles ne datent que de la période coloniale. Par ailleurs les débats intenses menés autour du projet d’école républicaine sollicitent aussi une approche de l’histoire porteuse de civisme et d’universalisme, ce qui suppose des ruptures avec les pratiques marquées par l’intolérance et l’occultation des faits et des acteurs. L’historien aura cependant fort à faire pour échapper à l’instrumentalisation qui continue à le guetter au niveau du politique et il devra longtemps produire dans un environnement sollicité et sinon pressé par le nationalisme dominant. Ce dernier, tout en cherchant à se restructurer dans le sens de la diversité[45], n’en est pas moins hanté encore par les démons du monolithisme[46] et les préoccupations de partage de la rente[47] qui continuera à constituer un implicite de la politique d’Ecriture et Réécriture de l’histoire.


Notes

* Avec comme intitulé: «Les pratiques historiographiques dans l’Algérie post-indépendante et leurs relations aux traditions historiographiques coloniale et nationaliste» une version abrégée de cet article a été présentée au Premier Congrès mondial des études sur le Moyen – Orient et l’Afrique du nord (WOCMES, université de Mayence, 8-13 septembre 2002, atelier:«Productions et pratiques historiographiques au Maghreb»).

[1]- Ainad-Tabet, Redouane, alors directeur des Archives nationales, expliquait en 1975 : «Selon la période, il y a écriture ou réécriture. Il faut écrire l’histoire de notre guerre de libération, mais revoir ce qui a été fait par les Gautier, Augustin Bernard, et même Gsell, Maçais ou Julien» (cf. Revue des archives nationale, n° 3, vol. I 1975).

[2]- Les thawabit tels que définis parla constitution en vigueur seraient au nombre de trois : Arabité, Islam et Amazighité (ou Berbérité).

[3]- Cf. Introduction au document de présentation du Colloque international sur les archives concernant l’histoire de l’Algérie et conservées à l’étranger. Le texte est signé par Abdelkrim Bedjadja, directeur général des archives nationale. In Publication des Archives nationales d’Algérie (N° 08 - 1998)

[4]- Cf. Interview accordée par Abdelkrim Bedjadja, au quotidien El-Watan du 3 novembre 1992.

[5]- Cf. Abdelkrim Bedjadja «Les ARCHIVES 1954-1962 de l’Armée française conservées au Château de Vincennes - Paris» in Publication des Archives nationales d’Algérie (n° 08 - 1998).

[6]- La situation n’est à ce point de vue pas bien différente de celle que décrivait Abdelkader Djeghloul dans «Note sur les revues universitaires en sciences humaines et sociales» in Annuaire de l’Afrique du Nord (1982).

[7]- Cf. Le répertoire des articles de toutes les revues publiées par l’Ecole puis Faculté et institut de Droit d’Alger, entre 1877 et 1994, in R.A.S.J.E.P (vo. XXXII, n° 4 - 1994).

[8]- Le catalogue général du C.N.R.P.A.H, édité en 1996 donne le sommaire de tous les numéros de Libyca (publiés entre 1953 et 1986).

[9]- Cf. compte rendu de la rencontre tenue le 5 Octobre 1973 au CNEH et présidée par le docteur Amir, alors secrétaire général de la Présidence du conseil in Majallat at-tarikh (n° 1, 1974).

[10]- Les 3 membres sur 4 du comité de rédaction de la RHCM, se retrouvant à celui de Majallat et-tarikh sont Moulay Belhamissi, Rachid Bourouiba et Mahfoud Kaddache. Les quatre (avec Abdelhamid Hadjiat), se retrouveront de même au comité de rédaction de Majallat ad-dirassat at-tarikhia (éditée par l’institut d’histoire de l’université d’Alger).

[11]- Cf. Leimdorfer, François: Discours académique et colonisation. Thèmes de recherche sur l’Algérie pendant la période coloniale.- Paris, Editions Publisud, 1992.

[12]- Par ailleurs, aux articles traitant des périodes médiévale et ottomane, il faudra ajouter un certain nombre de documents d’archives en langue arabe, publiés, mais non comptabilisés dans ce tableau.

[13]- Cf. RASJEP, volume XXXII, n° 4, 1994.

[14]- Cf. Deheuvels, Luc-Willy: Islam et pensée contemporaine en Algérie. Paris, La Revue EL ASALA, 1971-1981, CNRS, 1991. Un certain nombre d’indications comprises dans ce passage sont empruntées à cet auteur.

[15]- Cf. sous la direction de Halâl, Amar : Al-masâdir wa al-maraji’ al-arabiyya Li-târîkh al-jazair 1830-1962 (sources et documents arabes concernant l’histoire de l’Algérie 1830-1962). Il s’agit d’un colloque tenu à l’université d’Alger en décembre 1992. (Ed. O.P.U, Alger, sans date).

[16]- Ferro, Marc: L’Histoire sous surveillance.- Paris, Ed. Calmann-Levy, 1985.

[17]- Il existe tout un ensemble de travaux sur la question. Nous en citerons quelques uns :

- Vatin, Jean Claude : L’Algérie politique. Histoire et société.- Paris, Presse de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1974.

- Lucas, Philippe: L’Algérie des anthropologues.- Paris, Maspéro, 1975.

- Leimdorfer, Jean François: Discours académique et colonisation. Thèmes de recherche sur l’Algérie pendant la période colonial.- Paris, Ed. Publisud, 1992.

- Soufi, Fouad: Histoire et mémoire : L’Historiographie colonial.- In Insaniyat n°3, Hivers 1997.

[18]- El-Mili, M. a écrit : târikh al djazaîr al-qadim wa al-hadîth une histoire de l’Algérie qui va de l’antiquité aux débuts de la période ottomane.

El-Madani, T. a écrit notamment Kitâb al-djazaîr «Le livre de l’Algérie» qui commence avec la préhistoire et finit avec les débuts de la période coloniale.

[19]- Cf. Haddab, Mustapha : Histoire et modernité chez réformistes algériens.- In Connaissance du Maghreb, Paris, Ed. du CNRS, 1984.

[20]- La Charte d’Alger regroupe l’ensemble des résolutions adoptées par le congrès du FLN, tenu en avril 1964.

[21]- Parmi ces oeuvres, Lacheraf, Mostefa regroupe une série d’articles sous le titre : L’Algérie, Nation et Société.- Paris, Ed. Maspéro, 1965.

- Sahli, Mohammed-Cherif : Décoloniser l’histoire.- Paris, Ed. Maspéro, 1965.

- Djender, Mahiedine : Introduction à l’histoire de l’Algérie.- Alger, Ed. SNED, 1968.

[22]- En feuillant les articles de la RHCM on pourra retrouver les signatures de Paul-Albert Fevrier et Gabriel Camps pour ce qui est de l’histoire ancienne, Charles-Emmanuel Dufourcq pour le Moyen-âge, Charles-Robert Ageron, Xavier Yaconno ou Yvonne Turin pour la période coloniale. De même dans la RASJEP, nous avons par exemple des articles de Claude Collot, Jean-Robert Henry, René Gallissot, ou Jean-Claude Vatin.

[23]- Sur les effets de cette alliance cf. notre article : Ecole, histoire et enjeux institutionnels dans l’Algérie indépendante.- In Les temps modernes, N° 580, janvier-février 1995, et aussi dans la livraison de la collection «Réflexions», intitulée: Elites et questions identitaires.- Alger, Ed. Casbah, 1997.

[24]- Cité par Ahmed Fattani dans le quotidien El-Moudjahid du 1er novembre 1973.

[25]- L’intérêt pour les études contemporaines est d’ailleurs un fait courant depuis l’émergence de l’Ecole des Annales, qui déjà entre 1939 et 1940 consacrait 38 % des articles de la revue aux XIXe et XXe siècles, contre 13,1% dans la Revue historique, plus traditionnelle à l’époque. (Selon Olivier Dumoulin dans Profession historien, cité par Antoine Prost dans Douze leçons d’histoire (p.40, Ed. du Seuil, Paris 1996).

[26]- C’est là une formulation que nous reprenons à Mohammed Harbi, qui en plus du Mythe de la table rase, décèle dans l’approche dominante de la Guerre de libération l’existence de deux autres mythes : ceux d’un peuple «homogène» et «unanime», et enfin d’une Révolution faite par la paysannerie. Cf. de cet auteur : 1954: La Guerre commence en Algérie.- Bruxelles, Ed. complexe, 1984.

[27]- Si on se réfère à certaines statistiques concernant des organes de presse officiels de langue arabe, on remarquera que sur l’ensemble des articles traitant de la période 1830-1962, la part des articles concernant d’une manière ou d’une autre la Guerre de libération, est de 40,53% pour la revue de l’A.N.P EL-Djeich (durant la période 1964-1991), de 51,11% pour l’hebdomadaire El-Moudjahid (entre 1962 et 1974), et enfin de 62,61% pour le quotidien Ach-Châab (livraisons entre 1962 et 1991).cf. sous la direction de Amar Helal op. cité.

[28]- Cf. Le quotidien El-Moudjahid du 9 mai 1974, ainsi que Majallat at-tarikh (n° 1, 1974).

[29]- Formulation que nous empruntons à Gagnon, N. et Hamelin, J. : L'homme historien. - Quebec, Edisem, 1979.

[30]- Selon la remarque de Stora, Benjamin : Messali Hadj.- Paris, Ed. le Sycomore, 1982.

[31]- Sur ces luttes et leur impact politico-historiographies, cf.

- Harbi, Mohammed : Le FLN. Mirage et réalité, des origines à la prise de pouvoir.- Paris, Ed. Jeune Afrique, 1980.

- Stora, Benjamin : La gangrène et l’oubli : La mémoire de la Guerre d’Algérie.- Paris, Ed. La Découverte, 1991.

- Manceron, Gilles et Remaoun, Hassan : D’une rive à l’autre. La Guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire.- Paris, Ed. Syros, 1993.

[32]- Nous avons pu constituer ce tableau en puisant dans Majallat dirassat tarikhia (n° 1) qui donnait la liste des thèses et mémoires de DEA, soutenus à l’université d’Alger entre 1968 et 1985, ainsi que dans le volume dactylographié, intitulé : thèses et mémoires (soutenues à l’université d’Alger pour la période 1980-1990) diffusé par la Bibliothèque universitaire d’Alger.

[33]- Cf. Leimdorter, François : Op. cité.- p. 230.

[34]- Tendance que Leimdorfer, F. signalait déjà pour la Revue Africaine.

[35]- Les chiffres donnés par Olivier Dumoulin pour l’Université française entre 1939 et 1940 indiquent que 26% des Diplômes d’études supérieurs (D.E.S) d’histoire traient de la période contemporaine contre 15,6% seulement pour les thèses. Cf. Prost, Antoine: Op. cité.- p. 40.

[36]- Nous nous appuyons pour faire tableau sur la liste des mémoires de D.E.A, publiée par Majallat dirassat tarikhia (n° 1).

[37]- Nous avons eu l’occasion de traiter de cette question des paradigmes dans un certain nombre de contributions. Nous signalerons ici, celles publiées dans les ouvrages collectifs suivants :

- Les sciences sociales aujourd’hui.- Alger, O.P.U, 1986.

- Le Maghreb : Approche des mécanismes d’articulation.- Rabat, Editions Al-Kalam, 1991.

- L’université aujourd’hui.- Oran, Editions CRASC, 1998.

[38]- Nous signalons notamment nos contributions aux ouvrages collectifs suivants :

- Comment on enseigne l’histoire en Algérie.- Coordination : Ghalem, Mohammed et Remaoun, Hassan.- Oran, Ed. CRASC, 1995.

Notre intervention à un colloque tenu en 1992, a été aussi publiée dans Naqd (n° 5, 1993).

- La Guerre d’Algérie dans l’enseignement en France et en Algérie.- Paris, Ligue de l’Enseignement - institut du Monde arabe - CNDP, 1993.

- Langue, Ecole, Identités.- Sous la direction de Marouf, Nadir et Carpentier, Claude.- Paris, Ed. L’Harmattan, 1997.

Version en langue arabe dans Insaniyat (n° 3, 1997).

- La Guerre d’Algérie et les Algériens 1954-1962.- Sous la direction de Ageron, Charles-Robert.- Paris, Editions Armand Colin, 1997.

[39]- L’ordonnance n° 66-28 du 27 janvier 1966 qui accordait le monopole de l’édition à la Société nationale d’édition et de diffusion (SNED), ne fixait paradoxalement pas la date d’entrée en vigueur de ce monopole. D’autres sociétés d’Etat (O.P.U, E.N.A.G, E.N.A.L, A.N.E.P ...) ont d’ailleurs pris par la suite la relève de la SNED.

[40]- Cf. L’Edition en Algérie depuis l’indépendance 1962-1980.- Alger, Publications de la Bibliothèque nationale, 1980.- Collection : Bibliographies et Catalogues, n° 6. SN.ANEP.

[41]- Cf. Sous la direction de Halâl, Amar : Op. cité.

[42]- A ces chiffres, il faudra cependant ajouter 84 documents et écrits répertoriés comme source. Aucun d’entre eux ne traite de la Guerre de libération.

[43]- Nous avons fait avec Manceron, Gilles une recension des principales oeuvres publiées jusqu’en 1992. Cf. D’une rive à l’autre ... .- Op. cité.

[44]- La revendication amazigh (ou berbère) a fait son chemin depuis les manifestations de Tizi-Ouzou en 1980, et notamment depuis la grève scolaire de kabylie en 1994-1995 qui devait déboucher sur la constitution par l’Etat d’un Haut Commissariat à l’amazighité (H.C.A) cf. à ce propos la contribution de Dahbia Abrous, in Annuaire de l’Afrique du Nord - 1995.

[45]- Un grand nombre d’associations et de fondations ont par exemple vu le jour depuis 1988 et notamment dans les années 1990 (Fondations Emir Abdelkader, du 8 mai 1945, Houari Boumédiene, Mohammed Boudiaf...), tandis que des débats sont organisés et des écrits publiés sur le rôle de personnalités telles Messali Hadj, Ferhat Abbas, Abane Ramdane etc.

Des institutions telles le H.C.A et le CNERMNR 54 fondé le 29 janvier 1994 sous l’égide du Ministère des Moudjahidine, participent au débat (surtout le dernier cité).

[46]- Le Ministère des moudjahidine continue à avoir la haute main sur les moyens et documents de l’Etat ayant trait à la Guerre de libération. Dans une récente interview, M. Abadou, ministre en titre devait déclarer : «Le référent historique de ces données est contrôlé et filtré avec une grande précision, eu égard au caractère particulier la Révolution». Le Quotidien d’Oran (du 20 août 1998) qui rapporte l’information, commente : «Le ministre n’a pas dit qui contrôle et qui filtre».

[47]- Le parti R.N.D (Rassemblement national démocratique) officieusement lié au président Zéroual, et qui est arrivé en tête aux élections législatives de 1996, et locales et sénatoriales de 1997, se veut le représentant de «la Famille révolutionnaire» (Moudjahidine et ayants droits, enfant de chouhada ou «martyrs», c’est à dire de ceux qui sont morts en combattant pour l’indépendance...). La décision du président Zéroual d’écourter son mandat et d’organiser de nouvelles élections présidentielles en février 1999 (sans se présenter lui-même) semble cependant accentuer la polarisation au sein du parti où la référence unanimiste à l’héritage de la Guerre de libération (à l’instar du FLN) semble céder le pas à un affrontement publique entre «conservateurs» favorable à l’alliance avec les islamistes et «modernistes» qui veulent se positionner aux côtés des partis liés à la mouvance démocratique.

 

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