Effets de la multi-modalité à Alger sur la mobilité des usagers

Insaniyat N°62 | 2013  | Varia | p. 45-69 | Texte intégral


Effects of multi-modality in Algiers on users’ mobility

َAbstract: The fast development of the urban tissue of the agglomeration of Algiers has drawn more and more important displacement needs and a growing and as well as diverse mobility. However, the sustainable development of the agglomeration of Algiers requires to rationalize the displacements and to better channel the users ‘choices regarding the means of the mass transportation in use. Reconciling the flexibility offered by the car and the benefits of an efficient public transport imposes a change of culture among the users, the carriers and the businesses as well as the government.
This article discusses the multi-modality issue in Algiers, and its effects on the mobility of the users and the choices which they, from now, will have to make as for the strategy of displacement. These new behaviors are essential now vis-à-vis the emergence of new Collective modes of Transport in Clean Site (TCSP), namely the metro, the tramway and the modernized suburban train.

Keywords: Algiers - sustainable - development - transport - multi-modal - mobility.


Tahar BAOUNI: Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU), 16 200, Alger, Algérie.
Mohamed BAKOUR: Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU), 16 200, Alger, Algérie.
Rafika BERCHACHE: Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU), 16 200, Alger, Algérie.


Introduction

Le présent article traite de la question de la multi-modalité à Alger, et de ses effets sur la mobilité des usagers et les choix qu’ils seront désormais appelés à faire quant à la nouvelle stratégie de déplacements, particulièrement avec la mise en service des nouveaux modes de transport collectifs en site propre (TCSP), en l’occurrence le métro, le tramway et le train de banlieue modernisé.

Par stratégie de déplacements, il est entendu que pour les usagers, il s’agit des décisions qu’ils sont amenés à prendre, suite à un besoin de se déplacer pour réaliser des activités durant une journée (choix modal, temps disponible, budget alloué, activités à réaliser, localisation des activités, etc.).

Cet article permet aussi de présenter les résultats de l’enquête sur la multi-modalité effectuée auprès des usagers. Cette enquête, qui a ciblé toutes les catégories socioprofessionnelles de la population algéroise, a été menée au moyen d’un questionnaire qui a été soumis aux usagers et porté sur l’ensemble des préoccupations de ces derniers quant aux motifs de leurs déplacements, les modes à disposition, les prix payés actuellement et ceux qu’ils sont prêts à consentir pour pouvoir bénéficier des services du nouveau système de transport multimodal.

Ce questionnaire a permis également, à travers les lieux de destination comparés à ceux où la population enquêtée réside, de déterminer les pôles générateurs de déplacements et leur répartition sur le territoire de l’agglomération.

Nous avons jugé plus pertinent de situer d’abord la problématique des transports urbains face au développement urbain d’Alger, avant de présenter dans ce papier les résultats obtenus de l’enquête ainsi menée.

I. Problèmes de transport face au développement urbain de l’agglomération d’Alger

Le développement rapide du tissu urbain de l’agglomération d’Alger a entraîné des besoins de plus en plus importants en matière de déplacements, et une mobilité aussi bien croissante que diversifiée. La réponse des pouvoirs publics en matière de transport collectif n’a pas été au même diapason que cette nouvelle mobilité, si bien que l’écart n’a pas cessé de se creuser entre la demande de transport allant crescendo car due à la fois, à l’étalement aussi bien urbain que temporel des activités de la population, et à la modicité des moyens mis en œuvre pour la satisfaire.

Passant du statut de ville pédestre qui palpitait au rythme paisible de ses quartiers pittoresques, de ses rues pavées et de ses sentiers muletiers, à celui d’une ville trépidante totalement dévolue à l’automobile, l’agglomération d’Alger a vu sa physionomie changer graduellement à mesure que la voiture prenait de l’emprise et grignotait de l’espace chaque jour un peu plus[1].

Ces déplacements, dont la distance ne cesse de s’allonger et le volume d’augmenter, produisent de nombreuses nuisances : congestion routière, consommation d'énergie et d'espace, pollution atmosphérique locale et globale, bruit, accidents et inégalités sociales.

Pour y faire face, les pouvoirs publics ont d’abord orienté leur politique en matière de déplacements vers les infrastructures routières. Une politique qui a prouvé du reste son inefficacité, du fait qu’elle n’a pas permis d’absorber le flot incessant de véhicules qui congestionnent la voirie matin et soir, gangrénant aussi bien le centre ville que la périphérie. De plus, le développement de ces infrastructures ne s’est pas toujours conjugué avec le respect des terres fertiles de la Mitidja qui en ont été fréquemment les victimes collatérales. L’érosion de l’offre de transport urbain n’a pas permis à ce dernier de répondre positivement à la nature ni aux conditions de la mobilité qui ont évolué d’une façon spectaculaire, que ce soit en termes de desserte ou d’infrastructures, en qualité ou en quantité. Par ailleurs, la question d’optimisation des déplacements a toujours constitué une contrainte à Alger, en raison de la nature de son site qui est resté jusqu’alors réfractaire à toutes les tentatives d’organisation d’un système de transport performant.

Les recensements généraux de la population et de l’habitat (RGPH) de 1998 et de 2008, ont mis en exergue la progression du phénomène de l’étalement urbain, et la part de plus en plus importante de l’habitat individuel sur le territoire des communes périphériques.

Ce type d’habitat, grand consommateur d’espace pour des densités relativement faibles, génère une occupation foncière importante et contribue dans une large part à la recomposition spatiale et fonctionnelle des communes périphériques, par la création de nouvelles zones de centralités, générant à leur tour une demande déplacements allant croissant. Plus de 95% de la population résident en zone agglomérée avec une densité moyenne de 35 pers/ha qui dépasse les 600 pers/ha dans les communes du centre. Par ailleurs, la répartition de la population montre que la croissance s’effectue à l’extérieur des zones denses du centre (Hyper Centre et Ville Centre). Ces dernières perdent en effet, en population au profit de la périphérie (34% au centre contre 66% en périphérie). L’étalement urbain se continue donc au détriment des zones urbaines centrales².

Ce qui n’est pas le cas pour les emplois, dans la mesure où les communes du centre constituent un important bassin d’emploi, en attirant 52% de l’emploi tout en n’occupant que 6% de la surface totale de l’agglomération[2]. Les indicateurs montrent qu’il y a polarisation de l’emploi dans cette zone. La tendance indique que les ménages s’installent davantage dans la périphérie et travaillent dans la zone urbaine (Hyper Centre et Ville Centre).

Soulignons que cette même région occupe le tiers des actifs de toute l’Algérie. La forte concentration de l’activité sur la bande côtière permet de la définir également de zone d’emploi polarisée. Cet espace restreint de 47 km offre 53 % de l’emploi et concentre 28 % de la population de la Wilaya.

Le centre d’Alger qui occupe 6% d’une surface dépassant les 810 km[3], concentre 27,40% de la population et génère 53%[4] de l’ensemble des emplois recensés au niveau de l’agglomération. De plus, il regroupe tous les équipements et les services qui génèrent des volumes de déplacements considérables et suscitent une mobilité toute aussi importante.

Le centre de la ville, cet espace urbain de taille réduite, où se focalisent toutes sortes de déplacements s'effectuant pour des motifs différents et selon des modes tout aussi variés, est à la limite de l’hypertrophie. Cela engendre la congestion de la voirie et génère des situations de multiples conflits nés de la cohabitation de besoins capitaux et d’exigences contradictoires.

L’engorgement des routes et la congestion de la voirie constituent un problème crucial dans l’agglomération, et spécialement dans son centre. Leurs effets se manifestent par une dégradation des conditions de déplacements, un allongement des temps de parcours, une détérioration des conditions de transport, l’empiètement des piétons sur l’espace dévolu à la circulation automobile, les dangers auxquels ces piétons sont confrontés, les interactions assez nombreuses entre les usagers et les moyens qu’ils utilisent, sur un espace restreint et non extensible à satiété.

La croissance spatiale de l’agglomération qui allonge considérablement les distances, comme cité précédemment, aggrave également les inégalités en infrastructures. Aux flux de voyageurs de la ville centre, s’ajoutent donc les migrations couronnes-centre (intra-urbaines) que les autorités ne peuvent accompagner, compte tenu de l’indigence des services publics et de la dispersion des responsabilités due aux chevauchements des missions, que ce soit au niveau central ou local.

De ce fait les problèmes de déplacements des usagers dans l’agglomération algéroise se résument à ce qui suit :

  • la croissance urbaine, anarchique et tentaculaire, et la nécessité de multiplier et de diversifier les déplacements dans un territoire de plus en plus étalé ;
  • le réseau de voirie inadéquat, qui s’exprime par la difficulté de la ville, entraînée dans un processus de développement très rapide, de structurer les infrastructures routières de manière globale, et de parvenir dans le même temps à leur assurer un entretien satisfaisant ;
  • la congestion du trafic due à la saturation du réseau routier, particulièrement aux heures de pointe qui tendent à s’étaler de plus en plus, aussi bien dans le temps que dans l’espace, entraînant ainsi une congestion des réseaux de transport ;
  • le déclin du niveau de service des transports publics et le désordre résultant de la taille artisanale ainsi que de l’opportunisme des opérateurs privés. Les médiocres conditions de confort dans les moyens de transport collectifs, leur manque notoire de régularité, leur faible vitesse commerciale, et leur attractivité en baisse continue, ont conduit tout naturellement à une sur-utilisation de la voiture particulière, avec les effets que l’on connait ;
  • les impacts du trafic en termes de pollution et de nuisances sonores ;
  • les accidents de la route.

Les objectifs assignés à la mise en circulation des nouveaux modes de transport se déclinent par conséquent comme suit :

  • Réduire l’hégémonie de la voiture particulière et ses effets pervers ;
  • Favoriser le transfert vers d’autres modes alternatifs, moins consommateurs d’énergie, moins polluants et beaucoup plus performants ;
  • Proposer un service rapide et fiable pour les déplacements, essentiellement domicile-travail qui s’allongent considérablement de par l’extension de l’agglomération et la baisse de vitesse des autobus et des automobiles ;
  • Diminuer le congestionnement de la voirie ;
  • Réduire la dégradation des conditions de circulation par une meilleure répartition entre les différents modes qui se partagent un même espace restreint ;
  • Réduire les inégalités sociales en termes d’accès à la ville et à ses opportunités ;
  • Réduire l’insécurité routière ;
  • Protéger les zones centrales, de plus en plus asphyxiées par la circulation automobile et les espaces pris par le stationnement ;
  • Participer à certaines rénovations urbaines et préserver la qualité et l’efficacité du fonctionnement urbain, menacé par l’extension incontrôlée de la circulation automobile, induite elle-même par l’étalement urbain tout aussi incontrôlé.

II. Contribution du système de transport multimodal sur la mobilité des usagers

La mobilité étant un facteur de plénitude personnelle et de renforcement de la cohésion sociale, il s’agit par la mise en service du nouveau système de transport multimodal, moins de réduire les déplacements que de les réorienter vers des modes alternatifs à la voiture particulière, moins gourmands en énergie,  moins polluants et moins consommateurs d’espaces, par contre beaucoup plus performants et offrant des capacités d’accueil autrement plus importantes. Il ne s’agit pas non plus de supprimer l’usage de la voiture, tous les efforts fournis dans ce sens ayant prouvé leur incurie, mais d’offrir un système multimodal, s’appuyant sur tous les supports susceptibles de faciliter les déplacements des usagers, par une utilisation rationnelle des opportunités offertes.

La nouvelle stratégie de transports tend à répondre positivement à ce faisceau d’objectifs, en mettant sur le marché plusieurs modes alternatifs et concurrentiels à l’attrait de la voiture particulière.

Il y a d’abord l’ETUSA qui nous revient de loin, après une longue période de sommeil comateux ayant compromis jusqu’à son existence. En effet, le début des années 1990 a vu un désengagement de l'État et une exposition à la concurrence associée à l’ouverture des transports au secteur privé, ce qui a rendu le transporteur public très vite obsolète avec un matériel roulant vétuste et un déficit difficile à combler. L'entreprise fut très vite dépassée par un transport privé plus dynamique, beaucoup plus féroce, par contre soumis à moins de contraintes.

Actuellement, l’ETUSA ne ménage aucun effort pour regagner son statut de premier opérateur de transport public incontournable. Placée sous la tutelle du ministre chargé des transports, l’ETUSA est régie par le Décret exécutif N° 03-435 du 13 novembre 2003, portant création de l’Etablissement public de transport urbain et suburbain d’Alger. Elle a pour objectif principal d’assurer, par tous les moyens appropriés et disponibles, le transport public de voyageurs dans la Wilaya d’Alger. L’ETUSA peut aussi assurer des services dans les Wilayas limitrophes, à la demande des autorités, ainsi que le transport des personnels des administrations et des entreprises et le transport des étudiants.

Le parc de l’ETUSA est passé de 840 véhicules avant 1988 à 125 véhicules au début de l’année 2002. Il est passé ensuite à 165 véhicules en juillet 2004, pour atteindre le chiffre de 302 en 2009[5].

L’acquisition de nouveaux bus et méga bus de marque VanHool a permis à l’entreprise d’étoffer son parc et d’injecter sur le réseau une offre substantielle de nature à combler un tant soit peu le déficit en offre de transport cruellement ressentie il n’y a pas si longtemps. De plus, l'utilisation généralisée du système de télécommunications et la mise en place d’un nouveau mode de paiement par tickets magnétiques seront à même de rendre l’entreprise plus performante.  Ce système de paiement automatique est appelé à toucher tous les moyens de transport de la capitale, qu'il s'agisse du train, du métro ou du tramway. Ce dispositif ne pourra que renforcer l’intégration tarifaire qui permettra à l’usager d’effectuer son déplacement quelque soit le ou les mode(s) de transport utilisé(s). De plus, la mise en service du métro puis du tramway constitue une belle opportunité pour restructurer l’offre de transport de l’ETUSA, organiser des rabattements sur les stations du métro, du tramway et réaliser des pôles d’échange multimodaux, de manière à constituer un véritable maillage de transport collectif intégré et performant.

Il y a ensuite la SNTF qui s’est fait jusqu’à un passé très récent fortement concurrencer par le transport routier. Les pouvoirs publics ont cependant affiché la volonté d’inverser la tendance en lançant un vaste programme pour la modernisation des chemins de fer afin de donner à ce secteur ses lettres de noblesse. Un vaste programme de développement et de modernisation du réseau ferroviaire, caractérisé par trois axes essentiels a donc été engagé. Le premier consiste en la modernisation du réseau existant, doublement de voies, électrification, signalisation de télécommunications. Le deuxième axe a trait à la densification du réseau, c'est-à-dire la création de lignes nouvelles, et le troisième concerne la maintenance du réseau existant (renouvellement des voies existantes).

La SNTF envisage donc, la réalisation de la liaison Oued Smar-Gué de Constantine permettant le transit Est/Ouest sans passer par El Harrach, la construction d’une nouvelle gare de triage à Dar El Beida, ainsi que le réaménagement de la gare d’Agha qui pourrait faire l’objet d’une vaste opération immobilière, créant ainsi un pôle important d’activités, avec édifices à bureaux, galeries commerçantes et unités d’habitation, intégrés dans un projet d’ensemble, sur des terrains aujourd’hui affectés au triage des wagons. La deuxième opération inscrite dans le cahier des charges de la SNTF est l’extension du réseau de la banlieue algéroise par la création d’une ligne nouvelle à double voie électrifiée de Birtouta jusqu’à Zeralda en desservant la nouvelle ville de Sidi Abd Allah. La troisième action, quant à elle, vise la réalisation d’une liaison ferroviaire desservant les terminaux national et international de l’aéroport Houari Boumediene[6].

Lancé en 1983, relancé une première fois en 1990 puis définitivement en 2003 après avoir repatiné de longues années, le métro d’Alger a enfin circulé à Alger le 01/10/2011. Le schéma de principe qui ressort de l’étude de conception réalisée en 1982 a prévu pour le long terme un réseau constitué de trois lignes, totalisant 56 km de tunnels et 54 stations. Le tronçon retenu et qui constitue l’axe de priorité est celui de 12,5 km entre Oued Koriche et Haï El Badr. Et pour cause, cet axe traverse huit communes considérées parmi les plus denses de la ville, à savoir Bachdjarah, El Makaria, Hussein Dey, El Hamma, Sidi M’hamed, Alger Centre, Bab El Oued et Oued Koriche. Mais pour des raisons de capacités financière et technique, cette première phase a été scindée en deux étapes : Haï El Badr/Grande Poste, soit 9 km de ligne (10 stations), y compris le complexe de maintenance et le complexe administratif, puis Grande Poste/Oued Koriche, soit 3,5 km (6 stations).

Tableau 1 : Caractéristiques du matériel roulant

Rubrique

Caractéristiques

Rames

Bidirectionnelle

Longueur

108,5 m

Largeur

2,80 m

Capacité

1200 voyageurs

Fréquence

200 secondes

Vitesse maximale

70 km / H

Nombre des rames

14

Nombre de voitures/rame

6

Alimentation en énergie

750 V

Source : Présentation du projet métro, Ministère des Transports, 2008.

Trois prolongements de cette ligne sont actuellement en phase de réalisation. Le premier ira de Tafourah / Grande Poste vers la place des Martyrs (1,6 km) et passera par la place Emir Abd El Kader et la Casbah. Le second reliera Hai El Badr (Bachdjarrah) à El Harrach centre (3,6 km). Le troisième prolongement concerne, pour sa part, le trajet Hai El Badr – Ain Naadja (3,07 km). Trois autres extensions de la ligne prioritaire sont également à l’état d’étude de faisabilité. Il s’agit des linéaires El Harrach – Bab Ezzouar ; Ain Naadja – Baraki et place des Martyrs – Bab El Oued – Chevalley. A long terme, trois autres prolongements de ces extensions sont envisagés, et il s’agit en l’occurrence des tracés reliant Chevalley à Dely Brahim, Chéraga à Ouled Fayet et El Achour à Draria.

Par ailleurs, et après plus d’un demi-siècle la ville d’Alger vient de renouer avec le tramway après qu’elle s’en soit défaite en 1960, bien qu’il compta au lendemain de la 2ème guerre mondiale parmi l’un des réseaux les plus performants au monde. L’examen des solutions préconisées pour le choix du tracé du tramway a fait apparaître la possibilité de construire en premier lieu la ligne diamétrale centre-périphérie Est, qui se présentait favorablement, et qui devait de surcroît assurer une connexion avec la première ligne du métro. La priorité donnée à ce linéaire répondait à 5 critères, à savoir : la topographie du terrain, la localisation des populations et la concentration des empois, la percée utilisable pour accueillir le site propre et enfin les potentielles perspectives urbanistiques de cette partie de la ville[7].

C’est donc la ligne entre les Fusillés et Bordj El Kiffan d’une longueur de 16,3 km, qui a été retenue comme tronçon prioritaire de la ligne Est du tramway, et qui a été prolongée par la suite jusqu’à Dergana. Le tracé retenu prend son départ au niveau pôle d’échanges des Fusillés, s’insère sur l’avenue de Tripoli jusqu’à la halte (SNTF) actuelle de Caroubiers. La ligne emprunte ensuite l’avenue de l’ALN, franchit l’Oued El Harrach puis chemine le long de la RN5 jusqu’au carrefour des 5 Maisons. A partir de là, elle se dirige vers la zone Bananiers – Bordj El Kiffen, s’oriente vers le Sud pour desservir les cités de Bab Ezzouar et le campus de l’Université Houari Boumediene. La ligne se termine par un pôle d’échanges situé sur la sortie de Bordj El Kiffan. A son extrémité, le tracé rejoindra à terme Dergana, la Cité Diplomatique, l’Université Biomédicale, et enfin Ain Taya.

L’amélioration des conditions de déplacements (temps de transport et d’attente) sont des arguments suffisamment persuasifs pour inciter des transferts modaux conséquents de la voiture individuelle vers les modes collectifs. Le trafic attendu est de l’ordre de 150 000 voyageurs sur le tronçon prioritaire puis 185 000 à terme[8].

La mise en service du tramway, d’abord sur le tronçon reliant Bordj El Kiffan à Bab Ezzouar durant le mois de Mai 2011, et ensuite le tronçon entre Bordj El Kiffan et les Fusillés, une année après, soit le 15 juin 2012, et aussi celle du tronçon prioritaire du métro le 01 novembre 2011 devront permettre, outre la satisfaction des attentes de la population en terme de mobilité dans des conditions de confort, de sécurité et de rapidité appréciables, d’améliorer la qualité de vie des algérois, et d’engendrer de nouveaux noyaux de développement urbain, leur insertion sur le tissu urbain étant une belle opportunité pour entreprendre des travaux d’embellissement et des projets de revitalisation et de requalification urbaine.

Le nouveau service ferroviaire de banlieue sera par ailleurs un des TCSP qui permettront, sur ces itinéraires, de garantir des horaires et un temps de parcours fiables et précis, face aux autres modes qui sont victimes de l’intensification de la congestion.

III. Les options thématiques et méthodologiques de l’enquête

Les différentes options à la fois thématiques et méthodologiques ont du être prises pour concevoir le recueil des données sur lequel est fondée cette recherche relative à la multi-modalité dans la ville d’Alger. Ainsi, notre recherche vise à une appréhension de certains déterminants principaux mettant en exergue les effets de la multi modalité sur la mobilité des usagers.

Après avoir pris connaissance des caractéristiques de la population à enquêter et sa répartition sur l’aire d’étude, nous avons dirigé nos enquêtes par un questionnaire ou l’information se limite aux réponses écrites à des questions écrites elles aussi.

Dans ce cadre, la mise au point du questionnaire d’enquête a nécessité un affinement des thèmes que l’on souhaite tester. Ainsi, il n’était pas question de prétendre de traiter en profondeur tous les thèmes de la multi modalité au cours d’une seule enquête. Devant la richesse et la multiplicité des thèmes potentiels pour l’analyse de la multi modalité, il a fallu choisir.

Nous avons donc défini des phases prioritaires de cette recherche. C’est pourquoi, nous avons choisi d’approfondir les thèmes principaux : 

  • Pratiques modales liés aux motifs de déplacements,
  • La place des Transports Collectifs sur Site Propre (TCSP) dans la pratique des déplacements quotidiens,
  • Choix modaux sur le nouveau système multimodal,
  • Cout du déplacement.

L’enquête sur la multi-modalité à Alger s’est déroulée sur une période de dix jours allant du 15 au 25 octobre 2011 et a ciblé un échantillon représentant toutes les catégories de la population algéroise. Un total de 175 personnes ont accepté de répondre au questionnaire qui leur a été soumis et inhérent à la stratégie de déplacements qu’ils auront à adopter quant au système de transport qui sera désormais à disposition.

IV. Analyse des résultats de l’enquête sur la multi-modalité à Alger : Discussion des résultats

IV.1 Répartition de la population enquêtée.

Comme le montre la carte ci-dessous, les lieux de résidence des personnes interviewées se répartissent sur 42 communes. Cet essaimage qui concerne près de 74% de l’ensemble du territoire de la wilaya d’Alger nous conforte dans la qualité de la couverture spatiale de l’échantillon en question.

De plus, à voir cette répartition de plus près, force est de constater que les lieux de résidence qui apparaissent le mieux sont le centre-ville (en particulier l’hyper centre) et la partie Est de la wilaya. Alger centre constitue le réceptacle de résidence le plus important de l’échantillon interviewé avec un taux de 7,4%, suivi de près par Bab Ezzouar et Bordj El Kiffan avec un même taux de 5,7%, et à un degré moindre Ben Aknoun (5%), Dar El Beida et Mohammadia (4,6% chacune) et enfin Kouba et Bachdjarrah, soit 4% chacune également. Les autres communes occupent des taux plus faibles allant jusqu’à 0,6% de l’ensemble des personnes questionnées.

IV.2 Déplacements modaux de la population enquêtée par motif

La voiture particulière est utilisée dans presque 30% des cas pour des déplacements pour le travail, 9% pour les études et dans 14% des cas pour des déplacements pour les motifs non obligés (achats, visites, loisirs et autres). Ces parts considérables montrent le rôle que peut jouer ce mode de transport dans l’élargissement du champ d’activités et l’enchainement temporel de ces dernières. Pierre Merlin[9] attribue l’engouement pour la voiture particulière, entre autres, à la popularité qu’elle a acquise du fait qu’elle offre grâce à son ‘‘ubiquité’’, un accès à n’importe quel point du territoire, et donc qu’elle favorise la mobilité non obligée et qu’elle permet de mieux profiter des ‘‘opportunités’’ offertes par la ville. Elle est presque toujours (sauf dans l’hyper-centre en heures de pointe, en situation de congestion de la voirie), plus rapide que les TC. Elle est enfin plus confortable, assurant notamment l’intimité de ses passagers, et est considérée comme le moyen par excellence des nécessaires déplacements quotidiens. C’est pourquoi, le fait de disposer d’un véhicule confère à son propriétaire la latitude de réaliser un certain nombre de déplacements, pour des motifs non obligés qu’il n’aurait pas pu ou voulu effectuer dans le cas contraire, surtout en situation de déficience des Transports Collectifs. A noter que le profil socio professionnel favorise l’utilisation de la voiture particulière, car près de 29% d’entre les personnes interviewées et disposant d’un véhicule particulier sont des cadres moyens, 26% des employés, 25% des étudiants et 13% sont des personnes exerçant une activité libérale.

Ce moyen permet aussi une plus grande liberté de mouvement et élargit la sphère d’activités que les transports collectifs restreignent (absence de desserte géographique pour les zones enclavées et horaire durant le soir et le week-end).

Les motifs obligés constituent, comme il fallait s’y attendre, la raison d’être de la majorité écrasante des déplacements de la population enquêtée. Les emplois et les études accaparent en effet à eux seuls près de 74% de la totalité des déplacements considérés, et ce, contrairement à ceux qui ne revêtent aucun caractère d’obligation, et qui sont en général sacrifiés quand la contrainte l’emporte sur le besoin.

Tableau 2 : Croisement CSP * motif de déplacement * mode de déplacement

Mode de déplacement par CSP

Motif de déplacement

Total

travail

Etudes

Achats

Services

Autres

 

Voiture individuelle

Profession libérale

15

1

2

2

0

20

Cadre moyen

26

0

7

0

2

35

Employé

10

0

2

2

0

14

Etudiant

3

14

3

0

1

21

Retraité

0

0

1

0

0

1

Chômeur

0

0

1

0

0

1

Femme au foyer

0

0

2

0

0

2

Total

54

15

18

4

3

94

Réseau autobus

Cadre moyen

6

0

1

1

1

9

Employé

20

0

2

2

1

25

O. professionnel

1

0

1

0

0

2

Etudiant

1

19

1

0

1

22

Retraité

0

0

1

0

0

1

Chômeur

0

1

0

1

0

2

Femme au foyer

0

0

2

0

0

2

Total

28

20

8

4

3

63

Chemin de fer

Cadre moyen

1

0

1

0

1

3

Employé

1

0

0

0

0

1

Total

2

0

1

0

1

4

Taxi

Profession libérale

1

0

0

0

0

1

Cadre moyen

1

0

0

0

0

1

Employé

2

0

1

0

0

3

Etudiant

0

1

0

0

0

1

Total

4

1

1

0

0

6

Marche à pied

Profession libérale

1

0

0

0

0

1

Cadre moyen

2

0

0

0

0

2

Employé

2

0

1

0

0

3

Retraité

0

0

0

1

0

1

Femme au foyer

0

0

1

0

0

1

Total

5

0

2

1

0

8

Total

Profession libérale

17

1

2

2

0

22

Cadre moyen

36

0

9

1

4

50

Employé

35

0

6

4

1

46

O. professionnel

1

0

1

0

0

2

Etudiant

4

34

4

0

2

44

Retraité

0

0

2

1

0

3

Chômeur

0

1

1

1

0

3

Femme au foyer

0

0

5

0

0

5

Total

93

36

30

9

7

175

Source : Enquête sur terrain, 2011.

Le recours aux TC s’effectue à 16% pour le travail, 11% pour les études et 9% pour les autres motifs n’ayant aucun caractère d’obligation. Paradoxalement, le train est rarement utilisé en ce qui concerne notre échantillon, que ce soit pour le travail, encore moins pour les achats et les autres activités et nullement pour les études. La marche à pied et le taxi sont sollicités respectivement à 3% et 2% pour le travail et à 2% pour les autres motifs non obligés pour la marche.

La qualité des prestations offertes par les TC, telle qu’elle a été appréciée par l’échantillon interviewé laisse à désirer par la majorité d’entre eux. En effet, plus de 70% estiment que la qualité du service des TC est médiocre contre 27% qui considèrent qu’elle est tout juste acceptable et 2,3% qui en sont pleinement satisfaits.

Dans l’état actuel des choses, les Tc sont fustigés à juste titre, du fait de la piètre image qu’ils offrent malgré l’apport quantitatif mis sur le marché. Le déclin du niveau de service des transports publics et le désordre résultant de la taille artisanale ainsi que de l’opportunisme des opérateurs privés expliquent en partie l’aversion ainsi suscitée auprès des usagers. Les médiocres conditions de confort dans les moyens de transport collectifs, les temps d’attente et de trajet de plus en plus longs et difficiles à supporter, et leur attractivité plus ou moins en déclin, ont conduit tout naturellement à une concurrence inégale face aux facilités offertes par la voiture particulière, en dépit des effets pervers dont elle est en grande partie responsable.

Un des points les plus sensibles permettant d’optimiser le niveau de service des transports collectifs est la durée des déplacements. L’optimisation du temps de parcours est un critère de premier ordre pour d’un côté, inciter la population à abandonner la voiture particulière au profit de modes de transports plus durables, et d’un autre coté évaluer l’efficacité du réseau de transport urbain mis sur le marché. Cet objectif est cependant loin d’être atteint pour le cas d’Alger, du moins avant la mise en service de tous les TCSP (l’enquête ayant été réalisée du 15 au 25/10/2011). Le choix du mode de déplacement quotidien par ordre de priorité est orienté essentiellement vers le mode de transport individuel avec un taux de 53,7% et 36% vers le réseau autobus. Cette hiérarchisation du choix montre que le transport collectif constitue un mode obligatoire en l’absence de la voiture particulière. Le choix du mode individuel domine grâce à la liberté qu’il permet dans le choix des destinations ainsi qu’à la flexibilité horaire qu’il offre et la vitesse qu’il permet. La marche à pied représente un taux 4.6% et se positionne comme 3ème choix. Ce mode de déplacement est souvent utilisé comme une alternative au disfonctionnement du réseau actuel, notamment dans les espaces urbains les plus denses.

Tableau 3 : Répartition des choix modaux par ordre de priorité.

Mode de déplacement quotidien par ordres

Effectifs

Pourcentage (%)

Voiture individuelle

94

53,7

Réseau autobus

63

36,0

Marche à pied

8

4,6

Taxi

6

3,4

Chemin de fer de banlieue

4

2,3

Total

175

100

Source : Enquête sur terrain, 2011.

Dans le même ordre d’idées, et pour évaluer d’une maniéré plus pertinente la pénibilité des conditions de déplacement des usagers du réseau de transport collectif, l’enquête effectuée a mis en évidence quelques défaillances du système de transport actuel, dans la mesure où les ruptures de charges sont importantes et les distances parcourues pour rejoindre le premier point de rabattement des TC sont assez importantes. En effet 40,57% des personnes enquêtés ont une durée de déplacement qui dépasse les 60 min et 28% consomment une durée de déplacement entre 50 – 60 min. Cette situation pénalise fortement les usagers des transports collectifs et favorise dans le même temps l’augmentation des taux de motorisation des ménages. Seul le réseau TCSP constitue le mode capable d’apporter une valeur ajoutée à la qualité de service des réseaux de transport collectif.

IV.3 Les TCSP, ou le transport de masse le mieux adapté aux déplacements quotidiens

La mise en service des TCSP, tant attendue et actuellement effective, sera l’occasion aussi bien pour les usagers que pour les transporteurs et les décideurs d’opérer des changements en matières de stratégies de déplacements. Car il faudrait désormais compter avec l’apport de nouveaux modes de transport plus performants, plus conviviaux, offrant d’importantes capacités d’accueil par contre moins polluants et moins consommateurs d’espace pour contrecarrer l’hégémonie de la voiture particulière et l’ascendant qu’elle exerce sur les usagers.

Ces changements se profilent dés à présent à travers les réponses données par les personnes enquêtées, où les nouveaux TCSP (métro et tramway surtout) devraient remporter tous les suffrages au vu de leurs performances techniques et esthétiques, ainsi que leur grande capacité d’accueil à laquelle la voiture particulière ne peut nullement prétendre.

50% de cet effectif comptent emprunter le métro et 33% le tramway contre uniquement 13% qui se rabattront sur le train de banlieue. 55% se déplaceront par ces TCSP pour le travail, 21% pour les études, 15% pour les achats et 9% pour les services, visites et autres activités urbaines.

IV.4 Types de choix modaux sur le nouveau système multimodal

Selon toute vraisemblance, le métro, le tramway et le bus seront les plus plébiscités, dans la mesure où ils compteront pour les usagers parmi les modes de transport les plus sollicités, pour ne pas dire les plus importants d’entre eux.

En effet, avec la mise en service des TCSP, et la restructuration du réseau autobus autour des stations métro et tramway essentiellement, les personnes enquêtées comptent emprunter le bus pour la quasi-totalité de leurs déplacements, spécialement en combinaison avec les deux modes les plus performants, en l’occurrence le métro et le tramway. Quitte à le combiner avec les autres modes, plus de 60% des déplacements des usagers seront assurés par le métro dont 17% en intégration uniquement avec le tramway. Ce dernier sera sollicité à hauteur de 47% des déplacements avec les autres moyens de transport contre 24% des cas où il sera fait appel au train.

Malgré les transferts massifs escomptés vers les moyens lourds de transport, les véhicules individuels (voiture particulière et taxi) conserveront une certaine part de marché quoique réduite, dans la mesure où les déplacements assurés par ces moyens n’excèderont pas 17% mais toujours en combinaison soit avec le bus, soit avec le métro ou encore avec le tramway.

Et à partir du moment où le téléphérique ne sera intégré spatialement au métro et au tramway que dans le pôle d’échanges des Fusillés, uniquement 5% des déplacements de l’effectif interviewé seront pris en charge par ce moyen. Ce qui permettra des échanges aisé sans la pénibilité des ruptures de charges dont les usagers souffrent en général dés qu’il est question d’un usage simultané de deux ou plusieurs modes de transport.

Il est vrai que la mise en service des TCSP constituera une occasion pour les décideurs de mettre fin à l’anarchie qui gangrène actuellement le service des TC, et pour les usagers la possibilité d’en finir avec les désagréments dont ils souffrent au quotidien. D’où les changements pressentis quant à la stratégie des déplacements qui sera désormais adoptée aussi bien par les autorités et les transporteurs que par l’ensemble des usagers. 

IV.5 Prix à consentir avec la mise en service du système multimodal

En prévision de la mise en service du système multimodal, les usagers, du moins l’effectif enquêté, consentiront dors et déjà à débourser plus pour leurs déplacements, puisqu’en contrepartie les bénéfices à en retirer l’emporteront largement sur ce sacrifice.

En effet, de par leurs capacités d’accueil que la voiture particulière ne pourra jamais égaler, encore moins concurrencer, leur fiabilité et leur ponctualité, affranchis qu’ils sont des embarras de la circulation générale, leur design, leurs performances techniques et les conditions de confort optimales offertes que ce soit durant le trajet ou en attente, ces modes de transport inédits compenseront largement le plus à payer, sans que l’usager ressente le sentiment d’avoir été pénalisé sur le plan pécuniaire.

Le tableau ci-dessous montre effectivement que tous les usagers interviewés acceptent dés à présent le principe de devoir payer plus pour pouvoir bénéficier d’un service de transport collectif performant et fiable. Plus de 74% d’entre eus sont prêts à payer plus que le double du tarif actuel pour leurs déplacements contre 5% qui sont prêts à aller jusqu’au triple du prix actuel et presque 9% qui consentent à aller plus loin et payer beaucoup plus.

Dans le cas de la mise en place d’une autorité organisatrice qui aura la charge de réguler le marché des transports et d’adapter l’offre à la demande, l’adoption d’une tarification intégrée, quel que soit l’opérateur et quel que soit le mode de transport emprunté, sera plus à même d’unifier le prix du transport. Le prix à payer sera d’autant plus réduit qu’il ne sera question que d’un seul ticket de transport que l’usager pourra utiliser invariablement sur tous les réseaux de transport offerts sur le marché.

Tableau 2 : Prix à payer pour les déplacements multimodaux

Prix à payer

Effectif

%

Double du prix

130

74,3

triple du prix

8

4,6

plus

15

8,6

Total

153

87,4

Pas de réponse

22

12,6

Total

175

100

Source : Enquête sur terrain, 2011.

V. Conclusion

L’analyse rigoureuse du phénomène de l’étalement urbain constitue un préalable à la définition des politiques des transports urbains, dans la mesure où il est reconnu par tous comme à l’origine de la plupart des dysfonctionnements et des principaux décalages entre l’offre et la demande de transports. Ce phénomène apparaît complexe, variable et difficile à réguler. Or, résoudre ce problème requiert une approche globale de développement qui passe en revue toutes les données socio-économiques de la population, tous les aspects urbanistiques, les impératifs d’équilibre territorial et de capitalisation des attributs urbains, de croissance économique, culturelle et sociale,…etc.

Le développement urbain d’Alger doit d’abord transcender les désordres urbains et les clivages sociaux. Il doit aussi triompher de l’arbitraire qui a été par le passé l’apanage de la gestion urbaine et de la planification de son territoire. Il est vrai que les différents réseaux de transports collectifs, mis en service à Alger, contribueront, au-delà de la perspective de satisfaction de la mobilité des usagers, à une revalorisation urbaine des quartiers desservis par les lignes de TCSP, et d’amélioration de la qualité de desserte et de désenclavement des parties de la ville, jusqu’alors imparfaitement ou pas du tout desservies par les  nouveaux réseaux de TC, du reste moins énergétivores et moins polluants, et également à structurer le développement urbain de la ville et à conserver à la population toutes ses chances d’équité à l’accessibilité aux emplois et aux activités urbaines. Promouvoir l’inter-modalité signifie faciliter l’utilisation de plusieurs moyens de transport par la coordination des modes de gestion et par la connexion physique des réseaux. Le passage d’un mode de transport à l’autre dépend aussi de l’efficacité des connexions spatiales entre les réseaux d’infrastructures et de la qualité des interfaces. La mise en place d’une politique intermodale doit alors satisfaire deux principaux objectifs : l’alternance entre les transports collectifs et la voiture individuelle et d’autre part, entre les transports collectifs urbains (bus, taxis) et les transports collectifs d’une échelle supérieure (train, métro et tramway).

Or, pour atteindre ces objectifs, la nécessité d’une architecture institutionnelle qui coordonne l’ensemble de ces actions se fait de plus en plus sentir. Il s’agit en l’occurrence de l’Autorité Organisatrice des Transports Urbains, dont il a été question depuis la promulgation de la loi n° 01-13 du 7 août 2001 portant Organisation des Transports Terrestres, et qui vient d’être remise sur le devant de la scène à la faveur du décret exécutif n°12-109 du 06 mars 2012 fixant l'organisation de fonctionnement et les missions de l'AOTU (dans le journal officiel n°15 du 14 mars 2012).

Cependant, l’organisation des transports urbains dans la zone d’Alger est particulièrement complexe. Cette complexité tient d’abord au fait que le périmètre de transport urbain d’Alger, tel qu’il découle de l’analyse des déplacements de nature « urbaine » ne coïncide pas avec les limites administratives de la ville d’Alger ou de la wilaya d’Alger ; ce périmètre de transport urbain, qui reste à définir, déborde largement sur les wilayas limitrophes de Blida et de Boumerdès. La complexité tient également à la diversité des modes et entreprises de transport urbain existants et en cours de création.

En somme, le développement des TC s’inscrit dans la politique de la maîtrise de l’usage de la voiture individuelle. Il permet notamment de mieux répondre aux besoins en déplacements de catégories de personnes captives des TC et de favoriser des transferts en provenance de la voiture particulière, du taxi ou tout simplement de la marche à pied.

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Notes

[1] Berchache, R. (2011), Développement urbain et multi-modalité face aux enjeux du développement durable de l’agglomération d’Alger : Perspectives d’un challenge, mémoire de magister en urbanisme, EPAU, Alger.

[2] Etude des plans de circulation et de transport de l’agglomération d’Alger, Dessau/Soprin, 2005.

[3] Etude des plans de transport et de circulation de l’agglomération d’Alger, Dessau/Soprin, 3ème phase, 2006

[4] Enquête ménages, BETUR/CENEAP, 2004.

[5] Direction des Transports de la Wilaya d’Alger, 2009.

[6] Synthèse du plan d’entreprise de référence, Stander World’s Best Bank, SNTF, 2008.

[7] INGEROP/SEMALY : étude d’Avant-Projet Détaillé du tramway d’Alger, 2003.

[8] Présentation du projet tramway d’Alger, 2008.

[9] Merlin, P. (1992), Les transports urbains, Paris, PUF.

 

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