Le Mouvement social n° 186, janvier-mars 1999

Le biographique se veut être à l'opposé de cette biographie, dont la proximité avec le pacte classique de la fiction littéraire risque d’encourager... des appropriations tendancielle contradictoires avec le projet scientifique d’objectivation (Bernard Pudal, in Présentation). Deux voies sont ouvertes par deux articles l'un sur Gustave Hervé par Gilles Heuré et le second sur une des différentes équipes dirigeantes qui se sont succédées à la tête de La nouvelle critique par Frédérique Matonti. Comment à partir d'une famille de trajectoires appréhender les trajectoires singulières ?

L'étude de la trajectoire d'un Gustave Hervé de l'extrême-gauche antimilitariste et antiparlementaire à l'extrême-droite nationaliste, oblige l'historien à mettre en oeuvre et à passer au crible de la critique non seulement les documents mais aussi les conditions de leur production. Gilles Heuré entreprend alors de cerner le tempérament politique en prenant dans l'enfance de Gustave Hervé, dans sa formation politique ou professionnelle, son mode de vie, des renseignements précieux qui pris isolément pourraient apparaître anecdotiques mais, qui articulés peuvent soutenir une explication plus prospective.

La nouvelle Critique (la N.C) fait l'objet d'une étude de Frédérique Matonti. La N.C, Revue du marxisme militant avait été fondée en 1948. En 1967, elle change de formule, de format. Elle porte en sous-titre politique, marxisme, culture. Ce changement constitue le point de départ de l'enquête de terrain qui conduit l'auteur à ramasser un matériau biographique oral et à le compléter par une analyse de contenu de la revue.

Renonçant à l'explication par le modèle d'intellectuel organique, l'auteur privilégie l’approche par l'examen de trajectoires individuelles (Singulières) inscrites dans une famille de trajectoires (le groupe dirigeant de 1967). Les questions de fond sont posées. Quelle est la nature des ressources et des croyances qui font un homme sûr, c’est à dire susceptible d’obéir? Pourquoi certains mettent leurs ressources universitaires à la disposition du Parti quand d'autres refusent cette conversion ?

Les rapports des intellectuels à la politique, au pouvoir d'Etat en général ou au Parti est toujours d'actualité et l'analyse que nous présente F. Matonti d'un groupe particulier montre qu'un immense travail est encore à faire.

Chez nous comme ailleurs, la question se pose encore de savoir comment s'exerce cette fascination du pouvoir sur les intellectuels. Mais pouvoir réaliser cette sociologie des intellectuels est certainement rendue compliquée par le fait que ceux-ci sont juge et partie. Aussi et comme le conclut l'auteur, l'examen des trajectoires biographiques de ces garde-fous fait apparaître la complexité des mécanismes de l’obéissance partisane, pas plus que le moment ou la teneur de l‘adhésion, l’appartenance sociale ne permet de préjuger de la nature des croyances politiques. La quantité des ressources universitaires permet en revanche de préjuger de la longueur de l’engagement puisque celle-ci est fonction de la reconversion en cas d’exil.

auteur

Fouad Soufi

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