"Informations et Commentaires- Le développement en questions" est une revue trimestrielle, axée sur les problèmes des relations entre pays des centres et ceux des périphéries. Fondée en 1972 par Gilbert Blardone, elle est éditée actuellement par une équipe d'économistes grenoblois et lyonnais s’intéressant aux sujets d'actualité économiques et sociaux à dimension internationale qui concernent le développement des sociétés.

Chaque numéro comporte un thème particulier et des rubriques régulières. Le thème fait l'objet d'un ensemble d'articles constituant un dossier ouvert caractérisé par la variété des points de vue et la solidité de la documentation. Les rubriques régulières portent sur des présentations d’auteurs dont il est important de connaître les travaux, de pays du tiers-monde, informant sur leur situation socioéconomique actuelle et enfin des comptes-rendus d'ouvrages et/ou d’articles. Les dossiers de deux numéros: «120» et «124» ont été consacrés à l’Algérie:  le premier intitulé«Algérie 2002. Une Nation en souffrance» et le second libellé: «Algérie, hier et aujourd’hui. Conférences 2003, à Grenoble»

Le numéro 138, comporte un dossier: «Lutter, résister dans les Suds» L’éditorial signé par Patrice Allard, rédacteur en chef de la revue, donne le ton aux cinq articles composant le dossier et contenu de la rubrique rédigé par Patrice Jorland avec comme intitulé: Gulliver dans le Grand Moyen-Orient.

L’incipit est investi par Jean Peut-être M’Pélé, de l’Université de Lausanne, pour relater avec maints détails les luttes aussi dures que coûteuses menées par les travailleurs des mines d’or en Afrique du Sud, au Ghana et au Mali, les trois principaux producteurs de ce minerai du continent. Dégradations des conditions de travail, revendications, grèves, licenciements, tous les événements vécus face aux multinationales dont les intérêts sont défendus par les gouvernements des «exploités», nous sont relatés dans un style des plus alertes.

Le second texte signé par Francesco Gesualdi, fondateur et coordinateur du Centre de lutte pour des rapports équitables entre le Nord et le Sud et de défense des droits de l’homme au niveau mondial, décrit la «campagne contre Del Monte», ce dernier appartenant à un groupe italien, gestionnaire d’une immense plantation d’ananas et auteur de graves violations des droits de milliers de travailleurs sur le site; campagne lancée en novembre 1999 et suspendue en mars 2000 suite à un accord sanctionnant les engagements de Del Monte.

Berrin Ceylan-Ataman, de l’université d’Ankara, apporte un éclairage nouveau sur la difficulté de conjuguer l’ouverture économique et le progrès social dans un pays émergeant comme la Turquie. S’intéressant aux caractéristiques fondamentales du marché turc, l’auteur décline les principaux textes de réformes en matière d’emploi et de politiques sociales, précisant que malgré la croissance observée, l’augmentation de l’emploi n’est pas à l’ordre du jour.

Ick-Jin Séo et Seong-Gi Cheong, de l’université de Kyungnam, partant de l’exemple de la Corée, qu’ils qualifient de particulier et d’universel, montrent combien le développement économique, le progrès social et la construction d’une démocratie réelle sont liés. Après un exposé des tâches accomplies par la société coréenne en général et le mouvement ouvrier en particulier, les auteurs font remarquer que l’industrialisation en Corée a été réalisée suivant le modèle occidental, et de ce fait ne pouvant pas faire l’objet d’une transplantation dans le contexte asiatique. Le texte s’achève sur la question de savoir si un nouveau mouvement de renaissance ne devrait pas commencer par réduire le nombre de contradictions et/ou d’aliénations?

Stéphane Boisson, à travers l’exemple de l’Equateur, montre comment l’émergence de la question indigène s’inscrit dans un cadre socio-économique difficile: le désastre provoqué par les politiques libérales imposées aux pays latino-américains. Parmi les questions soulevées, nous notons celle relative à l’existence d’un système statistique fiable permettant d’évaluer les populations indigènes et de mesurer leur poids démographique.

L’idée que le monde peut s’organiser entre un centre et une périphérie est très ancienne. Dans les années 1950, déjà, un certain nombre de travaux ont été orientés vers une vision polarisée de cette organisation spatiale (Perroux, 1955, 1958 ; Myrdal, 1957; Hirschman, 1958)[1]. Ce qui peut sembler nouveau c’est la complexification de la notion de développement comprenant désormais de nouvelles dimensions et de nouveaux acteurs[2].

A travers ces différents exemples, les difficultés du modèle de développement à l’occidental à générer la croissance dans les périphéries semblent réelles. Au Sud et même au Nord, ce modèle est de plus en plus contesté et l’espoir que la mondialisation puisse impulser le progrès social tant attendu paraît illusoire.

notes

[1] Perroux, F., Note sur la notion de pôle de croissance. Economie Appliquée, 1955 Vol 1-2, p. 307-320. Perroux, F., Les pôles de développement et le développement intérieur. La coexistence pacifique, 1958. Grenoble, PUG et Myrdal, G., Economic Theory and Under-Developed Regions. Economie appliquée, 1957, Vol 1-2, p. 307-320.

[2] Treillet, S., L'Économie du développement, Paris, Nathan, 2002, 187 p.

auteur

Aïcha BENAMAR