Initiation au judaïsme, au christianisme et à l’islam

C’est sur le constat d’une méconnaissance actuelle des religions que s’ouvre l’introduction de cet ouvrage qui se veut un outil de «connaissance du fait religieux». Divisé en parties égales, portant chacune sur l’une des trois grandes religions monothéistes, il est rédigé «par des auteurs qui appartiennent aux trois principales cultures religieuses qui se trouvent en France». L’axe du livre est ainsi posé: il ne s’agit pas de la description de trois religions éternelles et quelque peu idéal-typiques, mais bien plus d’une «initiation» à chacune des religions dans un contexte européen, voire même français, très contemporain, mises en regard des stéréotypes ou des problématiques qui leur sont posées en propre. Il n’est donc pas question d’évoquer les relations entre les religions, ou même leur fonds culturel commun, et c’est séparément qu’elles sont confrontées à des questions de société, question de laïcité, d’intégration et de modernité.

Richard Ayoun présente d’abord l’histoire du judaïsme, avant, dans un second chapitre, d’en décrire, de façon détaillée, les pratiques traditionnelles. Le lecteur y trouvera les informations pour satisfaire sa curiosité à la fois dans le domaine des interdits et des obligations et dans celui des rituels, qui lui sont présentés de façon très complète. Mais il s’interrogera peut-être sur la façon dont les obligations religieuses sont aujourd'hui vécues et sur ce qu’il reste des différentes traditions dans la vie quotidienne de nos contemporains. Par ailleurs, l’on est troublé que l’histoire du judaïsme se confonde à partir de 1948 avec l’histoire d’Israël. L’affirmation de l’identité entre les juifs et Israël pose des questions auxquelles les réponses sont multiples et complexes. Ce n’est qu’en conclusion que l’auteur se demande: «Est-ce à dire que la Diaspora est condamnée à n’être qu’un appendice de l’Etat d’Israël?», manière de répondre par l’affirmative, alors que la question méritait d’être discutée.

Le christianisme, lui, est considéré comme mieux connu par les lecteurs. Exit donc les fondements théologiques et les rituels, Régis Ladous se lance d’emblée dans la gageure de restituer, en quelques pages, une histoire qui rende compte de la variété des Eglises chrétiennes. Il présente ensuite une réflexion sur le christianisme «dans le siècle» où il aborde l’existence d’une exception française en matière de laïcité ou sur l’existence d’un modèle européen (voire allemand). L’intérêt ici est de présenter une variété de situations alors que l’on confond bien souvent la loi française de 1905 avec la laïcité elle-même. Pour évoquer ensuite les problèmes internes aux Eglises chrétiennes, les dérives sectaires, le fondamentalisme ou l’intégrisme, l’auteur se fait essayiste en introduisant un ton plus personnel dans ses réflexions sur des sujets que les sciences sociales n’ont pas encore «digérés».

Quant à Ghaleb Bencheikh, il prend le temps d’une introduction très claire: «Ainsi, la question islamique est-elle devenue, depuis deux décennies, cruciale et fondamentale en France et dans le monde entier». Et d’évoquer les attentats de New-York et Londres et la «méconnaissance gravissime» de l’islam, dont le seul nom «génère beaucoup de fantasme». Il s’agit donc pour lui de présenter les fondements de la religion, tout en combattant les idées fausses (onze pages concernant le djihâd!) non sans sacrifier à quelques passages obligés comme ce petit texte destiné à montrer les emprunts que le français fait à l’arabe.

Au final c’est un étrange objet que cet ouvrage où les auteurs oscillent entre leur position d’enseignants (Régis Ladous et Richard Ayyoun sont respectivement maître de conférences à aux Langues’O et professeur à l’Université Lyon III) et celle d’essayistes. C’est Ghaleb Bencheikh, président de la conférence mondiale des religions pour la paix, qui s’affirme le plus comme un acteur du débat entre la religion et la société, en présentant un islam volontiers pacifiste et féministe, tel qu’il voudrait qu’il soit vu. L’on est assez loin de «l’initiation» que promet le titre. La tonalité variant d’un chapitre à l’autre et d’un auteur à l’autre, le lecteur pourra regretter l’absence d’une approche commune, ou d’une conclusion destinée à aller plus loin dans la réflexion sur les relations entre religions et société. Il trouvera cependant, dans ces trois textes, matière à mieux connaître le religieux.

auteur

Richard Ayoun, Ghaleb Bencheikh et Régis Ladous

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