Djamel Masri BOULEBIER : Constantine : de la ville au sport. Texte de synthèse, 58 pages, textes de publications 34 pages. Habilitation universitaire à la direction de recherche, sociologie, Université Mentouri de Constantine, 2006.

Le dossier préparé par D. M. Boulebier comporte deux documents: une pièce rassemblant les tirés à part des publications faites et le texte de synthèse des travaux de recherche en vue de l’obtention de l’habilitation universitaire à la direction de recherche.

Un nouveau regard sur des phénomènes urbains marquants par le biais de l’approche de la pratique sportive, véritable fait social, culturel, politique et économique est porté par le chercheur, notamment sur la ville et les divers acteurs sociaux impliqués. Cette démonstration est soutenue par la qualité de la bibliographie consultée.

A côté des travaux déjà publiés (‘le football, l’urbain et la démocratie’, ‘L’Algérie au miroir du sport’) utilisés dans le texte de synthèse, la lecture faite pour cette HDR mérite d’être exposée selon la structuration du texte en trois volets.

- La ville, ‘‘creuset du changement social en Algérie’’ présente certes, des structures urbaines différenciées (espace de marginalisation, espace d’exclusion…), mais elle demeure le lieu privilégié de la pratique sportive tout en apparaissant comme un territoire de confrontation sociale; sur son objet, le candidat construit son questionnement.

Deux idées émergent: le processus d’appropriation symbolique de la ville de Constantine par les nouvelles populations puis leur tentative d’intégration dans la ville (cas de du quartier des Frères Abbas dénommé localement Oued el-Had par exemple). Est décrit le rôle du club sportif d’affiliation, l’engagement des supporters corps et âmes et leurs rites qui donnent ‘‘sens et vie à la Cité. Groupes sociaux, clubs concurrents et stigmatisations des uns par les autres (Mouloudia de Constantine et Club sportif de Constantine) sont étudiés dans le contexte des apports démographiques ruraux et des détenteurs du pouvoir politique local constantinois’’. Comme dans toutes les grandes villes algériennes, le football permet ‘‘de tisser de nouvelles identités, loin des mythes fondateurs’’.

- L’utilisation des travaux exécutés dans le cadre du projet de recherche (établissement du Crasc) ‘Sport, espace et société: Constantine, passé et présent’ pour l’analyse apparaît en partie comme le résultat d’un travail collectif et multidisciplinaire qui élargit l’espace, au-delà de Constantine, au Nord-est algérien en cherchant à établir la correspondance entre hiérarchie sociale, hiérarchie sportive et hiérarchie urbaine. A juste titre, le candidat signale le peu de travaux sur le thème en Algérie et développe l’idée de la lente et difficile intégration, au cours de l’histoire coloniale, de la minorité musulmane dans les associations sportives. Le recours à l’histoire, à la presse et à la mémoire de quelques acteurs apporte un savoir scientifique appréciable à la connaissance de la société constantinoise dans le champ sportif. Les acteurs publics et privés, les chercheurs, les communautés ethniques ont leurs propres stratégies pour s’imposer par la force de la loi ou par la pratique politique (série de références prises dans les travaux d’historiens comme G. Meynier, O. Carlier, F. Colonna, M. Harbi, B. Stora, M. Kaddache, A. Djeghloul…). De fait, D. M. Boulebier apporte sa pierre à la constitution d’un savoir sur ce thème, enrichi par des biographies d’acteurs dirigeants et d’acteurs pratiquants musulmans et qu’il compte poursuivre. En outre, il s’appuie sur ses travaux portant sur les courses hippiques développées dans toute l’Algérie coloniale et signale ‘‘ce spectacle fortement codifié’’. Ce travail s’adosse sur la compilation fouillée de la presse constantinoise pour expliquer les mécanismes de fonctionnement et les stratégies et ceci, en tenant compte des contextes politiques de l’époque qui permettaient à chaque acteur de mettre en œuvre ses stratégies et ses pratiques. De même, D. M. Boulebier s’attache à étudier la gymnastique à la veille de la Première guerre mondiale en reprenant le même schéma de développement relatif aux courses hippiques, tout en relevant ‘‘la difficulté à construire une identité sportive musulmane en situation coloniale’’ (p. 32). Sur le plan méthodologique, il faut tout de même relever la prudence affichée face à bien des affirmations et des écrits de la presse locale de l’époque.

Le développement de ‘l’associatisme’ musulman à travers la création de clubs sportifs institutionnels atteste de la volonté d’afficher la modernité d’un côté et, celle d’une affirmation culturelle ‘musulmane’ de l’autre; des biographies de dirigeants et de sportifs musulmans sont exposées même si le candidat parle d’acculturation (p. 44) sans démontrer la complexité de ce concept appliqué à une partie de la société ‘indigène’.

- Les recherches en cours confirment la continuité de la réflexion entamée par D. M. Boulebier sur la ville et le sport et ce dernier objet est élargi à d’autres disciplines approchées (cyclisme, course à pied, football en milieu rural…).

Lié à la recherche en cours, le candidat s’intéresse aussi à la formation de post-graduants qu’il tente de conseiller, de suivre et d’intégrer dans des projets. D’autres programmes de recherche sont exposés (coordination d’un futur numéro de la revue d’anthropologie et des sciences sociales ‘Insaniyat’ sur le thème du sport, montage d’un projet de coopération sur le même domaine avec l’université de Franche-Comté et l’université de Constantine, réalisation d’un atlas du sport…).

D’après ses textes, Djamel Masri Boulebier est perçu comme un chercheur passionné qui donne une place notable et novatrice à la problématique du sport et à ses méthodes d’approche et ce, tout en apportant un savoir certain à la compréhension du phénomène sportif en Algérie, et restant à la fois proche de la réalité de son espace et de sa société. Bien plus, il est passé du statut de chercheur isolé à celui de chercheur arrivant à mener un groupe multidisciplinaire associant des sociologues, des géographes, des anthropologues… La qualité de son travail est reflétée aussi par l’étendue de ses lectures sur le thème et au-delà du thème. Enfin, le style de son écriture reste, globalement, de bonne facture.

auteur

Abed Bendjelid

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