Législation foncière et filières de production immobilière à Sidi-Bel-Abbès

Insaniyat N° 14-15|2001|Numéro spécial:Premières Recherches|p.101-112| Texte intégral


Abdelkader BOUCHENTOUF


Problématique

L’analyse développée s’articule autour de la problématique suivante : Quel est l’apport de la politique foncière à la fois dans le processus de production du cadre bâti et dans la transformation et la restructuration de l’espace et des rapports sociaux urbains ?

Le choix de la ville de Sidi-Bel-Abbès comme terrain d’étude présente un intérêt certain à plus d’un titre. D’abord parce que c’est une ville où la croissance urbaine a été des plus spectaculaires ces dernières années et deusio parce qu’elle a connu une évolution singulière. Sidi-Bel-Abbès est l’un des premiers centres de peuplement créé par la colonisation française dans les plaines du Tell occidental. Elle demeure la seconde ville de l’Ouest algérien, même si elle a perdu son 5ème rang à l’échelle nationale comme établi au recensement général de la population de 1966, avec une population résidente estimée en 1998 à 181.980 habitants. Il faut noter aussi que sa population d’avant l’indépendance évaluée à 105.350 habitants est de loin supérieure à celle relevée en 1966 (88.632 habitants). C’est seulement avec le lancement des premiers programmes industriels et sa promotion en chef-lieu de wilaya lors du découpage administratif de 1975, qu’elle retrouva son dynamisme démographique et redevient une ville attractive.L’extension urbaine qu-i s’en est suivie a été remarquable, dévorant les espaces périphériques agricoles à une cadence jamais égalée. Un peu plus de 1.800 hectares ont été mis à la disposition de l’urbanisation à Sidi-Bel-Abbès entre 1977 et 1999 ; elle qui s’étalait  sur
à peine 570 hectares à la veille de l’indépendance du pays. La ville coloniale cède devant de nouvelles formes d’occupation de l’espace nées d’une politique volontariste engagée par les pouvoirs publics pour répondre ou du moins atténuer les effets d’une demande sociale de plus en plus pressante. L’Etat se retrouve au cœur de toutes les transformations urbaines.

Les modes d’appropriation du sol et les processus immobiliers qui les accompagnent sont la pierre angulaire de ces bouleversements qui affectent l’espace urbain.

Trois interrogations essentielles constituent la trame de cette approche :

- Comment s’articule la législation foncière avec la production du sol urbain ?

- Quels sont les agents et les principaux mécanismes intervenant dans la production immobilière ?

- Quelles sont les composantes socio-spatiales structurant l’espace urbain produit ?

Ce travail est présentée en trois parties complémentaires :

- La première intitulée : législation foncière et appropriation du sol urbain, a trait à l’identification des divers mécanismes de production foncière et des configurations spatiales qui en résulteraient tout en saisissant le fonctionnement du mode de production du sol urbain avec les stratégies des différents acteurs.

- La seconde partie traite des filières de production du logement par l’analyse des divers mécanismes de production immobilière et l’identification des agents qui interviennent dans ce processus. Il s’agissait d’apprécier, également, la part de chacune des filières dans la satisfaction des différents segments de la demande sociale.

- Dans la troisième partie que nous avons intitulé : configurations socio-spatiales et restructuration urbaine, il s’agissait d’appréhender les composantes socio-spatiales qui structurent l’espace urbain né de cette double production foncière et immobilière.

  1. Méthodologie

Sur le plan méthodologique, nous avons opté pour deux types d’enquêtes par échantillonnage (méthode aléatoire ou probabiliste au 1/5) :

  • - Une enquête scolaire qui a touché 14 écoles primaires où un questionnaire a été distribué aux élèves et supervisé par le directeur d’école.

- Une seconde enquête complémentaire a été menée sur dossiers auprès de la commune de Sidi-Bel-Abbès, de la daïra et des divers organismes locaux (opgi, eplf, algrfu).

- Nous avons également pu avoir accès aux archives des diverses directions du conseil exécutif de wilaya (duch, dpat, direction des domaines).

- Enfin, nous nous sommes appuyés sur quelques entretiens (Directeur de l’Agence foncière, anciens élus locaux et quelques patrons d’entreprises de btp), des biographies de citoyens et des investigations auprès des courtiers connus sur la place bel-abbésienne pour leur connaissance du marché immobilier et foncier.

  1. Résultats
  • Sur le plan foncier, il est indéniable que la politique des réserves foncières communales a marqué l’espace urbain pendant plus d’une quinzaine d’années. En dépit d’une aisance dans la mobilisation des sols urbains, la gestion de l’espace urbain n’a pas répondu à toutes les attentes. A la complexité des procédures s’est grevée l’injonction des tutelles et la multiplication des intervenants, qui ont dénaturé le monopole conféré aux communes sur les terrains urbains. L’offre foncière pour les besoins des particuliers a été au centre des affaires communales et des préoccupations majeures des élus locaux, jusqu’à se transformer en véritable obsession foncière.
  • L’accès au sol a été d’autant plus facilité par la faible valeur des prix des terrains qui était fixé administrativement et également en raison de la prise en charge par le budget de l’Etat du financement de l’essentiel de la viabilité et de l’équipement des terrains. Cette facilité d’accès aux sols urbains n’a pas empêché l’apparition de comportements, aussi bien institutionnels qu’individuels, qui ont dévoyé l’esprit et la lettre de la politique des réserves foncières. Il s’en est suivi une surconsommation de terrain, des extensions urbaines démesurées, des dépenses de viabilité excessives, le tout couronné par l’émergence d’un marché foncier parallèle, toléré et souvent entretenu, offrant des rentes de situation substantielles.
  • Les tissus urbains produits ont été dominés dans une première étape par les zones d’habitat urbain nouvelles (zhun) ; la zhun sud-est, première du genre à Sidi-Bel-Abbès d’une superficie de 127 hectares, a nécessité plus de 66 Millions de dinars dont plus de 68% a été débloqué avant 1982 pour sa viabilisation soit un coût de plus de 52da/m². Elle accueille aujourd’hui plus de 5500 logements pour une capacité fixée initialement à 4690 logements. La typologie de l’habitat est caractérisée par une prépondérance du collectif vertical de 3 à 5 niveaux (plus de 94% de la capacité installée). Cette typologie est imposée à la fois par les aspects quantitatifs de la résolution de la crise du logement et les procédés de réalisation adoptés selon le plan de masse dit «chemin de grue» pour répondre à ces besoins.
  • Une seconde zhun, la zhun nord d’une superficie de 296 ha et d’une capacité initiale de 7.500 logements, accueille actuellement environ 10.000 unités, soit une densité nette de 70 logements/ha. Les travaux de viabilisation sont pris en charge au titre des plans sectoriels (psd) et des plans communaux de développement (pcd) en tranches annuelles successives et souvent discontinues, ce qui entraîne des surcoûts appréciables.
  • Enfin une troisième zhun – la zhun nord-est – dont l’étude initiale couvrait une superficie de 220 ha dont 120 ha destinés à l’aménagement d’une zone d’habitat pour une autorisation de programme (ap) de 4.000.000da, a nécessité une étude complémentaire en plan d’occupation des sols (pos) pour un montant de 5.000.000da, après la décision d’implanter un lotissement de 900 lots sociaux sur des terrains réservés auparavant à l’habitat collectif qui se trouve, ainsi, largement déclassé par l’habitat individuel qui représente plus de 50% du programme projeté contrairement aux deux h.u.n précédentes.
  • La première génération des zhun (zhun sud-est particulièrement pour notre cas d’étude) a réduit ces configurations spatiales à une simple équation mathématique où la surface foncière est la base de toutes les projections, créant ainsi un espace cloisonné, rigide et figé ; obéissant à une grille d’équipements ne tolérant ni la souplesse, ni l’imprévisible et encore moins l’hétérogénéité et le coté artistique qui caractérisent traditionnellement la ville. La mise en œuvre des nouveaux instruments d’urbanisme et l’expérien,ce acquise ont permis une révision des méthodes d’approche aussi bien en matière de composition urbaine que d’occupation de l’espace. La « rue » reprend sa place et l’habitat collectif côtoie, désormais, les lotissements destinés à l’habitat individuel.
  • Les lotissements urbains n’ont vu leur apparition dans le paysage urbain qu’à la faveur de la promulgation de l’ordonnance portant réserves foncière au profit des communes par laquelle l’Etat a inauguré sa politique d’habitat individuel en milieu urbain pour répondre à la pression de la crise du logement et des besoins de confort exprimés par les couches moyennes en pleine expansion au risque de remettre en cause l’ordre établi. La circulaire du ministère de l’intérieur du 07/04/1980 allait amplifier l’intervention de l’Etat dans cette production foncière en instruisant les communes à réaliser chaque année un objectif moyen de 200 lots de construction à mettre à la disposition des particuliers.
  • Trois lotissements ont été ouverts en 1981 au sud de la ville totalisant plus de 1.300 lots à bâtir et plus de 80 ha ont été lotis, soit environ 2.000 lots, entre 1986 et 1988. En 1989, 75 autres hectares ont été lotis sur une partie de la zhun nord totalisant quelques 970 lots. Evidemment que le mode d’attribution n’a pas toujours obéit à la procédure balisée par le législateur pour contraindre les décideurs locaux à une rectitude sans faille. Les travaux de viabilité sont lancés, le plus souvent, bien après le démarrage de la réalisation des habitations avec tout ce que cela implique comme contrainte pour les auto-constructeurs.
  • Le caractère d’urgence des opérations imposé aux techniciens ne leur a pas permis d’approfondir les études sur la qualité du tissu urbain à créer. La taille des lotissements n’a pas également facilité le travail de conception. Cette composition est encore diminué par la qualité du cadre bâti produit qui se caractérise par une architecture banale sans modèle référentiel en plus d’une sur-occupation du sol donnant un aspect massif aux constructions. Les constructions affichent nettement les inégalités entre les catégories sociales bénéficiaires. Pour les derniers lotissements, les études ont été plus approfondies après la levée des contraintes d’urgence et aussi du fait de l’expérience des premières opérations, par contre la qualité du bâti a subi les aléas de l’augmentation des coûts de construction. Si le marché spéculatif qui s’installe parallèlement à la production foncière publique, commence à stratifier la demande et à la répartir dans l’espace urbain à travers les prix pratiqués ; l’offre publique née à la faveur des nouvelles orientations politiques s’oriente vers la naissance de configurations spatiales d’un nouveau genre. Le lotissement social constitue l’expression spatiale de cette nouvelle tendance en direction catégories sociales à bas revenus et d’un retour du clientélisme politique à la faveur des transgressions aux règles d’attribution arrêtées. L’espace rural périphérique n’a pas été en marge de la pression urbaine en recevant les manifestations d’une urbanisation en panne d’espace, de conception et de gestion. Pour l’éradication de l’habitat précaire, les pouvoirs publics ont préféré opter pour la manière forte, en délimitant un espace extra-muros, en fixant des délais réalisation courts (4 mois), en adoptant un montage financier diversifié (psd, pcd et budget de wilaya) et enfin en engageant la force publique dans le déplacement des populations bidonvilloises.
  • Les réformes engagées à la fin des années quatre vingt avec la mise en œuvre du nouveau régime juridique foncier n’ont pas encore bouleversé la gestion de l’espace urbain à Sidi-Bel-Abbès ; ceci tient à deux facteurs fondamentaux dont le premier à un caractère global et le second est spécifique :

- Le désengagement de l’Etat est encore mitigé,

- La particularité historique du statut de la propriété foncière à Sidi-Bel-Abbès n’a pas permis au privé une appropriation foncière massive à l’exclusion de l’intermède colonial.

Le seul transfert du portefeuille foncier à l’agence foncière, n’a pas suffi ni à améliorer la gestion du sol, ni à lui faire retrouver sa valeur marchande. Le minimum de transparence garanti, auparavant, par le droit de regard des élus sur les actes fonciers à défaut d’un contrôle populaire effectif, a laissé place à une facilité d’action fortuite de l’administration sur le sol urbain. Certes, ce cloisonnement permet encore une maîtrise de l’offre foncière, mais ne peut éviter les comportements longtemps décriés des différents acteurs dans cette situation monopoliste. La mise en œuvre d’un marché foncier présentée, le plus souvent, comme la panacée à tous ces écarts n’est pas encore effective. Les réticences des pouvoirs publics ne sont plus d’ordre idéologique ; mais trouvent, plutôt, leurs fondements dans le risque de perdre un moyen efficace de contrôle et de subordination des couches urbaines.

L'équilibre est à rechercher à travers une série de mesures concourant à l'émergence d'un marché foncier plus transparent et moins bureaucratisé et qui s'articuleraient autour de :

- l'institutionnalisation d'un droit de préemption public sur tous les terrains non bâtis et à l'intérieur des périmètres d'urbanisation, sur le foncier bâti,

- la fixation d'un prix de référence des terrains à urbaniser avec intervention d'un portefeuille foncier public afin de réguler le marché,

- l'encouragement et l'incitation des collectivités locales à assurer une fonction de promoteur public de l'urbanisation avec le bénéfice d'un droit d'expropriation.

En matière de production immobilière trois grandes filières se partagent la réalisation des logements à Sidi-Bel-Abbès, elles se distinguent par leur rapport au sol, leurs modalités de financement, le procès de travail développé et leur cible sociale.

La filière publique a démarré par les premiers programmes d’habitat urbain planifié. Les opérations sont initiées au niveau central. Le financement du projet inscrit à l’indicatif du wali est assuré en totalité par le Trésor public (après 1979), la cnep demeure le gestionnaire des crédits alloués. Le rythme de réalisation est resté en deçà des objectifs arrêtés. A titre d’exemple une opération de 1500 logements confiée à la sorecor, qui disposait d’une unité de préfabrication lourde, n’a été achevée en partie qu’au bout de 156 mois pour un délai contractuel de 54 mois, soit un taux de réalisation de 8.5logts/jour pour une capacité installée de 1logt/jour. Ces allongements des délais de réalisation n’ont pas manqué de se répercuter sur les coûts de construction et par la même sur l’équilibre financier des entreprises. Le coût d’un logement moyen s’est multiplié par 5 fois en mois d’une vingtaine d’années (210.000DA en 1979 à 1.000.000 DA en 1995).

Plus de 6.600 logements ont été réalisés à Sidi-Bel-Abbès dans ce cadre. Ceux sont les couches moyennes qui ont été la cible préférentielle de ces programmes d’habitat. Un glissement vers les couches inférieures s’est opéré à la fin des années 80 à la faveur des premiers programmes d’habitat social locatif.

Cette filière a aussi pris en charge la production immobilière destinée à la résorption de l’habitat précaire. Deux opérations ont été initiés à Sidi-Bel-Abbès à deux périodes distinctes, la première constituée de 200 logements a été lancée en 1980 pour le relogement des habitants d’un bidonville hérité de la période coloniale qui constituait un obstacle à la réalisation de la zhun sud-est, et la seconde de 500 logements au lieu dit Bouaïche fut engagée en 1994 pour accueillir les populations bidonvilloises qui pris d’assaut la périphérie urbaine et les espaces interstitiels du tissu urbain. La nature du financement et le coût du logement préalablement arrêté ont imposé, à la fois, les sites d’accueil qui devaient être inéluctablement à l’extérieur du périmètre urbain et un modèle architectural sobre. Le coût du logement a été arrêté à 120.000da pour le 1er cas et à 157.000da pour le second, réduisant ainsi au minimum la surface bâtie de même que les prestations. C’est une production destinée aux couches sociales les plus démunies.

Il faut dire aussi que L’habitat planifié a engendré des ascensions remarquables : de petits tâcherons se sont hissés au rang d'entreprises modernes de bâtiment à partir des profits générés par ces programmes. Il en est de même de beaucoup de ménages qui ont dégagé des plus-values importantes provenant de la revente de ces logements acquis à des prix dérisoires, et qu'ils ont injecté dans la construction individuelle.

La filière individuelle qui a été longtemps l’apanage des lotissements urbains, s’est convertie ces dernières années au lotissement social. Ces deux formes de production immobilière diffèrent par leur genèse, leur organisation, leurs mécanismes et leur cible sociale. En moins d’une décennie une quinzaine de lotissements urbains sont ouverts totalisant plus de 4.300 lots à  bâtir dont plus de 60% sont aujourd’hui achevés. Cette production est le résultat d’une politique volontariste de l’Etat. Elle est soutenue en amont par une promotion foncière publique résolue et à l’aval par une demande émanant des couches moyennes et des strates supérieures urbaines. L'encouragement de l’Etat est aussi assuré à travers un soutien aux prix des matériaux de construction, la prise en charge des travaux de viabilité au moins pour les réseaux primaires et secondaires et les facilités administratives pour l’obtention de prêts à la construction. Le système de production est dominé par la participation du propriétaire qui fait appel à une main d’œuvre qualifiée ou engagent carrément des petits tacherons. Les délais de réalisation sont généralement supérieurs à 5 années, ce qui se traduit par un tissu urbain hétérogène et offrant un paysage inachevé. Le financement est constitué de sources diverses selon les couches sociale s concernées.

L’hétérogénéité du tissu urbain produit est assez révélatrice de la diversité de la cible sociale de cette production immobilière. Malgré la prédominance des couches moyennes supérieures dans la structure des bénéficiaires de ces lotissements, il n’en demeure pas moins que les autres catégories sociales sont représentées avec des proportions variables. Cette mixité sociale résiste difficilement aux retombées du PAS. Un second mouvement de reclassement socio-spatial, même s’il n’est qu’à ses débuts, est en train de s’opérer dans ces espaces urbains ; obligeant les couches urbaines moyennes à s'adapter aux contraintes économiques nouvelles et à revoir leur stratégie d'occupation de l'espace. Ce processus de sélection et de hiérarchisation des situations sociales a enclenché une mobilité résidentielle qui est en train de régénérer la traditionnelle division sociale de l'espace.

Le lotissement social constitue un retour de l’Etat au double plan de la production foncière et à l’assistance à l’auto construction. Le prix du terrain est fixé à 80da/m² (soit une réduction de 80%), le financement des travaux de viabilisation est pris en charge en totalité par le budget de l’Etat. Les lots à bâtir ont en moyenne une superficie de 80m². la cible sociale visée par les initiateurs est noyée dans un amalgame de catégories sociales à revenus modestes.

La filière promotionnelle a été mise en chantier à la fin des années quatre vingt pour palier, d’une part, au déficit du financement public en faisant appel à l'épargne privée et, d’autre part, donner un second souffle à la production du logement. En dépit de l’intervention des pouvoirs publics pour impulser ce nouveau système, les coûts de production ont constitué un facteur de blocage insurmontable et faute de clientèle potentielle affectée par les retombées du PAS ; cette production s’est complètement arrêtée dès 1995, même si elle mis sur le marché immobilier quelque 2.253 logements. Les premières opérations ont ciblées les couches moyennes à revenus modérés, par contre les derniers projets sont revenus aux couches intermédiaires supérieures.

La filière privée a fait son apparition à SBA à la fin des années 80. Elle se caractérise par un maigre bilan et une production concentrée et sélective (Trois opérations totalisant en tout et pour tout 214 logements ont été initiés par deux promoteurs). Elle a opté pour la production de logement haut standing, ciblant les couches sociales aux revenus les plus élevés. La dégradation du pouvoir d’achat des couches moyennes conjuguée aux prix prohibitifs pratiqués non pas permis de drainer une demande solvable apte à dynamiser cette production immobilière.

Le programme de logement promotionnel aidé initialement comme appoint aux programmes d’habitat social locatif, s’est très vite transformé en un véritable sous-système de promotion immobilière. Il s’appuie sur une aide financière directe de l’Etat et la participation du ménage dans le montage financier mis en place par un promoteur choisi sur appel à la concurrence initié par l’administration. C’est un système qui a pu mettre sur le marché une offre immobilière conséquente en un temps record, pour la seule année 1998, plus de 1400 logements ont été lancés dont plus de la moitié sont livrés et plus de 3000 logements sont mis en chantier en 1999 en deux tranches. Les conditions de production du logement et le mode de financement ont contribué à rendre ce système très compétitif et accessible à une grande partie des franges inférieures des couches moyennes urbaines. Le logement promotionnel aidé est en passe de dominer l’espace urbain et sa vitalité contraste avec le fait que sa cible sociale soit constituée en grande partie des couches urbaines les plus vulnérables. Les premiers signes d’essoufflement de cette production immobilière commencent à se manifester à travers, notamment, la multiplication des appels à la souscription, l'allongement des délais de réalisation et la recherche d'économie forcée sur les prestations.

L'analyse des filières de production immobilière révèle l'existence d'un système dévoyé par la conception de "l'Etat-providence" où les pouvoirs publics s'embourbent dans tous les actes liés au logement, au lieu d'opter pour un système ouvert à toutes les initiatives et capable de prendre en compte l'ensemble de la demande et la diversité des situations socio-économiques des populations urbaines.

L'Etat devrait poursuivre son effort de désengagement de la gestion du logement, depuis sa conception jusqu'à sa distribution, pour renouer avec une fonction de facilitation des marchés et de leur régulation. En somme, son rôle est d'abord de favoriser l'émergence des marchés foncier et immobilier, ensuite de les réguler avec des instruments qui n'interfèrent pas sur le libre jeu de la concurrence. Il s'agit de passer de l'Etat propriétaire foncier, constructeur, distributeur, bailleur et gestionnaire, à l'Etat régulateur.

L'analyse des processus de production foncière et immobilière n’a d’intérêt que si elle arrive à aborder l’impact de ces derniers sur les formations socio-spatiales qui constituent, en définitive, leur finalité. Trois grands sous-espaces urbains dominent le tissu urbain produit ces dernières années.

Dans une première phase les zhun ont accueilli les programmes publics d'habitat collectif et par la suite des opérations de promotion immobilière et même, ces dernières années de l'habitat individuel. Les lotissements ont été destinés à l'habitat auto-produit et des sites particuliers ont été créés pour des opérations de résorption de l'habitat précaire. Sur le plan social, dans une même configuration se côtoient divers groupes sociaux dont les proportions varient selon la spécificité de chaque zone. Les espaces des couches moyennes ne manquent pas de poches pauvres, ni de noyaux de couches supérieures.

C'est dans les zhun sud-est et nord que l'on retrouve la stratification la plus complexe de l'espace urbain. L'uniformité du tissu urbain, dominé par l'habitat collectif dans la première zhun, cache une mixité sociale des plus fortes de l'ensemble urbain. Il en est de même de la zhun nord où la diversité de la morphologie urbaine témoigne de l'hétérogénéité socio-professionnelle qui caractérise les groupes sociaux de cet espace, particulièrement dans leur rapport à la propriété du logement. C'est dans les espaces réservés à la résorption de l'habitat précaire que l'homogénéité sociale, dominée par les strates pauvres à statut économique précaire, est plus perceptible que nulle part ailleurs.

L'évolution socio-politique du pays et les retombées du Plan d'ajustement structurel ont introduit de nouveaux comportements sociaux qui affectent aujourd'hui l'espace urbain. Les mécanismes de la division sociale de l'espace commencent à se mettre en place au détriment d'une mixité sociale longtemps entretenue par une politique volontariste de l'Etat socialiste. La mobilité résidentielle des populations qui caractérise l'espace urbain, ces dernières années, est la manifestation d'un processus, à la fois, de recomposition sociale et de restructuration du paysage urbain qui clarifie les démarcations entre les différents espaces sociaux.

Conclusion

L'analyse des processus de production foncière et immobilière permet de conclure que l'Etat demeure le principal acteur des transformations qui traversent l'espace urbain. Il est à la fois le législateur, le concepteur, le pourvoyeur de fonds et parfois l'entrepreneur.

L'intervention des pouvoirs publics s'articule autour de quatre dispositifs fondamentaux :

  • l'adoption du mode de planification centralisée comme processus de direction du développement économique.
  • une législation foncière qui a permis une aisance particulière dans la mobilisation des sols urbains.
  • la prise en charge de l'aménagement et de l'essentiel de l'équipement des assiettes foncières et la mise en place d'un dispositif de financement de l'habitat et de soutien à l'accession à la propriété du logement par une politique de crédit ou tout simplement en aide directe.
  • la création d'entreprises publiques et l'encouragement des entreprises privées pour qu'elles se dotent en moyens de réalisation modernes.

En dépit des réformes engagées vers la fin des années quatre-vingt qui se voulaient "désétatisantes", l'Etat demeure incontournable et continue à s'impliquer dans la gestion du sol urbain par le truchement, à la fois, d'une législation accordant, encore, une place privilégiée à l'autorité publique et aux organismes publics sous contrôle direct de l'Administration. L'analyse des filières de production immobilière dévoile un système perverti par la conception de "l'Etat providence" où les pouvoirs publics s'enlisent dans tous les actes liés au logement, de la conception jusqu'à la distribution et parfois même dans les scandales qui les accompagnent. Malgré toutes les déclarations d'intention, l'Etat n'arrive pas à se désengager entièrement de la gestion du logement, pour la simple raison que ce dernier demeure un motif de contestations politiques dont les velléités peuvent aboutir au conflit violent. Le pouvoir n'est pas près à se départir de ce modèle social dont l'objectif est de faire concorder la société politique à la société civile.

La privatisation programmée de l'économie nationale permettra t’elle l'émergence d'un véritable marché foncier et immobilier ? La cession des Biens de l'Etat, l'ouverture du marché locatif et la libéralisation de l'activité immobilière participent à cette mutation économique. Une série de micro-marchés du logement représentés essentiellement par des agences immobilières, qui ont proliféré ces dernières années, établissent déjà de nouvelles règles marchandes.

Une géographie très contrastée des prix de logements, à la vente ou à la location, entre les différents secteurs urbains s'affirme dans l'espace urbain. Les écarts sont remarquables. Quels sont les principaux facteurs de la hausse des valeurs immobilières ? Quelles sont les variables auxquelles obéit la variation des prix à l'échelle de l'agglomération ? L'offre massive de logements à Sidi-Bel-Abbès (uniquement au titre du programme "socio-locatif" plus de 1.500 logements sont en attente de distribution depuis juillet 2000) et le tassement de la demande interpellent les autorités locales sur la démarche suivie jusqu'alors. Se dirige-t-on vers un ralentissement de la production immobilière ? Quels types de stratégies vont développer les divers acteurs ?

Les transformations qui affectent le corps social, depuis quelques années déjà, ont tendance à affirmer une division sociale longtemps noyée dans un simulacre "d'unité" de la société et à la rendre plus implacable. Cette recomposition sociale se conjugue à une restructuration du paysage urbain où les frontières entre les différents espaces sociaux sont plus perceptibles et les entités spatiales se distinguent par leur tissu urbain spécifique. Ce double processus de restructuration du tissu social et urbain introduit discrètement la traditionnelle division sociale de l'espace où les inégalités sociales se traduisent dans l’espace par l'expulsion des pauvres vers les secteurs d'habitat populaire et les couches aisées s'accaparent du centre et des espaces résidentiels de standing.

Ce rapport à l'espace se traduit par une mobilité résidentielle intra-urbaine obéissant à des stratégies de type individuelles ou collectives dont le support est constitué principalement par le marché foncier et immobilier. Comment se réalise cette mobilité résidentielle ? Quelles sont ses caractéristiques ? Et quels sont ses effets sur la structuration de l'espace urbain ? Il ne s'agit pas simplement d'analyser le changement de résidence d'une population à l'intérieur de l'agglomération, mais de saisir les stratégies des différents acteurs, les nouvelles divisions de l'espace intra-urbain et les nouvelles formes de ségrégation résidentielle.

La ville ne peut plus être appréhendée en termes seulement quantitatifs, mais par la qualité de vie individuelle et collective qu'elle offre à ses citoyens. Qui fait la ville ? Qui décide de la ville ? On a un peu tendance à simplifier le problème en répondant que c'est bien entendu la puissance publique qui prend et signe la décision, que ce sont bien ses services, ses techniciens qui la préparent. On assiste ces dernières années au développement spectaculaire du mouvement associatif qui, au nom de préoccupations légitimes de défendre tel ou tel élément de la qualité de vie dans la cité, a obtenu de pouvoir faire entendre sa voix. Quel est le processus décisionnel ? Comment se répartissent les pouvoirs, entre l'Etat et les Municipalités, entre les administrations et les élus locaux ? Quel est le poids des associations ? Et quelle place ont les usagers ? Toutes ces questions demeurent incontournables dans les choix de politiques urbaines pour les prochaines décennies.

Abdelkader BOUCHENTOUF


Note

* Magister, géographie (sous la direction de Bendjelid, Abed), Université d'Oran, 2001.

 

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